Massacre de  mineurs grévistes en Afrique du Sud

(«le prolétaire»; N° 504; Août - Octobre 2012)

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Le 18 juillet dernier la bourgeoisie mondiale célébrait la “journée Mandela”, instituée à l’échelle internationale par l’ONU en novembre 2009 sous le signe de la paix, de la liberté, de la réconciliation, de la défense des enfants et des groupes vulnérables, etc., etc .: “un appel mondial à l’entraide”, conformément aux valeurs de Mandela, comme l’écrivait, émue, L’Humanité, le quotidien du Parti Communiste Français...

En Afrique du Sud, plus de 12 millions d’enfants ont chanté des hymnes à Mandela avant d’aller en classe; les habitants étaient tous appelés à donner 67 minutes de leur temps (correspondant aux 67 années de militantisme de Mandela) pour aider les autres. Le syndicat IMATU demandait que cette journée où l’on célèbre “les 67 années de sa vie que Mandela a données pour les droits d’humanité, d’égalité, de justice et de démocratie dont jouissent aujourd’hui tous les sud-africains” devienne un jour férié, de façon que les individus puissent donner bien plus que 67 minutes à des causes utiles....

 

Tous ces écœurants discours ne servaient qu’à cacher que Mandela et son parti l’ANC maintenant au pouvoir, ont toujours œuvré pour maintenir intacts en Afrique du Sud non seulement le capitalisme , mais même, au nom de la “réconciliation”, la domination économique et sociale de la bourgeoisie blanche.

L’apartheid a disparu, juridiquement les noirs ont les mêmes droits que les blancs; mais la réalité de l’exploitation, de l’oppression , de la misère et du racisme n’a pas changé pour l’écrasante majorité de la population sud-africaine. La seule différence est qu’une mince couche de bureaucrates, d’affairistes et de capitalistes noirs a pu intégrer la classe bourgeoise, que des bureaucrates syndicaux noirs sont entretenus, parfois grassement, pour trahir les intérêts des travailleurs et que des mercenaires noirs ont été recrutés pour “améliorer” l’action de la police.

C’est ce que démontre le massacre de Marikana: 36 mineurs grévistes de Lonmin, une mine d’étain, y ont été abattus au fusil-mitrailleur le jeudi 16 août par la police, selon les chiffres officiels; il y a en outre de nombreux blessés et plus de 250 grévistes ont été arrêtés. Le pays n’avait pas connu pareil massacre depuis l’époque de l’apartheid...

Renforcée par ce massacre et pensant que les grévistes ont été anéantis par cette sanglante répression, leur a lancé un ultimatum: la reprise du travail ou le licenciement.

 

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Les mineurs de Lonmin, une multinationale basée à Londres et qui emploie 20 000 personnes dans ses différents établissements d’Afrique du Sud, étaient en grève depuis le dix août pour une augmentation de salaire de 4000 à 12 500 rands (de 390 à 1200 euros). Les conditions de vie et de travail des mineurs sont particulièrement difficiles; ils vivent dans des taudis sans eau courante pour des salaires de misère, les soins médicaux sont presque inexistants, etc.

Avant le massacre de jeudi, les affrontements entre grévistes et non grévistes avaient déjà fait 10 morts. Le principal syndicat des mineurs, le NUM (National Union of Mineworkers), dont les travailleurs condamnent la collusion avec le patronat et qui était hostile à la grève, lançait le 13 août un appel à l’armée “pour rétablir l’ordre” (1): la grève n’était en effet pas légale selon le code du travail. Un gréviste interviewé par la presse commentait: “le NUM nous a trahi; il travaille avec les Blancs et il ramasse de l’argent. Il a oublié les travailleurs” (2).

Alors que la direction affirmait qu’elle ne négocierait qu’après la reprise du travail, environ 3000 grévistes s’étaient rassemblés sur une colline pour bloquer l’entrée de la mine en disant qu’ils n’en bougeraient pas. Pour se défendre ils avaient confectionné ou pris des armes de fortune: bâtons, couteaux, machettes. Les policiers, lourdement armés et qui, selon des grévistes, étaient aidés par des dirigeants du NUM (3), ont employé divers moyens pour mettre fin à ce rassemblement jugé “illégal”: barbelés, gaz lacrymogènes, canons à eau, balles en caoutchouc, avant de tirer à balles réelles contre les travailleurs.

Pour se justifier la police affirme contre toute évidence avoir agi “en légitime défense” face à des tirs venus des mineurs. Dans le but de préserver les formes démocratiques, le gouvernement de l’ANC a annoncé qu’il y aurait une enquête afin de déterminer ce qui s’était vraiment passé. Mais il n’y a pas besoin d’enquête pour comprendre qu’il s’agit d’une tuerie perpétrée pour briser un mouvement de grève, et que le gouvernement et les grandes organisations syndicales qui lui sont liées, soutiennent les intérêts capitalistes!

Le leader du NUM a accusé l’AMCU, le petit syndicat, formé d’anciens membres du NUM, qui dirige la grève, d’être à l’origine des violences: “Il faut arrêter les meneurs” a-t-il exigé (4). De son côté, le PC sud-africain qui regroupe nombre de bureaucrates syndicaux, a également demandé le 16 août l’arrestation des dirigeants de l’AMCU, la fusillade étant “un acte barbare coordonné par l’AMCU”! Selon lui, les dirigeants de l’AMCU avaient été expulsés du NUM “à cause de leur anarchie” (5)....

Quant à la grande Confédération syndicale COSATU, liée à l’ANC de Mandela et à laquelle appartient le NUM, elle a publié un communiqué le 16 août, qui exprime ses condoléances aux familles des victimes . Mais ce ne sont que des larmes de crocodile: pas un mot pour critiquer la violence policière! La seule chose que ces bonzes syndicaux condamnent, c’est la “violence et l’intimidation”... de l’AMCU! Le communiqué de la COSATU appelle les dirigeants de organisations syndicales à se réunir, non pas pour réagir au massacre policier, mais pour faire face “à une stratégie politique délibérée d’utilisation de l’intimidation et la violence (…) pour créer des syndicats dissidents et affaiblir le mouvement syndical” (6)!

 La collusion des appareils syndicaux avec les capitalistes, qui s’exprime de cette façon si abjecte, peut s’illustrer d’un seul fait: l’ancien bonze en chef de la COSATU, Cyril Ramaphosa, est membre du conseil d’administration de Lonmin! Pendant la période où il dirigeait la Confédération syndicale, il a amassé une fortune considérable, pour prix des services rendus aux capitalistes sud-africains...

La crise économique capitaliste mondiale touche aussi l’Afrique du Sud, aggravant l’exploitation capitaliste et la misère des masses. La pauvreté est toujours endémique en dépit des discours officiels, l’extrême pauvreté aurait même doublé en 10 ans. Officiellement, le taux de chômage, en hausse, a atteint les 25,2%, tandis que des estimations non officielles le placent à 40% (et 73% pour les moins de 35 ans!) (7). Les salaires restent très bas et les conditions de travail souvent bestiales.

Cette dégradation de la situation des prolétaires et des masses est à l’origine d’un regain des grèves et des agitations depuis de nombreux mois. Ce que craignent la mafia politico-économique de l’ANC, les appareils syndicaux et les bourgeois en général, c’est que cette agitation débouche sur une généralisation des luttes et sur l’organisation de classe des travailleurs.

Les dirigeants de l’AMCU se lamentent que les policiers, au lieu d’aider les gens, tuent les travailleurs (8). Mais quand les armes de la propagande démocratique lénifiante et les hymnes au pacifisme de Mandela, ne suffisent pas à calmer les prolétaires, les bourgeois n’hésitent jamais à leur envoyer des balles.

Cette dure leçon apprise dans le sang, les prolétaires non seulement d’Afrique du Sud, mais du monde entier en devront jamais l’oublier. L’affrontement entre les classes est une guerre sociale , qui est tantôt ouverte, tantôt larvée, mais qui ne pourra se terminer que par la destruction violente du pouvoir bourgeois, la prise du pouvoir par le prolétariat et le renversement du capitalisme.

Pour que les escarmouches d’aujourd’hui préparent la grande lutte de demain qui vengera les innombrables victimes du capitalisme, les prolétaires de tous les pays devront commencer par rompre avec les syndicats et partis vendus qui, en prônant la collaboration entre les classes, les désarment face aux capitalistes, quand ils ne collaborent pas directement avec ces derniers. C’est le premier pas pour pouvoir se défendre et pour retrouver la voie de la lutte de classe intransigeante contre le capitalisme.

 

Solidarité de classe avec les mineurs en lutte de Lonmin!

 

18/07/2012

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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