Portugal: le prolétariat écrasé entre la crise capitaliste et l’action complice de l’opportunisme politique et syndical

 

(«le prolétaire»; N° 501; Octobre 2011 - Janvier 2012)

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La crise capitaliste qui ravage le monde a dans tous les pays des conséquences très graves pour les prolétaires qui voient leurs conditions d’existence se détériorer rapidement selon les exigences de la bourgeoisie et de ses affaires qui requièrent plus que jamais la main d’oeuvre la moins chère possible, jusqu’à s’approcher du niveau de la simple survie. Ainsi non seulement les baisses de salaire qui se généralisent dans les entreprises des divers secteurs, mais aussi les licenciements massifs, les coupures dans les services sociaux les plus élémentaires, l’augmentation du prix des services de base (eau; électricité, etc.), l’augmentation des impôts forment partout un sinistre tableau. Mais là où les conditions de vie antérieures n’étaient déjà pas très bonnes, ou franchement mauvaises par rapport aux pays voisins, la situation devient de plus en plus terrible pour les prolétaires à mesure que le temps passe et que les exigences de la bourgeoisie nationale et internationales deviennent de plus en plus dures et difficile à réaliser.

C’est le cas du Portugal, une des économies les plus précaires de la zone euro qui historiquement a toujours été à la traîne des puissances impérialistes de la région et qui est resté relativement à la marge du fort processus de développement économique manifeste partout dans le monde, mais surtout, à partir de 1996, dans les pays où traditionnellement il avait été faible. Le pays a été fortement touché par la crise actuelle comme le démontrent sans appel les indicateurs macroéconomiques. L’économie portugaise diminuera de 1,3% en 2011 (alors que le niveau du PNB était déjà très bas après 2 années de crise) et l’on prévoit officiellement qu’elle diminuera encore de 0,6% en 2012 (la chute sera sans aucun doute plus importante). Selon les prévisions de la Banque du Portugal elle-même, l’inflation pour cette année sera de 2,8% contre 1,4% l’année dernière. La crise frappe durement un pays dont la structure productive est marquée par une forte prédominance du secteur des services, concentré essentiellement à Lisbonne et dans l’île de Madère, alors que le reste du pays vit d’une production agricole déclinante et d’un secteur industriel chétif.

Mais au delà des indicateurs macroéconomiques avec lesquels la bourgeoisie entend démontrer la nécessité de sévères sacrifices pour soutenir l’économie nationale, les statistiques montrent aussi comment le prolétariat portugais est affecté par la crise: le taux de chômage qui en 2008, à la veille de l’éclatement de celle-ci, atteignait les 8% de la population active (qui tourne autour de 5,5 millions de travailleurs) a fortement augmenté pour dépasser les 13% (sans compter que le taux d’activité a légèrement diminué). Pour ce qui est des mesures gouvernementales pour ranimer l’économie, c’est-à-dire de l’offensive anti-ouvrière qui se développe là-bas comme partout, les plus importantes ont été sans doute celles qui concernent la durée légale de la journée de travail qui pourra être augmentée d’une demi-heure (ce qui s’ajoute à l’augmentation du nombre de jours de travail par an), la suppression des primes dans la Fonction Publique, l’augmentation des impôts indirects, à commencer par la TVA.

Devant une situation qui impose objectivement à la classe ouvrière de lutter pour se défendre, le principal syndicat, la CGTP, a appelé à une grève générale pour le 25 novembre, la deuxième en 15 ans (la première ayant eu lieu il y a à peine quelques mois). Mais de la même façon que ses confrères syndicaux des pays voisins qui appartiennent comme elle à cette funeste famille unie par les liens de la trahison de la classe ouvrière, la CGTP a fait la démonstration, que sous la direction du syndicalisme opportuniste et jaune, les grèves ne sont pas un moyen de lutte prolétarienne, mais une simple soupape de sûreté pour éviter que les prolétaires se lancent dans la lutte de classe. Une grève générale limitée à une seule journée et avec un préavis d’un mois (suffisant pour que la bourgeoisie s’y prépare et fasse en sorte que cela ne gêne pas la marche des affaires), et qui a comme seul objectif la négociation des mesures d’austérité prises par le gouvernement, ne peut en effet avoir d’autre but réel que de faire retomber la pression prolétarienne accumulée depuis longtemps afin qu’elle ne mette pas en péril la paix sociale.

C’est cette pression qui s’est concrétisée tout au long de la journée par des manifestations de colère prolétarienne qui ont menacé de troubler le «droit démocratique à la protestation» avec lequel la CGTP entendait anéantir la lutte prolétarienne: les piquets dans le secteur du ramassage des ordures qui se sont affrontés à la police pour imposer la grève, les attaques nocturnes contre des sièges de banques, et surtout les affrontements avec la police à la fin des manifestations convoquées par les syndicats et le «mouvement des indignés» (il faut signaler que ces affrontements sont particulièrement significatifs dans un pays qui est réputé pour être parmi les plus pacifiques depuis la «révolution des oeillets» des années soixante-dix), tout cela montre la montée de la colère ouvrière provoquée par la dégradation continue des conditions de vie et de travail: le prolétariat est inévitablement poussé à l’affrontement direct avec ses ennemis, en dépit des efforts du syndicalisme collaborationniste pour lui barrer la voie de la lutte. La CGTP n’hésite pas à attaquer les prolétaires qui instinctivement tendant à aller dans cette direction, comme elle l’a fait en dénonçant les prolétaires qui s’étaient affrontés avec la police, sous le prétexte qu’il faut être pacifique et ordonné pour pouvoir négocier avec la bourgeoisie.

Sur le terrain politique, les forces de l’opportunisme ont joué également leur rôle. Les principaux partis «ouvriers» présents au parlement  s’efforcent de détourner la tension sociale naissante vers des objectifs entièrement assimilables par le jeu démocratique national.

C’est ainsi que le Bloc de Gauche, un rassemblement de petits groupes réunis pour des raisons électorales, affirme dans la résolution de son Assemblée Nationale consécutive aux élections du 5 juin dernier que «faire face au chantage à la faillite sur les salaires et les retraites n’est possible qu’en s’engageant de façon résolue dans une politique d’audit et de renégociation de la dette»; autrement dit que la lutte des prolétaires portugais doit avoir pour objectif d’arriver à un compromis avec la dite «troïka» (le groupe d’experts chargés de gérer l’intervention au Portugal au nom du FMI, de la BCE et de l’Union Européenne) afin de diminuer le poids de la dette publique (c’est-à-dire de la dette nationale) et cela grâce à une politique consistant à faire pression sur le Parti Socialiste pour s’opposer à son alignement sur la droite au gouvernement; ce qui signifie grâce à l’action parlementaire commune avec le parti qui lorsqu’il était au gouvernement a approuvé l’intervention européenne. L’action parlementaire est le terrain privilégié de l’opportunisme qui cherche de cette façon à enchaîner le prolétariat aux règles du jeu démocratique utilisé par la bourgeoisie pour faire passer, non pas autoritairement, mais volontairement, démocratiquement, les mesures antiouvrières pour sortir le pays de la crise.

De son côté, le Parti Communiste Portugais dans un document du 20 novembre 2011 où il prétend cyniquement commémorer la naissance de l’Internationale Communiste et sa propre naissance prolétarienne et révolutionnaire, multiplie les déclarations d’intentions qui démontrent une fois de plus qu’il est l’allié parfait de la bourgeoisie au sein des masses prolétariennes pour maintenir l’ordre social et détourner le mécontentement vers le nationalisme et le compromis: «Il existe des solutions alternatives. Avec une politique patriotique (souligné par nous) qui ait comme objectifs le développement économique, la hausse des conditions de vie des travailleurs et des couches populaires, la défense et la promotion de l’intérêt public et des droits citoyens, l’appui effectif aux microentreprises, aux petites et moyennes entreprises et la défense et l’affirmation de la souveraineté, un Portugal juste, souverain et avec un futur» (Un nouveau chemin d’espoir est-il possible pour le Portugal?, intervention de Jeronimo Sousa, secrétaire général du PCP).

Cela signifie simplement, selon le PCP, que le prolétariat portugais n’a pas d’autre solution que de défendre la patrie contre l’intervention étrangère en commun avec la bourgeoisie nationale, renonçant à ses intérêts indépendants de classe (et bien sûr à ses méthodes et moyens de lutte classiste: pas une seule fois dans le texte on ne trouve le mot grève, piquets, etc.) dans l’espoir que son sacrifice ranime la production nationale, que sa mise au pilori rassasie la faim dévorante de plus-value du capital portugais.

 S’il veut défendre avec succès ses intérêts de classe face au nationalisme et à la politique de collaboration entre les classes, le prolétariat portugais, comme ses frères européens à commencer par ses voisins espagnols, n’a pas d’autre solution que de rompre avec la direction opportuniste des syndicats jaunes qui mènent la lutte sur la voie de la défaite préméditée, et d’imposer ses armes de classe qui sont les seules efficaces: la grève sans préavis, les piquets pour arrêter la production, la défense des manifestations contre les agressions de la police, etc.

Mais il lui faudra aller plus loin, mettre sur pied des organisations classistes, indépendantes des intérêts de la bourgeoisie nationale et internationale, garantissant la continuité dans le temps de sa lutte de résistance et la solidarité des prolétaires de tous les secteurs productifs, employés ou chômeurs, immigrants ou indigènes, hommes et femmes, jeunes et vieux; organisations que possédaient au début du vingtième siècle le fier prolétariat portugais et dont les éléments les plus conséquents formèrent le Parti Communiste du Portugal, section de l’Internationale Communiste, et son journal Avante! où furent publiées les grandes pages de la lutte des classes de la péninsule.

Ce parti communiste, international et internationaliste, qui devra réapparaître comme l’expression suprême de la cohérence de la lutte de classe prolétarienne dans le programme, la politique et la tactique révolutionnaires, luttant pour l’abolition du monde du travail salarié et de la propriété privée, pour la révolution communiste mondiale, la dictature du prolétariat et la transformation socialiste de la société.

 

Pour la reprise de la lutte de classe prolétarienne au Portugal, en Europe et sur toute la planète!

Pour la défense intransigeante des intérêts de classe du prolétariat!

Pour la lutte avec les moyens et les méthodes de classe, indépendants des intérêts de l’économie nationale!

Pour le Parti communiste mondial!

 

21/11/2011

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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