Regain d’agressivité impérialiste française en Afrique

(«le prolétaire»; N° 510; Déc. 2013 / Janv. - Mars 2014)

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Plus de deux mois après l’envoi des troupes françaises en Centrafrique (où se trouvaient déjà quelques centaines de soldats français en plus d’une force militaire africaine), alors que des renforts de plusieurs centaines d’hommes viennent d’être décidés et que le parlement vient de voter à la quasi-unanimité la poursuite de l’intervention, un premier bilan de l’ «opération Sangaris» peut être tirée: les massacres non seulement ont continué, mais ils ont pris une ampleur sans précédent. Les témoignages se sont multipliés sur l’inaction des soldats français devant des pogroms et des lynchages.

Cette indifférence est la sanglante démonstration que ces soldats n’ont pas été envoyés là-bas pour «sauver des gens» comme l’assurait Hollande, mais pour sauver les intérêts de l’impérialisme français (ainsi que l’a reconnu sans fard le parti de Mélenchon). C’est bien pourquoi les pays européens n’ont pas répondu aux demandes de l’impérialisme français, qui doit compter avec des ressources financières et militaires limitées, d’envoyer des troupes le soutenir en Centrafrique; la Belgique qui à un certain moment semblait la plus décidée à envoyer des soldats, a finalement catégoriquement refusé. Les autres Etats européens n’ont pas gobé les affirmations répétées de Paris selon lesquelles les Français combattaient en Afrique pour les défendre contre une supposée menace djihadiste, parfaitement conscients qu’ils combattaient uniquement pour des intérêts français. Comme Hollande l’avait annoncé de façon un peu trop précipitée, les impérialistes français ont finalement destitué le président centrafricain Djotodia qu’ils avaient laissé accéder au pouvoir, et l’ont remplacé par Catherine Samba-Panza. Cette femme d’affaires associée à des intérêts français a demandé officiellement que les soldats français, censés n’être là que pour quelques mois, restent dans le pays jusqu’en 2015: il lui faut une force militaire sûre pour asseoir son pouvoir. Quant à la population laborieuse qui a échappé aux tueries et aux pogroms, plongée dans la misère en raison du non paiement des salaires et de la hausse des prix de première nécessité causée par le crise, elle n’a rien à attendre de l’intervention militaire impérialiste française.

Par ailleurs une réorganisation de la présence militaire française en Afrique est en préparation. Selon la presse, il s’agirait d’assurer une présence permanente de 3000 soldats français au Tchad, au Mali et au Niger, d’où ils pourraient être rapidement envoyés dans les pays de la région. D’autre part, des discussions auraient lieu avec les Américains, notamment lors du voyage de Hollande aux Etats-Unis pour que ces derniers fournissent une aide aux forces françaises dans le «renseignement», les drones, etc. En outre il est question d’opérations des «forces spéciales» des deux pays dans le sud de la Libye où l’absence d’Etat permet la création de bases-arrière pour des forces de guérilla (décrites comme «djihadistes») dont les actions sont à nouveau signalées au nord du Mali (d’autres sources ont évoqué la participation de forces algériennes à ce genre d’opérations).

 En fait le terreau des actions d’insurgés au Mali, comme des affrontements en Centrafrique ou au Sud-Soudan, est la misère, l’oppression et l’injustice qui sont une conséquence directe de l’ordre capitaliste international où les impérialistes avec l’aide des bourgeoisies de ces pays, pillent les ressources et soumettent les prolétaires à une exploitation bestiale. En plongeant des masses de population toujours plus nombreuses sur la planète, et pas seulement dans les pays dits «périphériques» ou «sous-développés», dans la misère, les affrontements et les guerres, cet ordre capitaliste sème aussi les germes de sa propre destruction qui deviendra possible lorsque les prolétaires des grandes métropoles du monde se lanceront à son assaut et vengeront toutes ses victimes.

Poussés par la crise à un regain d’agressivité pour défendre leurs intérêts, les impérialistes français, qui ont bâti leur richesse et leur puissance dans le sang des exploités d’ici et d’outre-mer, se préparent à de nouvelles interventions militaires en Afrique; les prolétaires doivent se préparer à les combattre!

Nous reproduisons ci-dessous le texte du tract publié en décembre dernier contre l’intervention militaire en Centrafrique.

 

 

A bas l’intervention militaire française en Centrafrique !

A bas l’impérialisme français !

 

 Le gouvernement français a décidé à la mi-décembre d’envoyer plusieurs centaines de soldats en Centrafrique : officiellement 1600 (qui s’ajoutent aux quelques centaines déjà présents) pour une durée  limitée, là aussi officiellement, à 16 mois. Le grand quotidien bourgeois Le Monde parle à ce sujet de «pieux mensonge destiné à ménager une opinion publique peu concernée» (1); mais l’expérience a suffisamment démontré que les mensonges, «pieux» ou non, accompagnent toujours les interventions impérialistes. Nous en avons encore un exemple répugnant à propos de cette opération militaire.

Selon le gouvernement en effet, la France n’aurait aucun intérêt en Centrafrique, et elle n’enverrait des troupes que pour sauver des vies humaines. Plaidant en faveur de l’expédition militaire, Fabius a invoqué un danger imminent de «génocide» (les ministres socialistes sont bien placés pour parler de génocide: c’est sous un gouvernement de «cohabitation» Mitterrand – Chirac que l’impérialisme français s’est rendu coupable de complicité active dans le génocide rwandais), et c’est avec cette justification que le conseil de sécurité de l’ONU a voté une résolution présentée par le gouvernement français pour justifier une intervention militaire (2).

Mais selon les médias, cela fait près de 4 mois que les militaires français préparaient leur opération!

C’est qu’en réalité, l’impérialisme français a des intérêts bien réels en Centrafrique. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le Parti de Gauche de Mélenchon : plus franc que Hollande ou Fabius, ce parti soi-disant d’opposition de gauche au gouvernement, déclare que l’intervention militaire est «légitime» car «le gouvernement n’interviendrait pas si nos intérêts nationaux n’étaient pas en jeu. En l’espèce il s’agit notamment de l’uranium» (3).

Grand à peu près comme la France mais ne comptant que moins de 5 millions d’habitants, la Centrafrique est un pays essentiellement agricole dont la population est parmi les plus pauvres de la planète. Pourtant elle recèle des richesses indéniables, même si elles ne sont pas toujours exploitées en raison soit de l’enclavement du pays, soit du manque de capitaux. Outre les diamants (le scandale des diamants offerts par «l’empereur» Bokassa à Giscard d’Estaing contribua à la chute de ce dernier) et les bois tropicaux exploités par des sociétés françaises, la Centrafrique possède des gisements de cuivre et d’uranium qui ne sont pas encore réellement exploités (la société française Areva a repoussé la mise en exploitation de sa mine de Bakouma en raison de la baisse des prix de l’uranium sur le marché mondial). Elle possède aussi des gisements de pétrole : la concession d’un permis de recherche à une société chinoise par le gouvernement précédent est parfois cité comme une des causes de la rupture de l’impérialisme français, inquiet de la poussée chinoise dans le pays, avec Bozizé.

Mais peut-être plus important encore est l’emplacement stratégique du pays au cœur de l’Afrique, qui avait déjà été la raison de sa colonisation par la France au dix-neuvième siècle: limitrophe du Congo, du Tchad, du Soudan et du Cameroun, une Centrafrique en proie à de graves troubles fait peser une menace sur des pays de l’Ouest africain déjà fragilisés où l’impérialisme tricolore a des intérêts économiques plus importants.

C’est pourquoi depuis son indépendance juridique en 1960, la Centrafrique n’a jamais cessé d’être sous la domination économique et politique de l’impérialisme français qui intervient constamment dans sa politique intérieure.

Sans vouloir faire une histoire de cette domination au cours du demi-siècle écoulé, il faut rappeler quand même que les impérialistes français, après avoir soutenu le régime de Bokassa, jusque et y compris dans sa phase mégalomaniaque, le renversèrent en 1979 après qu’il ait manifesté quelques velléités d’indépendance; ils réinstallèrent à sa place Dacko (le premier président de Centrafrique, qui avait été renversé par Bokassa), venu dans un même avion militaire que les troupes françaises… A cette époque, sous Mitterrand pendant les années 80 et jusqu’au début des années 90, le véritable dirigeant de la Centrafrique était le colonel des services secrets français Mansion!

Au début des années 90, les impérialistes français appuyèrent la venue au pouvoir «démocratiquement» de Patassé, y compris en intervenant militairement pour le défendre (1996).

En 2003 ils soutinrent le coup d’Etat du général Bozizé (dont le plus haut fait d’armes était le massacre de dizaines d’étudiants en 1979); des troupes françaises (y compris l’aviation et les parachutistes) intervinrent à plusieurs reprises pour maintenir son pouvoir face à des rébellions récurrentes. Une force africaine «de paix» et des soldats français s’installèrent à Bangui, sans évidemment que l’impérialisme ne trouve rien à redire à un régime brutal et corrompu: la brutalité et la corruption sont nécessaires au pillage impérialiste!

Mais des heurts avec des intérêts impérialistes français étaient apparus ces derniers temps, au point que, peu après son élection, Hollande déclarait, face à la création de la force rebelle Séléka, que les soldats français ne défendraient pas le régime Bozizé. Cependant en décembre 2012, alors que la Séléka, aux portes de la capitale, était arrêtée par les soldats tchadiens de la force africaine, des centaines de soldats français débarquaient en urgence à Bangui, officiellement pour assurer la sécurité des français présents sur place: il s’agissait en faire d’accroître la pression sur Bozizé et son régime. Un accord était conclu pour la formation d’un gouvernement intérimaire et Bozizé promettait d’abandonner le pouvoir.

Mais quelques semaines plus tard, Bozizé revenait sur ses promesses: il se croyait suffisamment renforcé par l’arrivée de soldats dépêchés par l’Afrique du Sud qui est alléchée par les ressources minières du pays et qui brûle de prendre la place des vieux impérialismes coloniaux. Mais le rapace impérialisme français n’avait pas dit son dernier mot; les troupes de la Séléka reprenaient l’offensive sans être arrêtées par les alliés tchadiens de la France, infligeant une cuisante défaite aux soldats sud-africains tandis que Bozizé réussissait à s’enfuir.

Dès leur entrée dans Bangui, les insurgés de la Séléka demandèrent aux soldats français de les aider à «sécuriser» la capitale. Cependant cela aurait été une reconnaissance trop évidente de la collusion avec la Séléka et les militaires français se contentèrent de laisser faire. Mais en quelques mois les forces hétéroclites composant la Séléka révélèrent leur incapacité à gouverner et prenant leur autonomie elles mirent le pays en coupe réglée, provoquant par leurs exactions l’exaspération d’une partie croissante de la population. C’est devant une situation qui devenait de plus en plus explosive que l’impérialisme français se décidait finalement à intervenir…

L’envoi de soldats n’est donc absolument pas motivé par le souci de sauver des vies humaines, comme le prétend le PCF qui approuve cette intervention au nom de «la protection des populations civiles» (4): l’impérialisme français a montré aux plus aveugles que ses interventions répétées en Centrafrique au cours du demi-siècle écoulé étaient exclusivement motivées par de sordides intérêts économiques et géopolitiques! Sa domination sur ce pays africain, comme sur les autres, n’a apporté aux populations que des souffrances, du sang et de la misère; par contre elle a rempli les coffres des requins capitalistes et des sociétés qui pillent le continent. Mais il n’y a pire aveugle que ceux qui ne veulent pas voir: les partis de gauche en dehors du gouvernement comme le PCF et le PG sont tout aussi pro-impérialistes que le PS! Les massacres en Centrafrique ont d’ailleurs pris de l’ampleur depuis le début de l’intervention militaire française, et des scènes de lynchage ont eu lieu sans que les soldats français interviennent…

En dépit de la véritable union nationale qui s’est constituée autour de cette intervention, les politiciens bourgeois de droite ou de gauche ne peuvent que constater qu’elle est impopulaire parmi la population en général et les travailleurs en particulier: en butte aux attaques économiques des capitalistes ici, ces derniers ne sont guère prêts à soutenir les attaques militaires des capitalistes à l’étranger!

Les prolétaires des métropoles n’ont aucun intérêt à soutenir les agissements impérialistes de leurs exploiteurs; ils ont par contre tout intérêt à s’y opposer car les capitalistes y trouvent le moyen de se renforcer et de renforcer leur exploitation: un peuple qui en exploite un autre ne peut être libre, disait déjà Marx. La solidarité avec les populations et les prolétaires opprimés par l’impérialisme, la lutte contre toutes les exactions de l’ impérialisme, l’opposition à toutes ses interventions militaires – qui se déguisent toujours sous des prétextes pacifistes –, n’est pas un devoir humanitaire ou démocratique; c’est une nécessité de la lutte prolétarienne de classe!

La lutte anticapitaliste ici est le seul moyen d’apporter une aide réelle décisive aux masses exploitées et opprimées de Centrafrique et d’ailleurs en affaiblissant, en attendant d’avoir la force de l’abattre, la pieuvre impérialiste qui les étrangle.

 

A bas à l’intervention impérialiste en Centrafrique !

A bas l’impérialisme français !

Pour la reprise de la lutte anticapitaliste !

Pour la reconstitution du parti de classe international, dirigeant et centralisant la lutte prolétarienne vers révolution communiste mondiale !

 

22/12/2013

 


 

(1) Le Monde, 19/12/13 (2) cf http://www.lepartidegauche.fr/actualites/edito/la-centrafrique-l-armorique-26204

(3) En raison de ses difficultés économiques, le gouvernement cherche l’aide de ses «partenaires» impérialistes européens, américain et onusien. Mais ceux-ci ne montrent aucun enthousiasme à lui accorder une aide, financière ou autre, pour aider l’impérialisme français à se maintenir dans ses chasses gardées…

(4) Déclaration du PCF au parlement, 10/12/2013 cf http://www.communistes-republicains-partidegauche.assemblee-nationale.fr/expressions/intervention-en-centrafrique

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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