Les capitalistes demandent un «choc de compétitivité»,

Les prolétaires devront répondre par le choc de la lutte de classe!

(«le prolétaire»; N° 504; Août - Octobre 2012)

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Alors que gouvernement Hollande a annoncé les orientations du budget le plus rigoureux depuis trente ans selon la presse, afin de réaliser ses objectifs de réduction du déficit et de la dette publique, les capitalistes accentuent leurs demandes en faveur d’un «choc de compétitivité».

Le président du «Groupe des Fédérations Industrielles» (qui affirme regrouper 80% de l’industrie française) a appelé le 4 octobre à un allégement des charges des entreprises de 50 milliards d’euros; cette diminution massive serait compensée par une augmentation de la CSG (Contribution Sociale Généralisée, taxe qui avait été instituée par la gauche pour faire payer l’ensemble des salariés) ou de la TVA.

Cette revendication patronale avait déjà été exprimée il y a des mois, lorsqu’il était apparu clairement que les industries françaises perdaient du terrain sur les marchés internationaux (y compris à l’intérieur de l’Europe) (1).

Le gouvernement a répondu benoîtement à ses interlocuteurs patronaux, épaulés par certains dirigeants syndicaux ultra-collaborationnistes (2) que l’économie française n’avait pas besoin d’un choc, mais qu’il était prêt à étudier les moyens de restaurer la compétitivité des entreprises sur plusieurs années. Cependant selon certains journaux «les choses semblent avancer plus vite que prévu. L’Elysée a confirmé mercredi [3/10] travailler sur une baisse importante des cotisations patronales» (3).

Le gouvernement a confié à l’ancien PDG d’EADS (société mère d’Airbus), Louis Gallois, la rédaction d’un rapport sur la compétitivité. Il n’y a pas de doute que le rapport que présentera ce dirigeant d’une grande industrie ira dans le même sens: le premier ministre Ayrault a affirmé le 11/9 que «ce rapport conduira le gouvernement à faire des propositions pour qu’il y ait un vrai choc de compétitivité» (choc qui, selon, lui serait «gagnant-gagnant pour les entreprises et les salariés»).

 Parallèlement des négociations on été ouvertes entre les «partenaires sociaux» pour arriver à davantage de «flexibilité» pour les entreprises, c’est-à-dire pour remettre en cause les protections qui existent encore pour les salariés dans le code du travail, tout en accordant «plus de sécurité et de protection pour les salariés»!!!

 

Les gardeS-chiourmes réformistes

 

Favoriser les intérêts des entreprises et préserver ceux des salariés, c’est-à-dire accorder aux exploiteurs ce qu’ils demandent sans s’attaquer aux intérêts des exploités, relève bien entendu du conte de fée le plus absurde. Une entreprise est rentable dans la mesure où elle réalise un profit sur le dos de ses travailleurs. Augmenter la rentabilité signifie augmenter l’exploitation, augmenter le temps de travail non payé, diminuer le salaire réel que l’entreprise verse à ses employés. Les «charges» des entreprises que l’on voudrait massivement réduire, représentent ce qu’on appelle le «salaire différé»: la part du salaire que ne touche pas immédiatement le salarié parce qu’elle sert à financer les dépenses de maladie, les retraites et autres dépenses sociales indispensables à la vie. Les diminuer signifie pour les capitalistes diminuer les salaires réels (ce que veut dire dans leur langage: baisser le coût du travail), avec l’avantage que cette diminution passe beaucoup plus inaperçue qu’une diminution de l’argent touché chaque mois! Mais il s’agit bel et bien d’une baisse du salaire réel comme s’en apercevront les prolétaires lorsqu’augmenteront les taxes ou le prix des denrées.

Il n’existe pas de moyen «gagnant-gagnant» (pour reprendre le jargon économique à la mode) entre les travailleurs et les capitalistes, c’est-à-dire d’intérêt commun entre l’entreprise et les salariés, entre les patrons et les ouvriers, sinon, de manière temporaire et limitée, contre d’autres entreprises et d’autres ouvriers. Marx répondait aux bourgeois et à leurs économistes qui prétendaient que capitalistes et ouvriers ont le même intérêt (puisque l’ouvrier doit se vendre au capitaliste pour vivre et que le capitaliste doit employer des ouvriers pour faire du profit) de la façon suivante:

«Plus le capital, destiné à la production, le capital productif s’accroît rapidement, plus l’industrie par conséquent est florissante, plus la bourgeoisie s’enrichit, mieux vont les affaires, plus le capital a besoin d’ouvriers et plus l’ouvrier se vend cher. La condition indispensable pour une situation passable de l’ouvrier est donc la croissance aussi rapide que possible du capital productif». (4). Cette constatation paraît évidente et c’est pourquoi les réformistes, de gauche ou d’extrême gauche, demandent toujours que les capitalistes investissent au lieu de dépenser leur argent de manière improductive; adeptes de la collaboration entre les classes et croyants fanatiques en l’éternité du capitalisme, ils affirment sur tous les tons que la croissance qui résulte de ces investissements, est la solution pour améliorer la situation ouvrière en même temps que celle de toutes les classes de la société (à l’exception des méchants financiers parasites). Laissons cependant Marx continuer:

«Mais qu’est-ce que la croissance du capital productif? C’est la croissance de la puissance du travail accumulé sur le travail vivant, c’est la croissance de la domination de la bourgeoisie sur la classe laborieuse. (...) Dire: l’ouvrier a intérêt à un accroissement rapide du capital, cela signifie seulement: plus l’ouvrier augmente rapidement la richesse d’autrui, plus les miettes du festin qu’il recueille sont substantielles. (...) Lorsque le capital s’accroît rapidement le salaire peut augmenter, mais le profit du capital s’accroît incomparablement plus vite. La situation matérielle de l’ouvrier s’est améliorée, mais aux dépens de sa situation sociale. L’abîme social qui le sépare du capitaliste s’est élargi.

(...) Dire que la condition la plus favorable pour le travail salarié est un accroissement aussi rapide que possible du capital signifie seulement ceci: plus la classe ouvrière augmente et accroît la puissance de la classe qui lui est hostile, la richesse étrangère qui la commande, plus seront favorables les circonstances dans lesquelles il lui sera permis de travailler à nouveau à l’augmentation de la richesse bourgeoise, au renforcement de la puissance du capital, contente qu’elle est de forger elle-même les chaînes dorées avec lesquelles la bourgeoisie la traîne à sa remorque».

Les tenants de l’investissement et de la croissance économique, n’oeuvrent donc pas pour une amélioration de la condition prolétarienne ni pour une atténuation des divisions sociales, mais pour une domination sociale accrue des prolétaires par les capitalistes: ces «réformistes» agissent contre les intérêts prolétariens, ils sont en fait des agents du capitalisme!

Ils pourraient cependant nous répondre: après tout si le capitalisme arrive à augmenter les salaires et à donner de l’emploi, les prolétaires peuvent bien accepter d’être socialement (et politiquement, économiquement, intellectuellement, etc.) dominés! Donc, en bons gardes-chiourmes, oeuvrons pour améliorer, dans la mesure du possible, les conditions de l’esclavage et tout le monde, capitalistes et prolétaires, sera satisfait.

Et c’est d’ailleurs ce qui explique en définitive les décennies et les décennies de paix sociale après la victoire de la contre-révolution: tant que le capitalisme nourrit ses esclaves et leur procure une existence «passable», ceux-ci acceptent, bon gré, mal gré (avec toujours la menace de la trique!), leur sort...

Toutefois, poursuit Marx, cette condition la plus favorable pour le travail salarié, n’est pas une règle constante et obligatoire; nous ne devons pas croire les économistes bourgeois «lorsqu’ils disent que plus le capital est gras, plus son esclave s’engraisse».

La croissance économique augmente en effet la concurrence entre les capitalistes, la «guerre industrielle des capitalistes entre eux», qui «a ceci de particulier que les batailles y sont moins gagnées par le recrutement que par le congédiement de l’armée ouvrière. Les généraux, les capitalistes, rivalisent entre eux à qui pourra licencier le plus de soldats d’industrie».

L’accroissement du chômage est la conséquence inévitable à un certain point de la croissance capitaliste, même si, pendant toute une période, le licenciement des uns peut être «compensé» par l’embauche d’autres dans de nouvelles branches de l’économie. Mais il y a plus:

«Au fur et à mesure que les capitalistes sont contraints (...) d’exploiter à une échelle plus grande les moyens de production gigantesques déjà existants et dans ce but de mettre en action tous les ressorts du crédit, les tremblements de terre industriels (...) deviennent plus nombreux, en un mot, les crises augmentent. Elles deviennent de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes (...). Mais le capital ne vit pas seulement du travail. Maître à la fois distingué et barbare, il entraîne dans sa tombe les cadavres de ses esclaves, des hécatombes entières d’ouvriers qui sombrent dans les crises».

Trois millions de chômeurs (et 5,1 millions de demandeurs d’emplois en ajoutant toutes les catégories statistiques) en septembre en France, 25 millions dans l’Union Européenne en août (soit 2 millions de plus qu’il y a un an): il n’y a pas besoin de commentaire supplémentaire pour constater la véracité de cette analyse de Marx...

 

Non aux sacrifices pour «sortir de la crise»!

 

Les crises sont la concurrence inévitable de la course aux investissements et de la croissance; s’ils sont enchaînés au capitalisme par une longue habitude de pratique et de politique interclassistes, les prolétaires se retrouvent démunis face aux crise et à leurs conséquences en termes de licenciements, de baisse des salaires, de précarité accrue. Dans tous les pays, les bourgeois et leurs laquais réformistes leur présentent comme la seule solution de se serrer la ceinture, d’accepter – temporairement, bien sûr! – des sacrifices, pour restaurer ou accroître la «compétitivité» de l’entreprise ou de l’économie nationale, pour sortir de la crise, pour restaurer les comptes publics, pour rester dans la zone euro, etc; sinon des catastrophes plus graves les frapperont.

Mais personne d’autre que le capitalisme provoque les catastrophes qui frappent les prolétaires! Essayer de leur échapper en voulant démontrer aux patrons que l’entreprise peut-être compétitive (et que donc il ne faut pas la fermer), accepter les sacrifices pour sauver l’économie ou renoncer à la lutte pour ne pas la mettre en péril, en un mot se plier aux exigences capitalistes, ce n’est pas une solution pour préserver l’avenir.

 La crise actuelle n’est pas un mauvais moment à passer avant le retour à la période heureuse de la «croissance», comme le proclame le gouvernement. Le capitalisme peut sans doute sortir de la crise actuelle mais seulement en écrasant davantage les prolétaires; et s’il en sort, ce ne sera que pour retomber un peu plus tard dans une crise plus grave encore.

 Les prolétaires qui auront accepté sans réagir de se soumettre aux intérêts du capitalisme, seront encore plus impuissants pour réagir à cette nouvelle crise et combattre son cortège de nouvelles conséquences catastrophiques; jusqu’à ce que, de crises en crises, le capitalisme ne trouve finalement plus d’autre issue à la surproduction qui l’étouffe cycliquement, qu’une nouvelle guerre mondiale provoquant suffisamment de destructions, d’hécatombes d’ouvriers et de populations pour que soit possible le démarrage d’un nouveau grand cycle de croissance...

 

Pour la reprise de la lutte de classe!

 

Il y a une seule issue à cette spirale infernale; c’est l’inverse de celle que préconisent toutes les forces de la collaboration entre les classes: non pas l’acceptation des sacrifices, mais la lutte ouverte pour la défense des seuls intérêts de classe du prolétariat, contre les intérêts bourgeois de la défense de l’économie et de la nation. Non pas l’acceptation de la course à la «compétitivité» qui signifie division des prolétaires, accroissement de la concurrence entre eux, mais l’établissement de la solidarité de classe entre les prolétaires de différentes usines, de différentes corporations, de différentes nationalités, d’âges et de sexe différents, entre les chômeurs et ceux qui ont un emploi.

En un mot, non la résignation à la dégradation croissante des conditions de vie et de travail, mais le retour à la lutte de classe pour résister d’abord au capitalisme, avant d’être ensuite assez fort pour le liquider en se lançant à l’attaque contre la classe dominante, son Etat et tous ses sbires!

 


 

(1) Voir par exemple la brochure de l’«Institut de l’Entreprise», janvier 2012, à www.institut-entreprise.fr. Le gouvernement Sarkozy avait répondu à cette demande par son projet de «TVA sociale», vivement critiqué par la gauche pour son caractère antisocial.

(2) Voir l’interview du dirigeant de la CFDT Chéréque qui affirmait comme eux le premier septembre: «le coût du travail est aussi un facteur de perte de compétitivité»!. cf www. lejdd.fr / Societe / Social / Actualite / Francois- Chereque- demande- au- gouvernement- d-accelerer- les- reformes- sociales- 550030

(3) cf www. lejdd.fr / Economie / Actualite / Quels-leviers- pour- financer- le-choc- de- competitivite- 564488

(4) Toutes les citations de Marx sont extraites de «Travail salarié et Capital», texte d’une série de conférences faites par lui en 1847 à l’Association des ouvriers allemands de Bruxelles.

  

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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