A propos des massacres d’Oslo et Utova

(«le prolétaire»; N° 500; Mai-Septembre 2011)

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La paix et la tranquillité d’un pays qui s’était toujours considéré étranger à la violence sociale que connaissent à peu près toutes les nations du monde, a volé en éclats l’après-midi du 22 juillet sous les coups d’un un bourgeois aisé de 32 ans, animé d’une haine fanatique envers ceux qui rappelaient vaguement le marxisme et qui ouvraient les portes de la Norvège au multiculturalisme, à la liberté religieuse et à une mielleuse coexistence pacifique. Après avoir commis un attentat à la voiture piégée devant le Palais du gouvernement, Anders Behring Breivik, ancien membre du Parti du Progrès (conservateur) et sympathisant de l’extrême droite, s’est livré avec un froid cynisme et une violence glacée, à un massacre de jeunes militants du parti social-démocrate au pouvoir rassemblés dans l’île d’Utova.

Dans un premier temps, selon les informations diffusées par les journaux et les télévisions, la responsabilité de ces attentats avait été attribuée au terrorisme islamique ; mais la police a très vite révélé que l’auteur des crimes était norvégien. Cela n’a naturellement pas empêché que des politiciens de droite, et pas seulement «extrême», en France ou en Italie, sautent sur l’occasion pour apporter de l’eau au moulin de la propagande anti-immigrés et demander une répression accrue de l’immigration…

La réponse des dirigeants norvégiens à ce massacre a été celle qu’attendaient les démocrates bourgeois : « démocratie, ouverture et transparence », voilà quelles sont les armes avec lesquelles la Norvège répondra à « la pire attaque de son histoire depuis la deuxième guerre mondiale » (déclaration du délégué norvégien à l’assemblée de l’ONU consacrée à la jeunesse, le 25 juillet). . Le gouvernement norvégien de centre-gauche a « courageusement » promis d’administrer au pays une nouvelle dose de démocratie ; le Premier Ministre social-démocrate Jens Stoltenberg a déclaré le jour du massacre : « Nous ne changerons pas notre mode de vie ! ».  La « supériorité » de la coexistence démocratique a été réaffirmée par les gouvernants d’Oslo comme la réponse à tout événement qui trouble le déroulement pacifique de la vie sociale dans le pays de Fiords, où tout le monde, patrons comme ouvriers, exploiteurs comme exploités, autochtones comme immigrés, athées comme croyants, peut vivre en harmonie loin des guerres, de la misère, des accidents de travail, des souffrances et  de l’abrutissement qui touchent des milliards de personnes sur la planète…

La Norvège, le pays des contes de fée, de la police non armée, des prix Nobel, de la tolérance, des amortisseurs sociaux les plus développés (par exemple depuis 1993 il existe une loi dite pappapermisjon qui accorde à la naissance d’un enfant un congé spécial de 15 jours pour les deux parents, plus 46 semaines de congé parental à partager entre les deux), fait partie du « paradis scandinave » qui est régulièrement présenté comme un modèle pour les démocraties du monde entier.

La Norvège compte moins de 5 millions d’habitants, mais elle jouit de ressources notables qui en font un des rares pays sans dette extérieure ; elle est le principal producteur de pétrole européen et le troisième exportateur mondial après l’Arabie Saoudite et la Russie : le pétrole représente 52% de ses exportations et 25% du PIB. En outre le pays est aussi un grand exportateur de gaz naturel, un grand producteur d’hydroélectricité, il dispose de ressources minières importantes (zinc, pyrite, titane, cuivre, fer et charbon ; son économie est marquée également par le poids important de la pêche (elle exporte de la morue et du saumon dans le monde entier), tandis qu’elle compte aussi un secteur industriel conséquent : industrie du bois, sidérurgie, métallurgie, chimie…

C’est grâce à toutes ces richesses que la bourgeoisie norvégienne peut se permettre d’adoucir l’exploitation de ses prolétaires et des prolétaires immigrés (concentrés à Oslo où ils représentent 30% de la population) par des avantages sociaux qui ont lui donné une longue période de paix sociale après la deuxième guerre mondiale.

En réalité les contradictions aiguës qui ont secoué au cours des trente dernières années non seulement des pays lointains, mais d’autres beaucoup plus proches (comme l’Europe de l’est ou les Balkans après la chute de l’URSS) ont eu aussi des conséquences dans le « paradis scandinave » où la haine de l’étranger, surtout s’il s’agit d’un prolétaire immigré, n’a cessé de monter, se combinant avec l’idée que pour défendre le niveau de vie, il fallait rejeter la politique sociale pour tous incarnée par les partis sociaux-démocrates.

Les prolétaires doivent se préparer au moment où la classe dominante montrera son vrai visage de massacreur de la classe ouvrière parce que la concurrence mondiale ne lui laissera pas d’autre choix que de s’attaquer frontalement à eux  pour résister aux autres puissances capitalistes. Quand il le faut, la bourgeoisie n’hésite jamais à renvoyer ses serviteurs réformistes, sociaux-démocrates ou autres, quand bien même ils lui ont été très utiles pendant longtemps pour maintenir le prolétariat dans le piège démocratique à l’aide d’un pseudo-marxisme vidé de sa substance révolutionnaire et rempli de politique interclassiste, pour confier à l’Hitler du moment la tâche de centraliser dictatorialement tout le pouvoir ; cela est déjà arrivé plus d’une fois et cela arrivera encore.

L’avenir auquel doit se préparer le prolétariat n’est pas celui de la concorde sociale, de la démocratie « véritable », quoi que cela veuille dire, mais de la lutte ouverte entre les classes.

La folie du blond norvégien qui a fait exploser une auto à Oslo et qui a massacré des jeunes sans défense est la même folie que celle du pouvoir bourgeois qui frappe, qui réprime, qui bombarde, engendre la misère dans le monde entier en criant « vive la démocratie ! ». Lors de  l’attentat d’Oslo et le massacre d’Utoya, il ne s’est pas attaqué aux immigrés musulmans porteurs selon lui de traditions dangereuses, mais à ses compatriotes qui représentaient à ses yeux ceux qui avaient ouvert la porte à l’Islam, au métissage, à l’étranger : ils n’avaient plus le droit de vivre parce qu’ils avaient « trahi la nation ». « Atroce, mais nécessaire » a dit Breivik de son acte ; c’est exactement ce  que disent ceux qui justifient le massacre de civils, hier dans les Balkans, en Somalie, en Irak,  aujourd’hui en Afghanistan, au Liban ; si Breivik voulait sauver la nation de contaminations dangereuses, les pays de l’OTAN prétendent vouloir sauver la démocratie du terrorisme !

Il n’y a guère de chances que le prolétariat puisse comprendre à l’improviste que ce qui est en jeu derrière les tueries de Breivik, c’est un changement de la politique de la classe dominante, dans la perspective des effets toujours plus pesants de la crise capitaliste mondiale ; changement qui conduira à une dégradation inévitable des conditions prolétariennes, à une remise en cause des « garanties » sociales dont jouissent jusqu’ici les travailleurs, un renforcement du contrôle policier, à plus forte raison si le développement capitaliste dû à l’industrie pétrolière requiert un recours accru aux prolétaires immigrés.

Le prolétariat norvégien devra lui aussi entre en lutte pour se défendre et il ne pourra trouver  un allié solide que dans le prolétariat immigré ; contraints par la pression bourgeoise à accepter des conditions de travail et des salaires pires que ceux des autochtones, les prolétaires immigrés ne pourront combattre cette situation que s’ils trouvent chez ces derniers la même volonté de lutte et la communauté d’intérêts de classe contre les capitalistes.

L’influence démocratique débilitante est fondée sur la corruption que la bourgeoisie norvégienne a effectué dans les rangs prolétariens en concédant un niveau de vie plus élevé qu’ailleurs ; elle ne disparaîtra pas facilement, comme on peut le constater dans les autres pays européens qui ne peuvent certainement pas se flatter d’être des pays de conte de fées.

Mais la voie pour se libérer du capitalisme n’est pas celle de la collaboration entre les classes ; ou les prolétaires luttent pour eux-mêmes en tant que classe contre la violence bourgeoise, quelle que soit sa forme ; où ils renoncent à toute résistance à la pression et à la répression bourgeoises, se réduisant au rôle de soutien à la politique capitaliste de « leur » propre bourgeoisie, lui permettant toutes les manœuvres politiques, toutes les mesures sociales, toutes les entreprises impérialistes, toutes les expéditions impérialistes que celle-ci jugera nécessaire pour défendre ses profits.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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