Pressé par les capitalistes,  le gouvernement accentue son offensive anti-prolétarienne tandis que les syndicats veillent au grain

(«le prolétaire»; N° 506; Janv. - Févr. - Mars 2013)

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Le nouveau gouvernement de gauche à peine élu, dans une première période, après la rentrée, a eu à subir une série croissante de pressions des cercles capitalistes les plus puissants, tant au niveau national qu’international; en dépit de l’intention affirmée de s’attaquer au problème des déficits budgétaires, ce qui était critiqué, c’était non seulement la lenteur gouvernementale à prendre des décisions pour s’engager dans cette voie, mais aussi les quelques mesures annoncées qui risquaient de léser des intérêts capitalistes: l’ «indécision» de Hollande dénoncée par les médias visait son hésitation supposée à s’attaquer franchement et prioritairement aux travailleurs. Pour les bourgeois il est hors de question que des sacrifices leur soient imposés, même si c’est pour «sauver» l’économie capitaliste!

 

Mais dès l’affaire des «pigeons», ces patrons de «start-ups» qui s’étaient mobilisés pour dénoncer la fiscalité qui les menaçait, et qui ont eu immédiatement satisfaction, les capitalistes ont été rassurés: ce gouvernement allait répondre à leurs attentes. L’annonce quelques semaines plus tard d’un crédit d’impôt aux entreprises de 20 milliards d’euros (10 milliards la première année, le reste sur les 2 ans suivants) qui seront financés par des mesures d’austérité imposées aux travailleurs, les a comblés. Leur satisfaction s’est encore accrue lors de l’accord «historique» des négociations entre le Medef et les syndicats, accord, ironiquement appelé de «sécurisation de l’emploi», qui facilite les licenciements.

Il restait pourtant un problème: quelle était vraiment le sens de l’attitude du gouvernement dans des cas concrets où des entreprises licenciaient ou imposaient aux travailleurs des sacrifices pour sauver leurs profits? Les déclaration tonitruantes du ministre Montebourg à propos de PSA ou de Florange (avec aussi sa menace d’une «nationalisation temporaire») pouvait inquiéter certains patrons – alors même que la vague de fermetures d’entreprises et de licenciements ne cesse de monter.

Là aussi, les éventuelles inquiétudes se sont rapidement dissipées, et les capitalistes les plus obtus ont fini par comprendre que toutes ces déclarations n’étaient que de la poudre aux yeux à destination des prolétaires; elles n’avaient d’autre but que de prévenir des luttes réelles et de détourner la colère des travailleurs vers des impasses (recherche de repreneurs, appels à l’Etat, nationalisme).

En effet devant la réussite de l’action conjuguée du gouvernement et des syndicats pour empêcher le déclenchement de luttes d’ampleur, le discours officiel a changé. Ne se donnant plus la peine de faire mine de critiquer le plan de PSA, le gouvernement l’a officiellement appuyé et débloqué des fonds nécessaires à sa réalisation; et quand Renault, encouragé par le bon déroulement de l’action de PSA a présenté aux travailleurs son chantage: où vous acceptez des sacrifices comme l’ont fait les travailleurs de la filiale espagnole, ou je ferme une usine en France, le gouvernement, par la voix du même Montebourg, a appuyé ce chantage! Le plan Renault signé par la CFDT, FO et la CGC prévoyant le gel des salaires, l’augmentation de la charge de travail (6% d’heures travaillées en plus) et la réduction du nombre d’emplois (8000 emplois en moins) est passé comme une lettre à la poste: la CGT n’a pas signé, mais n’a pas non plus organisé une lutte réelle, seuls des débrayages ponctuels ont eu lieu (voir sur notre site le cas de Cléon).

 

L’absence de réaction prolétarienne ouvre la voie à une grêle d’attaques

 

Les mesures prises jusqu’ici ne peuvent cependant suffire à rétablir la bonne santé du capitalisme français. Celui-ci ne cesse de perdre des points face à ses concurrents: ses parts de marché à l’exportation s’effondrent, son déficit commercial s’accroît, son déficit budgétaire peine à se résorber, l’état de ses finances ne s’améliore pas (la France est le plus gros emprunteur de la zone euro et si elle a la chance d’emprunter pour l’instant à un taux bas, c’est uniquement parce que la situation financière de pays comme l’Italie ou l’Espagne est encore plus mauvaise); et le rapport des forces avec son éternel rival-allié allemand devient de plus en plus déséquilibré à son détriment.

De nouvelles mesures anti-prolétariennes sont donc inévitables et elles seront d’autant plus dures qu’il ne sera pas si facile pour les capitalistes de stopper la détérioration de leur situation; les profits des entreprises sont en berne (même les entreprises du CAC 40, qui regroupe les plus puissantes d’entre elles, ont vu baisser leurs profits, de 28%, en 2012), et les prévisions économiques pour l’année en cours ne sont pas fameuses: contrairement aux prévisions gouvernementales, toujours optimistes, la croissance ne sera pas au rendez-vous; alors que le gouvernement prévoyait une hausse du PIB (Produit Intérieur Brut) de 0,8%, la Commission Européenne estimait en février qu’elle ne serait que de 0,1%. Le plus probable est que la France connaîtra une récession, comme l’ensemble de la zone euro (le dernier trimestre 2012 a vu l’économie française se contracter de 0,3%, en rythme annuel).

Quoi qu’il en soit, alors que pour 2013 le gouvernement avait prévu un budget de rigueur de 20 milliards d’euros de hausse d’impôts divers et 10 milliards de baisse des dépenses, le ministre du budget a d’ores et déjà annoncé qu’il faudrait accroître les recettes pour trouver 4 à 5 milliards de plus.

Comme il n’est pas question de revenir sur les cadeaux accordés aux entreprises, ce sont bien évidemment les prolétaires qui supporteront l’essentiel de cette rigueur; gel des salaires et diminution des postes dans la fonction publique, hausse des taxes diverses ne suffiront pas, il faudra s’attaquer davantage aux dépenses sociales.

Les premières dans le collimateur sont les retraites; les discussions en cours sur la réforme des retraites complémentaires entre «partenaires sociaux» n’ont pas débouché sur un accord au moment où nous écrivons; les syndicats avaient pourtant accepté le principe de la «désindexation» des retraites pendant 2 ans (c’est à dire leur baisse) et d’une hausse des cotisations, mais le patronat a trouvé cela encore insuffisant.

Peu importe en réalité; selon la presse le principe de la désindexation a été repris par le gouvernement, qui a beau jeu de dire que ce principe a été accepté par les «partenaires sociaux»: même s’ils n’ont pas signé l’accord sur les retraites (ou pas encore), les syndicats ont ouvert la voie à cette attaque contre les travailleurs.

La plus grosse attaque programmée est cependant une nouvelle «réforme» générale des retraites, qui a été publiquement demandée par la cour des comptes et dont le principe est là aussi, paraît-il, décidé au niveau gouvernemental.

Cela en réalité ne devrait être une surprise que pour ceux qui, contre toute évidence, avaient cru à la fable selon laquelle le PS reviendrait sur la réforme Sarkozy: avant les élections présidentielles le responsable au PS du dossier des retraites n’avait-il pas déclaré qu’il faudrait reculer l’âge de la retraite à 65 ans?

Mais déjà le président (membre du PS) de la cour des comptes a annoncé l’attaque suivante: la réforme des indemnités de chômage qui sont – pour les patrons! – scandaleusement généreuses...

 

Les syndicats, indispensables auxiliaires des attaques capitalistes

 

Sous un gouvernement de droite, jamais une telle grêle de mesures anti-ouvrières n’aurait pu tomber sans entraîner des réactions prolétariennes, jamais une telle vague de licenciements aurait pu se produire avec si peu de luttes. Le gouvernement de gauche a sans doute perdu en quelques mois beaucoup de sa popularité initiale, mais il a rendu un fier service aux capitalistes; et il entend bien continuer à le faire dans les mois et années qui viennent. Il a pu le faire bien sûr grâce aux illusions que sème toujours le mécanisme électoral démocratique avec tous ses acteurs (de droite, de gauche ou d’extrême gauche), illusions selon lesquelles il suffit de changer les hommes au pouvoir, de remplacer les méchants par les bons, concrètement de «virer Sarkozy», pour que les choses aillent mieux, pour qu’une nouvelle politique soit mise en oeuvre, etc.

La réalité démontre une fois de plus que les lois et les besoins du système capitaliste s’imposent à tous ceux qui sont «au pouvoir» et qui n’ont en fait d’autre pouvoir que de leur obéir. Dans le cadre truqué du de la démocratie bourgeoise, les différences de politique ne peuvent être que secondaires et partielles.

La défense des intérêts prolétariens ne peut y trouver un quelconque point d’appui; si elle ne veut pas être une farce, elle doit se mener dehors de ce système politique, sur le terrain de l’affrontement ouvert entre les classes, sur le terrain des luttes réelles, le seul où le prolétariat peut faire jouer en sa faveur son nombre et sa place décisive dans le fonctionnement de l’économie capitaliste: le capitalisme a besoin du prolétariat pour vivre, le prolétariat n’a pas besoin du capitalisme, il lui faut au contraire le combattre et le renverser pour vivre!

Ce n’est évidemment pas l’avis des forces réformistes en général, attachées qu’elles sont au bon fonctionnement de ce capitalisme, et des syndicats en particulier. Si certains d’entre eux ont refusé de signer les accords anti-ouvriers dont nous avons parlé, c’est uniquement pour ne pas se discréditer. Le gouvernement a ainsi publiquement remercié la CGT et FO pour avoir participé jusqu’au bout aux négociations sur l’emploi, considérant que même s’ils n’avaient pas signé, ils avaient contribué à l’accord final!

On nous rétorquera peut-être que ces syndicats (rejoints par la FSU et Solidaires) ont appelé à des manifestations le 5 mars contre cet accord; mais, organisées à la veille de la session parlementaire, celles-ci n’étaient rien d’autre que l’habituelle soupape de sécurité pour faire retomber la pression. Là où il aurait fallu organiser une lutte réelle pour obtenir le retrait de l’accord, le but donné aux manifestations n’était que d’exprimer un «désaccord en direction du gouvernement, des députes et des sénateurs» (appel commun CGT-FO)! Il faut s’appeler Lutte Ouvrière pour croire ou faire croire que ces manifestations pouvaient être «le gage de voir le monde du travail se lever et rendre les coups» (LO n°2326, 1/3/13); ou NPA pour profiter de cette journée d’(in)action pour appeler à «un vrai mouvement d’ensemble, généralisé, dans la durée, qu’il faut construire. Toute la gauche sociale et politique doit être au rendez-vous» (TEAN. n°184, 27/2/13): pour leur santé mentale on peut espérer qu’ils ne croient pas un mot de ce qu’ils écrivent, mais le fait est qu’en contribuant à duper les prolétaires, ils se révèlent être les auxiliaires des auxiliaires du capitalisme...

 

L’isolement de la grève  à PSA Aulnay

 

Quand des luttes finissent par éclater, les appareils syndicaux s’emploient à les isoler. C’est le cas emblématique de PSA Aulnay où quelques centaines de travailleurs sont en grève depuis 7 semaines!

Jamais les organisations syndicales n’ont envisagé d’organiser un puissant mouvement de solidarité avec ces travailleurs, ne parlons pas d’une extension de leur lutte au groupe tout entier, au secteur automobile durement frappé ou aux centaines d’entreprises, souvent de petite taille, en difficulté aux quatre coins du pays!

Les bonzes syndicaux n’envisagent de chercher la solidarité... qu’auprès du gouvernement, appelé à intervenir au secours des travailleurs; par exemple dans un communiqué fin janvier où elle s’écriait: «PSA tombe le masque, le gouvernement doit agir!», la CGT 93 en appelait «au préfet, aux plus hautes autorités de l’Etat, pour engager les initiatives nécessaires à la tenue de réelles négociations tripartites» (1). Que les appareils syndicaux n’aient d’autres perspectives que l’appel au gouvernement n’est pas surprenant. Ce qu’il l’est un peu plus, c’est que des supposés révolutionnaires suivent la même ligne; c’est pourtant ce que fait la section locale de la CGT, dirigée par des militants de Lutte Ouvrière: quelques jours plus tard cette section affirmait dans un communiqué: «Face à une telle obstination de la direction, et pour sortir de cette situation de blocage, les salariés en grève de PSA ont démarché les services de l’Élysée, il y a maintenant plusieurs jours. Sans réponse de leur part, les salariés demandent désormais qu’une délégation soit reçue par le Président de la République» (2)...

Depuis le début, le leitmotiv de la section, qui avait conclu une alliance avec le syndicat-maison, était de chercher l’implication du gouvernement, comme nous l’avions déjà relevé quand Sarkozy était encore président. Mais cette orientation est suicidaire; contrairement à ce que fait croire LO, l’Etat n’est pas une institution neutre, mais une machine au service exclusif des intérêts capitalistes. Quand bien même ce sont des politiciens «de gauche» qui sont à sa tête, il reste l’ennemi de la classe ouvrière. Face à lui comme face aux patrons, les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs propres forces, sur leur détermination, sur la solidarité qu’ils doivent rechercher auprès des autres travailleurs, et surtout sur l’extension de leur lutte. Mettre en outre en avant des objectifs catégoriels comme la fabrication de la C4 à Aulnay, n’aide guère à briser l’isolement de la lutte.

Une autre perspective catastrophique est celle avancée par les protagonistes d’une «convergence des luttes» pour arriver... au vote d’une loi interdisant les licenciements boursiers (3)! Encore une fois c’est l’illusion que le salut des prolétaires ne peut venir que du parlement et de la démocratie bourgeoise...

Il n’existe malheureusement pas de solution qui permettrait aux prolétaires d’obtenir satisfaction sur leurs revendications en dehors de la lutte ouverte. La reprise de la lutte de classe ne sera sans doute pas facile dans la situation de paralysie où est plongée de puis bien trop longtemps la classe ouvrière; il n’y a cependant pas d’autres solutions et la crise capitaliste en fait ressentir la nécessité avec une force toujours plus pressante.

A l’instar d’un Valls qui dit redouter des «explosions sociales» (4), les bourgeois s’y préparent. Les prolétaires doivent s’y préparer eux aussi, dès aujourd’hui, en refusant la résignation, en repoussant les appels aux sacrifices devant les nécessités soi-disant supérieures de la défense de l’entreprise ou de l’économie nationale; mais aussi en combattant tous les faux amis et toutes les fausses perspectives et en tissant des liens avec les autres prolétaires.

A condition qu’ils retrouvent la voie de la lutte indépendante de classe, qu’ils réussissent à reprendre les méthodes et les moyens classistes, ils pourront résister au déferlement des attaques capitalistes et trouver la force de contre-attaquer. L’avenir leur appartient!

 


 

(1) Communiqué du 21/1/13.

(2) Communiqué de la CGT PSA Aulnay du 6/2/13

(3) cf http://www.humanite.fr/mot-cle/licencielles

(4) Craignant que la colère qui «gronde depuis des années» conduise à des «explosions sociale», le ministre de l’intérieur a «enjoint ses services de suivre “au plus près” les conflits dans les entreprises en difficulté, afin d’anticiper d’éventuelles “radicalisations”». cf http://www. republicain-lorrain.fr/france-monde/2013/02/06/le-risque-d-explosions-sociales-inquiete-valls

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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