Le capitalisme français et la Turquie

(«le prolétaire»; N° 517; Sept. - Oct. - Nov. 2015)

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Les relations politiques franco-turques étaient mauvaises à l’époque de Sarkozy, en raison de l’opposition affichée du gouvernement français à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne ainsi que, plus accessoirement, de la reconnaissance par le parlement du génocide arménien.

Mais les relations économiques prospéraient et la coopération policière s’intensifiait (un accord officiel de coopération dans la lutte contre le «terrorisme» – lire: le PKK – avait été signé en octobre 2011 à Ankara entre les ministres de l’intérieur turc et français), même si Erdogan accusait la France et l’Allemagne de ne pas assez aider la Turquie sur ce terrain.

Sous Hollande, les relations politiques se sont réchauffées; il n’y a plus eu de déclaration contre l’entrée de la Turquie dans l’Europe, le projet de loi sur le génocide arménien (la loi précédente avait été annulée par la Conseil constitutionnel) a été mis au placard et la collaboration policière ne s’est pas arrêtée, les autorités françaises se félicitant d’avoir mené «plusieurs actions policières et judiciaires contre le PKK».

Très soucieux des intérêts des entreprises françaises, les socialistes ne veulent pas prendre le risque de les compromettre par des gestes politiques inconsidérés! Il n’est donc pas question de critiquer l’attitude du gouvernement Erdogan vis-à-vis des Kurdes et de ses opposants en général...

Avec un stock de 8,8 milliards de dollars d’investissements, le France se situait en 2013 au septième rang des investisseurs en Turquie, qui sont majoritairement européens (81% du stock d’investissement étranger vient des pays de l’Union Européenne): le premier investisseur est les Pays-Bas (35,8 milliards), suivi de l’Autriche (16 milliards), l’Allemagne (15,9 milliards), la Grande-Bretagne (12,9), l’Espagne (11,4) et le Luxembourg (9,4). La place de ce dernier pays et aussi en partie des Pays-Bas, s’expliquent non par leur puissance économique, mais par le fait que, pour des raisons fiscales, de nombreuses entreprises européennes y sont domiciliées: il sont en quelque sorte  les relais de leurs investissements extérieurs.

400 entreprises françaises environ sont présentes en Turquie, et elles y emploient autour de 100 000 personnes. Elles se trouvent surtout dans le secteur de l’industrie (automobile, construction aéronautique, chimie), de l’énergie (Alstom), dans le secteur bancaire et financier (Axa, Groupama, BNP), etc (2). Par contre dans le secteur du commerce, plusieurs entreprises françaises ont quitté le pays ou réduit leur présence (Carrefour, Darty, etc.).

Par ailleurs, les industriels français de l’armement, en collaboration avec les industriels italiens, sont en lice pour un gros contrat de fourniture d’un système de défense aérienne, point faible des forces armées turques (les Américains et les Allemands sont en train de retirer de Turquie leurs batteries de missiles «Patriot» installées temporairement en 2013, officiellement pour dissuader des attaques syriennes, et en fait pour servir à la création d’une éventuelle «zone d’exclusion aérienne»).

Pour ce qui est du commerce extérieur turc, en 2014 les principaux clients du pays étaient l’Allemagne (9,6% du total) suivie de l’Irak (6,9%), de la Grande Bretagne (6,3%), de l’Italie (4,5%), de la France (4,1%), des Etats-Unis (4%), de la Russie (3,8%), de l’Espagne et des Emirats Arabes Unis (3¨%) chacun, et de l’Iran (2,5%).

Les principaux fournisseurs étaient la Russie (10,4%), la Chine (10,3%), l’Allemagne (9,2%), les Etats-Unis (5,3%), l’Italie (5%), l’Iran (4,1%), la France (3,2%), la Corée du Sud (3%), la Suisse (2%), les Emirats (1,5%).

Globalement les pays européens sont les principaux débouchés de la Turquie (43,5% des exportations) et les principaux fournisseurs (36,7% des importations), la différence entre les deux étant due essentiellement à l’achat de produits pétroliers et gazeux qui se font évidemment hors d’Europe (3).

Ces chiffres montrent l’importance encore irremplaçable de l’Europe pour le capitalisme turc, en dépit de la progression des marchandises chinoises, et de la faiblesse du débouché représenté par les marchés arabes (à l’exception du voisin irakien, par l’intermédiaire de sa région kurde). Cela constitue inévitablement une des bases de la politique extérieure de la Turquie.

 


 

(1) cf http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/turquie/la-france-et-la-turquie/

(2) cf Service économique de l’Ambassade de France en Turquie, juin 2014. La part du Luxemburg s’explique par le fait que des entreprises d’autres pays y sont domiciliés pour des raisons fiscales.

(3) ibidem.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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