Grève générale en Espagne

(«le prolétaire»; N° 502; Février - Avril 2012)

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La grève générale du 27 mars à été très suivie et les manifestations ont été particulièrement massives, reflétant le mécontentement des travailleurs. Mais comme nous le disions dans le texte ci-dessous, elle était condamnée à n’avoir aucun résultat. Alors que le chômage selon Eurostat atteignait 23,6% en février, les appareils syndicaux ont d’abord cherché à négocier l’attaque contre les prolétaires (dont l’un des points est de rendre plus facile les licenciements) décidée par le nouveau gouvernement de droite sous le nom de: «Réforme du Travail»; elles n’ont appelé à une grève générale que contraintes et forcées d’agir pour faire tomber la pression sociale; tout de suite après la grève, les dirigeants des CC OO (principal syndicat, anciennement lié au PC espagnol) ont appelé à nouveau le 29 mars le gouvernement à la négociation «sinon il y aura un conflit social croissant jusqu’à ce que le Réforme du Travail soit substantiellement amendée»: pour ces bonzes collaborationnistes il ne peut être question que d’ «amender» les attaques anti-ouvrières!

 

Contre les coupures et les mesures anti-ouvrières de la bourgeoisie !

Contre la politique collaborationniste des syndicats jaunes !

 

 

La grève générale appelée de façon anticipée par les syndicats collaborationnistes et avec les méthodes typiques de la conciliation entre les classes de façon à causer le moins de dommages aux intérêts des patrons et du capital, a comme objectif réel de faire retomber la pression qui s’accumule depuis quelques temps, à mesure que s’accroissent les licenciements et le chômage, en faisant croire aux masses prolétariennes que la force du capital et des classes dominantes est invincible, et que la seule possibilité est de négocier avec les patrons une réforme du travail pour atténuer un peu les sacrifices que devra endurer à l’avenir la classe des travailleurs.

Précisément à cause de son orientation de collaboration des classes, cette grève n’aura aucun effet positif; elle se révélera être un échec complet parce qu’elle n’obligera pas la bourgeoisie de reculer d’un millimètre. La classe bourgeoise dominante entend sauver ses profits en récupérant aussi ceux qu’elle a perdus dans la crise de son système économique aux dépens du prolétariat; elle n’aura aucun scrupule dans la lutte contre le prolétariat comme elle l’a démontré en Grèce et comme elle le démontre aujourd’hui au Portugal, en Italie ou en Grande Bretagne.

La bourgeoisie sait d’expérience qu’avec les méthodes de la démocratie, de la conciliation sociale et de la collaboration entre les classes, elle peut obtenir des résultats durables pour renforcer sa domination sur le société; c’est dans ce but qu’elle a besoin des partis ouvriers opportunistes et des syndicats collaborationnistes qui utilisent leur influence pour contrôler le prolétariat et le maintenir dans la plus stricte soumission aux exigences du profit capitaliste. Et au cas où les méthodes de la concertation démocratique se révèlent insuffisamment rapides et utiles pour ses intérêts, la classe bourgeoise utilise alors les méthodes répressives les plus ouvertes et aveugles, comme elle l’a démontré jusqu’à aujourd’hui en de multiples occasions.

Les prolétaires doivent ouvrir les yeux et comprendre enfin que pour se défendre contre la série de mesures anti-ouvrières que l’on entend faire passer comme Réforme du Travail, il leur faut changer complètement de méthodes et de moyens de lutte et utiliser ceux qui répondent exclusivement à leurs intérêts immédiats: les prolétaires doivent organiser leur lutte sur le terrain de la lutte ouverte et irréconciliable de classe. Même si les négociations aboutissaient à des modifications marginales, la Réforme du Travail voulu par le gouvernement, les patrons, les partis opportunistes et les syndicats collaborationnistes est une loi bourgeoise qui défend les intérêts bourgeois contre les intérêts ouvriers.

L’économie des principaux pays capitalistes a connu un coup terrible ces dernières années. Depuis 2008, l’année où la crise a commencé, la chute généralisée du taux de profit a plongé la bourgeoisie du monde entier dans une débâcle économique sans précédent, jetant à terre toutes les proclamations et toutes les promesses qui assuraient que la solution pour obtenir une croissance économique ininterrompue avait été trouvée; et qu’en outre celle-ci ferait disparaître l’antagonisme entre les classes sociales, supposées être en voie de dissolution. De la même façon que l’on affirmait que les affrontements entre les grands impérialistes allaient disparaître en vertu d’un rapprochement réciproque sous les auspices des pouvoirs miraculeux du commerce.

Mais les lois de fonctionnement du mode de production capitaliste sont inexorables. Après une longue décennie de croissance économique, la crise est réapparue avec une force et une virulence multipliée par le fait d’avoir été contenue si longtemps par des mesures qui n’ont servi qu’à l’aggraver. On peut en voir aujourd’hui partout les conséquences. Au Portugal, en Angleterre, en Italie et aujourd’hui en Espagne, les bourgeoisies de tous les pays touchés mettent en action des batteries de mesures brutales destinées à rétablir le profit capitaliste.

 Etant donné que celui-ci dépend uniquement de la plus-value extorquée au prolétariat, ces mesures ne peuvent consister en rien d’autre que l’augmentation de l’exploitation subie par le travailleur.  Augmentation du rythme du travail, baisse du salaire, baisse du coût et libéralisation absolue du licenciement... mais aussi réduction de toutes les garanties sociales que l’Etat surgi du développement économique des décennies soixante et soixante-dix avait accordées pour maintenir des conditions d’existence minimum du prolétariat qui permettaient de continuer l’exploitation brutale que le prolétariat connaît en temps crise mais aussi en période de prospérité.

La réforme du travail mise en oeuvre par le gouvernement du Parti Populaire avec l’appui complet du nationalisme catalan et basque, et l’indifférence des autres formations parlementaires qui n’ont élevé que des protestations formelles contre tel ou tel aspect de forme ou de détail, n’est que l’une des mesures adoptées par la bourgeoisie espagnole depuis 2 ans. L’objectif de cette réforme comme celle des précédentes est d’adapter précisément le cadre juridico-légal qui permet à la bourgeoisie espagnole de gérer la main d’oeuvre qu’elle utilise pour produire de la façon qui lui est le plus profitable, supprimant des droits qui existaient encore, dégradant les conditions de travail de pratiquement tous les prolétaires, rajoutant de nouvelles mesures qui permettent d’exploiter encore davantage y compris ceux qui sont au chômage... imposant en bref aux prolétaires des efforts toujours plus grands pour remédier à la situation en faisant retomber sur le dos des travailleurs tout le poids de la reprise économique au non de l’intérêt général.

Mais de même que les lois qui régissent le capitalisme sont inflexibles en ce qui concerne son incapacité à assurer le bien-être général, les lois qui régissent le développement historique, c’est-à-dire les lois qui déterminent l’affrontement être les classes sociales ne connaissent pas de pause.

A mesure que se succèdent les réformes destinées à faire retomber sur le prolétariat les conséquences de la crise, frappant aussi les classes sociales intermédiaires, la tension sociale n’a cessé de s’accroître. La série de mobilisations massives depuis le 15 mai de l’année dernière jusqu’aux dernières manifestations étudiantes de Valence ou Barcelone, en passant par les fréquentes manifestations syndicales au cours des derniers mois, ont été causées par un malaise social, ressenti d’abord par des couches sociales non prolétariennes (étudiants, professions libérales sans travail...) et ensuite par les éléments les plus actifs de la classe ouvrière. La situation sociale est aujourd’hui beaucoup plus chaude qu’il y a un an et c’est la raison pour laquelle les principales centrales syndicales ont appelé à la grève générale pour le 29 mars.

Cela ne signifie pas que ces organisations ont décidé de s’opposer à la dégradation continue des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière; mais la pression naturelle de cette dernière devant la situation dans laquelle elle vit, a obligé ces syndicats jaunes à appeler à la grève avec le double objectif de se mettre à la tête d’une mobilisation qui serve de soupape de sécurité à la tension sociale accumulée ces derniers temps, et de conserver leur influence sur les masses prolétariennes pour les maintenir dans la soumission aux dures exigences du capitalisme en crise.

Il s’agit en réalité pour les directions interclassistes des organisations syndicales d’orienter le malaise général vers une cale sèche où la grève organisée avec plus de 30% de service minimum, avec un mois de préavis, sans chercher à causer de dommages à la production..., sert uniquement à dégoûter les prolétaires qui commencent à ressentir la nécessité de la lutte. Il s’agit de faire une grève pour démontrer que la force ouvrière doit être utilisée uniquement dans le cadre de la compatibilité avec l’économie capitaliste et de la conciliation démocratique. Et bien entendu elle ne servira à rien tant qu’elle restera emprisonnée dans les limites démocratiques de la défense de l’économie nationale, de la défense des prétendus intérêts communs entre       patrons et travailleur; tant qu’elle n’est pas une arme de lutte prolétarienne et qu’elle se limite à être une sorte de référendum sur l’acceptation ou non de la Réforme du Travail.

La bourgeoisie ne va pas renoncer à son intention de broyer les prolétaires avec ses exigences, et les organisations syndicales jaunes qui cherchent uniquement la conciliation avec les patrons ne vont pas non plus les défendre. Il revient aux prolétaires de choisir: continuer à accepter d’être soumis à des charges toujours plus pesantes ou défendre leurs intérêts immédiats de classe.

En un mot, ils auront à choisir entre lutter pour leur classe ou défendre leur pays. Et pour lutter ils devront rejeter toutes les voies qui mènent à la conciliation entre les classes, tous les appels à prendre en compte les nécessités prétendument communes aux prolétaires et aux bourgeois. Ils devront reprendre le chemin de l’affrontement classiste, celui qui se mène avec les méthodes et les moyens de classe, par l’intermédiaire d’organisations prolétariennes nées pour étendre et élargir les conflits immédiats où seront engagés différents groupes de travailleurs...

Ce n’est que de cette façon, en suivant la voie de l’affrontement ouvert, sur les lieux de travail et dans les quartiers ouvriers, en défense inconditionnelle des conditions de vie de leur classe, que les prolétaires pourront se préparer aux futurs conflits sociaux, aux prochains affrontements entre les classes qu’il faudra mener pour résister à la force dévastatrice du capitalisme.

 

Tract diffusé par nos camarades

24 mars 2012

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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