La seule perspective historique: guerre mondiale ou révolution communiste!

(«le prolétaire»; N° 487; Déc. 2007 / Janv. - Févr. 2008)

 

La profondeur de la contre-révolution qui a assuré au capitalisme mondial une longue période d’absence du prolétariat de la scène historique, n’est cependant pas en mesure de lui éviter la maturation croissante de contradictions internes qui tôt ou tard remettront au premier plan l’alternative cruciale: guerre générale entre Etats capitalistes ou révolution communiste internationale.

Pourquoi parlons nous de contre-révolution, alors que depuis des décennies les classes dominantes bourgeoises ne sont plus menacées, dans aucun pays par la révolution prolétarienne?

Parce que pour se maintenir comme classe dominante et conserver le pouvoir politique qui lui permet de s’approprier de la richesse sociale, la bourgeoisie est sans cesse contrainte d’accroître son exploitation économique et son oppression politique et sociale sur le prolétariat de tous les pays, ultra- ou sous-développés et la majorité des populations du monde. Au long de son de l’histoire, la bourgeoisie a fait l’expérience de la capacité du prolétariat, sans doute en de rares moments, mais ô combien signifiants, à pouvoir la chasser du pouvoir: voir la vague révolutionnaire née de l’octobre 17, sans remonter à la Commune de 1871. Cela l’a conduit à agir, avec une sorte de spontanéité, sur la ligne de l’invariance contre-révolutionnaire. Sa conscience de classe lu dit qu’il y a ou qu’il y aura une menace pour son pouvoir, menace représentée non par les petits-bourgeois ou les paysans, mais par la classe prolétarienne.

Mais aujourd’hui, le prolétariat représente-t-il vraiment une menace pour la bourgeoisie? Dans quel pays?

Malheureusement, dans aucun pays le prolétariat représente aujourd’hui une menace pour le pouvoir de la bourgeoisie. Mais ce n’est pas pour autant que la bourgeoisie dort d’un sommeil tranquille: elle craint ce qui peut lui arriver demain. C’est la raison pour laquelle, conformément au vieil usage selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir, et sur la base de son expérience plus que centenaire de domination sociale et politique, la classe dominante met en oeuvre une stratégie que nous pourrions appeler de contre-révolution préventive.

Plus de soixante ans se sont écoulés depuis la fin de la dernière guerre mondiale; et pendant ces soixante ans, il n’y a pas eu à l’échelle mondiale d’épisode de lutte prolétarienne qui ait sérieusement inquiété la bourgeoisie internationale.

Après avoir, dans les pays fascistes comme dans les pays démocratiques, été lié à la défense des intérêts nationaux par le truchement des forces opportunistes de type stalinien ou autre, le prolétariat des pays capitalistes développés a été en conséquence pratiquement éliminé de la scène politique. La lutte prolétarienne contre la bourgeoisie a été rabaissée au niveau de la survie quotidienne, niveau où prime toujours les forces de l’interclassisme, de l’opportunisme, de la collaboration entre les classes. Dans ces pays la corruption bourgeoise n’a plus touché, comme à l’époque de Marx et d’Engels, une mince couche d’aristocratie ouvrière, mais des secteurs beaucoup plus vastes du prolétariat.

 Cette corruption, lymphe vitale de toutes les forces de l’opportunisme, a consisté à la distribution aux travailleurs salariés de quelques «garanties» en termes d’emplois, de salaires, de «sécurité sociale», de retraites, d’indemnités diverses; cette innovation, introduite par les régimes fascistes, a été reprise et généralisée par les régimes démocratiques.

Mais comme l’indique le marxisme, les concessions accordées par la bourgeoisie ne sont pas seulement le résultat des luttes économiques que mènent les prolétaires regroupés en organisations syndicales; elles sont aussi le fruit de l’exploitation bestiale des populations coloniales, de la domination des monopoles des économies développées, de l’augmentation vertigineux du militarisme qui permet aux pays les plus forts de spolier les pays plus faibles; en un mot de l’impérialisme croissant des pays capitalistes.

Le développement des conditions économiques, sociales et politiques du capitalisme a produit dans la première période du siècle dernier un processus de maturation des contradictions qui s’est croisé avec le développement des forces prolétariennes sur le plan des luttes de défense immédiates comme sur le plan de la lutte politique révolutionnaire pour la conquête du pouvoir. L’apogée en a été le triomphe bolchevique lors de l’Octobre 1917, la fondation de l’Internationale communiste, véritable parti communiste mondial, la victoire dans la terrible guerre civile au cours de laquelle toutes les puissances impérialistes, alliées à la réaction tsariste tentèrent en vain de restaurer le pouvoir de la bourgeoisie russe. L’établissement du pouvoir prolétarien en Russie constituait le premier pas de la révolution européenne et mondiale.

Mais la révolution ne réussit pas à s’étendre au delà de son bastion russe. Les partis communistes nouveaux nés souffraient de graves défauts réformistes et démocratiques hérités des partis sociaux-démocratiques dont ils venaient de se séparer; en conséquence, en dépit de la vague révolutionnaire prolétarienne - dont la classe ouvrière allemande donna le magnifique exemple - le mouvement ouvrier en Occident ne réussit pas à unir ses forces à celles du prolétariat russe pour constituer une gigantesque armée révolutionnaire capable de briser la résistance opiniâtre de la domination bourgeoise.

La réaffirmation en classe révolutionnaire du prolétariat, synthétisée dans l’Internationale communiste, ne dura que quelques années, mais cela fut suffisant pour terroriser les bourgeoisies du monde entier, et pour des générations. L’alternative, extrêmement claire pour le parti communiste, mais tout aussi claire pour la bourgeoisie était dictature de l’impérialisme capitaliste ou dictature du prolétariat. Il n’y avait pas de troisième voie.

Au cours de la période révolutionnaire ouverte avec la guerre mondiale et la révolution de 1917, il y eut des tentatives révolutionnaires en Allemagne, en Hongrie, en Pologne, mais en fin de compte c’est la classe bourgeoise qui fut victorieuse.

La riposte de la classe dominante ne fut pas seulement démocratico-réactionnaire comme lors de la Commune de Paris. La bourgeoisie trouva une riposte plus incisive pour anéantir un prolétariat désorienté et affaibli depuis des années par l’opportunisme: le fascisme - c’est-à-dire la méthode centraliste par excellence, ouvertement dictatoriale et antiprolétarienne, et prototype en même temps d’une nouvelle méthode de gouvernement adaptée à la phase impérialiste, en remplacement de l’ancien libéralisme démocratique. Le danger était si grand pour la bourgeoisie que le prolétariat devait être éliminée comme classe, décapité de son parti et de ses organisations. Et ceci fut réalisé tant dans les pays fascistes que dans les pays démocratiques, et dans la Russie elle-même où le pouvoir prolétarien fut étranglé par les forces nées du développement du capitalisme national.

A son stade impérialiste, le capitalisme tend non seulement à concentrer et à centraliser l’économie, donnant vie à de gigantesques trusts - les multinationales dit-on aujourd’hui - qui dépassent les frontières de leurs pays d’origine pour devenir de véritables puissances dans les pays où ils sont présents, avec leurs ramifications politiques, culturelles, religieuses, militaires; il tend aussi à adapter ses superstructures étatiques à la défense d’intérêts qui s’étendent toujours plus au monde entier.

Aux alliances et affrontements entre trusts, correspondent donc toujours davantage des alliances ou des heurts entre Etats au service de ces gigantesques centres d’intérêts capitalistes.

Les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis ont fourni le prétexte pour justifier les guerres en Afghanistan et en Irak dont la cause réelle se trouve dans les antagonismes croissants entre les intérêts capitalistes américains et ceux de ses concurrents européens et asiatiques; ce sont les trusts américains qui mettent les mains sur les gigantesques réserves pétrolières irakiennes, tandis que leurs «alliés» plus ou moins volontaires espéraient leur part du butin. Cette guerre de rapine et d’occupation qui devait se terminer en l’espace de quelques mois, dure depuis plus de quatre ans; la démonstration de force des Etats-Unis a débouché sur un échec dont il ne leur sera pas facile de sortir indemnes.

S’il est vrai, comme l’a montré l’histoire, que les alliances inter-impérialistes ou «ultra-impérialistes», qu’elles prennent la forme d’une coalition impérialiste contre une autre ou d’une union générale de tous les impérialismes, ne sont qu’une trêve entre deux guerres, il est également vrai que ces alliances découlent des rapports de force entre les diverses puissances capitalistes.

 Et ces rapports de force se modifient inévitablement au cours des décennies, comme l’expliquait Lénine contre Kautsky qui théorisait la possibilité d’une union pacifique entre impérialistes: «les alliances pacifiques préparent les guerres et, à leur tour, naissent de la guerre; elles se conditionnent les unes et les autres, engendrant des alternatives de lutte pacifique et de lutte non pacifique, sur une seule et même base, celle des liens et des rapports impérialistes de l’économie mondiale et de la politique mondiale» (1).

Cette même base, c’est la concurrence mondiale entre centres d’intérêts capitalistes, entre Etats, qui conduit à la formation d’alliances et à leur rupture en suivant les lignes du développement inégal du capitalisme. L’instabilité des rapports de force entre les puissances capitalistes trouve son pendant dans les oscillations continuelles du marché, non seulement des produits, mais aussi et surtout du marché financier où des masses de capitaux peuvent se volatiliser ou s’accroître avec une extrême facilité selon les vicissitudes de la concurrence entre entreprises, entre trusts, entre Etats. Cette concurrence de plus en plus acharnée à mesure que s’aiguisent les contradictions internes du capitalisme débouche sur une véritable guerre économique sur un marché mondial engorgé de marchandises et de capitaux, parallèlement à une guerre sociale de chaque pouvoir bourgeois contre ses prolétaires pour sauvegarder les taux de profit indispensables à la bonne marche de l’économie.

La guerre économique toujours plus âpre tend inévitablement à se transformer en guerre tout court: une troisième guerre mondiale est le résultat inexorable des décennies d’expansion capitaliste - expansion qui, par ailleurs, n’a été pacifique que dans les pays impérialistes dominants, puisqu’elle s’est accompagnée de «guerres locales» quasi permanentes.

 Comme le rappelait Lénine, la guerre n’est pas le «choix» de tel ou tel mauvais gouvernement, de tel ou tel «fauteur de guerre», mais c’est la conséquence inévitable du fonctionnement du mode de production capitaliste.

Que fera le prolétariat quand les bruits de guerre se feront entendre de plus en plus forts?

C’est la question que ne peuvent pas ne pas se poser les bourgeois; ils y répondent par avance parce qu’ils savent parfaitement que l’union sacrée nécessaire à la conduite des guerres doit être préparée de longue date par la collaboration entre les classes; la mise en scène par les médias des massacres et des misères dans les pays lointains rapportés a pour fonction d’induire l’adhésion des prolétaires à «leur» pays où les choses ne vont finalement pas si mal, et à «leur» Etat qui prétend les protéger de ces troubles et de ces «horreurs barbares»; mais il a aussi pour fonction de susciter un sentiment de solidarité humaine orienté et organisé de façon interclassiste à travers toute une série d’organisations ad hoc, qui demain servira au profit de la défense du capitalisme national.

 Mais surtout après l’échec de l’offensive révolutionnaire du premier après-guerre, le prolétariat occidental, privé de ses organisations de classe, après avoir servi de chair à canon docile dans la deuxième guerre mondiale, encadré par les appareils réformistes, a connu plus d’un demi-siècle de collaboration de classe quotidienne.

Il ne pourra se relever de cet abîme où l’a fait crouler la contre-révolution par un simple «appel aux armes» de quelque groupe guerillériste ou d’une soudaine «prise de conscience» de l’impossibilité de la société actuelle de lui assurer un avenir de paix et d’harmonie sociale; ni par une activité d’illumination des consciences ou par la germination spontanée dans ses luttes immédiates des organes dirigeant la révolution.

Cela n’empêche pas que le prolétariat possède toujours la potentialité de la reprise de la lutte de classe révolutionnaire.

En effet les mêmes contradictions économiques et sociales qui poussent le capitalisme vers la guerre, poussent aussi le prolétariat à se révolter contre la détérioration toujours croissante de ses conditions de vie et de travail. Pour s’opposer à l’exploitation de plus en plus bestiale que les capitalistes sont contraints d’exercer sur les prolétaires, la seule issue est la révolte, la lutte.

De quelle façon?

De la seule façon dont la classe ouvrière a historiquement fait l’expérience de l’efficacité: en rompant avec la pratique et l’orientation interclassistes, en reprenant directement en main ses luttes contre les capitalistes; en prenant conscience au travers de ces luttes de son identité de classe et de son antagonisme irréductible avec la classe ennemie, en développant donc la solidarité de classe avec les prolétaires des autres usines, des autres catégories, des autres races et des autres nations.

Les forces matérielles qui se heurtent dans le sous-sol économique de la société capitaliste sont bien plus puissantes que les tentatives de la bourgeoisie elle-même d’échapper à son rendez-vous historique avec l’explosion de toutes les contradictions de sa société qui se sont accumulées et exacerbées depuis des décennies. Et elles sont bien plus puissantes que l’apparente paralysie de classe actuelle du prolétariat. La conscience de ce processus à l’oeuvre n’est pas possédée par les prolétaires individuels, mais par le parti prolétarien de classe, par le parti marxiste.

La perspective historique définie par Marx et Engels dans le Manifeste en 1848 et défendue ensuite par les révolutionnaires communistes ne s’appuie pas sur le dessein utopique d’une société nouvelle, sur une théorie élaborée par un grand penseur; elle se fonde sur l’évolution matérielle de la société, sur le développement de ses rapports de production: le communisme est la conséquence de ces processus historiques et non la réalisation d’une idée.

 Les classes entre lesquelles la société est divisée ne sont pas des catégories théoriques, mais des forces matérielles. La révolution, passage violent d’une forme sociale à une nouvelle, est le résultat de l’affrontement entre ces classes sociales, dirigées par les organisations politiques spécifiques que sont les partis. Les paroles du Manifeste (2) restent toujours d’une actualité brûlante:

La condition essentielle de l’existence et de la domination de la classe bourgeoise est l’accumulation de la richesse entre les mains des particuliers, la formation et l’accroissement du capital; la condition d’existence du capital, c’est le salariat. Le progrès de l’industrie dont la bourgeoisie reste l’agent sans volonté et sans résistance substitue à l’isolement des ouvriers qui résulte de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l’association.

Le développement de la grande industrie sape sous les pieds de la bourgeoisie le terrain même sur laquelle elle a bâti son système de production et d’appropriation. La bourgeoisie produit avant tout ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables!

 


 

(1) cf Lénine, «L’impérialisme...», Oeuvres Tome 22, p. 319.

(2) cf «Le manifeste du parti communiste», chapitre «Bourgeois et prolétaires».

Particommuniste international

www.pcint.org

 

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