Référendum sur la Constitution européenne:

Ce n’est pas par le bulletin de vote que le capitalisme peut se combattre !

(«le prolétaire»; N° 476; Avril - Mai 2005)

 

 

Opium électoral

 

Le référendum sur la «constitution européenne» est devenu la question politique centrale dans la dernière période; non seulement toutes les forces, petites ou grandes, de l’échiquier politique en ont fait l’axe principal de leur activité, mais les organisations et associations les plus diverses, à commencer par les syndicats, ont fait de même implicitement parfois, explicitement le plus souvent. Les partisans du non affirment que si la constitution passe, les capitalistes - pardon! les firmes transnationales aidées par les bureaucrates de Bruxelles - se lanceront à l’assaut de leurs conditions de vie et de travail; les partisans du oui rétorquent que si la constitution est rejetée, ce sera la victoire des tenants d’une Europe réduite à un grand marché et la fin des protections face au marché mondial. Tous assurent aux prolétaires que le choix du bulletin qu’ils glisseront dans l’urne aura les conséquences les plus importantes sur leur sort et celui du pays tout entier.

En réalité, il n’en est rien. Les cercles bourgeois dominants, les grands groupes capitalistes nationaux qui influent de façon déterminante sur les lourdes machineries d’Etat , ne règlent pas leurs actions sur le décompte des bouts de papier que les citoyens vont démocratiquement déposer dans les urnes électorales, mais sur les intérêts et les besoins les plus pressants du mode de production capitaliste dont ils sont les représentants, les fondés de pouvoir ou les auxiliaires. Seul le crétinisme électoral le plus obtus peut s’imaginer que du résultat du prochain référendum vont dépendre les agissements des Etats et des capitalistes français et européens. Si se préparent des attaques «libérales», comme disent les partisans du non, ces attaques auront lieu et les prolétaires devront les combattre, quelle que soit l’issue des consultations électorales actuelles et futures. C’est uniquement sur le terrain de la lutte collective et ouverte que peut se reconstituer et s’exprimer la force de la classe ouvrière, alors que le terrain électoral atomise les prolétaires en millions d’individus isolés parmi des millions d’autres; c’est uniquement sur le terrain de la lutte collective et ouverte que les attaques capitalistes, décidées non par d’obscurs bureaucrates étrangers, mais par les patrons et les bourgeois nationaux (en accord en général avec leurs confrères des autres pays) peuvent être combattues et repoussées. Les illusions électorales que répandent tous ceux qui font campagne sur le référendum, désarment les prolétaires face à ces attaques en leur faisant croire au mirage de bloquer sans douleur les capitalistes, au lieu de les avertir d’avoir à se préparer à des luttes acharnées contre eux: même et surtout s’ils se prétendent «ouvriers», «communistes» et «révolutionnaires», ces gens-là travaillent objectivement pour les bourgeois.

 

Le référendum, diversion aux luttes

 

Toutes les consultations électorales qu’organise régulièrement la bourgeoisie ont comme fonction d’alimenter les illusions démocratiques qui sont pour elle un moyen de défense particulièrement efficace; en effet tant que les prolétaires croient que, facilement et sans effort, les élections peuvent «changer la vie» ou en tout cas décider de la politique générale de l’Etat, ils ne consacrent pas leurs forces à la préparation et à l’organisation tout sauf faciles de la lutte de classe.

Le référendum actuel n’échappe pas à la règle. Il a été lancé au départ par l’Elysée pour des raisons de politique intérieure (redonner une légitimité populaire à un gouvernement affaibli par la grogne sociale) et extérieure (montrer le soutien aux dirigeants français sur les questions européennes et donc renforcer ainsi le prestige de l’impérialisme tricolore face aux pays qui rechignaient à la direction franco-allemande de l’Europe); son succès semblait assuré puisque les seuls opposants à l’Europe sont des forces politiques marginales qui servent de repoussoir à la majorité des électeurs (l’extrême droite d’un côté, le PCF et l’extrême gauche de l’autre). Son échec, que les sondages semblent annoncer au moment où nous écrivons, serait sans doute embarrassant pour les dirigeants politiques, mais il signifierait qu’il a bien rempli son rôle de paratonnerre social, de diversion aux luttes; c’est bien avec cette intention que les bonzes syndicaux, secondés par le PCF et l’extrême gauche, se sont efforcés - y compris comme à la CGT en désavouant la direction - de détourner dans cette impasse le mécontentement prolétarien. Ben plus inquiétant pour la bourgeoisie serait que les prolétaires désertent le cirque électoral: ce serait un premier signe de l’affaiblissement des illusions démocratiques, affaiblissement indispensable pour que renaisse la lutte ouvrière révolutionnaire.

 

Le trotskysme en campagne

 

Toutes les organisations qui se réclament du trotskysme font campagne pour le non au référendum, mais chacune à sa façon, qui reflète le public particulier qu’elle vise ou parmi qui elle recrute. Aucune d’entre elles ne défend donc une position communiste et toutes en réalité trahissent le combattant communiste que fut le fondateur de l’Armée rouge et le défenseur de la dictature du prolétariat.

A tout seigneur, tout honneur. En matière de trahison de tout ce pour quoi a lutté Trotsky, les Lambertistes du Parti des Travailleurs qui d’ailleurs protestent d’être classés à l’extrême gauche, gagnent le bouquet (mais après tout n’avaient-ils déjà pas donné à la France le Premier ministre Jospin? Ils ne pouvaient pas tomber plus bas): leurs positions ne se distinguent en rien de celles des souverainistes. C’est ainsi qu’ils ont constitué un «Comité national pour le non» censé regrouper, entre autres, «des militants de toutes tendances du mouvement ouvrier, démocratique, républicain» (c’est-à-dire, selon le marxisme, de classes différentes, de bourgeois et de prolétaires) et qu’ils diffusent un grotesque «serment» où on peut lire des phrases du genre: «L’heure est grave. Personne ne peut tergiverser. La République est en danger. (...) L’unité de la République, la laïcité, c’est-à-dire la séparation de l’Eglise et de l’Etat, tout cela doit voler en éclats du fait de la régionalisation démantelant les institutions de la République et les livrant aux surenchères des communautarismes». Parmi la description apocalyptique d’une «politique des destruction systématique» «dictée à Bruxelles», le texte n’oublie pas de citer: «Quant à l’industrie et l’agriculture du pays, ne souffrent-elles pas l’une et l’autre d’un véritable démantèlement, d’une mise en jachère grandissante, résultat de la politique de l’Union européenne?».

On comprend que ces défenseurs de la République, de l’industrie et de l’agriculture françaises aient réussi à attirer quelques caciques sociaux-démocrates ou quelques ex-staliniens. Ce sont les représentants de couches dont la survie économique dépend étroitement de la protection étatique et qui ont tout à redouter de l’ouverture à la concurrence des autres pays d’Europe.

La LCR a un discours différent; il s’adresse à des couches séduites par «l’idée européenne», mais effrayées par les duretés de la concurrence. Elle s’efforce de susciter des «Collectifs» autour d’un Appel dit «des 200» (1).

Le ton est donné dès la première phrase du texte: «Face à la mondialisation libérale et aux firmes transnationales, nous avons besoin d’Europe. Mais celle qui se fait aujourd’hui, n’est pas l’Europe dont nous avons besoin». Les auteurs de cet appel sont favorables à une l’Europe qui soit une protection contre les grandes firmes étrangères et contre le marché mondial. Rien d’internationaliste ni de prolétarien là dedans! Ce n’est pas le capitalisme qui est désigné comme adversaire dans la propagande de la LCR, mais le libéralisme ou l’ultralibéralisme (exactement comme Le Pen!). Ce n’est jamais la classe ouvrière, le prolétariat qui est appelé à se mobiliser, mais «les citoyens», «les peuples», «la majorité de la population, des salariés, de la jeunesse». Et ce n’est bien entendu pas le pouvoir dictatorial des prolétaires, étape nécessaire pour aller au communisme, qui est donné comme perspective, même sous la forme grossièrement abâtardie et équivoque d’ «Europe des travailleurs» qui était encore de mise il y a une vingtaine d’années, mais «l’Europe démocratique». Qui dit démocratie, dit plusieurs classes; ce n’est pas par hasard que les auteurs du texte appellent à la formation de collectifs «dans tous les secteurs de la société» (donc dans toutes les classes). L’Europe prêchée par la LCR n’est en effet qu’une version améliorée de l’Europe actuelle, une Europe où le capitalisme n’aurait pas disparu, mais où tous ses mauvais côtés n’existeraient plus, où le développement économique serait «durable» et «compatible avec les équilibres écologiques», etc. - en un mot un rêve petit-bourgeois, creux et mensonger.

Mais la palme du jésuitisme revient peut-être à Lutte Ouvrière. LO est capable de critiquer «le charabia que n’importe quel réformiste pourrait contresigner» de la LCR et, tout en appelant à voter non, dire que «c’est contre le patronat qu’il faut que les travailleurs se défendent, à commencer par leurs propres patrons et le gouvernement qui les protège (...). Pas contre une institution abstraite et pas contre les feuilles de papier d’une Constitution» (2). Le lecteur aura déjà remarqué que ce n’est pas contre l’Etat bourgeois que les travailleurs doivent se défendre, comme si celui-ci ne protégeait pas les patrons, comme s’il n’était pas l’arme suprême du capitalisme. LO est en fait favorable à cette coalition d’Etats bourgeois qu’est l’Union européenne:

«Nous ne sommes pas contre l’Europe, pas même contre cette Union européenne, quand bien même elle répond essentiellement aux exigences du grand patronat et des grands groupes industriels et financiers». Apprécions l’aveu: LO n’est pas opposée par principe aux exigences capitalistes! Comme pour s’excuser, elle ajoute: «L’Union européenne n’est pas pire sur ce terrain qu’aucun des Etats, qu’aucune des sociétés qui la composent». Sans doute; mais c’est bien pourquoi les prolétaires doivent se défendre et combattre contre tous les Etats bourgeois dont la fonction est essentiellement de répondre aux exigences du capitalisme. Pour LO des institutions essentiellement bourgeoises, comme les Etats ou les institutions européennes, peuvent avoir un rôle positif qui les situe en dehors ou au dessus de la lutte des classes: «Même telle quelle, réalisée sur des bases capitalistes, avec tout ce qui en découle d’injustices et d’insuffisances, L’Union européenne représente un progrès dans un certain nombre de domaines. Rien que la fin des cloisonnements économiques et des douanes, ainsi que la libre circulation des personnes représentent un avantage appréciable».

Il s’agit là d’un abandon complet des positions marxistes, la rechute dans le réformisme le plus plat qui prétend que le développement même du capitalisme - non pas dans sa phase initiale où il luttait contre les modes de production antiques, mais à l’époque de l’impérialisme le plus débridé caractérisé par la réaction sur toute la ligne comme disait Lénine - représente un progrès, apporte des avantages appréciables, en un mot est bénéfique aux populations. Avec des «révolutionnaires» de cet acabit, le capitalisme n’a plus besoin de payer des idéologues pour faire sa propagande!

 

Contre l’Europe du capital et contre tous les Etats bourgeois!

 

Les communistes véritables sont irrémédiablement opposés à tous les Etats bourgeois qu’ils présentent aux prolétaires comme le rempart ultime de la classe dominante et de son mode de production, rempart dont la bourgeoisie ne peut ni ne pourra jamais se passer. Seul le communisme pourra en finir avec les Etats nationaux et établir une société sans Etats ni frontières, parce que sans classes et sans exploitation; seul le communisme pourra être réellement supranational et permettre l’unification de toute l’humanité parce qu’il aura mis fin aux dominations de groupes humains sur d’autres et aux rivalités pour la possession des richesses en mettant fin à la propriété privée. Mais pour voir le jour cette perspective grandiose passe par la lutte révolutionnaire du prolétariat dans tous les pays, dirigé par son organe spécifique - le parti communiste mondial - pour renverser la bourgeoisie , abattre les Etats et toutes les institutions bourgeoises et instaurer sa dictature internationale. Il n’y a pas d’autre voie possible.

Les politiciens bourgeois veulent que les citoyens se prononcent pour ou contre la dite «Constitution européenne», accord laborieusement discuté par les diplomates de l’U.E. Mais pour les prolétaires il n’ y a rien à choisir dans cette alternative dont les deux volets sont également bourgeois, anti-prolétariens:. Le choix véritable qui se pose à eux est celui de la résignation à l’exploitation, à la misère et à la répression en continuant à être le jouet docile de la politique bourgeoise, ou de la préparation à la lutte et à la politique révolutionnaires.

C’est un choix qui ne se décide pas dans les référendums, mais dans la résistance quotidienne aux attaques bourgeoises.

 

Non au référendum et aux illusions électoralistes !

Pour la renaissance de la lutte de classe internationale!

 


 

(1) Le texte intégral est consultable sur son site internet de la LCR. Une version légèrement différente avait été adoptée sous le titre «Appel de la Gauche anticapitaliste européenne» par divers groupes où militent cette variété de trotskystes ainsi que par les «cliffistes» du Socialist Workers Party britannique.

(2) Citations extraites de la revue théorique de L.O «Lutte de classe», septembre-octobre 2004 et février 2005.

 

Particommuniste international

www.pcint.org

 

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