Malgré ses crises, le capitalisme ne s’effondrera que sous les coups de la lutte prolétarienne

(«le prolétaire»; N° 490; Août-Octobre 2008)

 

La crise financière qui a réellement débuté à l’été 2007 avec les premières faillites de fonds spécialisés dans les fameuses subprime américains, n’a cessé depuis de prendre inexorablement de l’ampleur avant d’entrer dans sa phase aiguë à partir de la fin de cet été.

 Pendant un an les plus hauts responsables financiers et politiques du monde, relayés par tous les médias internationaux, en ont constamment minimisé la portée, se félicitant bruyamment, après chaque accès de fièvre spéculative, de la promptitude des banques centrales et des gouvernements à administrer le remède adéquat au système financier, et annonçant régulièrement la fin de la crise et la poursuite de la croissance économique.

Mais à partir de mi-septembre les discours lénifiants ont laissé la place aux déclarations les plus alarmistes: la raison en est que la crise a commencé à échapper à tout contrôle, le système financier non seulement américain mais international, comme un malade en phase terminale, ne réagissant plus aux remèdes de cheval qui se succédaient à un rythme toujours plus rapides: «sauvetages» de banques en difficultés, décision du gouvernement américain de reprendre à son compte les créances douteuses des banques, injections gigantesques de liquidités, baisses de taux historiques décidés par les Banques centrales internationales, etc.

Dans les derniers jours du mois de septembre la crise financière atteignait de plein fouet l’Europe, dont les discours officiels vantaient contre toute évidence la solidité des banques (de grandes banques européennes, de l’UBS suisse au Crédit Agricole français, sans parler de la Northern Rock britannique tombée en faillite en novembre dernier, avaient avoué depuis des mois avoir perdu des milliards d’euros!).

Le 26 septembre le ministre de l’économie allemand déclarait encore fièrement qu’en raison de leur crise, les Etats-Unis allaient perdre leur statut de «superpuissance financière» et qu’un nouvel équilibre mondial multipolaire allait émerger dans lequel l’euro et les économies de sa zone feraient jeu égal avec le dollar et l’économie américaine.

 Quelques jours suffirent pour montrer la fragilité de ces voeux de l’impérialisme allemand: la grande banque belgo-hollandaise Fortis (n°1 en Belgique où la moitié des foyers y auraient des comptes, n°2 en Hollande) était renflouée in extremis par une action commune des gouvernements belges, hollandais et luxembourgeois, la banque Dexia (dont les clients en France sont essentiellement les collectivités locales) par les gouvernements français et belge; tandis que le gouvernement allemand était contraint d’organiser le sauvetage de la banque immobilière Hypo Real et que les premières inquiétudes se faisaient jour sur la première banque italienne, Unicredit.

L’espoir que les pays européens allaient mieux résister à une crise spécifiquement américaine, devait cependant définitivement s’envoler à l’issue de la première semaine d’octobre; non seulement ces premiers sauvetages échouaient, non seulement la situation s’aggravait brutalement en Grande Bretagne, mais en outre, malgré les affirmations répétées du contraire, les pays européens se révélaient incapables d’agir de façon coordonnée, chaque pays ne songeant qu’à sauver ses intérêts propres, fut-ce au détriment de ses partenaires.

 L’Allemagne et la Grande-Bretagne, encore convaincus de leur supériorité, s’opposaient résolument à toute perspective de création d’un fonds européen commun de sauvetage des banques proposé par les Hollandais, les Français et les Italiens: l’union européenne signifie que chacun agit à son niveau expliquait sèchement la chancelière allemande lors du «mini-sommet» du 3 octobre, qui n’arriva donc à aucune décision. L’Etat irlandais avait décidé unilatéralement le 30 septembre de garantir la totalité des dépôts dans ses banques; il fut sévèrement critiqué lors du sommet par les responsables anglais et allemand pour qui cela signifiait une concurrence déloyale pour leurs propres banques; mais durant le week-end du 4-5, le gouvernement allemand, confronté à l’échec du sauvetage d’Hypo Real et à la détérioration inattendue de la santé de son système financier, décidait, lui aussi de façon complètement unilatérale, de prendre la même mesure; dans l’urgence les gouvernements autrichiens et danois étaient contraints eux aussi à décréter dans la nuit la garantie des dépôts bancaires pour éviter une fuite des capitaux vers l’Allemagne!

Les Britanniques, furieux du revirement allemand, n’avaient pas d’autre choix que de recourir à une mesure «extrême» pour préserver leur propre système financier: ce sera la proposition d’une quasi-nationalisation de ses principales banques. Le gouvernement du Royaume Uni proposera aux autres pays européens de suivre son exemple, ce qu’ils refuseront comme un seul homme... pendant quatre jours.

De même la décision unilatérale du gouvernement hollandais de nationaliser la branche locale de Fortis pour sauvegarder ses intérêts nationaux, sans même en informer ses «associés» belge et luxembourgeois, obligera ses derniers à faire de même: la seule réaction véritablement internationale à la crise dans la dite «Europe unie», prenait ainsi misérablement fin!

Pour compléter le tableau, il faut citer le cas de la petite Islande (non adhérente à l’Union européenne) qui connaissait depuis quelques années un boom économique record, fondé sur une croissance exubérante de ses activités financières. Touchée de plein fouet par la crise économique, se trouvant virtuellement en faillite selon les dires de son gouvernement, elle décidait la nationalisation de ses banques et le gel concomitant des dépôts qui s’y trouvait, dont plusieurs dizaines de milliers sont britanniques (notamment des comptes ouverts par des municipalités), que l’Etat islandais serait bien en peine de rembourser. La Grande-Bretagne réagit en utilisant une loi... anti-terroriste pour bloquer les fonds islandais se trouvant dans des banques britanniques!

Etant donné son degré de gravité, la crise ne peut pas ne pas raviver tous les antagonismes nationaux qui existent y compris au sein de ce cartel d’Etats que constitue l’Europe, rendant problématique toute action commune d’une certaine ampleur. Cette incapacité des Européens à décider une action commune n’a pas peu contribué à l’affaiblissement de la monnaie unique, l’euro, par rapport au dollar et au yen; elle démontre de façon éclatante la fragilité de la dite «construction européenne», et l’incapacité insurmontable de l’Europe à se présenter comme un rival potentiel aux Etats-Unis sur la scène mondiale.

 La deuxième semaine d’octobre a vu la crise financière atteindre son paroxysme à la suite de l’échec de toutes les tentatives de plus en plus désespérées d’y mettre fin: ni le fameux plan américain Paulson aux 700 milliards de dollars, ni les interventions des banques centrales, les décisions britanniques, ni même les appels du président de la BCE à «reprendre ses esprits» alors que la crise frappait de plein fouet la deuxième économie mondiale, le Japon, n’ont pu empêcher les bourses mondiales de connaître un véritable krach.

S’il n’y a eu jusqu’ici, à l’exception de la bourse de Moscou et de certaines bourses d’Amérique Latine, que peu d’effondrements comparables en une seule séance, la plupart des bourses ont connu, à l’issue de baisses continuelles, la pire semaine depuis le krach de 1987 comme à Paris, parfois pire que 1929 comme à New York: La bourse a ainsi baissé en une semaine début octobre de 19,8 % à Wall Street contre 13,17% en 1987 et 9,12% en 1929; de 24% à Tokyo, 22,5% au Brésil, 21,6% à Francfort, 21,5% à Paris, 19,8 % à Madrid, 19,3% en Inde... (1)

 

Crise de la Finance? Crise du capitalisme!

 

Selon les «explications» les plus courantes, la crise actuelle serait due à l’excès de crédits répandus par la «cupidité» de banquiers sans scrupules et à l’insuffisance des réglementations et régulations des activités financières. Vieille rengaine, que l’on ressort à chaque crise! Marx se moquait déjà d’une commission parlementaire anglaise qui attribuait la cause de la crise économique de 1857-58 à «l’excès de spéculation et à l’abus de crédit»; et il répliquait: «De quelle nature sont donc les rapports sociaux qui suscitent presque régulièrement ces périodes d’automystification, de surspéculation et de crédit fictif? Dès lors qu’on l’a découverte, on arriverait à une alternative toute simple: ou bien la société peut contrôler les conditions sociales de la société, ou bien celles-ci sont immanentes à l’actuel système de société. Dans le premier cas, la société peut éviter les crises, dans le second elle doit les subir comme le changement naturel des saisons, tant que subsiste le système» (2).

Il s’est écoulé cent cinquante ans depuis que ces lignes ont été écrites et démonstration a été faite et refaite que la société capitaliste est incapable de se contrôler et incapable d’empêcher le retour périodique des crises, qui la surprennent à chaque fois. Les écrits marxistes donnent le mécanisme de ces crises périodiques du capitalisme; par exemple Engels, dans «L’Anti-Dühring»:

«Depuis 1825, date où éclata la première crise générale, la totalité du monde industriel et commercial, la production et l’échange de l’ensemble des peuples civilisés et de leurs satellites plus ou moins barbares se détraquent environ une fois tous les dix ans.. Le commerce s’arrête, les marchés sont encombrés, les produits sont là aussi en quantités aussi massives qu’ils sont invendables, l’argent comptant devient invisible, le crédit disparaît, les fabriques s’arrêtent, les masses travailleuses manquent de moyens de subsistance pour avoir produit trop de subsistance, les faillites succèdent aux faillites, les ventes forcées aux ventes forcées; l’engorgement dure des années, forces productives et produits sont détruits en masse jusqu’à ce que les masses de marchandises accumulées s’écoulent enfin avec une dépréciation plus ou moins forte, jusqu’à ce que production et échange reprennent peu à peu leur marche.

Progressivement l’allure s’accélère, passe au trot, le trot industriel se fait galop et ce galop augmente à son tour jusqu’au ventre à terre d’un steeple chase complet de l’industrie, du commerce, du crédit et de la spéculation, pour finir, après les sauts les plus périlleux, par se retrouver... dans le fossé du krach» (3).

Par rapport au dix-neuvième siècle, le capitalisme s’est énormément développé, il a gagné toute la planète, mais ses lois de fonctionnement n’ont pas changé. Comme toujours, c’est l’engorgement des marchés, la surproduction, qui provoque la crise, même quand, comme aujourd’hui, cette crise se manifeste d’abord avec plus d’éclat comme une crise financière, provoquée par la «spéculation» et la disparition du crédit (particulièrement le crédit interbancaire qui est vital pour la circulation des capitaux).

Les bourgeois, leurs experts et leurs politiciens de droite ou de gauche, démontrent qu’ils ne comprennent rien à la marche de leur économie lorsqu’ils ne proposent comme solution à la crise que des réformes pour réglementer et encadrer l’activité bancaire et financière: ils ne veulent ni ne peuvent voir que c’est le mécanisme fondamental de la production capitaliste qui provoque inévitablement des crises de plus en plus violentes jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’autre perspective qu’une nouvelle guerre mondiale pour détruire les forces productrices en surnombre et recommencer un nouveau cycle d’accumulation - à moins que la révolution prolétarienne renverse le capitalisme. Il est bien possible qu’ils arrivent à conjurer le krach financier, à sauver les établissements bancaires, à rétablir le crédit grâce à la mise en oeuvre de tous les moyens étatiques, jusqu’à la nationalisation du secteur bancaire qui signifie que l’Etat devient la banque (ou vice-versa!); si tout va bien, la crise financière pourra alors être «résolue» (au prix d’un endettement pharamineux des Etats), mais la crise économique qui en a été la véritable cause, sera toujours là!

 

Le spectre de 1929

 

L’ampleur de la crise financière actuelle, sa profondeur et son extension mondiale sont telles que tous les commentateurs, tous les médias parlent d’une crise financière comparable à celle de 1929, même s’ils ajoutent aussitôt qu’elle n’aura pas les mêmes conséquences, parce que les responsables ne feront pas les mêmes erreurs, les leçons de la crise des années trente ayant été tirées. On pourrait leur faire remarquer que depuis une quinzaine d’années les gouvernements américains successifs, sous le pression des financiers, se sont employés à faire disparaître les garde-fous qui avaient alors été mis en place, et que tout le monde jure maintenant de réinstaller...

Mais le plus important est de savoir ce qu’il faut-il penser de cette comparaison. Il n’y a guère de doute que l’ampleur de la crise financière suffirait à elle seule pour conclure que la récession économique mondiale sera bien plus grave que les récessions des 25 dernières années; mais la référence à 1929 renvoie à une crise d’ampleur historique qui, à la différence des récessions plus ou moins accentuées qui rythment le mouvement économique du capitalisme, a des conséquences brutales et durables non seulement sur la croissance économique, mais aussi sur l’équilibre politique et social des pays touchés comme sur l’équilibre politique international.

Notre courant a toujours soutenu que l’expansion économique sans précédent connue par le capitalisme depuis la fin de la deuxième guerre mondiale déboucherait inévitablement sur une grande crise générale de surproduction - du type de 1929 pour fixer les idées- qui reproposerait l’alternative guerre ou révolution.

Tant que le capitalisme a des perspectives de croissance, il est en effet capable d’amortir les tensions sociales et il est par conséquent vain d’espérer l’ouverture d’une période révolutionnaire (c’est ce que ne pouvaient pas assimiler les immédiatistes soixante-huitards qui avaient comme devise «prendre ses désirs pour la réalité»). Mais quand il est menacé d’asphyxie par la surproduction, il lui faut s’attaquer sans retenue aux prolétaires pour dégager à tout prix des profits, tout en préparant la guerre qui par des destructions massives de biens, de marchandises, de forces productives - y compris de forces productives humaines, les prolétaires - lui permettra de résoudre la crise et de redémarrer un nouveau cycle d’accumulation.

En sommes-nous là? Pour essayer de répondre, voyons quelles sont les caractéristiques de «1929», prise comme exemple classique de grande crise de surproduction, telles qu’elles sont définies dans des travaux du parti (4). Elles vont bien au delà de la classique chute boursière du lundi noir (28 octobre) où la bourse de Wall Street perdit 13% (baisse record qui ne sera dépassée que lors du krach d’octobre 1987); car si l’effondrement brutal de la bourse signait de façon spectaculaire l’éclatement de la crise, la récession économique avait commencé dans les mois précédents; c’est cette récession qui provoqua en dernière analyse l’éclatement de la «bulle» boursière spéculative qui, à son tour, eut des conséquences dévastatrices sur l’économie.

Commencée en 1929, la crise se termina en 1932; 1933 est en effet une année de reprise, quoiqu’encore hésitante. Malgré les très importantes mesures d’interventions étatiques dites du «New Deal», une violente rechute eut lieu en 1937-38, elle connut une solution rapide dans... le déclenchement de la guerre mondiale qui relança à une échelle gigantesque la production.

Lors des 3 années de cette crise, la production industrielle, qui est l’indice le plus significatif, accusa une baisse de 44%, ce qui correspond à une baisse moyenne de 17,5% par an. En 1929 le chômage n’était que de 3,2%: il atteignit le chiffre énorme de 23,5% en 1932, soit une augmentation moyenne annuelle de 8%. Le chiffre des indices boursiers montre une baisse moyenne de 37,5%.

Outre ces éléments, une caractéristique très importante de la crise de 1929 a été la déflation, ce cauchemar que redoutent encore aujourd’hui les capitalistes: les prix de gros (prix à la production) baissèrent de 12% en moyenne par an (le prix au détail, au consommateur, baissèrent aussi, mais, comme toujours, dans une moindre mesure). Enfin la baisse des salaires est le dernier critère important de la crise, tout en notant qu’il est en partie compensé par la baisse des prix à la consommation: les capitalistes souffrirent peut-être plus de la crise que les prolétaires (du moins tant que ceux-ci avaient un emploi): de 1929 à son minimum de mars 1933, le salaire hebdomadaire moyen dans l’industrie baissa de 56%, tandis que les prix à la consommation baissaient de 28% (5).

En résumé, une grande crise catastrophique de surproduction au sens marxiste du terme, est marquée par une chute générale des prix à la production, une sévère diminution de la production, une forte augmentation du chômage, une baisse des salaires, un effondrement des profits - et tout cela pendant plusieurs années -, et pas seulement par un krach boursier.

L’évolution du capitalisme depuis quatre-vingt ans ne peut pas ne pas avoir des conséquences sur l’éclatement et le déroulement d’une grande crise de surproduction: d’un côté, l’importance beaucoup plus grande du poids de l’Etat dans l’économie, même après la cure de «libéralisme» suivie dans les dernières décennies, permet au capitalisme d’amortir les secousses et lui donne des armes de politique «anticyclique» sans commune mesure avec ce qui existait en 1929, comme on peut le constater sous nos yeux; de l’autre l’hypertrophie du secteur financier et la généralisation de l’économie de dette à une échelle autrefois inconnue tout en accroissant l’instabilité potentielle du système, rendent énormément plus problématiques les interventions étatiques (au point de menacer de faillite des Etats eux-mêmes!) (6); tandis que la «mondialisation», c’est-à-dire l’internationalisation accrue de l’économie et l’accélération de la circulation des flux financiers à l’échelle de la planète, diminuent parallèlement les possibilités d’action des Etats nationaux. Les forces productives sont devenues plus puissantes et plus importantes que les structures bourgeoises étatiques qui cherchent à les contrôler!

La crise actuelle se présente à première vue avant tout comme une crise financière, et sur ce plan elle semble pour l’instant plus grave que celle de 1929; non seulement la chute des indices boursiers annuels est assez nettement plus importante qu’à l’époque, mais on a assiste depuis un an à l’effondrement d’institutions financières et à une crise du crédit qui n’avait eu lieu à l’époque que plus tardivement, et ceci en dépit des interventions massives et répétées des Banques centrales et des Etats.

Mais pour ce qui est des autres critères, la différence avec la crise des années trente est frappante: la production industrielle n’accuse encore dans les grands pays qu’une diminution beaucoup plus faible: les derniers chiffres disponibles (juillet ou août, suivant les pays) indiquent une variation par rapport à l’année précédente, de -1,5 % pour les Etats-Unis, -1,7% pour l’aire euro (-2% pour la France, -3% pour l’Espagne, -3,2% pour l’Italie, mais +1,7% pour l’Allemagne), -2% pour le Canada, -2,3% pour la Grande Bretagne, la palme revenant au Japon: -6,9% (tandis que la Chine annonçait +12,8%!); le chômage ne recommence à augmenter que depuis peu pour atteindre 6,1% aux Etats-Unis, 7,5% dans la zone euro et 4,2% au Japon (les statistiques sur le chômage sont peu compatibles d’un pays à l’autre, et en général sont parmi les moins fiables) (7); les profits des entreprises américaines n’ont baissé que de 3,8% (en rythme annuel) au deuxième trimestre, essentiellement dans le secteur financier, après une forte croissance pendant 4 ans jusqu’au milieu de 2007; les autorités financières luttaient non contre la déflation mais contre un retour de l’inflation; quant aux salaires, si une prévision américaine indique que le salaire moyen connaîtra dans ce pays une baisse sans précédent depuis les années trente, cette baisse annoncée ne dépasserait guère les 10% (8) etc.

En un mot le capitalisme ultramoderne du vingt-et-unième siècle, grâce aux méthodes d’intervention étatique dans l’économie inaugurées il y a quatre vingt ans par le fascisme et l’impérialisme rooseveltien, a jusqu’ici réussi à freiner la crise, à l’amortir, à en différer les conséquences.

Réussira-t-il finalement à empêcher qu’elle éclate dans toute sa force?

 Il est impossible d’écarter cette alternative; mais une telle victoire capitaliste ne serait qu’une victoire à la Pyrrhus: au lieu de connaître une crise violente mais relativement brève, il se retrouverait avec une crise plus larvée mais prolongée dont il lui serait beaucoup plus difficile de se relever, et au prix d’une crise future rendue encore plus grave et insurmontable par les moyens utilisés pour combattre l’actuelle...

 

Le capitalisme ne s’autodétruira pas!

 

Fin septembre le ministre social-démocrate allemand de l’économie, Peer Steinbrück, affirmait dans une interview au «Spiegel» que «certaines parties de la théorie de Marx ne sont pas si fausses» et en particulier celle selon laquelle «le capitalisme finira pas s’autodétruire à force de cupidité»; le 15 octobre Ségolène Royal lui faisait écho en proclamant dans un meeting: «Marx a dit le capitalisme va s’autodétruire et bien nous y voila!». En réalité Marx a dit que le capitalisme créait avant tout ses propres fossoyeurs - ce qui est complètement différent.

Quelle que soit l’évolution de la crise actuelle, même si elle se révélait être le début de la grande crise catastrophique attendue par les marxistes, une chose est sûre: le capitalisme ne s’autodétruira pas, pas plus que ne se sont «autodétruits» les modes de production qui l’ont précédé dans l’histoire de l’humanité.

 Seule une révolution au cours de laquelle les classes opprimées renversent par la guerre civile la domination de l’ancienne classe dominante, peut renverser l’ancien mode de production dont cette-dernière est l’agent, et en instaurer un nouveau qui correspond au niveau atteint par les forces productives. «A un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des forces productives qu’ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale» (9).

En discourant sur son «autodestruction» du capitalisme, les laquais du capitalisme veulent éviter que les prolétaires comprennent qu’ils sont seuls capables d’être les fossoyeurs de celui-ci; autrement dit que la destruction du capitalisme ne peut être le résultat que de leur lutte révolutionnaire.

Tant que le prolétariat ne trouvera pas, sous les coups des attaques capitalistes qui vont redoubler, la force de se lancer dans cette lutte décisive, tant qu’il ne trouvera pas la force des s’organiser pour elle, aussi bien sur le plan politique (parti révolutionnaire communiste) qu’économique (syndicat de classe), le capitalisme réussira à se sortir de toutes ses crises et à se préparer à imposer sa solution: une nouvelle boucherie mondiale, encore plus destructrice que les deux précédentes à cause de ses décennies d’expansion au cours desquelles se sont créées des quantités gigantesques de forces productrices en surnombre.

Telle est l’alternative que pose historiquement le cours du capitalisme; telle est l’alternative que doit rappeler la crise actuelle aux prolétaires.

 


 

(1) Il est vrai que le lundi suivant, les bourses du monde, alléchées par les millions de dollars et d’euros promis par les gouvernements bourgeois, ont connu des hausses historiques; mais l’enthousiasme s’est dissipé rapidement et dès le mercredi elles connaissaient de nouveaux plongeons, tout aussi historiques! Cette volatilité des cours boursiers est typique des périodes de krach: au lendemain des journées noires d’octobre 29, les cours de Wall Street flambèrent de 18%. La seule différence est qu’aujourd’hui cette volatilité est encore plus grande et surtout plus durable.

(2) K. Marx, «New York Tribune», 4/10/1858. cf Marx Engels, «La crise», Ed 10/18 1978, p. 201-202.

(3) Engels «l’Anti-Dühring», Socialisme, ch.2. Editions Sociales, 1973, p.312.

(4) cf «La récession américaine de 1957 annonce-t-elle un nouveau 1929?», Programme Communiste n°4.

(5) Chiffres de statistiques américaines cités par E. Varga, «La crise économique, sociale, politique», reprint Ed Sociales 1976.

(6) Outre la petite Islande, les financiers estiment supérieur à 80% le risque d’un défaut de paiement - c’est-à-dire d’une faillite - du Pakistan, de l’Argentine, de l’Ukraine, la Hongrie et la Turquie étant, elles aussi,  menacées, de même que le Kazakhstan et la Lettonie. cf Financial Times, 14/10/08.

(7) cf The Economist, 11-17/10/2008

(8) cf International Herald Tribune, 16/10/2008

(9) K. Marx, Introduction à la «Contribution à la critique de l’économie politique». Ed. Sociales 1977, p.3.

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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