Sans-papiers: les travailleurs luttent, les syndicats magouillent avec Besson

(«le prolétaire»; N° 494; Sept.-Oct.-Nov. 2009)

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Depuis le 12 octobre des centaines de travailleurs sans-papiers sont entrés en lutte en région parisienne: ils se sont mis en grève, occupent divers locaux d’entreprises, chantiers ou associations patronales. Le mouvement est organisé principalement par la CGT, avec le soutien de la CFDT, de la FSU, de Solidaires (syndicats SUD), de l’UNSA, et des associations RESF, Droits Devant, la CIMADE, la Ligue des Droits de l’Homme, etc. Il a rapidement pris de l’ampleur: début novembre, de source syndicale, plus de 4000 travailleurs y participaient.

 Les bonzes de la CGT qui, il y a quelques mois chassaient manu militari les sans-papiers de la Bourse du Travail, qui l’an dernier mettaient fin au mouvement contre de vagues promesses du gouvernement (1) (et après avoir fait le tri parmi les travailleurs entre ceux qu’ils présentaient à la régularisation et ceux qu’ils mettaient de côté), auraient-ils changé?

Remarquons d’abord que, en fait de mobilisation en soutien aux travailleurs sans-papiers, la CGT et ses associés proposent essentiellement... la signature d’une pétition! Evidemment cela cadre davantage avec les conceptions des bourgeois de la Ligue des Droits de l’Homme qu’une mobilisation réelle des travailleurs français... D’ailleurs cette pétition met l’accent sur des arguments à destination des bourgeois, en écrivant entre autres que ces travailleurs sont «indispensables dans certains secteurs de notre (sic!) économie» ou qu’ils payent des impôts: on y chercherait en vain des arguments à destination des prolétaires expliquant que la solidarité avec les travailleurs sans-papiers est une nécessité pour renforcer l’unité de classe dans le combat contre les capitalistes!

Mais surtout, alors que les travailleurs sont de plus en plus nombreux à entrer en lutte pour leur régularisation, la CGT et les organisations qui entendent contrôler le mouvement, ont, elles, un autre objectif: non pas des papiers pour tous, mais... la publication par le ministère d’une circulaire «qui définisse des critères améliorés, simplifiés, appliqués, et qui permette une égalité de traitement pour tous» (2). Bref, ces prétendus défenseurs des travailleurs que sont les dirigeants de la CGT et cie ne trouvent rien à redire que les services du sinistre Besson décident quels sont les travailleurs qui peuvent être régularisés, ils demandent seulement que les critères soient les mêmes dans toutes les préfectures. Cela démontre qu’ils sont en réalité d’accord avec la politique gouvernementale, ne protestant que contre la façon arbitraire dont elle est appliquée!

Des négociations se mènent d’ailleurs entre ces véritables laquais du capitalisme et le ministère pour la rédaction de cette circulaire, à en croire un article du Monde publié sans commentaire sur le site du mouvement: «Depuis deux semaines déjà, le ministère de l’immigration travaille à la rédaction d’une nouvelle circulaire, avec les représentants de cinq organisations syndicales : CGT, CFDT, Solidaires, FSU et UNSA» (3), ces organisations demandant que soient définis avec précision les critères de régularisation.

Et après la censure le 23 octobre par le Conseil d’Etat d’une circulaire établissant la liste des métiers ouverts aux travailleurs «non-communautaires», ces organisations se sont précipitées, non pour condamner le principe raciste et xénophobe d’une telle liste, mais pour négocier avec le ministère son élargissement (4)...

 

Déjouer les manoeuvres de Besson et des chefs syndicaux

 

S’ils réussissent à garder le contrôle du mouvement, ces dirigeants syndicaux ne pourront le conduire qu’à la défaite; en contrepartie de la régularisation de quelques uns, ils auront contribué à rationaliser et à renforcer le contrôle exercé par l’Etat bourgeois sur les travailleurs immigrés en fonction des besoins de l’économie capitaliste. Ce qui implique de laisser la très grande majorité des travailleurs sans-papiers présents dans le pays sous la coupe de leurs patrons, soumis en permanence à la menace de l’expulsion.

La régularisation de tous les sans-papiers est un besoin de la lutte de défense prolétarienne, car contre les capitalistes et leur Etat il faut un front uni des travailleurs. Abandonner une partie des travailleurs entre les griffes des patrons revient à affaiblir ce front, à affaiblir cette lutte. Ce n’est pas contre les discriminations dans les modalités de l’exploitation et de l’oppression qu’il faut lutter, mais contre l’oppression et l’exploitation elles-mêmes!

L’harmonisation des critères de régularisation est l’objectif d’adversaires de la lutte prolétarienne qui redoutent que la paix sociale soit rompue un jour ou l’autre par l’explosion de la bombe sociale constituée par ces centaines de milliers de travailleurs qui vivent dans un véritable état d’exception. La seule revendication prolétarienne est celle de la régularisation de tous les sans-papiers, régularisation qui nécessite une lutte d’ampleur avec le soutien effectif des autres travailleurs, français et immigrés. L’extension du mouvement actuel pourrait être un pas important dans cette direction si les travailleurs arrivent à déjouer les manoeuvres des chefs syndicaux qui vendent déjà leur mouvement à la table des négociations et à prendre en mains leur propre lutte. Mais quelle que soit l’issue de la bataille en cours, le combat continuera.

Face aux magouilles des chefs syndicaux avec le ministère, la solidarité de classe avec les travailleurs sans-papiers en lutte pour la régularisation de tous est une nécessité impérieuse!

 

05/11/2009

 


 

(1) Ils le reconnaissent eux-mêmes: «Après avoir obtenu fin 2008 l’assurance du gouvernement qu’un certain nombre de règles et critères seraient respectés, nous avons joué le jeu et cessé les mouvements de grève. Mais le gouvernement n’a pas tenu parole» déclare un responsable CGT au Monde du 12/10/09.

(2) Francine Blanche «secrétaire de la CGT», à L’Humanité du 19/10. Sur le quotidien patronal Les Echos du 28/10, la même qualifiait de «début intéressant» les premières négociations au ministère, bien que celui-ci ait réaffirmé son opposition à toute régularisation massive!

(3) Le Monde du 29/10, article visible sur le site www.travailleurssanspapiers.org

(4) Les Echos, 29/10

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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