Crise capitaliste

L’austérité imposée aux travailleurs grecs est un avertissement pour les prolétaires des autres pays

(«le prolétaire»; N° 495; Déc. 2009 - Janv. - Févr. - Mars 2010)

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La révélation par le gouvernement grec de l'état réel (ou d'un état un peu plus proche de la réalité) de ses finances a causé le déclenchement d'une vague spéculative dès la fin de l'année dernière. Bon nombre d'investisseurs s'étant mis à douter de la possibilité pour l'Etat grec de financer sa dette, certaines organisations financières ont commencé à spéculer sur la sortie du pays de la zone euro et sur l'éclatement de celle-ci. La spéculation s'est renforcée il y a quelques semaines, après que les grands Etats européens aient été incapables de s'accorder sur une aide financière à ce pays, pourtant d'un faible poids économique (1).

 Les informations selon lesquelles l'Etat grec avait fait appel à des grandes banques américaines (Goldman Sachs et JP Morgan) pour maquiller la réalité de sa situation financière afin de pouvoir entrer dans la zone euro n'ont pas arrangé les choses, l'Allemagne en particulier se montrant publiquement intraitable dans son opposition à une aide communautaire. 

Mais les acteurs financiers internationaux en ont déduit que les problèmes grecs étaient peut-être pires encore que ce qu'il y paraissait, ou que ces grands Etats eux-mêmes étaient dans une situation financière trop précaire pour aider leur partenaire hellène...

La situation a changé en quelques jours et il semble que des dispositifs discrets d'aide financière à la Grèce aient été mis en place; ils lui ont permis à de lever les capitaux dont elle avait immédiatement besoin - quoiqu'à un prix élevé. Deux facteurs expliquent ce changement d'attitude des Etats capitalistes européens les plus puissants: la crainte qu'un défaut de paiement grec ne mette en péril l'existence même de la zone euro qui leur sert de rempart dans la concurrence internationale; et, facteur sans doute plus impérieux encore, la pression des banques allemandes et françaises qui ont d'importants intérêts en Grèce (il semble notamment que l'exposition des banques allemandes au risque grec soit beaucoup plus important que ce qui ressort des chiffres officiels).

Les théories  vont bon train, en France en particulier, sur le rôle du «capitalisme anglo-saxon» dans ces attaques spéculatives contre la Grèce et l'euro; l'organe de la finance new-yorkaise, le Wall Street Journal, révélait dans un article qui a fait grand bruit, qu'un certain nombre de Hedge Funds s'étaient associés pour spéculer contre l'euro. Cependant, après la Grèce, c'était la livre anglaise qui était la proie de la spéculation, les finances britanniques étant dans un état peut-être pire encore que celles grecques alors qu'elle est le pays européen qui a le plus souffert de la crise. En outre la baisse de l'euro par rapport aux autres monnaies internationales qui a été la conséquence de l'affaire grecque, a permis de stopper une hausse qui semblait irrésistible; si cette baisse se maintenait quelques mois, elle constituerait un très appréciable ballon d'oxygène pour les exportations de la zone euro, en rendant les marchandises qui y sont fabriquées meilleur marché que les marchandises américaines, chinoises, japonaises ou autres.

En réalité les possibilités de gains très importants entrevus par les établissements financiers qui ont été étrillés par la crise économique comptent davantage à ce stade que des grands calculs stratégiques, ce qui ne signifie pas que les Etats-Unis, par exemple, ne seraient pas mécontent si les européens étaient obligés de faire appel au FMI (institution new-yorkaise) pour remettre de l'ordre chez eux...

Quoi qu'il en soit, pour prix de leur «aide», les capitalistes européens ont «imposé» aux capitalistes grecs qu'ils décrètent une cure d'austérité sans précédent dans leur pays. Le déficit public qui était de 12,7% du PIB en 2009 devrait être ramené à 2,8% dans 3 ans. Une diminution aussi brutale, équivalente à une grave crise économique, ne peut être obtenue que par des mesures drastiques, et ce sont les travailleurs qui sont dans la cible des capitalistes grecs et européens. Les mesures annoncées par le gouvernement Papandréou et qui ont été saluées par les dirigeants européens et le FMI, comprennent la diminution de 60% du 14e mois et de 30% du 13e mois des fonctionnaires (soit une baisse des salaires de 6,5 % dans la Fonction Publique), le gel des retraites, la diminution de diverses allocations, la hausse des prix de l'essence, de l'électricité, etc., des coupes sévères dans les budgets sociaux; les entreprises privées devraient s'aligner sur les mesures de baisse des salaires décidées pour le Public. Le gouvernement avait sans doute annoncé aussi qu'il ferait la chasse à la fraude fiscale, mais il a gentiment laissé se dérouler la fuite des capitaux des bourgeois vers Chypre et d'autres paradis fiscaux...

Les bourgeois européens s'inquiètent d'une seule chose: le gouvernement «socialiste» grec sera-t-il capable d'éviter des explosions sociales, comme le leur a sans doute assuré Papandréou? La réponse à cette question les intéresse d'autant plus que dans tous leurs pays des mesures d'austérité devront être prises pour rétablir les finances publiques; en fait elles ont commencé à être mises en oeuvre, non seulement dans des pays économiquement les plus touchés, comme l'Islande, l'Irlande, le Portugal ou l'Espagne, mais même dans l'opulente Allemagne, où le salaire moyen a baissé en 2009 pour la première fois depuis 1949.

Partout les dirigeants bourgeois, attentifs aux nouvelles venant du front social en Grèce, préparent des mesures supplémentaires, semblables à celles qui vont être mises en oeuvre à Athènes. Les prolétaires grecs sont en première ligne, mais en définitive ce sont tous les prolétaires d'Europe qui sont visés, au nom de la défense de l'euro et du rétablissement des finances publiques.

 Les attaques capitalistes vont inévitablement se multiplier et s'aggraver en Grèce comme partout; elles poseront objectivement aux prolétaires de Grèce et d'ailleurs le problème du retour à la lutte de classe et de la reconstitution de leurs organisations économiques classistes et de la constitution de l'organe nécessaire pour mener cette lutte et la diriger vers le renversement du capitalisme: le parti communiste internationaliste et international.

 


 

(1) L'économie grecque ne représente que 2 à 3% du PIB de l'Europe. C'est un pays de 11 millions d'habitants dont les deux piliers de l'activité économique sont le tourisme et le transport maritime; l'industrie y est présente, sans atteindre le niveau de développement des grands pays européens. Les investissements extérieurs des capitalistes grecs se sont fait surtout dans les Balkans et les pays d'Europe de l'Est. Les principaux partenaires économiques sont l'Allemagne et l'Italie, puis la Bulgarie et la Roumanie pour les exportations, la Russie pour les importations. On estime que 20% environ des travailleurs sont des immigrés, occupant les emplois les plus mal payés.

(2) cf Wall Street Journal, 26/2/2010. L'un des financiers explique qu' «il y a l'opportunité (...) de gagner beaucoup d'argent»; parmi ceux-ci se trouve le fameux G. Soros qui gagna 1 milliard de dollars en 1992 en spéculant contre la livre britannique (la Grande Bretagne avait alors été obligée de quitter le Système Monétaire Européen après que la Banque centrale britannique se soit trouvée à court de liquidités). Soros a déclaré que «l'euro pourrait se désintégrer» si les européens ne réussissent pas à remettre de l'ordre dans leurs finances.

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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