Une exigence rendue plus pressante par  la crise:

Le retour à la lutte prolétarienne indépendante!

(«le prolétaire»; N° 494; Sept.-Oct.-Nov. 2009)

Retour sommaires

 

Les crises économiques ont toujours été le moment pour les capitalistes et leur Etat d’attaquer encore davantage les conditions de vie et de travail des prolétaires. Si trafiquées et éloignées qu’elles soient de la réalité de la vie prolétarienne, les études et prévisions économiques officielles reconnaissent que la crise en cours n’a pas encore donné tous ses effets négatifs sur l’emploi et que la reprise économique ne se fera qu’avec une grande lenteur, en 2010 ou, plus probablement 2011. Quand ils parlent de «reprise de l’économie», les capitalistes entendent la reprise de leurs affaires, de leurs profits; ils ne se soucient de la condition ouvrière que lorsqu’ils redoutent l’éclatement de luttes incontrôlables!

Fin octobre, à la suite de la publication des chiffres officiels du chômage, la ministre de l’Economie s’est félicitée que la dégradation de l’emploi se soit «ralentie depuis le début de l’année, surtout pour les jeunes». S’il est vrai que l’augmentation du chômage se poursuit à un rythme plus lent qu’il y a 6 mois, elle se poursuit quand même! Les chiffres indiquent qu’il y avait 2.600.000 chômeurs en France métropolitaine, soit 25% de plus que l’année dernière; quant aux moins de 25 ans, leur nombre a augmenté de 30% (40,4% pour les hommes)! Il faut avoir le toupet d’un ministre bourgeois pour se féliciter d’une telle situation...

D’autre part ces mêmes chiffres indiquent que le nombre réel de chômeurs, toutes catégories confondues est de 3.745.000 chômeurs (3.972.000 avec les DOM-TOM) - sans compter les radiations du fichier des demandeurs d’emploi qui sont en forte progression.... L’UNEDIC prévoit qu’à la fin de l’année le taux de chômage atteindra les 9,7% (ce qui cadre miraculeusement avec les prévisions du gouvernement: moins de 10%), mais d’autres organismes, non gouvernementaux, sont plus réalistes; par exemple l’OFCE estime que fin 2010 le taux de chômage serait de 10,6% contre 7,8% en 2008, soit la plus forte augmentation depuis 25 ans.

 Ces prévisions bourgeoises valent ce qu’elles valent, c’est-à-dire pas grand chose. La réalité du chômage, de la précarisation, de la paupérisation, les travailleurs la vivent ou la redoutent chaque jour. Une étude académique récente documente la dégradation des conditions de travail depuis vingt ans, que ce soit l’augmentation des cadences, la généralisation du travail à la chaîne, l’exposition aux produits cancérigènes, etc.: «dans l’ensemble, les inégalités se creusent, risques et pénibilités s’accentuant plus nettement pour les ouvriers et les employés» que pour les autres salariés. La stratégie patronale à France Télécom qui consiste sciemment à stresser le personnel, y compris les employés d’un certain niveau, afin de le rendre plus malléable, de le plier davantage aux besoins de l’entreprise, n’est que la version extrême de ce qui existe dans toutes les entreprises. Le despotisme d’entreprise est la règle, exploiter le travailleur y compris jusqu’à ce que mort s’en suive, est la loi non écrite du capital. Pour les capitalistes, les suicides à France Télécom, les accidents du travail ou les maladies professionnelles ne sont que les faux frais de leur système.

L’étude dont nous parlons indique en conclusion que la dégradation des conditions de travail, phénomène particulièrement marqué en France par rapport à d’autres pays, «nourrit une insatisfaction croissante des salariés qui tend à se cristalliser sur les salaires jugés insuffisants au regard des efforts demandés» (1). Les prolétaires ne sont pas satisfaits de leur sort: voilà de quoi chiffonner les bourgeois...

 

Le rôle anti-prolétarien du collaborationnisme politique et syndical

 

Mais les bourgeois savent qu’ils peuvent compter sur les serviteurs empressés du capitalisme que sont les partis politiques de gauche et d’extrême gauche et les appareils syndicaux collaborationnistes. L’étude évoquée ci-dessus démontre à nouveau que lors du passage de la gauche au pouvoir, les conditions prolétariennes ont continué à se dégrader.

Faces à des gouvernements de droite, ces partis et syndicats ont repris une posture oppositionnelle et revendicative; s’ils ont retrouvé ainsi une partie de leur influence perdue, cela leur a permis, avec le concours de la dite «extrême gauche» de continuer dans des conditions différentes leur sale travail d’isolement des luttes et de sabotage des mouvements.

 Sans remonter aux luttes des dernières années, il suffit de rappeler comment les directions syndicales ont réussi au premier semestre de cette année à empêcher toute lutte réelle d’ampleur au moyen de leur pseudo-mobilisation rythmée par des journées d’inaction syndicale.

 Depuis la rentrée les appareils syndicaux s’emploient à entretenir la paralysie et l’impuissance des prolétaires: les initiatives annoncées pour le mois d’octobre se sont multipliées en ordre dispersé (un jour les retraités, un autre les employés de France Telecom, un autre les infirmiers, etc.), avec des résultats évidemment très maigres; mais surtout ces appels à la mobilisation se font sur des mots d’ordre corporatistes, réformistes et collaborationnistes. Le cas exemplaire est celui de la manifestation pour la défense de l’emploi dans l’industrie (journée du 22/10); il s’est agi en réalité d’une mobilisation pour la défense de l’industrie française, c’est-à-dire d’une mobilisation anti-prolétarienne. Le tract d’appel de la CGT mélangeait sciemment de (vagues) demandes d’augmentation des salaires avec des propositions spécifiquement bourgeoises comme une politique de «recherche pour la réindustrialisation des territoires» ou le financement du développement des entreprises!

 Rien d’étonnant donc si Sarkozy a dit avoir repris «une très bonne idée de Bernard Thibault» que celui-ci lui avait proposée lors d’une rencontre à l’Elysée: celle de l’organisation d’états-généraux de l’industrie, regroupant patrons, syndicats et pouvoirs publics!

 

A la Poste une votation citoyenne contre la lutte prolétarienne

 

En réponse à la discussion du projet de loi sur le changement de statut de la Poste, un rassemblement s’est créé contre une éventuelle privatisation de l’entreprise. C’est un rassemblement très large, puisqu’il regroupe syndicats (de CGT à SUD) et organisations politiques depuis l’extrême gauche (NPA) jusqu’à certaines organisations de droite (MODEM et souverainistes) en passant par les Verts, le PCF et le PS. Son but n’est pas de défendre les intérêts des travailleurs, mais le statut actuel de la Poste; son moyen n’est donc évidemment pas la lutte prolétarienne, mais l’action démocratique; la fameuse votation était un référendum pour ou contre la privatisation; elle a été un succès, puisque 2 millions de personnes y ont participé, et forts de cette réussite les organisateurs... demandent à Sarkozy d’organiser un vrai référendum!

La mascarade de la votation citoyenne ne peut avoir d’autre résultat que d’égarer les travailleurs en leur faisant croire qu’il existe une alternative à la lutte, qu’ils doivent chercher des alliés parmi les «usagers», les «citoyens» indépendamment de leur appartenance de classe et que la défense de leurs intérêts se limite à la défense du statut actuel.

 En réalité, à la Poste comme ailleurs, il n’y a pas d’autre moyen pour défendre les intérêts des travailleurs que la lutte réelle, indépendante du corporatisme, de la défense de l’entreprise ou de l’économie nationale; les travailleurs de telle ou telle entreprise ne peuvent trouver de soutien qu’auprès de leurs camarades de classe, soumis à la même exploitation et obligés de combattre les mêmes adversaires; enfin le statut actuel qu’il faudrait défendre a été largement modifié (par les partis de gauche!) dans un sens anti-prolétarien, s’adaptant aux exigences commerciales et accroissant l’exploitation (voir le recours généralisé aux CDD). La voie d’une défense réelle des travailleurs est à l’exact opposé de ce que propose le Comité national contre la privatisation, authentique alliance anti-prolétarienne!

 

La rupture avec le collaborationnisme et la paix sociale est une nécessité de la défense élémentaire des intérêts prolétariens

 

Pour se défendre contre l’exploitation et l’oppression capitalistes grandissantes, les prolétaires ne peuvent compter sur les forces qui mettent au premier plan la collaboration des classes et la défense de l’intérêt supérieur de la société, de la nation ou de l’entreprise, fût-elle un «service public». La société est divisée en classes antagonistes, entre exploiteurs et exploités qui n’ont rien en commun. C’est seulement en ayant conscience de cette réalité, c’est-à-dire en rompant avec les mensonges de la collaboration des classes, qu’ils se présentent sous la forme démocratique, réformiste ou nationaliste, et avec ceux qui les propagent que les prolétaires pourront reconstituer leur force de classe et trouver ainsi la capacité de battre en brèche les capitalistes et leur Etat. Cela ne sera pas facile et ce ne sera pas le résultat d’une prise de conscience abstraite. C’est le capitalisme lui-même qui, tenaillé par des crises toujours plus graves, et contraint donc d’accentuer au maximum l’exploitation et la misère, poussera des secteurs de plus en plus larges de prolétaires à se défendre.

C’est alors que réapparaîtra de manière impérieuse l’exigence de la lutte prolétarienne indépendante du collaborationnisme, de la lutte pour la défense exclusive des seuls intérêts prolétariens, utilisant les méthodes et les moyens classistes, lutte de défense qui ouvrira la voie à la lutte plus large, à la lutte révolutionnaire contre le capitalisme!

 


 

(1) cf Ecole Economique de Paris, working paper n°25/2009

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

Retour sommaires

Top