Les Spartacistes, de la défense de l’impérialisme soviétique à la défense de la drogue

(«le prolétaire»; N° 522; Novembre-Décembre 2016 / Janvier 2017)

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Les trotskystes de la  LTF (Ligue Trotskyste de France), plus connus sous le nom de «Spartacistes» ont publié un article sur leur journal Le Bolchevik (1) protestant contre la suspension de la joueuse russe de tennis professionnelle Maria Sharapova, contrôlée positive au meldonium.

Développé en 1975 en URSS, le meldonium est autorisé en Russie et dans les Pays Baltes (son fabricant se trouve en Lettonie), alors qu’il n’a pas reçu d’autorisation de mise sur le marché en Europe et aux Etats-Unis, où il ne peut se procurer que sur le marché noir. Il a été déclaré substance dopante depuis le début de 2016: il est, semble-t-il, largement utilisé par les sportifs professionnels car il augmenterait leurs performances et permettrait de récupérer plus facilement après des efforts physiques importants, certaines équipes l’administrant systématiquement aux sportifs parfois depuis leurs 14 ans!

Les Spartacistes se contentent de reprendre les arguments de Sharapova selon laquelle le meldonium lui était prescrit depuis une dizaine d’années par son médecin de famille pour traiter divers petits problèmes médicaux. Mais, et l’on découvre ici la raison de l’article, ce produit, selon eux, «était utilisé par les soldats de l’Armée rouge dans les années 1980, pour leur permettre d’opérer dans des zones montagneuses pendant l’intervention soviétique en Afghanistan contre les Moudjahidin, des assassins financés et armés par les Etats-Unis (et qui furent les précurseurs des talibans, d’Al-Qaïda et de l’EI)». Bien autre chose qu’un médicament pour traiter les carences en magnésium ou les risques de diabète!

On sait que les Spartacistes ont été de chauds partisans de l’intervention soviétique en Afghanistan et des défenseurs résolus des prétendus Etats ouvriers du soi-disant «camp socialiste». D’après eux, «l’hystérie sur les produits dopants» des autorités sportives internationales a précisément été une «réaction aux victoires internationales des athlètes qui défendaient les couleurs de l’Union Soviétique et des Etats ouvriers bureaucratiquemet déformés des pays de l’Est dans les années 1970 et 1980». Le dopage serait donc une sorte de mesure ouvrière (quoique bureaucratiquemet déformée?

Quoi qu’il en soit l’article se termine par les slogans suivants: «Laissez jouer Maria Sharapova! A bas l’interdiction des produits dopants! Se doper [l’original anglais dit: consommer de la drogue] (que ce soit pour son plaisir ou pour percevoir une amélioration de ses capacités physiques) est un choix personnel. A bas la guerre contre la drogue!».

Il est compréhensible que des prolétaires ou des éléments marginalisés cherchent et trouvent dans les «paradis artificiels» un échappatoire même temporaire à l’enfer capitaliste où ils vivent sans espoir d’amélioration de leur sort (ou pour supporter une charge de travail trop grande). Pour le capitalisme l’usage des drogues, illicites ou licites, est un puissant moyen pour calmer les tensions et de pacifier les relations sociales, tant que cet usage reste dans certaines limites. Après les grandes émeutes dites «raciales» des années 70 aux Etats-Unis, la drogue se répandit dans les quartiers déshéritées où elles s’étaient produites: mieux valait pour l’Etat bourgeois avoir à faire à des drogués qu’à des émeutiers. La «guerre contre la drogue» menée par la police est certainement un moyen de fliquer et terroriser les quartiers prolétariens (voir l’exemple extrême des Philippines), mais en réalité le capitalisme ne peut ni ne veut supprimer l’usage des drogues. Nous rappellerons seulement pour mémoire que la Grande-Bretagne, la «mère des démocraties» et le pays pionnier du capitalisme, a mené en Chine des «guerres de l’opium» pour répandre cette drogue dans le peuple chinois.

Aujourd’hui les drogues chimiques légales sous forme d’anxiolytiques, antidépresseurs et autres, constituent une part croissante de la pharmacopée surtout dans les pays capitalistes les plus développés, tandis que les drogues traditionnelles comme l’alcool ou les nouvelles continuent ou accroissent partout leurs ravages. Mais à côté de ces drogues matérielles qui provoquent un état de bien-être sur ceux qui s’y adonnent, il y a aussi le vaste domaine des drogues «immatérielles», «idéologiques», qui sont encore plus pernicieuses parce qu’elles induisent la résignation, la passivité parmi les couches exploitées de la population, parce qu’elles cherchent à les détourner de la seule façon d’en finir avec leur condition: la lutte de classe.

Ces drogues idéologiques sont les diverses formes de la propagande bourgeoise, depuis les idéologies religieuses jusqu’à l’idéologie démocratique selon laquelle tous les individus sont libres et égaux, en passant par les différentes formes de nationalisme, racisme, etc. Mais en font aussi partie, au même titre que toutes les opérations de «distraction» continuellement organisées pour abrutir les populations, les «événements sportifs» pour lesquels les médias avec toute leur puissance mobilisent des foules: football, rugby, courses cyclistes, compétitions sportives nationales et internationales de tout type, etc.

Le rejet de l’utilisation des drogues de tout type est fondamental pour la lutte prolétarienne; mais la lutte contre la drogue ne peut se mener à la façon des dames patronnesses qui venaient autrefois prêcher la tempérance aux ouvriers – ni encore moins en collaboration avec les forces de répression bourgeoises.

Seul le combat collectif contre l’oppression et l’exploitation pourra détourner les prolétaires de la tentation du recours aux drogues; seule une société sans oppression, sans misère ni exploitation, la société communiste sans classe où les rapports entre les individus atteindront une richesse et une harmonie inconnues des sociétés de classes, pourra supprimer radicalement le besoin des drogues. Travailler, dans la mesure de ce qui est possible, pour la renaissance de la lutte de classe, dans la perspective de la révolution communiste, est la meilleure façon de combattre les mirages des paradis artificiels.

Ce n’est pas la position des Spartacistes. L’article du Bolchevik est accompagné d’une photo de Marie-George Buffet:; lorsqu’elle était ministre des Sports, cette ancienne dirigeante du PCF avait mené une campagne contre le dopage pour combattre le discrédit qui risquait d’engloutir les grandes épreuves cyclistes après des scandales répétés de dopage. La légende de la photo: «Buffet, bas les pattes devant le Tour de France!».

Luttant pour le droit au dopage dans le sport, nos «trotskystes» démontrent simplement qu’ils sont incapables de se rendre compte du rôle de conservation sociale de cette activité éminemment capitaliste qu’est le «sport» dans la société actuelle, de même qu’ils étaient incapables de se rendre compte que les Etats prétendument «ouvriers» étaient en fait capitalistes ou que l’invasion soviétique en Afghanistan avait été décidée pour défendre des intérêts impérialistes et non pour apporter le progrès social aux populations locales et la liberté aux femmes.

Ne sachant pas (ou ne voulant pas) reconnaître le capitalisme, ils ne peuvent lutter contre lui; leur soutien au capitalisme sous la forme étatique qu’il avait revêtu à l’Est est la démonstration qu’ils sont en fait des adversaires de l’émancipation prolétarienne: il n’est donc pas étonnant qu’ils en viennent à s’agenouiller devant la drogue du sport et à défendre le droit des prolétaires à se droguer...

 


 

(1) cf Le Bolchevik n°216 (juin 2016). Article paru d’abord en anglais sur Workers Vanguard  n°1086 (25 mars 2016).

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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