Nouveau massacre en Syrie après d’autres, avec des armes chimiques ou conventionnelles: les impérialistes attendent l’occasion pour intervenir et ramener la paix… des cimetières

Seule la reprise de la lutte de classe révolutionnaire pourra les arrêter et les vaincre !

(«le prolétaire»; N° 509; Sept. - Oct. - Nov. 2013)

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Cela fait maintenant plus de deux ans et demi que se déroule en Syrie une guerre civile entre forces bourgeoises – d’un côté le régime de Bachar Al-Assad soutenu par les impérialismes russe, chinois et le capitalisme iranien, et de l’autre des fractions bourgeoises soutenues plus ou moins ouvertement par les impérialismes américain et franco-anglais et voulant prendre sa place – qui se battent pour réorganiser un ordre capitaliste capable de faire face à une grave crise économique et à ses conséquences dans les rapports de force dans une région parmi les plus troublées de la planète.

Face au dit «printemps arabe», et particulièrement face aux grands mouvements des masses poussées par leurs conditions sociales à se révolter, les Démocraties occidentales ont salué la chute de Ben Ali et de Moubarak comme le début d’une ère nouvelle – une ère de démocratie et de progrès social pour les masses paysannes et prolétariennes d’Egypte et de Tunisie. Elles ont reconnu à contrecœur les nouveaux gouvernements, en comptant bien les plier aux exigences supérieures de l’impérialisme.

Si, devant la résistance du régime libyen aux pressions impérialistes des Etats-Unis, de la France et de la Grande Bretagne, les Démocraties occidentales ont mis sur pied une guerre « de libération » contre la « dictature de Kadhafi » dans l’espoir d’ouvrir aux grands capitaux occidentaux la possibilité de s’approprier plus facilement les richesses pétrolières ; si, devant les mouvements de protestation des masses en Arabie Saoudite, au Koweït et dans les Emirats, les Démocraties occidentales, étant donné la résistance des monarchies respectives, se sont simplement contentées d’observer la répression par la police et les forces militaires de ces pays, dans le cas de la Syrie leur attitude a été pour une longue période de temps, beaucoup plus prudente .

La capacité du clan Al-Assad de contrôler la situation avec son armée et sa police donnait aux impérialismes de l’Ouest et de l’Est l’impression que le mouvement de révolte pourrait être contenu à l’intérieur des frontières syriennes. La Syrie constitue en effet un fragile point d’équilibre dans une région qui connaît déjà un foyer d’instabilité chronique en Irak après les ravages de la guerre anglo-américaine, et le risque de contagion des troubles aux pays voisins (du Liban à la Jordanie sans oublier la Turquie, ni même Israël) était trop élevé. Dans les faits, les impérialismes occidentaux et orientaux ont donné mandat au régime Baasiste et à ses généraux de rétablir l’ordre, l’ordre bourgeois et impérialiste! Et cela derrière l’écœurant déferlement de propagande sur la démocratie violée, les «droits de l’homme» foulés au pied et le martyre de la population!

En écrasant la rébellion de la façon la plus brutale (selon les habitudes familiales) Bachar Al-Assad veut avant tout défendre les intérêts capitalistes de sa clique et ceux de ses alliés russes ; mais au fond il défend aussi les intérêts des impérialismes américains, français, anglais, allemands, italiens… sans oublier ceux d’Israël qui redoute l’apparition d’un nouveau foyer de troubles à l’une de ses frontières, après les incertitudes créées par la chute de Moubarak.

Les grandes puissances occidentales (les Etats-Unis au premier plan, mais suivis par la France et la Grande-Bretagne avec leur vieille tradition coloniale dans la région), qui ont tant fait pour renverser Kadhafi, n’ont jamais prêté une oreille attentive aux appels des «vrais démocrates» qui ont demandé à ces impérialismes, historiquement les plus cyniques et les plus meurtriers, d’ « arrêter » Bachar Al-Assad après les massacres de Deraa, Homs, Hama et tant d’autres villes.

Les appels de l’ONU pour que s’arrête la guerre civile et que les combattant se retrouvent à la table des négociations ont obtenu le seul résultat que pouvaient obtenir ces phrases creuses, émises uniquement pour alimenter la propagande pacifiste et humanitaire, c’est-à-dire rien.

 Les intérêts en jeu en Syrie sont plus complexes et plus vastes que les problèmes intérieurs au pays : il s’agit d’un nœud stratégique de première importance pour tous les acteurs de la guerre, ceux visibles au premier plan comme ceux qui manœuvrent en coulisse et qui, tous, se moquent du sort des populations. Iran, Turquie, Israël, Egypte, Arabie Saoudite, Qatar sont directement intéressés par ce qui se passe en Syrie : puissances régionales importantes, elles nourrissent des ambitions extra-nationales. Derrière elles et au dessus d’elles, se trouvent les puissances impérialistes de premier plan: d’abord les Etats-Unis et la Russie, puis la France et la Grande-Bretagne, et au deuxième et troisième plan, la Chine, l’Allemagne et l’Italie. Si on tire au canon à Damas, le coup retentit non seulement au Caire, à Tel Aviv, ou à Téhéran; on l’entend aussi à Washington et à Moscou, à Paris et à Londres, à Berlin et à Rome. Ceci vaut aujourd’hui pour les affrontements bourgeois, mais demain cela vaudra aussi pour la lutte prolétarienne de classe!

Les ébranlements provoqués par la crise économique dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ne pouvaient ouvrir d’un coup une nouvelle ère, comme le croyaient les démocrates endurcis. On peut constater la triste fin des «printemps arabes» dans l’aggravation de la situation en Tunisie où les prolétaires et les paysans pauvres n’ont tiré aucun avantage de la nouvelle démocratie; l’Egypte de ces dernières semaines avec les massacres commis par l’armée revenue au pouvoir (l’avait-elle jamais quitté?), en est une tragique confirmation.

Le talon de fer de la bourgeoisie n’est pas guidé par les «droits démocratiques», mais par les intérêts capitalistes ; plus la situation est « instable», et plus certaine est la répression contre tous ceux qui se mettent en travers d’eux. Les prolétaires qui sont la seule classe qui peut menacer le pouvoir de la bourgeoisie, ont, dans tous les pays, une seule voie pour résister à l’exploitation capitaliste et obtenir des conditions d’existence plus acceptables : la voie de la lutte de classe organisée indépendamment de toute force bourgeoise et de tout objectif bourgeois.

Ghouta, Zamalka: ce sont des banlieues de Damas qui, selon les services du régime, sont des fiefs des rebelles. Le 20 août ils ont été bombardés avec des obus contenant du gaz de combat (selon la CIA, la Syrie qui a récemment reconnu officiellement en posséder, en aurait plus de mille tonnes) (1). Il y aurait des centaines de morts, peut-être plus de mille, dont de nombreux enfants. Les vidéos et photos de la tuerie ont fait le tour du monde, «l’opinion publique» travaillée par les télévisions et les journaux, est horrifiée. La propagande démocratique hausse le ton, demandant à l’Europe d’arrêter les massacres de civils et à Obama d’être cohérent avec ses déclaration selon lesquelles l’usage des rames chimiques était une ligne rouge qui, si elle était franchie, justifierait une intervention militaire.

De son côté le gouvernement syrien affirme ne pas avoir utilisé de telles armes et il accuse une machination des rebelles; cela suffit à la Russie et à la Chine pour s’opposer, au conseil de sécurité de l’ONU, à toute initiative autre que le recours à la traditionnelle mission d’enquête pour vérifier ce qui s’est passé, tandis que les déclarations belliqueuses se multiplient dans les pays occidentaux. La palme revenant peut-être au grotesque Hollande déclarant que la France allait «punir» Bachar Al-Assad…

Ce cynique ballet sur un massacre comme c’est déjà arrivé mille fois par le passé, est une énième démonstration que ce qui est en jeu, ce sont exclusivement de sordides intérêts impérialistes; les marchands de canons, les capitalistes de choc, les dirigeants des grandes et petites puissances, ne sont mus que par le désir de préserver leurs affaires, leurs influences politiques et les rapports diplomatiques qui les protègent. Le ballet diplomatique, les motions à l’ONU, les déclarations de tribunes n’ont but que de tromper les masses massacrées dans les pays en guerre et de duper les prolétaires des pays impérialistes, en faisant croire que l’activité diplomatique pourrait arrêter les tueries. Mais depuis la fin de la guerre mondiale un flot ininterrompu de sang a caractérisé la «paix» impérialiste (qui comme le disait Lénine, n’est qu’une trêve entre deux guerres).

Pour les prolétaires et les paysans pauvres de Syrie, le remplacement de Bachar Al-Assad par un autre représentant du capitalisme local ou par un fantoche de l’impérialisme, ne changerait rien: l’inexorable et cynique machine du pouvoir bourgeois continuera à opprimer et écraser les masses exploitées. Même si, comme en Egypte, après des années de «dictature», des élections «démocratiques» étaient enfin organisées, la situation fondamentales des prolétaires et des masses pauvres ne changerait pas davantage: après avoir mis un bulletin dans l’urne, ils retourneraient à leur vie de paria, voués à mourir de faim, au travail ou sous les balles.

Aujourd’hui en Syrie comme en Europe ou en Amérique, le prolétariat est inerte, encore incapable de s’organiser sur le terrain de classe et de lutter vigoureusement pour ses propres intérêts.

Si les prolétaires des pays impérialistes étaient organisés sur des bases de classe et sous la direction de leur propre parti de classe, leur solidarité avec les populations massacrées en Syrie s’exprimerait avant tout par la lutte contre leur propre bourgeoisie – même si celle-ci n’avait pas encore décidé d’intervenir militairement. Cette lutte donnerait confiance aux prolétaires syriens, les poussant à s’organiser eux aussi sur des bases de classe.

Les prolétaires européens, américains, russes ou chinois, sont encore bien loin de cet objectif, ce qui laisse les prolétaires syriens, comme les prolétaires égyptiens, kurdes ou irakiens, seuls face à leurs bourreaux nationaux et leurs parrains impérialistes. Les prolétaires européens ou américains, russes ou chinois sont eux aussi seuls et complètement entre les mains de leurs bourgeoisies et de ses laquais collaborationnistes: le sort des prolétaires, s’ils ne luttent pas avec des méthodes et des objectifs de classe, est le même partout.

Mais les terribles secousses de la crise commencent à avoir quelques effets: en Egypte les prolétaires dans beaucoup d’endroits ont eu la force de faire grève et de s’organiser en dehors du contrôle des syndicats officiels. Si limité qu’il soit, il s’agit là d’un premier pas sur la voie de la reprise de la lutte de classe.

 C’est en suivant cette voie que les prolétaires pourront s’apercevoir que la lutte pour les revendications économiques n’est qu’un premier niveau, insuffisant pour résoudre les problèmes sociaux fondamentaux; l’amplification de la lutte de classe, les réactions de la bourgeoisie et de son Etat leur feront comprendre que la question centrale est celle du pouvoir politique: dictature de la bourgeoisie, ou dictature du prolétariat!

 Alors les indications du parti de classe, du parti communiste révolutionnaire, seront comprises et reprises par les grandes masses qui semblent aujourd’hui à mille lieux de seulement croire qu’il leur est possible de remettre en cause le système capitaliste.

La bourgeoisie mène en permanence une lutte de classe contre le prolétariat; celui-ci arrivera inévitablement à comprendre qu’il lui faut à son tour se lancer dans sa lutte de classe révolutionnaire, seule perspective qui fait trembler la bourgeoisie car elle a pour objectif le renversement de son pouvoir et la fin de son système économique.

Aujourd’hui ce sont les prolétaires qui tremblent devant les coups qu’assène la bourgeoisie à leurs conditions de vie et de travail, devant la répression et les massacres qu’elle leur inflige.

Demain, face au prolétariat révolutionnaire, organisé et dirigé par son parti de classe, ce seront les bourgeois, à Damas comme à Berlin, au Caire comme à Paris ou à Washington, à Téhéran comme à Moscou ou à Pékin, qui trembleront comme ils ont tremblé en 1917 non seulement à Petrograd, mais dans toutes les capitales d’Europe et du monde!

24/8/2103

 


 

(1) cf La Repubblica, 22/8/2013

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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