Une «candidate communiste» présentée par lutte ouvrière ?

(«le prolétaire»; N° 502; Février - Avril 2012)

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Lutte Ouvrière, comme elle le fait régulièrement pour chaque élection, présente cette année une candidate à l’élection présidentielle; mais elle le fait avec la précision qu’il s’agit cette fois d’une «candidate communiste» (quelle était donc la nature des 5 candidatures précédentes de Laguiller?):

«Les campagnes électorales sont une occasion pour les partis du mouvement ouvrier de s’exprimer, de défendre leurs idées et leur politique. C’est aussi une occasion pour l’électorat de se prononcer sur les politiques proposées. (...) Cette année, de surcroît, les élections auront lieu à un moment où non seulement la crise de l’économie capitaliste s’intensifie, mais où elle est de plus en plus ressentie par les classes populaires qui en sont les victimes.

Ces deux raisons amènent notre courant non seulement à présenter une candidate en la personne de Nathalie Arthaud, mais à définir aussi l’axe de la campagne qu’elle compte mener. Nathalie Arthaud sera présente, en effet, comme “une candidate communiste à l’élection présidentielle”.

(...) D’où notre choix de faire en sorte que, face aux candidats des grands partis qui se situent tous sur le terrain de l’organisation capitaliste de la société, s’exprime une politique qui ne se limite pas à dénoncer les méfaits du capitalisme mais qui a pour but d’y mettre fin pour le remplacer par une autre organisation économique et sociale. Faire entendre une voix communiste n’est pas seulement affirmer la conviction que l’avenir de l’humanité ne peut pas être une organisation sociale basée sur la propriété privée des moyens de production et l’exploitation. Ce n’est pas seulement décrire une société idéale où n’existeront ni propriété privée des moyens de production, ni exploitation, ni concurrence, ni crise.

C’est surtout affirmer une politique communiste concrète en avançant des objectifs qui correspondent aux intérêts de la classe ouvrière dans cette période de crise et qui, tous, conduisent à mettre en cause la domination du grand capital sur la société» (1).

Lutte Ouvrière prend bien soin de toujours écrire que «les élections ne peuvent pas changer la société»; mais elle «oublie» tout aussi régulièrement de dire que les élections, censées permettre démocratiquement aux organisations ouvrières de «s’exprimer», servent en fait à maintenir, à défendre cette société, en présentant ces «consultations électorales» régulières comme étant le seul moyen de changer sinon la société, au moins la politique gouvernementale. Et la participation à ces élections d’organisations qui s’affirment révolutionnaires ou communistes ne fait qu’augmenter la crédibilité de ce mensonge aux yeux des masses exploitées.

 Lorsque le mouvement ouvrier n’avait pas encore «mené bien des combats dans le passé pour que ce droit élémentaire, le droit de voter dans les élections, soit reconnu aux travailleurs» comme l’écrit L.O., il était alors clair pour les prolétaires que seule la lutte révolutionnaire pouvait changer la société: c’est bien pourquoi c’est la bourgeoisie elle-même qui, après la Commune de Paris (qui n’avait pas combattu pour le droit de vote mais pour le renversement de la société), abandonna le vote censitaire (c’est-à-dire réservé aux seuls bourgeois) et accorda le suffrage universel (d’abord seulement aux hommes), consciente qu’elle pouvait trouver là un moyen pour éviter ou détourner les poussées révolutionnaires.

Au cours des 140 années qui ont suivi, le système démocratique électoral a donné toutes les preuves de son efficacité au service de la conservation sociale. Pour donner un seul exemple de l’histoire récente, il suffit de se souvenir qu’en 1968 c’est l’appel aux urnes qui enterra définitivement les luttes ouvrières; alors, «Voix Ouvrière», l’ancêtre de L.O., appelait, elle aussi, à la participation électorale et dénonçait comme «petits-bourgeois» les appels à l’abstention et la dénonciation des élections...

Cependant L.O. nous affirme qu’elle entend utiliser les élections pour défendre une «politique susceptible d’armer les travailleurs du point de vue de leurs intérêts de classe»: «Aussi l’axe de la campagne électorale de Nathalie Arthaud, seule candidate dans cette élection qui se revendique clairement du communisme révolutionnaire, est-il de mettre en avant un certain nombre d’objectifs qu’il faudra imposer à la bourgeoisie pour préserver la classe ouvrière de la déchéance matérielle et morale (sic!)». Ces objectifs, qui «ébranleraient dans ses fondements la dictature capitaliste sur l’économie» constitueraient en fait «un programme de lutte» et pas un programme électoral, les élections servant seulement à les faire connaître le plus largement possible, car «ils ne pourraient être imposés que par des luttes massives, amples, explosives et, surtout, conscientes (?)» (2). Quels sont donc ces fameux objectifs?

Ils sont au nombre de trois: «pour résorber le chômage, interdiction des licenciements et embauche par l’Etat de travailleurs dans les services publics existants et à créer»; «augmentation générale des salaires pour rattraper le pouvoir d’achat perdu au fil des ans et garantie de ce pouvoir d’achat par l’échelle mobile»; «contrôle des travailleurs et de la population sur les entreprises. Pour commencer, afin de dévoiler les gaspillages capitalistes et les mauvais coups du patronat, abolition du secret des affaires et droit de regard de tous sur la gestion des entreprises et des banques».

Disons-le tout net: ces trois objectifs n’ont rien à voir avec le communisme révolutionnaire, ils tournent le dos aux intérêts de classe du prolétariat; ce ne sont que des chimères réformistes qui, bien loin de les armer, ne peuvent qu’égarer les prolétaires.

Rappelons d’abord que l’interdiction des licenciements est un slogan qui avait été lancé par l’escroc Tapie avant d’être repris par les groupes de la dite «extrême gauche» (avec la précision: dans les entreprises qui font des bénéfices); caractéristique du crétinisme parlementaire, ce slogan prétend qu’il suffirait de faire voter au parlement une telle loi pour que les entreprises cessent de licencier, comme si le parlement était vraiment le centre du pouvoir réel auquel toutes les classes obéissent, y compris les capitalistes! En réalité ces derniers ignorent ou tournent les lois qui d’aventure pourraient les gêner et l’appareil d’Etat, gigantesque machine au service du capitalisme, serait par nature incapable de faire appliquer des mesures réellement anticapitalistes: c’est le B.A.-BA du capitalisme que tous les réformistes, et L.O. à leur suite, veulent cacher aux prolétaires!

Précisons ensuite que l’augmentation générale des salaires, qui n’a pas besoin pour se justifier de l’invocation d’une perte du pouvoir d’achat depuis des années (comme si l’idéal était les anciens salaires!) est un besoin des prolétaires qui ne doit surtout pas être englué dans des mécanismes fallacieux d’ «échelle mobile» des salaires dont le but est de maintenir la paix sociale.

Soulignons enfin que le contrôle «des travailleurs et de la population» des entreprises est une formule parfaite d’interclassisme, c’est-à-dire d’abandon des intérêts de classe prolétariens: lorsque L.O., citant les travailleurs et la population, écrit qu’ils auraient, ensemble, le même intérêt à «contrôler» les entreprises capitalistes, elle affirme implicitement comme tous les réformistes qu’il existerait un intérêt supérieur au dessus des intérêts de classe particuliers. Dans sa brochure de propagande électorale, où elle prétend que ce contrôle «serait une révolution», L.O. explique entre autres qu’il «permettrait de démontrer que pour baisser les prix à la production et donc pour augmenter la compétitivité d’une entreprise, il y a une autre voie que celle qui consiste à diminuer les salaires. Il suffit de diminuer les dividendes des actionnaires» (3): où nous découvrons que la compétitivité des entreprises est un objectif commun à L.O. et à Hollande comme à Sarkozy. On voit toute la portée de cette «révolution»...

 Les véritables communistes, eux, sont les défenseurs des intérêts exclusifs de classe des prolétaires (des «travailleurs» dans le langage flou de L.O.) et pas de ceux des boutiquiers, des professions libérales, des petits propriétaires, des petits ou moyens patrons (il semblerait que pour L.O., seule la grande bourgeoisie est l’adversaire de classe) - ni encore moins des intérêts des entreprises: les entreprises vivent de l’exploitation des prolétaires, le contrôle de leur gestion n’y changerait rien.

 La fin de l’exploitation capitaliste implique la fin de l’organisation capitaliste de la société, donc la disparition des entreprises, de leur concurrence et de leur compétitivité! Cela exige sans aucun doute une révolution, mais pas à la manière de L.O.: une révolution véritable qui détruise l’organe de la dictature capitaliste, l’Etat bourgeois (et non qui lui impose des lois ou des mesures), et instaure à sa place la dictature du prolétariat indispensable pour briser les résistances de la classe bourgeoise et déraciner son mode de production.

 Quant aux classes ou demi-classes intermédiaires, elles devront sans doute faire l’objet de toute l’attention du prolétariat au cours de la lutte révolutionnaire pour que, dans la mesure du possible, elles ne se rangent pas du côté de la bourgeoisie; mais cela ne pourra ni ne devra jamais se faire au détriment des intérêts de classe prolétariens. Le Manifeste écrivait déjà que ces classes sont en fait conservatrices et même réactionnaires; si elles deviennent révolutionnaires c’est «en considération de leur passage imminent dans le prolétariat: elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels, elles abandonnent leur propre point de vue pour adopter celui du prolétariat». Ce n’est donc pas en abandonnant les intérêts prolétariens qu’on peut gagner ou neutraliser ces classes.

Au contraire le réformisme fait abandonner par le prolétariat ses intérêts et le conduit à adopter le point de vue petit-bourgeois sur la conciliation des classes et l’amélioration graduelle du capitalisme.

La prétendue candidature «communiste» de L.O. n’est donc en réalité qu’une candidature réformiste de plus, calculée pour s’adresser aux éventuels militants et électeurs du PCF déçus de ne pas voir ce parti présenter son propre candidat! C’est ainsi que L.O. n’a pas peur d’écrire que «l’abdication de la direction du PCF devant Mélenchon fait qu’il n’y a pas d’autres candidats [que Arthaud] qui se revendiquent du communisme»! Evidemment, L.O. est obligée de reconnaître que cela fait bien longtemps que le PCF ne défend plus une perspective de «transformation radicale de la société» (n’employons surtout pas les mots qui fâchent, comme: révolution), mais, estime-t-elle, voter pour le PCF permettait encore d’exprimer une méfiance par rapport au P.S., ce qui est devenu de moins en moins le cas; et «le choix de la direction du PCF de mettre le dévouement [sic!] de ses propres militants à la disposition de Mélenchon est l’aboutissement ultime de toute une évolution. Il appartient aux électeurs du PCF d’en tirer toutes les conclusions qui en découlent» (3).

Le comprendront-ils et voteront-ils pour Arthaud? En tout cas, L.O. espère bien se couler dans ce vide supposé laissé par le PCF. Elle se désole donc de l’abstentionnisme croissant où elle voit un rejet de la politique (démontrant au passage que, pour elle, la politique se résume à la participation électorale!) et elle multiplie les raisonnements pour expliquer à «l’électorat populaire» et surtout à «sa fraction pour le moment très minoritaire qui se retrouve dans les objectifs avancés par les communistes révolutionnaires» (lire: nos électeurs), que même s’ils veulent voter Hollande pour se débarrasser de Sarkozy, il ne sont pas obligés de le faire dès le premier tour!

Mais pour les électeurs de L.O. et de l’extrême gauche en général, les sirènes du Front de Gauche et du PS, semblent autrement plus attirantes; si l’on se place sur ce terrain électoral factice, si l’on ne veut pas le dénoncer et en détourner les prolétaires, il faut obéir à ses lois. Et c’est bien pourquoi, lors des dernières présidentielles, L.O. avait finalement suivi ses électeurs en appelant à voter Ségolène Royal, ce qui lui avait valu les compliments mérités de cette dernière...

Quant au «parti communiste révolutionnaire» que Lutte Ouvrière nous annonce vouloir construire «en partie grâce aux élections» (!), il est présenté, comme c’est obligatoire sur cette base frelatée, comme un simple parti réformiste.

En effet quand L.O. cherche à expliquer pourquoi les exploités en ont besoin, elle écrit que ce n’est «pas seulement [sic!] à l’occasion d’une consultation électorale pour pousser un cri d’indignation, mais pour peser sur la vie politique; pour exprimer face à chaque décision du gouvernement de la bourgeoisie les exigences des exploités et pour proposer les actions nécessaires pour les faire prévaloir».

Puis elle donne une liste d’actions qui seraient menées par ce parti: «être présent dans les entreprises pour combattre le patronat capitaliste là où se trouvent les sources de sa richesse»; «s’opposer à l’expulsion d’un locataire étranglé par son bailleur; vérifier les prix dans le supermarché et dénoncer les hausses excessives [sic!]; vérifier si le nombre de places dans la crèche et suffisant et s’il y a assez d’instituteurs dans l’école maternelle et d’enseignants au collège (...); surveiller aussi ce qui se passe au commissariat pour intervenir contre des exactions (...)» (4)..

Rien qui puisse effaroucher les partisans du PCF: pas besoin en effet de parti révolutionnaire pour «peser» sur la vie politique bourgeoise, ni pour mener des actions qui relèvent des syndicats, des associations de locataires ou de consommateurs! La perspective «maximum» que L.O. ose présenter à ses lecteurs est celle d’ «une explosion sociale (créant) le rapport de forces nécessaire pour protéger les travailleurs contre les licenciements, le chômage et l’effondrement du pouvoir d’achat des salaires», en escomptant que les objectifs énoncés ci-dessus donneront l’orientation nécessaire aux masses en lutte: en clair une explosion sociale détournée dans une orientation strictement réformiste...

Le véritable parti révolutionnaire, lui, se doit de dénoncer et combattre ouvertement toutes les idéologies et pratiques légalistes, réformistes et de collaboration des classes qui sont à la base de la démocratie bourgeoise et de son système électoral, parce qu’elles sont autant d’obstacles à la lutte de classe.

S’il doit être présent dans les entreprises (comme en dehors d’elles), sa fonction propre se trouve au delà des limites d’entreprises: il est l’organe politique qui unifie, centralise et dirige la lutte prolétarienne qui éclate spontanément, lui faisant dépasser le niveau des escarmouches quotidiennes, des simples (et nécessaires) luttes de résistance immédiates contre les patrons, si amples soient-elles, pour la hisser au niveau d’une lutte de classe, c’est-à-dire de la lutte politique générale contre les capitalistes, culminant dans la lutte révolutionnaire pour abattre l’Etat bourgeois (qui est le pilier de la domination de la classe ennemie) par l’insurrection et la prise du pouvoir. «La nécessité d’inculquer systématiquement aux masses cette idée - et précisément celle-là - de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et d’Engels. La trahison de leur doctrine par les tendances social-chauvines et kautskistes, aujourd’hui prédominantes, s’exprime avec un relief singulier dans l’oubli par les partisans des unes comme des autres de cette propagande, de cette agitation» écrivait Lénine contre les réformistes de son époque (5). Que dirait-il aujourd’hui d’une organisation qui évite au maximum de parler de révolution, encore moins violente?

 

Du discours à la pratique: le cas de l’usine PSA-Aulnay

 

Les discours réformistes de L.O. à l’occasion de la campagne électorale ne sont pas une simple manoeuvre pour aller à la pêche aux voix; ils reflètent la réalité de la pratique de cette organisation qui se résume au suivisme par rapport aux grandes organisations réformistes contre-révolutionnaires.

Nous en avions eu un énième exemple lors du mouvement sur les retraites en 2010 où L.O. comme la LCR avaient agi en véritables auxiliaires de l’état-major antiprolétarien qu’était l’intersyndicale. L’actualité sociale nous en donne un nouveau, avec l’usine automobile PSA d’Aulnay, où la CGT, syndicat majoritaire, est dirigée par des militants de L.O.

L’industrie automobile fait face à une importante surproduction en Europe; le patron de FIAT estime ainsi qu’il faut y diminuer de 20% les capacités productives pour résorber cette surproduction et il s’est adressé aux autorités européennes pour organiser cette réduction. Cette situation alimente une concurrence acharnée entre les différents constructeurs: Volkswagen qui a le vent en poupe s’oppose à toute entente pour organiser une diminution des surcapacités, attendant la disparition des constructeurs plus faibles. Deux sites des filiales européennes de General Motors sont menacés de fermeture: une usine Opel à Bochum (Allemagne) et une usine Vauxhall à Ellesmere Port (Grande Bretagne). De son côté, le groupe PSA envisage de fermer certains de ses sites pour «rationaliser» sa production, dont l’usine d’Aulnay qui emploie près de 3500 personnes en Seine-Saint-Denis.

La CGT et les autres syndicats (CFDT, FO, CGC, SUD, CFTC et le syndicat-maison SIA) ont réagi à cette éventuelle fermeture du site d’Aulnay en faisant campagne pour... une réunion tripartite syndicats, pouvoirs publics et direction dans le but d’aboutir à un engagement écrit sur la production de la voiture C 3 à Aulnay et le maintien des emplois «au moins jusqu’en 2016» (6)! Cette campagne est menée par des pétitions et l’envoi d’une lettre à Sarkozy (avec copie à Hollande). Mais à part des bonzes collaborationnistes jusqu’à la moelle, qui peut croire que ce genre de réunions et ce genre de «campagne» pourrait faire reculer PSA alors même que le groupe annonce déjà 5000 suppressions d’emplois en France, dont 1900 CDI en 2012?

Jean-Pierre Mercier, Délégué syndical de la section CGT de l’usine et responsable de L.O., déclarait le 23 juin, après le Comité Central d’Entreprise: «Alors la France d’en bas, ceux qui se lèvent tôt, comme disait le président de la République, est-ce que le gouvernement va laisser faire PSA pour fermer cette usine d’Aulnay-sous-Bois? (…). Alors nous posons la question concrètement au gouvernement: est-ce qu’il va laisser faire PSA, ou est-ce qu’il va demander lui aussi des engagements écrits de PSA pour qu’il s’engage à garantir l’ensemble des emplois et un nouveau véhicule sur le site d’Aulnay-sous-Bois?» (7).

C’est un responsable d’une organisation qui se prétend communiste et révolutionnaire qui pose ces questions! Mais pour la bonzerie syndicale, quelle que soit sa couleur politique, il est naturel de chercher à s’appuyer sur le gouvernement bourgeois, même après avoir vu ce que valaient les promesses de Sarkozy aux ouvriers des l’aciérie de Florange: ne l’ont-ils pas fait lors du mouvement sur les retraites?

On comprend alors que Mercier ait crié victoire après que les autorités aient finalement le 23 mars dernier accepté d’organiser une réunion entre syndicats, direction et représentants du gouvernement (8), se vantant du succès de l’ «action collective» des travailleurs (une manifestation de 400 personnes pour demander cette fameuse réunion...).

Cette attitude de la CGT - et donc de L.O. - qui sème les pires illusions auprès des travailleurs et ne leur propose que des objectifs illusoires est typique de la politique de collaboration des classes des appareils syndicaux. Elle est directement en opposition à la nécessité de préparer réellement les travailleurs à la lutte: ni Sarkozy, ni Hollande (9), ni de loyales réunions entre «partenaires sociaux» ne les protégeront contre les décisions patronales; seule la lutte ouverte le pourra. Et pour qu’une telle lutte puisse être efficace, elle ne peut se limiter au seul site d’Aulnay: ce sont en réalité tous les travailleurs de PSA qui sont visés à travers la politique de la direction qui met en concurrence les divers sites pour plier les prolétaires à sa botte et voir quels sont ceux qui sont les plus rentables; la mobilisation de tous est donc nécessaire.

Mais la CGT-L.O. est d’un autre avis: le 15 novembre, au moment d’une manifestation des travailleurs d’Aulnay, Mercier déclarait: «Aujourd’hui, nous sommes compétitifs en France et nous allons nous battre pour garder nos emplois» (10). Et tant pis pour les travailleurs du site de Madrid qui, au même titre que ceux d’Aulnay, sont dans le collimateur de la direction de PSA!

Le souci de la compétitivité est donc bien une préoccupation reprise par L.O. comme nous l’avons vu plus haut, mais c’est une préoccupation antiouvrière. La «compétitivité» n’est que l’appellation bourgeoise de l’exploitation capitaliste. Accepter cette préoccupation, s’efforcer d’être compétitifs, c’est accepter l’exploitation, rivaliser avec ses frères de classe pour être les plus soumis à la loi patronale, c’est donc préparer la défaite des travailleurs dont la force repose sur la solidarité.

Les menaces qui pèsent sur les travailleurs d’Aulnay, sur ceux de Sevelnord, sur ceux de Madrid, sur tous les travailleurs de PSA pèsent aussi sur les autres prolétaires, dans l’automobile et ailleurs. L’offensive capitaliste, qui est mise entre parenthèses pendant la période électorale, va redoubler d’intensité dans les prochaines mois, quel que soit le résultat de ces élections, comme nous le montrent les autres pays européens, de la Grèce à la Grande-Bretagne, de l’Italie à l’Espagne, de la Belgique à la Roumanie, etc, même l’Allemagne étant promise à une nouvelle cure d’austérité. La nécessité d’une lutte d’ensemble des prolétaires se fera de plus en plus pressante.

Cependant pour la CGT, ce n’est pas la lutte pour la défense des intérêts ouvriers est qui est à l’ordre du jour, mais une semaine de «mobilisation» pour la «réindustrialisation de la France». Orientation bourgeoise qui cherche à lier encore plus les prolétaires au sort de l’économie nationale, c’est-à-dire aux intérêts des capitalismes nationaux, contre les prolétaires des autres pays. Lors du meeting à Aulnay le 22/2 sur le thème «réindustrialisons l’Ile de France» (on passe naturellement du nationalisme au régionalisme), Mercier ne s’est pas démarqué le moins du monde de cette orientation. Il au contraire tenu exactement le même langage ultra-réformiste que Thibault: il n’y a pas de surproduction dans l’automobile, seulement une sous-consommation dont la responsabilité incombe aux patrons qui ne donnent pas des salaires suffisants (11).

Le marxisme a depuis longtemps démontré la fausseté des théories sous-consommationnistes, qui sont défendues par tous ceux qui font l’apologie du capitalisme; en effet s’il suffit d’augmenter les salaires pour résoudre les crises capitalistes, il n’y a plus besoin de renverser ce système. La réalité est exactement le contraire: pour surmonter leurs crises, les capitalistes n’ont pas d’autre choix que de diminuer les salaires, que d’écraser encore plus pour les prolétaires, que de liquider les forces productives en surnombre afin de reconstituer les taux de profit et de relancer la machine productive. En conséquence les crises avivent la lutte entre les classes, exaspérant toujours plus les contradictions sociales, jusqu’au moment où sont recréées les conditions de la lutte révolutionnaire, classe contre classe. C’est ce qu’il faut expliquer aux prolétaires et non les bercer de fables sur une conciliation possible de leurs intérêts avec ceux de l’économie capitaliste et des entreprises!

Nous n’en sommes pas encore là, le problème n’est encore que de se préparer à combattre les attaques redoublées qui s’annoncent. Mais une chose est sûre: étant donné l’ampleur de ces attaques, maintenir les futures luttes isolées, dans les limites d’une usine ou d’une entreprise, même en faisant de grandes envolées sur l’usine qui deviendrait une «forteresse» (12), est la garantie de la défaite. Seule l’extension des luttes et leur généralisation pourra permettre de riposter efficacement aux capitalistes.

Mais la première condition pour une riposte efficace, pour une lutte réelle, est la rupture avec les orientations défaitistes des appareils syndicaux collaborationnistes et le retour aux méthodes et aux moyens de la lutte de classe. Et pour aller au delà des luttes défensives, la reconstitution du parti de classe, internationaliste et international, basé sur le programme communiste authentique, sera indispensable.

Sur cette voie les prolétaires auront à surmonter de nombreux obstacles en commençant par ceux constitués par les faux amis, les prétendus «anticapitalistes» ou «communistes» qui comme Lutte Ouvrière démontrent qu’ils ne sont en réalité que les valets des forces de la collaboration entre les classes et de la défaite ouvrière.

 


 

(1) cf «N. Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière. Une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2012», Lutte de Classe (organe «théorique» de L.O.) n° 141 (février 2012).

(2) cf «L’importance du vote pour la candidate communiste N. Arthaud», Lutte de classe n°142, (mars 2012).

(3) Cf brochure «Nathalie Arthaud, une candidate communiste à l’élection présidentielle», p.10. On peut rappeler que les dividendes versés aux actionnaires représentent un passif pour l’entreprise, qui cherche souvent à les réduire. Dans le capitalisme d’Etat les entreprises n’ont pas d’actionnaires; elles n’en restent pas moins capitalistes et les prolétaires y sont tout autant exploités...

(4) Ibidem, p. 23.

(5) cf «L’Etat et la révolution», chapitre premier, La société de classe et l’Etat, point 4, «Extinction» de l’Etat et révolution violente. Ce que disait Lénine de «l’opportunisme»: la tendance à éluder la question de l’attitude envers l’Etat, a conduit à la déformation du marxisme et à son total avilissement, s’applique totalement à L.O. qui maintient toujours le plus grand flou sur cette question centrale.

(6) Dès le 21 juin, c’était la revendication commune des 7 syndicats, diffusée sous forme de pétition. cf www.cgt-psa-aulnay.fr/communique/motion-des-salaries-du-site-psa-aulnay

(7) Voir la déclaration de Mercier: www.youtube.com/watch?v=ZvOdXm0vaX4. Jean-Pierre Mercier est Délégué Syndical CGT d’Aulnay et Délégué Syndical Central adjoint CGT du groupe PSA. Il est aussi porte-parole Ile-de-France de Lutte Ouvrière et élu de cette organisation dans la majorité municipale de gauche à Bagnolet (avec une autre militante de L.O.).

(8) Communiqué de la CGT signé Mercier: «Pour la CGT, ce succès (!) est important car il démontre que c’est uniquement par des actions collectives que les salariés peuvent peser sur le Gouvernement et la direction de PSA»... Voir le texte sur le site internet de la CGT d’Aulnay: www.cgt-psa-aulnay.fr/communique/les-salaries-de-psa-aulnay-obtiennent-la-tenue-dune-table-ronde

(9) Voir l’interview de Mercier par l’hebdomadaire patronal L’Usine Nouvelle où il déclare que l’élection présidentielle est «le moment ou jamais pour se faire entendre»! Et dire que L.O. prétend sans rire ne pas avoir d’illusions sur les élections... www.usinenouvelle.com/article/psa-prepare-mois-apres-mois-la-fermeture-d-aulnay.N169011

(10) Déclaration lors du CCE de mi-novembre. cf www.humanite.fr/social-eco/peugeot-plus-de-4-000-postes-supprimes-en-france-48367

(11) Voir la vidéo des discours de Mercier et de Thibault sur le site de la CGT: www.cgt.fr/Meeting-de-la-CGT-devant-PSA.html

(12) Voir la vidéo du discours de Mercier lors de la manifestation du 18/2: www.cgt-psa-aulnay.fr/video/manifestation-et-prise-de-parole-du-18022012

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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