Ukraine: Contre le nationalisme, pour l’union  prolétarienne de classe!

(«le prolétaire»; N° 510; Déc. 2013 / Janv. - Mars 2014)

Retour sommaires

 

 

La force prime le droit!

 

Telle est, paraît-il, selon le représentant français à l’ONU qui s’en désolait, la signification du veto russe le 15 mars à une résolution condamnant le référendum organisé en Crimée pour le rattachement de la région à la Russie.

Mais en fait ce n’est pas seulement l’action de la Russie en Ukraine, mais toutes les relations entre les Etats qui vérifient cet adage. La Russie n’a pas respecté le traité qu’elle avait signé avec l’Ukraine, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, garantissant les frontières de ce pays nouvellement indépendant en contrepartie de son renoncement aux armes nucléaires qui, après la disparition de l’URSS, se trouvait sur son territoire; mais tous les traités ne sont que des chiffons de papier qui ne valent que tant que leurs signataires ont intérêt à les respecter! Le gouvernement français, si respectueux du droit international et de l’ONU, était pourtant prêt il y a quelques mois à attaquer la Syrie en dehors de toute décision onusienne, comme l’avaient fait les Etats-Unis en Irak ou les Européens en Yougoslavie, Israël depuis sa création, etc., etc.

 Les propagandistes bourgeois qui dénoncent le rattachement à la Russie de la Crimée comme «la première annexion militaire en Europe depuis 70 ans» «oublient» que la plus grande annexion accomplie en Europe depuis la dernière guerre a été celle de la RDA par l’Allemagne de l’Ouest! Depuis l’effondrement de l’URSS sous les coups d’une très profonde crise économique, les frontières internationalement reconnues et «légalement intangibles» de nombreux Etats européens ont été modifiées et certains Etats ont même disparu, parfois pacifiquement, parfois au milieu d’affrontements armés et de guerres impliquant les grandes puissances. Le cas de la Crimée n’est en rien une exception...

Mais l’affaire de la Crimée a provoqué une crise politique internationale et ses conséquences risquent d’être durables. Les grands Etats européens, Allemagne en tête, n’ont pas apprécié d’être mis devant le fait accompli, et de voir leurs offres de négociation rejetées dédaigneusement par Moscou. Cependant les intérêts économiques de part et d’autre sont trop forts pour que la crise débouche, ne disons pas sur une guerre ouverte que personne ne veut, mais sur une nouvelle «guerre froide» qu’évoquent les médias. La Russie a un besoin vital de vendre son gaz à l’Europe, ses banques sont lourdement engagées en Ukraine, et les investissements occidentaux sont une nécessité pour développer une économie encore très faible. L’Allemagne ne veut pas perdre ses investissements sur marché russe où elle s’est largement implantée depuis la fin de l’URSS et, tout comme l’Italie, même si c’est à un degré moindre que la Pologne, elle ne peut se passer du gaz et du pétrole russes.

 Quant à la France, elle a aussi investi en Russie (voir Renault qui a racheté la principale firme automobile locale); en dépit des déclarations gouvernementales sur des sanctions à prendre, elle n’entend pas renoncer à sa «coopération militaire» avec la Russie qui s’est concrétisée par la juteuse vente de navires militaires: Hollande a affirmé à ce sujet que la France honorait ses contrats (1). Quant des milliards d’euros sont en jeu, on peut bien laisser passer une violation du droit international.

Aux Etats-Unis, de grandes entreprises, pétrolières et autres, ont fait une démarche auprès d’Obama pour que ne soient pas appliquées de sanctions contre la Russie qui ne pourraient que nuire à leurs intérêts...

Le «droit» n’est que la sanction d’un rapport de forces; quand ce rapport de forces change, le droit ne vaut plus rien, telle est la très précieuse leçon que Poutine rappelle au monde entier.

 Ceci s’applique non seulement aux rapports entre les Etats, ou entre les acteurs économiques, mais aussi aux rapports entre les classes sociales. Les affrontements entre les classes ne se règlent pas selon les principes de la légalité et du droit en vigueur, mais selon les rapports de force réels. Les prolétaires ne doivent pas se laisser paralyser par le droit et la légalité bourgeoises qui sont la sanction juridique de leur sujétion au capitalisme. Il leur faut reconstituer leur force de classe et l’opposer frontalement à la classe ennemie, quelle que soit sa nationalité, sa langue ou son ethnie, et quels que soient les normes imposées par la légalité. La bourgeoisie elle-même n’hésite pas une seconde à violer sa propre légalité contre les prolétaires, elle n’hésite pas utiliser les forces para-légales, bandes d’extrême droite et nervis divers pour seconder les forces de répression légales: contre la répression les prolétaires devront donc organiser leur propre autodéfense et ne pas se fier à la police et la justice de l’Etat bourgeois.

Aujourd’hui on assiste à une débauche de nationalisme de part et d’autre: le gouvernement provisoire de Kiev, en proie à de multiples difficultés et devant faire face à de gravissimes problèmes (notamment d’endettement) a déjà averti que des sacrifices seraient nécessaires pour remettre l’économie sur pied. La seule solution qu’il a pour faire passer ces futures attaques anti-ouvrières, c’est de jouer la carte du nationalisme. A cet égard l’intervention russe est pour lui une véritable aubaine pour tenter d’instaurer un climat d’union nationale!

De l’autre côté, Poutine exalte le nationalisme russe en se présentant comme le protecteur ou le libérateur des Russes et Russophones d’Ukraine, tandis que dans les régions orientales de l’Ukraine, les bourgeois appellent à l’union régionale face à Kiev.

Mais l’ivresse nationaliste ne pourra à la longue voiler la réalité des antagonismes de classe. Les prolétaires ukrainiens seront contraints d’entrer en lutte pour vivre, comme ils l’ont déjà fait avec force dans le passé.

Alors ils pourront constater dans les faits que leur ennemi n’est pas le prolétaire d’une autre région ou d’une autre nation, mais leur propre bourgeoisie, alliée à telle ou telle puissance impérialiste. Alors se dissiperont les miasmes du nationalisme, alors pourra réapparaître l’union de classe des prolétaires par dessus les frontières contre tous les capitalistes, leurs partis et leurs Etats avec leurs forces de répression légales et illégales, et se reconstituer le parti révolutionnaire international pour diriger la lutte.

Alors pourra retentir à nouveau, en Ukraine comme ailleurs, le cri de guerre de 1848: Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!

16/3/2014


 

(1) Le gouvernement français a finalement été contraint, non d’arrêter à l’instar des anglais qui, alignés sur les Etats-Unis, sont en pointe dans les sanctions à infliger à la Russie, mais de seulement «suspendre» cette coopération militaire. Fabius a affirmé qu’il n’était pas question de revenir sur les contrats de vente des navires de guerre.

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

Retour sommaires

Top