Lutte Ouvrière, le trotskysme et la «tradition communiste révolutionnaire»

(«le prolétaire»; N° 526; Oct. - Nov. - Déc. 2017)

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Sur son organe «théorique» Lutte de classe n°186 (septembre-octobre 2017) Lutte Ouvrière a publié un article sobrement intitulé: «Bordiguisme et trotskysme» (1)

Comme on s’en serait douté, c’est une condamnation de notre courant, «sectaire» et «replié sur lui-même». La conclusion est sans appel: «faire renaître la tradition révolutionnaire communiste du mouvement ouvrier» est une «tâche difficile» (...) «même quand le point de départ programmatique est juste», écrit LO en faisant référence à «beaucoup d’organisations» (...) «qui se sont rattachées au trotskysme» sans «pour autant être préservées du bureaucratisme et de l’opportunisme [sic! Ce sont eux qui le disent..]». «Mais, termine-t-elle, sans ce point de départ [on] est certain de déboucher sur une impasse. L’histoire du courant bordiguiste et de ses avatars en est la démonstration».

Signalons tout de suite qu’à notre avis LO est bien mal placée pour parler de la tradition révolutionnaire communiste: elle la bafoue tous les jours par son suivisme permanent vis-à-vis des grands appareils politiques et syndicaux de collaboration de classe, par sa contribution à la diffusion des illusions électoralistes et réformistes, par son pacifisme congénital, etc.

Après avoir rappelé que la particularité de notre courant est d’avoir lutté avec acharnement pour défendre le marxisme authentique et non pour créer un «bordiguisme», suivons le raisonnement de l’article.

Celui-ci commence, comme il se doit, par une référence au texte de Lénine «La maladie infantile» (publié en 1920 à la veille du IIe Congrès de l’Internationale Communiste), qui serait une condamnation entre autres du courant bordiguiste «ultragauchiste»: c’est là une véritable tradition qu’avant LO ont utilisée contre nous les staliniens et les opportunistes de toute espèce. Ils ont prétendu voir dans cet ouvrage la justification non pas de leurs compromis (Lénine y explique qu’on ne peut refuser par principe tout compromis), mais de leurs compromissions puis de leurs trahisons. Nous avons expliqué que cet ouvrage était la «condamnation des futurs renégats» (2) par sa réaffirmation des positions cardinales marxistes du bolchevisme. Il existait à l’époque des courants effectivement «ultragauches», révolutionnaires mais semi-marxistes, voire tout à fait étrangers au marxisme comme les syndicalistes révolutionnaires ou autres, attirés par la révolution d’Octobre, qu’il fallait discipliner et orienter. Rien de tel avec notre courant qui fondait les désaccords avec certaines orientations tactiques prônées par Lénine et les Bolcheviks (notamment la participation aux élections) sur la base du marxisme rigoureusement orthodoxe. Il n’était pas non plus de ceux qui, selon LO, refusaient les luttes immédiates pour se réfugier «dans la défense purement formelle du programme socialiste», comme le démontre l’intense activité de type syndical menée par le Parti Communiste d’Italie sous la direction de la Gauche, activité saluée par l’Internationale.

En ce qui concerne d’ailleurs la constitution du Parti Communiste d’Italie, LO affirme faussement qu’elle a été «inspirée» par «deux tendances», celle du Soviet («Fraction communiste abstentionniste» formée par le courant de la Gauche Communiste) dont elle ne peut nier la lutte résolue contre le réformisme du Parti Socialiste italien et pour la défense de la révolution bolchevique; et celle de l’Ordine Nuovo (Gramsci) dont elle peut dire seulement qu’elle «avait su se lier étroitement à la classe ouvrière turinoise et partager ses luttes». LO passe ainsi sous silence que les ordinovistes s’étaient en fait ralliés aux positions marxistes d’Il Soviet pour fusionner dans la «Fraction Communiste» qui eut la charge de préparer la fondation du Parti Communiste. Les positions conseillistes et gradualistes, étrangères à la tradition marxiste, qu’avaient soutenues les ordinovistes et qui s’étaient d’ailleurs écroulées à la chaleur des luttes ouvrières, n’avaient pas de place dans le nouveau parti et pendant deux ans Gramsci et ses camarades resteront fidèle à l’orientation de ce dernier

 

Les «Arditi del Popolo»

 

Pour démontrer le soi-disant sectarisme du parti dirigé par la Gauche, LO ressort la polémique sur les «Arditi del Popolo»; il s’agissait d’une association d’anciens combattants fondée pour défendre l’ordre établi en Italie après la première guerre mondiale; au départ anticommuniste elle se tourna ensuite contre les Fascistes et les combattit pendant les quelques mois de son existence. «Au lieu de se joindre à ce front unique avant l’heure, le PC d’I, écrit LO, préféra choisir une attitude d’isolement sectaire». En fait le parti nouveau-né était en train de constituer ses propres organisations armées et il était hors de question pour lui de placer ses groupes de combat sous le commandement équivoque des dirigeants des Arditi, ainsi que le voulaient ces derniers. Une résolution du PC d’I disait à ce sujet: «l’encadrement militaire révolutionnaire du prolétariat doit être à base de parti, étroitement lié au réseau des organes politiques du parti (...). La préparation et l’action militaire exigent une discipline au moins égale à la discipline politique du parti communiste. On ne peut pas obéir à deux disciplines différentes. Le communiste donc comme le sympathisant que ne milite pas dans le parti parce qu’il a des «réserves sur la discipline», ne doivent pas accepter de dépendre d’autres organisations d’encadrement de type militaire. (...) Le mot d’ordre du Parti communiste à ses adhérents et à ceux qui le suivent est celui-ci: - constitution des détachements communistes, dirigés par le Parti communiste, pour la préparation, la formation, l’action militaire révolutionnaire, défensive et offensive du prolétariat» (2).

L’indépendance du parti sur le plan politique est un objectif qui doit être recherché et défendu en permanence (ce n’est jamais une conquête définitive et assurée) car elle est la condition pour pouvoir appeler à l’action la plus large possible des masses contre l’ordre capitaliste, sur des objectifs bien précis; ce n’est pas par hasard si le PC d’I avait été le premier parti à lancer le mot d’ordre du front unique, comme le reconnût l’Internationale – mais front unique à la base, sur le plan de l’action syndicale, et non par des accords au sommet avec les faux partis ouvriers traîtres à la cause prolétarienne.

Cette indépendance est encore plus importante sur le plan de l’action militaire, qui est la forme suprême de l’action politique. Mais cela n’empêcha pas les groupes de combat du parti de combattre contre les Fascistes aux côtés et en coordination avec les Arditi, quand c’était possible, comme ce fut le cas en particulier à Rome et à Parme, où ces groupes de combat jouèrent un rôle décisif (4).

 Cette position du PC d’I par rapport aux Arditi a évidemment tout particulièrement scandalisé les Staliniens: ils eurent en effet la position exactement inverse, avec la participation du PC Italien aux fronts de résistance antifascistes, qui couronnait la liquidation de toute indépendance de classe du prolétariat et sa soumission, derrière la défense de la démocratie, à des intérêts strictement bourgeois.

Mais LO, fervente adepte du grand rassemblement des travailleurs, des «petites gens», des petits patrons, etc., ne peut évidemment soupçonner l’importance cruciale de l’indépendance de classe pour pouvoir mener une politique qui soit réellement communiste!

Comme tous les trotskystes, ses sympathies vont à Gramsci qui, après l’arrestation de Bordiga et de la direction du PC d’I par les fascistes, fut bombardé par l’Internationale lors de l’Exécutif Elargi de juin 23 à la tête du parti afin d’y mener une politique opposée à celle de la Gauche. Gramsci et ses partisans orientèrent le parti non seulement vers une politique d’accords avec les autres partis se revendiquant du mouvement ouvrier, mais aussi avec des partis bourgeois démocratiques. Selon eux le fascisme n’était pas la pointe avancée de la contre-révolution bourgeoise comme l’affirmait la Gauche, mais un mouvement s’appuyant sur les secteurs archaïques de la société; il était donc possible de s’allier contre lui avec les forces de la bourgeoisie «éclairée»: ce fut l’épisode où le parti, en 1925, suivit les opposants démocrates bourgeois qui quittèrent le parlement pour «se retirer sur l’Aventin». C’était le début de la funeste politique interclassiste de l’antifascisme démocratique qui mena le prolétariat au désastre. En ligne avec cette orientation Gramsci affirmait en outre que le parti devait devenir un véritable parti italien, prenant en charge les intérêts de la nation comme s’ils étaient ceux du prolétariat international!

 

Le Congrès de Lyon

 

 LO peut donc bien regretter que Gramsci «ne comprit pas à temps» la nature de la lutte au sein du parti russe et que «malheureusement» au congrès du PC d’I à Lyon (1926) il se fit «l’instrument de la direction [stalinienne!] de l’Internationale», elle affirme néanmoins que l’orientation politique qu’il y défendit était «formellement juste»: «Gramsci combattit les positions ultragauches de Bordiga, défendant notamment la conception du front unique de l’Internationale et la nécessité de dépasser la proclamation pour mener une politique communiste à partir des luttes réelles».

On confine là aux calomnies de type stalinien: la critique de la direction gramsciste du parti et de la politique de l’Internationale dans les thèses présentées par la Gauche, n’avait rien d’une proclamation abstraite; elle se fondait sur une analyse de la situation internationale et sur une critique serrée de l’action de l’Internationale Communiste dans les divers domaines et de celle du parti italien; et jamais la Gauche ne s’était détournée des luttes réelles – mais en mettant au premier plan les luttes prolétariennes.

 Il est vrai que, alors que les thèses présentées par Gramsci étaient purement «italiennes», celles de la Gauche avaient un caractère international marqué – ce qui à notre avis est une autre de ces supériorités. Les questions spécifiquement italiennes n’en constituaient qu’une partie, mais elles n’étaient cependant pas ignorées, et les fautes de la direction étaient passées au crible. Etait entre autres condamné le mot d’ordre lancé par la direction lors de l’Aventin d’un «anti-parlement» (plus précisément d’une «Assemblée républicaine sur la base des Comités ouvriers et paysans; contrôle ouvrier sur l’industrie; la terre aux paysans»): au-delà du verbiage typiquement ordinoviste et des illusions démocratiques sur lesquelles il s’alignait, il  n’aurait pu que signifier mettre le prolétariat à la remorque de fractions bourgeoises.

Nous ne pouvons nous étendre davantage ici sur un texte aussi important que ces thèses auxquelles nous renvoyons le lecteur (5); il faut toutefois signaler que le rédacteur de LO lui-même rappelle un peu plus loin que ce texte qu’il a décrété «ultra-gauche», Trotsky l’avait qualifié en 1929 comme étant «un des meilleurs documents publiés par l’Opposition internationale» qui conservait «sur de nombreux points» «toute sa valeur jusqu’à aujourd’hui»! Mais on sait que les trotskystes, dont LO, sont les premiers à renier toutes les positions marxistes correctes défendues par Trotsky...

 

Les rapports de notre courant avec Trotsky

 

Après avoir été expulsé d’URSS en 1929, Trotsky s’efforça de rassembler les divers éléments de gauche exclus des partis communistes. Contrairement à ce qu’écrit LO la «Fraction» qui regroupait les militants de notre courant hors de l’Italie sous domination fasciste, ne refusa pas de participer à l’ «opposition de gauche internationale», malgré les désaccords avec Trotsky. Lors de son premier congrès en 1928 à Pantin la «Fraction de Gauche» regroupant les militants de notre courant dans l’émigration, avait adopté une résolution symbolique appelant à la tenue d’un Congrès extraordinaire de l’Internationale Communiste sous la présidence de Trotsky.

A propos des rapports de nos camarades avec ce dernier, nous avons noté ailleurs la grande patience dont ils ont longtemps fait preuve par rapport à ses manoeuvres et à ses initiatives hasardeuses pour hâter l’unification de cette opposition puis ensuite la constitution d’une organisation internationale, ainsi que pour accélérer la maturation des situations (6). LO leur reproche, semble-t-il, d’avoir voulu une «clarification préalable» à l’unification; c’est pourtant une exigence élémentaire si l’on ne veut pas bâtir sur du sable des regroupements éphémères, destinés à s’éparpiller à la première difficulté. Nos camarades étaient opposés en particulier à la tentative (qui échoua) de Trotsky en 1933 de constituer un regroupement devant servir à la fondation d’une IVe Internationale avec des organisations social démocrates de gauche (le dit «Bureau de Londres») (7). Pour s’allier avec ces partis confusionnistes, en fait réformistes, nos camarades étaient trop gênants avec leur souci de la clarté politique: ils furent donc exclus de l’opposition de gauche internationale sans autre forme de procès. LO produit une longue citation d’un texte de 1934 où Trotsky s’en prend au «sectarisme», écrivant que «ces conceptions ont été exprimées de la façon la plus complète par cette secte morte que forment les bordiguistes qui espèrent que l’avant-garde du prolétariat se convaincra toute seule, à travers la lecture d’une production théorique de difficile lecture, de la justesse de leurs positions et ainsi se retrouvera autour de leur secte. (...) La perspective des bordiguistes, selon laquelle les événements révolutionnaires pousseront d’eux-mêmes la classe ouvrière vers leur tendance en récompense de leurs idées “justes” est la plus dangereuse des illusions. (...) Pour croître plus rapidement dans une période de montée, il nous faut savoir trouver des points de contact avec la conscience des plus larges secteurs ouvriers. Il nous faut établir des relations adéquates avec les organisations de masse (...)».

Pour en comprendre le sens de ce texte (8), il faut savoir qu’il a été écrit à la suite de la décision de Trotsky de faire entrer ses partisans, trop peu nombreux à son goût, dans le parti socialiste français (SFIO) pour y recruter des adhérents. Ce «tournant entriste» décidé après l’échec du regroupement avec les organisations du Bureau de Londres, venait de provoquer une crise dans le mouvement trotskyste (notamment une scission dans la «Ligue Communiste», la section française). L’«organisation de masse» dont il parle est précisément le parti socialiste à propos duquel quelques mois auparavant il accusait ses camarades français de sectarisme parce qu’ils étaient trop critiques à son égard et qu’ils refusaient de créer une «fraction» en son sein. La dénonciation des «bordiguistes», auxquels il attribuait pour les besoins de la polémique des conceptions absurdes, lui servait donc à justifier une manoeuvre qui avait du mal à passer.

 En effet Trotsky avait fustigé auparavant avec une vigueur incomparable le manoeuvrisme sans principe des Staliniens et leur abandon de l’indépendance politique du parti. Ce n’est personne d’autre que lui qui avait écrit ces phrases mémorables: «Ce n’est pas la souplesse qui fut la caractéristique fondamentale du bolchevisme (à présent non plus elle ne doit pas l’être), c’est sa fermeté d’airain. C’est précisément cette qualité – dont il fut légitimement fier – que ses ennemis et adversaires lui reprochaient. Non pas “optimisme” béat, mais intransigeance, vigilance, défiance révolutionnaire, lutte pour chaque pouce de son indépendance: voilà les traits essentiels du bolchevisme».

Et encore: «La pire et la plus dangereuse des manoeuvres est celle que commandent l’impatience opportuniste, le désir de devancer la croissance du parti, de sauter par-dessus les étapes de son développement (voilà justement le cas où il ne faut pas les sauter)»; «La règle la plus importante, inébranlable et invariante, qui doit être appliquée dans toute manoeuvre est celle-ci: ne te permets jamais de fondre ou d’entrelacer ton organisation de parti avec celle d’un autre parti, si “amical” qu’il soit aujourd’hui. Ne te permets jamais des démarches qui, directement ou indirectement, ouvertement ou secrètement, subordonnent ton parti à d’autres partis (...). Ne te permets jamais de confondre ton drapeau avec les leurs et, à plus forte raison, cela va sans dire, de s’agenouiller devant la bannière des autres», etc. (9). Son impatience devant la croissance trop faible de la Ligue faisait oublier à Trotsky ce qu’il avait appelé 5 ans plus tôt une règle inébranlable et invariante et il sommait ceux qui le suivaient de plonger dans le marais social démocrate sous peine de devenir une «secte morte»...   

LO passe donc sous silence les vraies causes de la rupture entre Trotsky et nos camarades en attribuant à ceux-ci le «choix de l’isolement sectaire» alors qu’ils avaient juste fait le «choix» de rester fidèles à la règle des bolcheviks (n’est-ce pas Lénine qui avait écrit qu’il valait mieux être seul avec Liebknecht que très nombreux avec les social-chauvins?) rappelée par Trotsky lui-même.

 

La transmission de la «tradition communiste révolutionnaire» se fera contre le trotskysme

 

LO s’interroge sur les causes de la présence particulière en Italie de la «déformation bordiguiste» (sic!); et elle l’explique par le choix des militants de notre courant de s’isoler de «l’Opposition de gauche trotskyste, elle-même véritable héritière politique de la révolution russe et du léninisme» au lieu de se confronter avec elle, «et de se replier sur leur sectarisme, sur une base nationale faite avant tout d’ignorance de ce qu’étaient les autres courants». Ce n’est pas d’ignorance qu’il faut ici accuser le rédacteur de LO, mais de la plus complète mauvaise foi!

Notre courant connaissait parfaitement les positions de Trotsky et de l’«opposition de gauche» puisqu’elle avait fait partie de cette dernière à l’origine. Il s’en est détaché non par «sectarisme» ou «repli national» (!) mais pour des raisons politiques cruciales. Trotsky était sans aucun doute un militant révolutionnaire marxiste de première grandeur, mais dans sa lutte désespérée pour résister à la contre-révolution et tenter de ramener le prolétariat dans la voie révolutionnaire, il en vint à se lancer dans des expédients de plus en plus en rupture avec les positions communistes authentiques: de l’entrisme dans les partis sociaux-démocrates à la défense de la démocratie bourgeoise contre le fascisme, etc. Aggravant ainsi les erreurs dans lesquelles était tombée la jeune Internationale Communiste et qui n’avaient pas peu contribué à sa dégénérescence, au lieu d’en faire le bilan et de les corriger, il égarait et démoralisait les maigres forces révolutionnaires.

Nos camarades ont eux aussi été victimes de la terrible situation contre-révolutionnaire de l’époque; ils ont sans aucun doute commis des erreurs et abandonné certaines positions théoriques et programmatiques; il faudra tout le travail effectué après guerre sous l’égide de Bordiga pour «restaurer le marxisme» défiguré par le Stalinisme mais aussi par la plupart des mouvements anti-staliniens, trotskystes en particulier. Mais ils n’ont pas lâché sur l’essentiel, assurant une continuité pas seulement physique avec la période des grandes luttes de classe du premier après-guerre qui a permis ce travail.

LO écrit que «la principale responsabilité» de la non transmission de la tradition communiste révolutionnaire «incombe évidemment au stalinisme qui a tout fait pour écraser les autres tendances communistes». Mais le stalinisme  n’était pas une «tendance communiste» parmi d’autres, c’était l’expression de la contre-révolution!

Le fait que le trotskysme en général (et LO en particulier) ne s’en soit pas aperçu, le fait qu’il ait considéré les prétendus pays socialistes comme des pays non-capitalistes (alors qu’il s’agissait de capitalismes d’Etat, en outre particulièrement féroces contre les prolétaires) et leur système politique comme une bureaucratie défendant malgré tout ce caractère non capitaliste et jouant donc un rôle positif, ce fait est une démonstration supplémentaire qu’il est incapable de défendre et de transmettre les positions communistes. Comme, sous la terrible pression d’une situation défavorable à la lutte révolutionnaire, il n’a pu assimiler et transmettre que les pires positions de Trotsky, il s’est irrésistiblement transformé en mouvement «centriste» – comme les bolcheviks appelait ces courants révolutionnaires en paroles, mais anti-communistes dans les faits, qui étaient le principal obstacle à la constitution de vrais partis communistes.

Dans toutes ses innombrables variantes actuelles, le trotskysme n’est pas autre chose que le mouche du coche des forces de la collaboration des classes, l’allié des grands appareils réformistes anti-prolétariens qu’il peut sans doute critiquer, mais avec lesquels il ne rompt jamais et vers qui il rabat les éléments attirés par son discours trompeur. A qui en douterait il suffirait de considérer son attitude actuelle vis-à-vis des directions syndicales qui jouent la comédie de la lutte pour mieux empêcher toute réaction authentiquement de classe aux attaques bourgeoises, ou son suivisme congénital vis-à-vis des partis réformistes, parfois «justifié» au nom de la tactique du «front unique», ou pour avoir quelques élus dans des municipalités (LO).

Mais ces partis réformistes, de matrice stalinienne ou social démocrate, s’inscrivent, eux, dans un indéfectible front unique avec les capitalistes dont ils servent les intérêts quand ils sont au gouvernement de l’Etat bourgeois; ou quand, dans l’opposition, ils empêchent l’apparition de la véritable lutte de classe prolétarienne par le sabotage des luttes réelles et l’organisation de pseudo-mouvements condamnés dès le départ à l’impuissance et qui ne servent qu’à décourager ceux qui y participent. Ce n’est pas par hasard si la bourgeoisie a depuis des décennies concédé une petite place dans son système politique aux organisations trotskystes: elles sont bien utiles pour redonner un peu de lustre au système électoral de plus en plus usé et un peu de dynamisme à l’action des forces de la collaboration des classes.

La renaissance du mouvement prolétarien révolutionnaire sera le fruit des contradictions du capitalisme lui-même qui à un moment donné de sa crise poussera inexorablement les masses à la révolte.

Mais pour que cette révolte surmonte les obstacles, pour qu’elle trouve la voie révolutionnaire juste et débouche sur la révolution communiste, il faudra qu’ait été transmise et que se soit implantée au sein du prolétariat la «tradition communiste révolutionnaire» – autrement dit le programme communiste qui synthétise les grandes leçons des luttes prolétariennes du passé et indique à cette lumière la voie de la victoire des luttes futures. Cette tradition, ce programme ne peuvent que s’incarner dans une organisation, un parti, qui, organisé sur ses bases et les faisant vivre dans son action, acquiert peu à peu la capacité de conquérir la direction du mouvement prolétarien et de le guider vers la victoire révolutionnaire. Ce parti de classe, internationaliste et international, organe indispensable du prolétariat dans la lutte pour son émancipation, le trotskysme ne pourra contribuer à sa constitution. Il a tourné le dos au grand combattant Trotsky en ne retenant que ses fautes et ses manoeuvres, accentuées encore au-delà de toute mesure, et il ne voit dans les positions communistes véritables que sectarisme et ultra-gauche à combattre.

C’est contre le trotskysme, adversaire du programme, des principes et de la politique communistes, aussi bien que contre les faux marxistes de toute espèce, que devra renaître demain le communisme authentique, sur la ligne historique sur laquelle ont combattu hier les Marx, Engels, Luxemburg, Lénine, Bordiga, Trotsky lui-même dans sa meilleure époque, etc., ainsi que d’innombrables militants et prolétaires anonymes.

 

 


 

(1) Cet article a été écrit à propos du groupe italien «Lotta Comunista» (qui publie en français «L’Internationaliste») après que des militants de cette organisation aient tenté d’empêcher une réunion de «Pagine Marxiste» (groupe issu de Lotta Comunista qui entretient des rapports avec LO). Groupe opportuniste bien connu pour son manoeuvrisme sans principes, Lotta Comunista n’a jamais eu aucun lien avec notre courant. Par contre il a participé à la fin des années 70 à des réunions internationales avec LO, le SWP britannique et autres, qui n’ont pas abouti au rapprochement souhaité par les participants.

(2) Voir notre brochure «“La maladie infantile”, condamnation des futurs renégats», Textes du PCInternational n°5.

(3) Communiqué du Comité Exécutif du PC d’I, Il Comunista, 14/7/21.

(4) Voir à ce sujet «La question du Front Unique. (2)», Programme Communiste n°103.

(5) Elles se trouvent dans le recueil «Défense de la continuité du programme communiste», Textes du PC International n°1.

(6) Voir notre étude «Eléments d’histoire de la Fraction de gauche à l’étranger (de 1928 à 1935)», Programme Communiste n°97, 98, 100 et 104.

(7) Sur le premier n° de leur journal en Français, Bilan, nos camarades écrivaient en commentaire de leurs critiques  des manoeuvres de Trotsky: «il ne s’agit pas ici de la personnalité du camarade Trotsky, il s’agit des intérêts du mouvement communiste (...). Et à ce sujet les seules règles d’action valables sont celles qui se rattachent aux enseignements du marxisme (...). La Quatrième Internationale, les nouveaux partis, se préparent dans une toute autre atmosphère politique: là où l’on s’acharne à comprendre le passé que nous venons de vivre sans faire recours aux manoeuvres permettant des succès éphémères»:

(8) On peut le lire in extenso dans Léon Trotsky, Oeuvres, première série, tome 4, p223-232

(9) Citations tirées de «L’Internationale Communiste après Lénine» (1929), tome 1, p. 252, 253, 254.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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