Espagne

Grève des travailleurs de TMB: la municipalité de Barcelone montre son véritable visage anti-ouvrier

(«le prolétaire»; N° 520; Juin-Juillet-Août 2016)

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Les 22, 23, 24 et 25 février des grèves étaient prévues dans les transports urbains de Barcelone dépendant de l’entreprise municipale TMB et dans le réseau de banlieue; ces dates coïncidaient avec la tenue dans la capitale catalane du World Mobile Congress, une foire internationale de téléphonie mobile qui espéraient attirer près de 95 000 personnes.

 

Bien que les syndicats qui avaient appelé à la grève n’entendaient pas rompre avec la pratique habituelle des grèves légales et soumises à l’arbitrage public, avec un service minimum de 50% du trafic pour le métro aux heures de pointe, et pour les autobus une grève limitée à deux heures par équipe, les conséquences négatives à prévoir pour la tenue de cette grand messe capitaliste, ont mis en alerte le patronat, le gouvernement autonome et la municipalité: ils ont décidé d’utiliser toutes leurs forces pour vaincre les travailleurs.

Parmi tous ces gens la maire Adea Colau, élue sur une liste liée au soi-disant «parti de la gauche radicale» Podemos,  s’est mise en avant, prenant la tête de cette réaction, montrant ainsi le vrai visage de sa municipalité et de son parti, toujours en lutte contre tout ce qui pourrait troubler la paix sociale, et défenseurs inlassables de la bourgeoisie locale.

Le World Mobile Congress (WMC) est une des initiatives avec lesquelles la bourgeoisie catalane, solidement appuyée par toutes les institutions étatiques (du centre espagnol jusqu’aux plus petites municipalités de la métropole barcelonaise), prétend revitaliser l’économie locale, durement frappée par la crise capitaliste.

 Il s’agit de continuer la politique de reconversion de la ville en grand centre commercial attirant de manière permanente les investisseurs; elle s’est déjà traduite par la restructuration des activité portuaires et le développement de l’industrie hôtelière qui ont attiré des centaines de milliers de touristes.

Les prolétaires de Barcelone, eux qui ne participent pas au boom immobilier et commercial, qui ne possèdent pas de commerces à touristes, qui ne vont pas voir leurs affaires s’accroître par les investissements d’entreprises de téléphonie mobile, savent parfaitement quelles sont les conséquences de cette politique: augmentation générale des prix, refoulement des classes populaires aux périphéries les plus lointaines de la ville, augmentation démesurée de la présence policière, etc. Le WMC, véritable phare, pour attirer les investissements étrangers, se réalise contre le prolétariat de Barcelone qui en supporte les frais, et la municipalité de Colau fait tout ce qu’elle peut pour qu’il se déroule sans entraves.

Cela fait des mois que les travailleurs de TMB exigent la fin du gel des salaires. Leurs revendications de base sont une augmentation de 150 euros par mois pour l’an prochain et 150 autres pour l’année suivante, et la signature de 600 nouveaux CDI. De son côté la direction propose une augmentation beaucoup plus faible (1% sur l’année) et la signature de seulement 265 CDI. Une autre question qui soulève la colère des travailleurs, selon ce qui est apparu dans certaines AG, est le fait qu’au cours des dernières années le salaire des dirigeants a augmenté de près de 14% – pour éviter, paraît-il, que ces «précieux» gestionnaires ne partent dans le privé...

Au cours des derniers jours la municipalité d’Ada Colau, dirigeante du parti Barcelona en Comú qui a remporté les dernières élections sur la base du fameux «changement» personnifié par Podemos, est intervenu activement dans les négociations. La maire a commencé par affirmer: «tout le monde sait qu’une grève est incompatible avec un cycle de négociations», pour continuer ensuite en soutenant que les travailleurs avaient des salaires très élevés, de façon à les présenter comme des privilégiés, sans oublier l’argument patronal classique selon lequel «le budget est limité et si nous acceptions les revendications, nous compromettrions la qualité du service public, nous devrions augmenter les tarifs ou les impôts».

On voit de quel côté se trouve la municipalité du «changement» et combien les travailleurs de MB avaient raison de scander dans leur manifestation du 22 mars: «nos la ha colao, Colau» (tu nous as roulé, Colau).

La grève des travailleurs de TMB n’est pas très différente de beaucoup d’autres grèves déclenchées dans les dernières années: respect scrupuleux d’une légalité qui condamne le mouvement à l’impuissance, comme le service minimum ou le préavis qui permet aux patrons de s’organiser pour parer au mouvement... Mais son point fort était qu’elle était prévue à une date où la bourgeoisie catalane et espagnole, le gouvernement de Madrid et le roi à leur tête, attendaient une orgie d’affaires et de retombées commerciales propulsant la région au premier plan de la technologie mondiale. Les travailleurs de TMB avaient choisi une date qui aurait permis de réellement frapper les patrons et la bourgeoisie, démonstration que la force de la classe prolétarienne réside dans le fait qu’elle peut, grâce à son syndicat, grâce à son action organisée, s’attaquer aux intérêts de la classe ennemie pour arracher ses revendications. Que cette grève  était dangereuse pour les patrons espagnols et catalans, c’est ce qu’a démontré le fait que ces derniers, appuyés par les gouvernements local et national se sont lancés à l’unisson contre les grévistes.

La municipalité de Colau, qui avait déjà fait ses preuves anti-ouvrières en contribuant l’année dernière à la défaite de la grève des travailleurs de Movistar, et le gouvernement régional dirigé par Puigdemont, auquel la prétendue extrême-gauche indépendantiste du CUP a accordé son soutien au parlement, ont organisé dès le début le sabotage de la grève en accord avec l’entreprise organisatrice du WMC: augmentation du service des trains avec arrêt au siège de la foire; autorisation de travail de tous les taxis le jeudi, bien que ce soit leur jour de repos; augmentation du service des autobus dans l’aire métropolitaine et des aérobus (transports pour l’aéroport), Nitbus (bus de nuit) et les taxis de la périphérie. Toute une batterie de moyens, qui sous l’abri de la légalité bourgeoise et le patronage des nationalistes et des réformistes des divers gouvernements, qui a été dirigé comme une escadre de combat contre la force que montraient les travailleurs de TMB.

La municipalité de Colau n’a cessé de répéter que le budget de la ville ne permettait pas de satisfaire les revendications des travailleurs; mais elle n’a rien dit du coût des 3000 policiers mobilisés dans les rues de Barcelone; et elle n’a pas jugé que les 15 millions d’euros de subventions à l’organisation du WMC, la création d’une ligne de métro vers l’aéroport ou les promesses d’exemptions fiscales aux investisseurs pouvaient avoir des conséquences sur les finances de la ville: elle a clairement montré qu’elle serait toujours du côté des capitalistes et qu’elle oeuvrerait par tous les moyens à la défaite des travailleurs.

La grève des travailleurs de TMB a montré le vrai visage de l’«extrême gauche radicale» qui depuis les dernières élections municipales dirige les municipalités de Barcelone, Madrid et autres grandes villes: son «programme social» consiste en définitive à essayer d’atténuer les situations de tension sociale les plus aiguës grâce à la charité bourgeoise. Mais quand les prolétaires montrent les dents, quand ils entrent en lutte contre leurs patrons ou contre les institutions à leur service, quand ils démasquent dans les faits le vrai visage du «changement», ils se trouvent face à des autorités qui comme les précédentes, sont prêtes à leur briser les reins.

Quand la lutte de classe revient à la surface après que se soient dissipées les illusions électorales, il apparaît clairement que l’Etat que ce soit au niveau national central, au niveau des «autonomie» régionales ou au niveau municipal, et quels que soient ceux qui sont à sa tête, est l’Etat de la classe bourgeoise dont la première fonction est de maintenir la paix sociale aux dépens de la classe prolétarienne, c’est-à-dire de garantir l’exploitation >des travailleurs.

Les prolétaires de Barcelone, comme ceux du reste du pays devront retenir la leçon. Ils sont seuls face à la classe bourgeoise. Les courants qui prétendent rénover les institutions en réalité veut cacher que celles-ci sont au service de leur ennemi de classe et qu’elles feront toujours passer les intérêts de l’économie, de la ville, du pays, c’est-à-dire des intérêts bourgeois, avant les leurs.

Face à elles, ils ne pourront compter que sur leur propres forces, avec des moyens et des méthodes de lutte rompant la collaboration entre les classes et frappant réellement la bourgeoisie, et sur la solidarité de leurs seuls frères de classe.

 

23/2/2016

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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