Sans-papiers: Poursuite de la politique anti-ouvrière

(«le prolétaire»; N° 505; Novembre-Décembre 2012)

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Après plusieurs mois d’attente (due au fait qu’une large concertation avec les associations et syndicats était prévue), le ministre de l’intérieur a enfin publié sa nouvelle circulaire définissant les critères de régularisation.

Selon Valls les nouveaux critères sont «exigeants mais justes»; exigeants, ils le sont et à dessein: le ministre de l’intérieur avait déjà affirmé qu’il n’y aurait pas plus de régularisations que sous Sarkozy, il entend tenir parole! Ils seront «justes» selon les propos policiers du ministre, en ce sens qu’ils seront appliqués de la même façon dans toutes les préfectures... Le ministre a déclaré qu’il n’était pas possible de procéder à une régularisation massive comme des gouvernements de gauche précédents l’ont fait ou comme cela vient de se réaliser une nouvelle fois en Italie où plus de 130000 sans-papiers ont déposé leur demande, «en raison de la situation économique» actuelle: sous-entendu, il y a trop de chômeurs.

C’est le comble de l’hypocrisie! La situation économique de la France serait-elle à ce point plus mauvaise que celle de l’Italie? Mais surtout la non-régularisation signifie que les travailleurs sans-papiers vont continuer à connaître une véritable situation d’exception: travailler au noir, c’est-à-dire être soumis sans défense aux pressions patronales, devoir accepter des conditions de travail et de vie précaires sous la menace permanente de la police et de l’expulsion.

Cette politique est dans la continuité parfaite non seulement de celle du gouvernement précédent, mais en réalité de tous les gouvernements de droite ou de gauche qui se sont succédés depuis des décennies. Une telle continuité ne peut s’expliquer par des causes contingentes, mais elle répond à un besoin objectif réel du capitalisme français: disposer d’une masse significative (le nombre de sans-papiers en France est estimé être de 200 à 400 000 personnes) de main d’oeuvre à bas coût, taillable et corvéable à merci dans certains secteurs qui ne sont pas forcément marginaux, comme la construction; mais également pour exercer une pression sur les salaires des autres travailleurs – sans oublier non plus la tradition séculaire en France du maintien de l’ordre social par la division des travailleurs selon la nationalité, qui trouve dans la figure du «travailleur clandestin» un bouc-émissaire commode. Ce n’est pas au moment où le gouvernement s’active à diminuer le salaire réel des prolétaires sous prétexte de compétitivité, qu’il va renoncer à cette politique anti-ouvrière!

Les organisations et syndicats qui avaient participé à la concertation voulue par le ministre ont eu une «réaction mitigée» à la circulaire, selon Le Monde du 29/11. A ce jour, la CGT n’a pas réagi officiellement, mais elle aurait une «grosse déception» d’après le quotidien; alors que le texte «reprend une bonne partie» de ce qu’elle avait négocié après le mouvement de juin 2010, il maintient l’impératif de pouvoir justifier 5 ans de présence en France.

«France Terre d’Asile» voit dans la publication de cette circulaire «une bonne chose», tout en regrettant par exemple que les critères pour la régularisation de parents d’enfants sans-papiers soient «plus sévères» que celles édictées par Sarkozy en 2006 (1)! La Ligue des Droits de l’Homme se lamente que le ministre n’ait guère tenu compte des propositions des associations qui auraient eu «une place de dupes»; cela ne l’empêche cependant pas de réaffirmer «la nécessité d’un débat sur l’immigration, et d’une réforme législative du droit au séjour, du droit d’asile et du contentieux de l’éloignement respectueuse des droits fondamentaux» (2). Il est vrai que le rôle de dupe est inévitable pour les partisans d’une politique bourgeoise respectueuse des droits fondamentaux...

Si de son côté le RESF trouve «quelques avancées» dans la circulaire, il estime qu’il s’agit d’une «régularisation au rabais qui ne règle rien», en gémissant qu’«en matière d’immigration, la gauche est au pouvoir, mais c’est toujours peu ou prou la droite qui gouverne» (3). Et il termine en écrivant: «Pour RESF en tout cas, et pour tous ceux qui le soutiennent, parmi lesquels de très nombreux élus socialistes [sic!], l’heure reste aux mobilisations de terrain pour imposer aux préfectures l’appréciation la plus favorable des situations et surtout pour faire passer l’idée qu’une autre politique est possible et nécessaire, plus généreuse et plus respectueuse des droits fondamentaux».

Donc le RESF ne fixe plus à la mobilisation que «d’imposer» l’application la plus favorable de la circulaire (et de faire passer une idée)! Cela signifie qu’il accepte de fait le cadre fixé par le gouvernement, et d’ailleurs comment lui serait-il possible de faire autrement s’il veut conserver l’appui «de très nombreux élus socialistes»?

En réalité toutes ces organisations, de la CGT à la LDH, RSF et cie, n’ont pas été les dupes du gouvernement, ou alors les dupes volontaires; leur participation à la mascarade de la concertation avait pour fonction d’empêcher toute mobilisation véritable, toute action de masse comme celles qui ont imposé des régularisations de masse aux gouvernements de gauche antérieurs.

Les prolétaires, eux, ne peuvent être surpris ou déçus par les décisions gouvernementales; non seulement Hollande avait clairement dit pendant la campagne électorale qu’il n’y aurait pas de régularisation massive, mais dès les premiers jours Valls a enfoncé le clou en amplifiant la campagne démagogique et raciste anti-Roms initiée par Sarkozy (il n’y a jamais eu autant d’expulsions).

 La question des travailleurs sans-papiers n’est pas un problème qui pourrait être «réglé» par une «politique plus généreuse et respectueuse des droits» comme le répètent les perroquets démocrates.

C’est un problème de classe: les prolétaires ne peuvent laisser une partie de leur classe dans une situation de faiblesse particulière vis-à-vis des patrons et de l’Etat, sans affaiblir la classe toute entière. Le soutien aux travailleurs sans-papiers ne relève pas de la générosité ou de la charité, c’est un besoin élémentaire de la lutte ouvrière qui implique l’unité la plus large possible contre l’ennemi de classe. Sur cette question comme sur les autres, l’action du gouvernement ne vient pas de ce qu’il serait «trop mou» ou qu’il refuserait «la confrontation idéologique avec la droite ou l’extrême droite» comme l’écrit le RESF; gouvernement de partis pro-bourgeois, il agit logiquement en faveur des capitalistes; c’est, au même titre que ses prédécesseurs, un adversaire des travailleurs qui ne peuvent attendre de lui que des mauvis coups. Seuls ceux qui ont intérêt à ce que la classe ouvrière continue à recevoir des coups sans réagir peuvent prétendre le contraire!

 

Régularisation immédiate et sans conditions des travailleurs sans-papiers! Arrêt des expulsions et des refoulements!

Abrogation de toutes les entraves à la circulation des prolétaires!

Union dans la lutte des prolétaires immigrés et français, avec ou sans-papiers!

Non au contrôle de l’immigration!

 


 

(1) http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/11/28/01016-20121128ARTFIG00494-sans-papiers-les-nouveaux-criteres-de-regularisation.ph

(2) http:// bellaciao.org /fr /spip.php? article131884

(3) http: //www. education sansfrontieres. org/article45324.html

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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