Correspondance

A la Cgt de Seine-Maritime, la baudruche «oppositionnelle» se dégonfle

(«le prolétaire»; N° 519; Mars-Avril-Mai 2016)

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Nous avions évoqué, dans le numéro 515 du Prolétaire, la «victoire» au dernier congrès de l’Union départementale CGT de Seine-Maritime des «oppositionnels» contre les «officialistes» (pour reprendre leur vocabulaire).

Depuis avril, l’UD est dirigée par une coalition des militants critiques de la ligne de la direction confédérale de la CGT, et a parmi ses principaux animateurs des militants d’Action Communiste (un débris du PCF), du POI lambertiste et du NPA. Si les trotskistes de la Gauche révolutionnaire (GR) n’ont pu accéder à la CE – faute de place , ils soutiennent cette nouvelle direction départementale.

Pour affirmer son opposition à la direction confédérale, l’UD a adopté lors de sa commission exécutive du 7 septembre, un long texte critique en vue de la préparation du congrès confédéral (1). Dans cette «contribution», elle estime que la lutte des travailleurs «ne peut donc pas se résumer à une succession de journées d’action isolées sans lendemain, sans plan de lutte, sans revendications précises » et doit prendre la forme «d’un mouvement social prolongé afin de bloquer l’économie du pays jusqu’à satisfaction de nos revendications».

L’annonce de la loi Travail par le gouvernement va permettre à l’UD de passer de la parole aux actes.

 

La loi Travail: les «oppositionnels» tombent le masque

 

Nos «oppositionnels», dans un message aux Unions locales et aux syndicats daté du 29 février, se comportent comme de classiques briseurs de grève. Non seulement, ils repoussent la grève le plus tard possible (le 31 mars), comme la direction confédérale, et ils s’opposent à ce que le 9 mars se transforme en journée de grève. Bien entendu, pas un mot sur la nécessité d’une grève illimitée jusqu’au retrait du projet.

Le 9 se trouve réduit à moment pour que les Unions locales prennent «toutes les dispositions qu’elles souhaitent pour amplifier la mobilisation vers le 31: diffusion aux ronds-points, rassemblements, collages... ». Et de rappeler, pour ceux qui souhaiteraient s’associer aux mobilisations spontanées, que «les décisions seront prises dans les instances de la CGT pas sur les réseaux sociaux»... et sans doute pas dans des assemblées générales !

Dans le même temps, l’UD lance dans le cadre d’une intersyndicale (CGT – Solidaires – FO – FSU – UNEF) un appel à un rassemblement à 12h devant la Préfecture et les sous-préfectures pour le 9 mars.

Prenant sans doute en compte les appels de syndicats au 9 et l’agitation qui se développe chez les jeunes, l’UD décide ensuite d’appeler, dans un tract, à une manifestation à 10h30 de l’autre côté de la Seine. Mais toujours pas d’appel à la grève alors que la plupart des travailleurs sont à leur poste de travail à l’heure de la manifestation et du rassemblement.

Cette politique est confirmée par la suite. Pour le 17 et le 24 mars, l’UD se contentent d’appeler à être « mobilisés pour sous toutes les formes » (tract du 15 mars), tout en appelant hypocritement à participer aux manifestations. Et lorsque le 17, la police est intervenue dans les locaux de l’Université pour s’en prendre aux étudiants en grève qui occupaient un amphithéâtre, la CGT s’est bien gardée de réagir (à la différence de leurs amis de la FSU qui ont condamné l’intervention policière... et l’occupation de la faculté!).

Le NPA, totalement intégré à la direction de l’UD, est sur la même ligne. Dans le bulletin de son comité de l’usine Renault de Cléon (24 mars), il affirme qu’il faut «construire un rapport de force à la hauteur de l’attaque. En faisant de ce jeudi 24 mars, jour de présentation de la loi devant le Conseil des ministres, une nouvelle journée de mobilisation. Et en préparant partout la grande journée de grève du 31 mars, dont il faut faire une journée de grève générale, avec la perspective d’en faire le début d’une grève prolongée. Parce que c’est seulement en bloquant totalement l’économie que nous ferons reculer ce gouvernement». La seule différence entre leur discours et celui de la confédération tient seulement dans le choix des mots. C’est pourquoi que ce bulletin s’abstient de toute critique non seulement de l’UD mais également de la confédération.

Le seul objectif des «oppositionnels» est de «réussir» la journée d’action/diversion du 31 mars qui permettra de faire retomber la pression et qui – vue la date – empêchera la jonction avec les étudiants et les lycéens qui seront en vacances dès le lendemain. Dans leur œuvre, ils sont épaulés par la GR.

 

La GR contre l’auto-organisation des luttes

 

La GR est surtout implantée à Rouen et fait de l’intervention dans la CGT une de ses principales activités. C’est la succursale française du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI), un des plus importantes des multiples «internationales» trotskistes. Le CIO – dirigé par le Socialist Party anglais – est présent dans de nombreux pays et ses principaux faits d’armes sont purement électoralistes : l’élection de conseillers municipaux ou régionaux et de députés en Irlande, au Pakistan, en Allemagne ou à Seattle, et le soutien à Bernie Sanders dans la primaire démocrate aux Etats-Unis.

Lors de la mobilisation contre la loi Travail, la GR semble avoir été prise d’un élan «révolutionnaire» et a pris position, dans une déclaration en ligne sur son site (2) le 8 mars. Selon elle, il faut «une véritable grève générale qui bloque toute l’économie […] avec des assemblées où on décide ensemble des actions, des comités élus où on coordonne ce que l’on fait entre les entreprises, les lycées, les facs... » Et elle déclare même, dans une précédente prise de position, que c’est «la révolution socialiste qu’il faut préparer» (3).

Bien entendu, ce langage radical ne sert qu’à répondre aux attentes des prolétaires qui en ont assez des trahisons du collaborationnisme, tout en leur fourguant la camelote réformiste de la GR.

La « grève générale » de ces trotskistes n’est rien d’autre que «des journées d’action [sic] et de grève sectorielle [qui] doivent se renforcer concrètement les unes les autres afin de constituer une montée en puissance vers la journée interprofessionnelle du 31 mars (…) qui en appelle d’autres en avril» (4) On croirait lire un communiqué confédéral dont la CGT a le secret pour justifier la dispersion des luttes et la multiplication des journées d’(in)action qui ne visent qu’à faire retomber la pression.

La duplicité de la GR est toute aussi évidente sur la question de l’organisation indépendante des prolétaires. Si, dans sa presse, elle défend l’idée d’un «mouvement de grève d’ampleur à construire par les grévistes réunis en AG» (5) ou les «comités élus» pour le diriger, elle combat cette perspective dans la CGT.

C’est ce que l’on a pu vu constater dans une assemblée de syndiqués CGT (pour préparer le congrès confédéral) qui s’est tenue cinq jours avant les grèves du 9 mars. Lors de cette réunion, pour contrer un amendement qui disait que pour faire face aux attaques capitalistes, il faudrait «une grève nationale illimitée jusqu’à satisfaction des revendications, une grève reconductible en AG et dirigée par un comité de grève élu», des dirigeants de la GR – membres du syndicat – ont proposé un contre-amendement. Celui-ci fait disparaître toute référence aux AG et aux comités de grève, et réduit la perspective à une «grève massive reconductible». Une position qui a davantage de chance de plaire à la bonzerie syndicale CGT! Dans le même temps, les militants de la GR se refusent à prendre position dans la CGT contre la politique défaitiste de l’UD.

Malgré la logorrhée «révolutionnaire» qu’elle peut tenir, les militants de la GR – en bons normands – disent «p’têt ben qu’oui» aux méthodes et revendications classistes pour attirer les prolétaires, mais elle dit «p’têt ben qu’non» pour gagner son ticket d’entrée dans le collaborationnisme syndical.

 

Trahison des luttes : le collaborationnisme «oppositionnel » prêt à prendre la relève

 

L’Union départementale Cgt de Seine-Maritime est un bon exemple du rôle néfaste du collabrationnisme dans sa version d’ « extrême » gauche : combatif en paroles, capitulard dans les faits ! Nous disions en mai dernier que ces collaborationnistes « critiques » étaient un obstacle sur le chemin de la lutte de classe. Ils le confirment à la première occasion !

Au lieu d’utiliser les semaines écoulées depuis l’annonce du projet de loi pour préparer la riposte , les « oppositionnels » l’ont utilisé à se préparer à canaliser dans l’impasse des journées d’action les réactions des travailleurs. Au centre de leur préoccupation, comme toujours, ne se trouve pas la défense des travailleurs, mais la défense de la paix sociale. Même les débordements – comme la dégradation de la vitrine du local du PS de Rouen – doivent servir d’exutoire à la colère ouvrière.

Des années à critiquer les manœuvres des « officialistes » ont permis aux « oppositionnels » d’apprendre toutes les ficelles pour saboter les luttes.

Les prolétaires doivent retrouver la voie de la lutte ouverte. C’est certes là un combat difficile qui nécessite une organisation préalable solide et un fort niveau de combativité chez les travailleurs. Cela nécessite surtout de rompre avec les orientations paralysantes du réformisme.

Au rituel des grèves d’une journée, des manifestations-processions en vue de négocier avec les patrons et le gouvernement, il faut opposer la préparation de grèves sans limitation de durée et sur des objectifs de lutte sans compromis.

Quels que soient même les résultats des luttes contre la loi Travail, elles n’auront pas été vaines si elles sont l’occasion pour des travailleurs de s’organiser et de se coordonner en dehors de l’influence du collaborationnisme. Cela permettra demain, grâce aux méthodes et aux objectifs de classe, construire une direction des luttes contre les directions syndicales et leurs « opposants » tout aussi conciliateurs et capitulards.

 


 

(1) http:// serveur2. archive-host. com/ membres/ up/ 1451077023/ 2016/ Contribution-UD- CGT-76- 51eme- congres-confederalV def-1.pdf

(2) www.gaucherevolutionnaire.fr

(3) « A bas les plans Valls, Macron, El Khomri... Il faut une grève générale, tous ensemble », 8 mars

(4) « Les luttes se multiplient. Le Tous ensemble, c’est maintenant », 2 mars

(5) « Il nous faut un mouvement d’ensemble, tous dans la rue », 25 janvier

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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