Quelques données économiques sur la Libye

(«le prolétaire»; N° 499; Mars - Avril 2011)

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La Libye est un pays de presque 6,5 millions d’habitants, en grande partie semi-désertique, dont les seules ressources sont le pétrole et le gaz. Ancienne colonie italienne, elle était dirigée par une monarchie  liée à l’impérialisme anglais qui régnait sur trois provinces largement autonomes et une multitude de tribus. En 1969 un jeune capitaine de l’armée de l’air, Kadhafi, à la tête d’une junte militaire renversait le roi Idriss Premier et instaurait la «République» - en réalité un régime dictatorial sans même une façade d’institutions démocratiques bourgeoises.

 Le nouveau régime utilisa les revenus du pétrole pour acheter la loyauté des divers clans et chefs de tribus, mais aussi pour initier un certain développement économique qui a nécessité l’immigration de centaines de milliers de travailleurs (venant d’Egypte, de Tunisie, d’Afrique noire et du sous-continent indien) et qui a entraîné une urbanisation rapide (85% de la population vit aujourd’hui dans les villes), tandis qu’un puissant appareil répressif était chargé de maintenir l’ordre et réprimer dans le sang les révoltes qui ont éclaté à plusieurs reprises.

Dans les années 70 la Libye était un grand producteur de l’OPEP (le cartel des principaux pays producteurs de pétrole), produisant plus de 3 millions de barils par jour. A la suite de la nationalisation des sociétés pétrolières puis des sanctions économiques imposées au début des années 80 par les Etats-Unis, cette production avait fortement baissé. Après la réconciliation du régime avec les impérialismes occidentaux au début des années 2000, les grandes sociétés pétrolières, attirées par la qualité du pétrole du pays et ses vastes ressources (ses réserves sont estimées être de 44 milliards de barils, soit les plus importantes de toute l’Afrique), la production pétrolière libyenne a recommencé à augmenter. Mais elle n’atteint cependant qu’un 1,8 million de barils par jour, ce qui correspond à 2% à peine du marché mondial.

 Cependant le pétrole et le gaz libyens ont un poids beaucoup plus important pour certains pays européens, à commencer par l’Italie: en 2010 22% du pétrole et 13%  du gaz naturel consommés dans la péninsule sont venus de Libye. En 2009, les principaux acheteurs du pétrole libyen étaient l’Italie (425 000 barils par jour), l’Allemagne (178 000 barils/jour), la France (133 000), l’Espagne (115 000 et les Etats-Unis (80 000). La plus grosse compagnie productrice de pétrole en Libye est l’ ENI italienne (244 000 barils/jour), suivie par la britannique BP, l’allemande BASF, sans oublier l’anglo-hollandaise Shell, la française Total, etc., mais pour lesquelles nous n’avons pas de chiffres.

Le principal partenaire économique de la Libye est l’Italie; leurs échanges commerciaux se montaient en 2010 à 17,6 milliards de dollars, en augmentation de 7,8% sur l’année précédente. La France suit d’assez loin avec des flux commerciaux de 6,6 milliards de dollars, mais en très forte augmentation: plus de 71%. Nous avons ensuite la Chine avec 5,96 milliards de dollars, en augmentation de presque 36%, suivie par l’Allemagne avec 4,97 milliards de dollars, en baisse de 2,6%; l’Espagne à 4,22 milliards de dollars, en forte hausse (43%), puis les Etats-Unis à 2,26 milliards de dollars, en hausse légère (4,38%), la Grande-Bretagne à 2,26 milliards (hausse de plus de 25%), la Turquie (2,12 milliards, en hausse de 5,89%), la Corée (1,4 milliards, et une forte hausse: 30,65%).

Ce n’est pas par hasard si la France, le pays qui a enregistré la plus forte hausse de son commerce avec la Libye (même si les promesses de gros contrats faites par Kadhafi lors de sa venue à Paris n’ont pas été tenues), a été celui qui a poussé le plus à une intervention militaire (l’appétit vient en mangeant); ni si, d’un autre côté, l’Allemagne, le seul grand partenaire commercial de la Libye qui a vu ses échanges commerciaux décliner, a été le pays européen le plus réticent à cette intervention...

Quand à l’Italie, il est manifeste que c’est elle qui avait le plus à perdre d’un bouleversement politique à Tripoli. Les autorités libyennes ont investi dans de nombreuses entreprises italiennes, depuis Unicredit, la plus grande banque italienne dont le fonds souverain libyen est devenu le premier actionnaire (7,5% des parts), la FIAT, l’entreprise d’armement Finmeccanica jusqu’au club de football Juventus de Turin. Un traité d’amitié entre l’Italie et la Libye, signé en 2008, avait pour but, en dehors de la question du contrôle de l’immigration, d’accroître les échanges commerciaux et les investissements. On comprend pourquoi les autorités italiennes ont traîné les pieds avant de céder aux demandes américaines pour l’utilisation de leurs bases aériennes dans les bombardements en Libye et pourquoi elles ont multiplié les critiques envers l’activisme du gouvernement Sarkozy. Mais début avril, l’Italie devenait le 3e pays à reconnaître le Conseil National des rebelles de Benghazi, ce qu’elle avait jusqu’ici refusé de faire. Selon des diplomates cités par la presse internationale, la raison de ce changement était la crainte que le but final de la France soit de remplacer l’ENI comme principale société pétrolière en Libye en cas de victoire de la rébellion...

Les pays de l’Union européenne, et l’Italie en particulier, ont, depuis plusieurs années, passé des accords avec le régime de Kadhafi qui en ont fait un véritable garde-frontière refoulant sans pitié les travailleurs africains qui tenteraient de gagner l’Europe à partir de ses côtes.

C’est parce qu’ils comptent bien que le futur régime de Tripoli, quel qu’il soit, continuera à remplir ce rôle, que les pays effectuant les bombardements aériens en Libye ont soigneusement évité d’attaquer la marine libyenne bien que celle-ci soit engagée dans la lutte contre la rébellion, notamment à Misrata: «défendre les populations civiles», peut-être, mais pas au prix de risquer le relâchement du contrôle militaro-policier aux frontières de l’Europe «démocratique»...

Face à tous ces sordides intérêts bourgeois et impérialistes qui se heurtent avec violence, les prolétaires n’ont pas à choisir un camp contre l’autre, mais ils n’ont pas non plus à se désintéresser de ce qui se passe là-bas parce que ce sont leurs frères de classe qui sont obligés de fuir par dizaines de milliers ou qui tombent sous la répression. Il leur faut combattre tous les camps bourgeois, en sachant bien que leur premier ennemi est leur propre bourgeoisie, celle qui prétend apporter la liberté et la démocratie à coups de bombes et de milliards alors qu’elle vit de leur exploitation et de celle des prolétaires des autres pays.

 

Sources: Financial Times, Wall Street Journal.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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