La révolution anticapitaliste occidentale

(«le prolétaire»; N° 495; Déc. 2009 - Janv. - Févr. - Mars 2010)

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Dans notre dernier numéro, nous avons publié un texte de Trotsky sur crise et révolution. Nous publions maintenant un texte centré sur l’inévitabilité de l’éclatement de la crise de l’économie capitaliste; il s’agit de la deuxième partie de l’exposé fait par Amadeo Bordiga le 26 avril 1953 à la réunion de Gênes du parti.

 La première partie de cet exposé, publiée à plusieurs reprises sous le titre «Les révolutions multiples» (1), était consacrée à expliquer et développer la notion d’ «aires géo-historiques»: le développement socio-économique de l’humanité ne s’accomplit pas au même rythme et dans les mêmes temps. Certaines parties du monde sont «en retard» à cet égard par rapport à d’autres, le capitalisme ne s’y est pas encore développé, il subsiste des formes de production et sociales archaïques, etc.

En conséquence, dans les régions où la révolution bourgeoise n’a pas encore eu lieu, les prolétaires doivent soutenir les luttes révolutionnaires qui s’y déroulent contre les structures précapitalistes et la domination coloniale, alors que dans les pays capitalistes développés les orientations et les slogans liés à ces mouvements passés, agités notamment pas les staliniens, ne sont plus que contre-révolutionnaires.

Le thème de la deuxième partie portait sur «Economie et crise de l’Occident». Il entendait réfuter les théories apologétiques d’une croissance économique permanente du capitalisme occidental et de l’amélioration toute aussi permanente du bien-être que celui-ci apportait aux masses de la population. Contre ces assertions, Bordiga rappelait la perspective marxiste classique de la crise catastrophique de surproduction qui frapperait inévitablement les économies capitalistes occidentales en pleine expansion, et surtout la première d’entre elles, celle des Etats-Unis, tout en affirmant que la distance nous séparant de cette crise et de la révolution ultérieure ne pouvait se mesurer qu’à l’échelle de décennies, voire de demi-siècle. L’exposé était illustré de citations de Marx et il comprenait une analyse détaillé de diverses statistiques économiques américaines.

Malheureusement le texte dont nous donnons ici la traduction (2) n’est qu’un court résumé de cet exposé dont il manque certains développements significatifs. En outre il comporte des passages elliptiques et quelques obscurités que nous avons essayé d’éclaircir en nous basant sur le compte-rendu publié alors sur le journal du parti (3). En dépit de ces lacunes, et bien que le thème ait été repris dans d’autres réunions, il nous a semblé intéressant de le faire connaître au lecteur de langue française.

 

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1. Après avoir établi l’analyse de la situation mondiale qui suit la deuxième guerre impérialiste, et étant clairement entendu que la consolidation après deux victoires des grands centres impériaux du capitalisme, ne coexiste pas (comme elle ne pouvait coexister) avec la consolidation d’un Etat ouvrier qui construirait le socialisme à l’Est - mais qu’il s’agit d’un rapport entre formes de capitalisme mûres et formes récentes et jeunes qui peuvent soit se rencontrer dans une économie mercantile mondiale unique, soit s’affronter dans des conflits armés pour la conquête de zones de marché, les lignes de fracture potentielles étant nombreuses -, il nous faut maintenant tourner notre attention sur le passage en occident du plein capitalisme à la société communiste: révolution qui n’est pas double, qui n’est pas «impure».

2. Nous avons démontré que les données «officielles» de Staline sur l’économie sociale russe correspondent aux caractéristiques classiques du capitalisme, réfutant ainsi les deux thèses selon lesquelles nous serions en présence ou d’une société socialiste ou d’une forme «nouvelle» inconnue du marxisme (thèse encore plus malheureuse que la première); de la même façon les données de l’économie occidentale, et notamment des Etats-Unis, y compris tirées des sources «officielles» de l’infecte propagande du «monde libre» coïncident entièrement avec la description marxiste du capitalisme d’où découle, en dépit de toutes les apologies sur le progrès et la stabilité du système, le cours inexorable des crises internes de production, des guerres pour les marchés, de l’écroulement révolutionnaire, de la conquête prolétarienne du pouvoir avec la destruction de l’Etat capitaliste, l’instauration de la dictature du prolétariat et l’élimination des formes bourgeoises de production.

3. Depuis qu’il s’est instauré, le mode capitaliste de production ne peut se maintenir qu’en accroissant sans cesse, non la dotation en ressources et installations destinées à améliorer la vie des hommes tout en diminuant leurs risques, peines et efforts, mais la quantité des marchandises produites et vendues.

Comme la population croît moins vite que la masse des produits, ceux-ci doivent se transformer en consommations plus grandes (quelles qu’elles soient) et en nouveaux moyens de production, entrant ainsi dans une voie sans issue. C’est là le caractère essentiel, inséparable de l’augmentation de la force productive par les mécanismes matériels mis à disposition par la science et la technique.

Tous les autres caractères liés à la composition statistique des classes et au rôle, important sans aucun doute, des superstructures administratives, juridiques, politiques, organisatives et idéologiques, ne sont que secondaires et accessoires; ils ne modifient en aucune façon les termes de l’antithèse fondamentale du capitalisme avec le mode de production communiste, telle qu’elle se trouve tout entière contenue, depuis le Manifeste de 1848, dans la doctrine prolétarienne révolutionnaire invariante.

4. Tous les caractères de l’avènement et du procès du capitalisme établis dans l’analyse monolithique de Marx peuvent se constater dans l’économie mondiale; ils se répètent, se renforcent même, en conformité avec les lois déduites principalement des cycles du capitalisme anglais: expropriation successive et drastique des tous les détenteurs de réserves de marchandises et de moyens de production (artisans, petits et moyens commerçants, industriels, rentiers); accumulation de capital: masse, absolue et relative, toujours plus grande d’instruments de production qui s’accroissent et se renouvellent sans trêve (et même sans raison); concentration dans un nombre toujours plus réduit de mains (et non de «têtes», concept précapitaliste) de ces forces sociales, avec de gigantesques complexes, inconnus autrefois, d’établissements et d’usines. Extension incessante du marché mondial, après la formation des marchés nationaux; dissolution des derniers flots de travail-consommation autonomes existant dans le monde.

5. Cette série de confirmations du rythme, y compris supérieur aux attentes de nos théoriciens, nous est fournie en premier lieu par les statistiques de la production des Etats-Unis et de leur consommation interne en expansion continuelle. La question est de savoir s’il est possible que cette forme sociale connaisse un développement indéfini et sans secousses, ou si elle se heurtera à des secousses violentes, à des crises profondes et des bouleversements qui ébranleront le système jusque dans ses fondements.

Pour y répondre, il suffit de considérer les deux guerres mondiales et la gigantesque crise intermédiaire de tout l’appareil productif, ainsi que l’instabilité dans tous les domaines de cet après-guerre tourmenté; cela réduit en pièces l’image d’une société prétendument prospère qui s’acheminerait vers une égalisation des niveaux de vie et de la richesse individuelle, composée entièrement d’une classe moyenne sans classes extrêmes, et qui ne connaîtrait par conséquent ni des luttes syndicales ouvertes ni des partis aux programmes anticonstitutionnels.

L’examen le plus banal des infrastructures américaines montre combien est chimérique la vieille image d’un Etat administrateur, fédéral et non bureaucratique ni militaire qui serait tout différent des puissances européennes belliqueuses, séculairement en lutte pour l’hégémonie: les données américaines à cet égard battent de loin tous les indices, absolus et relatifs, du monde et de l’histoire humaine.

6. Même si on voulait en baser les conclusions sur les seuls rapports internes qui se vantent d’être stables au milieu de l’instabilité avouée des rapports internationaux (alors que les Américains ont renoncé à la vieille idée de rester à l’écart des événements extérieurs et extra-américains!), l’analyse de cette économie est confirme toutes les lois marxistes; elle conduit donc directement à la condamnation du mode capitaliste de production que personne ne peut arrêter dans sa course à la catastrophe et à la révolution.

Le gigantesque réseau d’établissements et d’usines, sans égal dans le monde, et l’industrialisation poussée au maximum de toutes les sphères de l’activité montrent que les Etats-unis dépassent tous les autres pays pour ce qui est de la domination du «travail mort» (Marx) - c’est-à-dire le capital cristallisé dans les machines, les installations, les matières premières, etc. -, sur le «travail vivant» - c’est-à-dire l’activité incessante des travailleurs dans la production. La liberté tant vantée sur la plan juridique ne peut dissimuler le poids et la pression de ce cadavre qui gouverne les vivants.

7. L’augmentation du niveau de vie du travailleur pour ce qui est de la quantité, exprimée dans un même mesure de valeur, des produits qu’il consomme, n’est que la confirmation des lois marxistes sur l’augmentation de la productivité du travail. Les statistiques pour certaines dates spéciales (1848, 1914, 1929, 1952) peuvent faire impression, mais elles ne font que s’inscrire dans un cycle qui a été prévu. Si en dix ans l’augmentation des salaires a été de 280%, alors que l’augmentation du coût de la vie n’a été que de 180%, cela signifie que l’ouvrier avec un salaire de 380 doit acheter 280: l’amélioration se réduit à 35%. En même temps on admet que la productivité a augmenté de 250%. Donc l’ouvrier qui donne trois fois et demi autant, reçoit seulement une fois et un tiers: l’exploitation et la plus-value se sont énormément accrues.

Il est complètement évident que la loi de la misère croissante ne signifie pas baisse du salaire nominal ou réel, mais accroissement de l’extorsion de plus-value et augmentation du nombre des sans-réserve et des expropriés.

8. L’augmentation de la productivité du travail, qui a été multipliée des dizaines de fois pendant tout le cycle du capitalisme en Amérique, signifie que pendant même temps de travail on produit une quantité des dizaines de fois plus grandes de marchandises. Le capitaliste qui autrefois avançait 1 de travail pour 1 de matières premières, avance aujourd’hui 1 de travail pour 10 ou 20 de matières premières. Si sa marge de profit restait la même par rapport à la valeur des produits vendus, son profit total serait dix ou vingt fois plus grand.

Mais pour cela il faudrait que cette quantité dix ou vingt fois plus grande de produits ait trouvé des acheteurs. Le capitaliste se contente donc d’un «taux de profit» plus faible et augmente la rémunération du travailleur: mettons qu’il la double en valeur réelle chaque fois que la productivité est multipliée par dix; dans le même temps il baisse le prix de vente parce que la marchandise contient 2 et non 10 de travail et il arrive à trouver des clients même parmi son personnel. Nous avons ici la loi de la baisse tendancielle du taux de profit avec l’augmentation de la productivité du travail et de la composition organique (rapport entre le capital constant et le capital total) du capital. Or toutes les conclusions sur l’impossibilité de ce système à perdurer dans le temps résultent et s’appuient sur la vérification de la loi de baisse du taux de profit (que le philocapitalisme de Staline lui faisait écarter imprudemment, voir notre Dialogue) (4).

La position communiste est complètement opposée à celles-ci (et d’autant plus qu’elles deviennent toujours plus manifestes et impérieuses): domination du travail vivant sur le travail mort! Utilisation de l’augmentation de la productivité, non pour une folle augmentation parallèle d’une production inutile quand elle n’est pas nuisible, mais pour l’amélioration des conditions du travail vivant, c’est-à-dire réduction drastique de la journée de travail (5).

9. Engels définissait déjà en 1850 l’Amérique comme le pays dont la population double tous les dix ans; si c’est aussi le pays où la productivité triple tous les dix ans et donc est multipliée par 6 en vingt ans (ou avec la loi de progression géométrique rêvée par Staline pour la Russie, devient neuf fois plus grande), ce n’est donc pas un pays où le socialisme européen est inapplicable, mais celui qui nous a dépassé de loin dans la course à la crise de surproduction et à la pression explosive du capitalisme.

Du point de vue économique, l’accession du prolétaire au crédit avec la vente à tempérament d’articles de luxe en fait un «pauvre» et un sans-réserve achevé; son bilan n’est plus celui de quelqu’un qui possède zéro, mais celui de quelqu’un qui a hypothéqué une quantité de travail futur pour arriver à zéro: un véritable esclavage partiel.

Du point de vue social, toutes ces consommations correspondent à des réseaux d’influence et même de corruption dégénérative à l’avantage de la classe dominante et des tendances d’habitudes et d’idéologies qui lui conviennent. Le monstrueux système de publicité contraint le prolétariat à acheter avec ses augmentations de salaire des biens de consommation de mauvaise qualité, voire nocifs. La liberté individuelle de la riche Amérique ajoute au despotisme d’usine capitaliste le despotisme et la dictature sur les biens de consommation standardisés de la classe exploitée, à qui l’on impose des besoins absurdes pour ne pas lui accorder du temps libre et pour ne pas arrêter l’inondation mercantile.

Le système consistant à verser une petite fraction du bénéfice de l’entreprise proportionnellement au salaire annuel a un effet similaire. Quand on fait le compte sur des données statistiques précises, on s’aperçoit que dans le meilleur des cas, cela correspond à une augmentation de salaire qui ne dépasse guère les 5%, intégralement récupérée par le coup de fouet qu’elle donne au zèle de l’ingénu «actionnaire» qui se fait ainsi rouler.

10. La théorie des crises récurrentes toujours plus graves est fondée sur celle de l’augmentation de productivité et de la baisse du taux de profit; elle ne pourrait être réfutée que si les indices caractéristiques du cours capitaliste venaient démentir cette dernière. On constate tout le contraire aux Etats-Unis, comme pourrait aussi le confirmer la comparaison avec nos industriels qui, dans la sidérurgie, aimeraient bien passer d’une production de 80 tonnes d’acier par ouvrier aux 200 tonnes américaines. Qui ne préférerait toucher 4% sur 200 plutôt que 5% sur 80?

La crise économique intrinsèque, c’est-à-dire de celle de l’ «abstraite» (comme chez Marx) Amérique qui devrait manger tout ce qu’elle produit, est décrite en formules et en graphiques inexorables. Un tableau des marchandises qui oscillent en moyenne autour du prix du pain, nous montre qu’aujourd’hui l’ouvrier peut acheter une livre de pain avec la rémunération de 6 minutes de travail alors qu’il lui en fallait 17 en 1914. La population ouvrière a augmenté sans aucun doute par rapport à la population totale: comment feront les citoyens américains pour absorber trois fois plus de pain qu’ils en absorbaient en 1914, 10 fois plus qu’en 1848? Pour ne pas crever, ils devront suivre le conseil de manger des brioches! A un certain moment, d’un côté on ne pourra pas vendre une livre de pain de plus et de l’autre côté l’ouvrier, au chômage, ne pourra même plus en acheter une. En bref, voilà pourquoi le vendredi noir reviendra, et toujours plus noir.

11. Une solution consiste à faire avaler du pain à des populations qui jusqu’ici mangeaient du mil, du riz ou des bananes (les Mau-Mau ont-ils vraiment tort?). Et pour cela, on commence par canonner ceux qui empêchent de débarquer, puis, plus tard, ceux qui vendent moins cher le riz ou les bananes: voilà l’impérialisme. Si la théorie marxiste des crises et des catastrophes colle parfaitement, il en va de même pour la théorie de l’impérialisme et des guerres. Les données sur lesquelles s’appuie Lénine dans son livre sur l’Impérialisme ont été relevées en 1915; elles sont confirmées aujourd’hui avec dix fois plus de force par les statistiques américaines.

Celles-ci comparent d’autre part le niveau de vie en Amérique et dans les autres pays qui l’entourent: en premier lieu, avec les pays alliés; ensuite avec les ennemis. Si dans les premiers une livre de farine nécessite 4 fois plus de temps de travail qu’en Amérique, elle en nécessiterait neuf fois plus en Russie, selon ces statistiques américaines. Même si les statistiques russes fournissaient un chiffre inférieur, il est hors de doute que dans la zone orientale, les lois de l’accroissement de la productivité, de la composition organique du capital et de la chute du taux de profit ont encore un long chemin devant eux, ce qui provoque une grande confusion chez ceux qui lisent à l’envers les conditions de la révolution et la distance qui nous en sépare.

Où que soit placée la première pièce d’artillerie et lancée la première fusée, peut-être depuis la lune (6), il est certain qu’il faut frapper au centre du système américain pour lui appliquer vigoureusement un frein à la croissance folle de la consommation et de la production qui démontre qu’il est vrai que l’homme ne vit pas que de pain, mais que si cet homme gagne en 6 minutes son pain de la journée et qu’il travaille néanmoins plus de deux heures, ce n’est pas un homme mais un crétin.

 12. La raison pour laquelle il n’y a pas aux Etats-Unis un véritable parti communiste au programme intégralement révolutionnaire, alors que ce programme est si «actuel» et que les conditions y sont mûres au point de tendre potentiellement à se putréfier, est un grand problème historique posé à l’échelle mondiale.

La troisième vague opportuniste qui a brisé le mouvement marxiste du premier immédiat après-guerre a trois aspects: - réduction au capitalisme de la forme de production qui se développait en Russie. - abandon des revendications communistes par l’Etat politique russe - politique d’alliance militaire de celui-ci et d’alliance politique des partis parallèles en occident sur des revendications de nature bourgeoise et démocratique.

Le brusque passage de l’apologie du régime capitaliste américain comme ami et défenseur du prolétariat mondial à sa dénonciation comme ennemi de la classe laborieuse qu’il ne serait devenu qu’en 1946, ne pouvait que saboter encore plus la formation révolutionnaire du prolétariat en Amérique et y interposer des freins historiques à la formation d’un véritable parti de classe.

Il ne sera possible de dépasser cette situation que sous tous ses aspects: démonstration qu’il n’y a pas de construction du socialisme en Russie; que si l’Etats russe entre en guerre, ce n’est pour le socialisme, mais pour des rivalités impérialistes; démonstration surtout qu’en Occident les buts démocratiques, populaires et progressistes non seulement n’ont aucun intérêt pour la classe des travailleurs, mais reviennent à consolider un capitalisme en putréfaction.

13. Dans ce long travail de reconstruction (qui doit aller de pair avec la maturation de la crise de la forme de production occidentale, et américaine en particulier, dont toutes les conditions déterminantes existent pour qu’aucune diversion de politique intérieure ou mondiale ne puisse la retarder plus de quelques décennies), il faut repousser l’illusion que de nouveaux expédients ou des conclusions de quelques prétendus intellectuels puissent valoir davantage que les confirmations historiques déjà apportées par les faits à la doctrine originelle marxiste, correctement comprise et appliquée.

Le parti communiste défend la perspective future d’un temps de travail réduit et consacré à des objectifs utiles à la vie, et il travaille en fonction de ce résultat de l’avenir en s’appuyant sur tous les développements réels. Cette conquête qui semble misérablement exprimé en heures et réduite à un décompte matériel, constituera en réalité une victoire gigantesque, la plus grande possible, par rapport à la nécessité dont nous sommes tous esclaves. Car même après la disparition du capitalisme et des classes, l’espèce humaine sera encore soumise à la nécessité imposée par les forces de la nature: la liberté absolue au sens philosophique restera toujours un mirage.

Celui qui, surtout dans le tourbillon du monde actuel, au lieu de se raccrocher au fil de cette notion impersonnelle des conditions de l’avenir, veut imaginer dans sa pauvre tête des recettes nouvelles et des formulations inédites doit être considéré comme plus dangereux que les plus crasses conformistes et serviteurs du capital qui professent son existence éternelle..

 


 

(1) Voir par exemple «Le Prolétaire» n°164, ou «Facteurs de race et de nation dans la théorie marxiste», Ed. Prométhée.

(2) Ce texte avait été publié sur la brochure «Sul Filo del Tempo», 1953 (reprint «Il Comunista» 1990) avec d’autres compte-rendus ou résumés des réunions de cette époque, en attente de pouvoir en donner si possible les textes complets (ce qui ne fut pas le cas). Il y était précisé que ces résumés étaient l’oeuvre spontanée de militants.

(4) Il s’agit de «Dialogue avec Staline», Texte du PCInt. n°8.

(5) Le compte-rendu du journal précise: «Quelle est la revendication socialiste et communiste? Est-ce que c’est: augmentez le salaire, diminuez le profit et le surtravail (qui a une fonction sociale depuis que le capitalisme a socialisé marché et travail!), faites-nous consommer davantage, faites-nous absorber plus de vos produits de divertissements et de culture, à plus d’intoxication diffusée par l’école, l’art, la radio, la télévision, la publicité? Pas du tout. La revendication est: libérez le travail vivant du poids sinistre du travail mort, ajustez le temps de travail en rapport avec sa puissance productive, donnez la liberté du matériel temps, la seule qui ait un sens par rapport à la nécessité inévitable (comme dit dans une splendide citation de Marx) qui lie l’espèce humaine à une lutte incessante, y compris, dans le futur, contre les conditions naturelles adverses. Ce n’est pas une revendication réformiste, mais une formidable revendication révolutionnaire que cette simple exigence: diminution du temps de travail journalier!».

(6) Il manque ici manifestement un passage pour comprendre le raisonnement du rapporteur. Dans une guerre impérialiste, la pire alternative pour la possibilité d’une future révolution est la victoire du camp économiquement et socialement le plus puissant, en l’occurrence les Etats-Unis, «ennemi n°1» du prolétariat mondial. Cela ne signifie pas qu’il faille s’allier au camp impérialiste adversaire des Etats-Unis, car la condition essentielle pour qu’une telle révolution advienne, est que le prolétariat ait la force de se maintenir sur une position de classe, donc absolument indépendante de toute alliance avec des forces bourgeoises quelles qu’elles soient.

Après avoir rappelé que le centre du capitalisme mondial se trouve aux Etats-Unis et que les mouvements des peuples de couleur sont un obstacle à sa puissance, le compte-rendu écrit: «Redoutable agent contre-révolutionnaire et conservateur dans la politique interne de tous les pays capitalistes, défaitiste dans la guerre civile prolétarienne, le poulpe russe, s’il n’est pas contenu à coups de dollars - ce qui est possible mais qui ne serait qu’une solution temporaire et non définitive -, travaille sans le savoir pour la révolution en sabotant au plan international les soupapes de sécurité du sinistre capitalisme occidental, avec des canons, des bombes et des avions.

 La crise du système de production et de consommation américain éclatera avant ou en même temps que la troisième guerre mondiale, celle-ci pouvant se dérouler entre la Russie et les Etats-Unis, ou bien, à la Staline, éclatant sur une autre ligne de faille impérialiste. Mais nous voyons cette crise comme inévitable et indispensable au déclenchement d’une grande vague historique de la révolution communiste dont nous calculons le délai en dizaines d’années».

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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