Pollution pétrolière au Nigeria:

Le capital pollue et tue. Seule la révolution prolétarienne mettra fin à ce système cupide et criminel

(«le prolétaire»; N° 526; Oct. - Nov. - Déc. 2017)

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Depuis des décennies, le Nigeria est ravagé par l’exploitation du pétrole. Le delta du fleuve Niger, au Sud-Est du pays, est riche en ressources pétrolières. Celles-ci sont exploitées depuis le milieu des années 1950 par des multinationales européennes – Shell principalement mais également l’italienne ENI ou la française Total. L’État nigérian tire 70 % de ses revenus de l’or noir, même si ces derniers mois la production a sévèrement baissé en raison d’une guérilla – les Vengeurs du Delta – qui revendique une part plus importante de la rente pétrolière pour les régions d’extraction. Ce pétrole est un enjeu stratégique pour les impérialistes qui pillent cette richesse à leur profit. Les 606 champs pétrolifères du delta fournissent ainsi 40 % du total des importations américaines de brut.

Les gouvernements successifs ont tout misé sur l’exportation de pétrole. Non seulement cela a été la source d’une corruption à grande échelle mais également de l’effondrement du petit secteur industriel. Jusque dans les années 1960, l’activité économique du pays était dominée par des entreprises d’import-substitution, comme UAC (Unilever) qui produisait des biens alimentaires et ménagers, des machines, des équipements de bureaux, des moteurs de véhicule, etc. Depuis, le pays est devenu largement importateur y compris de carburants car le Nigeria dispose de peu de raffineries.

 

Le delta du Niger ravage

 

Le delta du Niger est peuplé par le peuple Ogoni, qui compte entre 500 000 et un million de personnes. Cette population tente péniblement de vivre des nombreuses ressources minières, piscicoles et agricoles, car elle est victime d’un gigantesque désastre écologique et humain causé par l’exploitation pétrolière. Fuites d’hydrocarbures et torchages (brûlages) des gaz de pétrole se sont dès l’origine produits fréquemment, puis multipliés au long des années. Les autorités nigérianes ont recensé officiellement plus de 7 000 marées noires entre 1970 et 2000. Et entre 2005 et 2015, plus de 6 000 fuites de pétrole.

Si l’on en croit deux grandes enquêtes réalisées il y a près de dix ans, les quantités déversées sont gigantesques. Selon un rapport de 2006 du World Wide Fund (WWF) Royaume-Uni, de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de la Nigerian Conservation Foundation, jusqu’à 1,5 million de tonnes de brut – soit cinquante fois la marée noire provoquée par le pétrolier Exxon Valdez en Alaska – s’étaient déversées dans le delta en un demi-siècle. En 2009, Amnesty International a calculé que ces fuites ont représenté l’équivalent d’au moins 9 millions de barils, soit 10 % de la production mondiale actuelle.

Le pays Ogoni a donc connu des marées noires continues – certains observateurs parlent de 300 par an! – qui se sont répandues dans ces quelque 1 000 km2 de territoires découpés de criques.

La quantité de pétrole qui s’échappe chaque année des terminaux, des oléoducs, des stations de pompage et des plates-formes pétrolières pollue les terres agricoles, les puits d’eau potable, les zones de pêche, les forêts… Le torchage du gaz dans l’atmosphère est si polluant que les palmiers jaunissent.

L’espérance de vie dans ses communautés rurales, dont la moitié n’a pas accès à l’eau potable, est tombée à 40 ans à peine depuis deux générations.

Une récente étude scientifique suisse a montré que l’exploitation du pétrole dans le delta est directement responsable de la mort, chaque année, de 16 000 nourrissons! Les scientifiques ont constaté que l’exposition des adultes aux fuites de pétrole jusqu’à cinq années avant la conception d’un enfant augmente considérablement le risque de voir le nouveau-né mourir durant ses vingt-huit premiers jours de vie. Et ce, au point de doubler le taux de mortalité néonatale pour le porter à 76 morts pour 1 000 naissances, voire davantage dans des zones de forte proximité avec la source de la fuite.

 

 Risques et pollution pour les masses déshéritées, profit pour les bourgeois

 

Au-delà du pays Ogoni, tout le Nigeria souffre de la pollution et des risques liés aux hydrocarbures. Les informations sur les accidents sont très parcellaires mais ceux qui sont connus font froid dans le dos. Par exemple, en 2006, l’explosion d’un oléoduc a provoqué la mort de trois cents personnes à Lagos, la principale agglomération du pays et une des plus importantes du continent.

De plus, les grandes agglomérations sont touchées par la pollution atmosphérique malgré la production par le pays d’un pétrole brut relativement «propre». Ce pétrole de qualité est exporté vers les raffineries européennes, Rotterdam, Amsterdam ou Anvers; mais l’essence importée dans le pays est dite de «qualité africaine»: forte en soufre, benzène, plomb, composants très polluants, parce qu’elle provient de pétroles dits «lourds», moins chers, et dont pour des raisons économiques le raffinage est «incomplet» (désulfuriser par exemple coûte cher); les additifs comme le plomb y sont ajoutés pour compenser la mauvaise qualité du carburant obtenu. Résultat: le taux de plomb et autres métaux lourds présents régulièrement dans l’atmosphère des grandes villes sont 15 fois plus élevés que la norme américaine définissant un site pollué!

Bien entendu, les capitalistes tirent de gigantesques profits de cette situation. L’absence de respect de la moindre sécurité de la production ou l’importation de carburants de mauvaise qualité fait la joie des multinationales, Shell au premier rang.

 

Impasse réformiste et perspective réaliste

 

Le Comité pour une Internationale Ouvrière est à notre connaissance le ou un des seuls courants prétendument révolutionnaires présents au Nigeria par sa section, le Democratic Socialist Movement (le Mouvement Socialiste Démocrate). Le DSM s’est lancé dans la construction d’un «parti large» (c’est-à-dire sans ligne programmatique précise), le Socialist Party of Nigeria (SPN) qu’il cherche à faire reconnaître légalement pour pouvoir participer aux élections présidentielles de 2019.

Le SPN-DSM voit dans le pétrole une «richesse collective de l’ensemble du peuple nigérian» dont elle demande la gestion directe par l’État bourgeois mais dirigé par «gouvernement du peuple travailleur et pauvre basé sur un programme socialiste». On sent déjà le bon vieux programme social démocrate...

Cette «gestion pour le bien et le bénéfice de tout le peuple nigérian» permettrait de mettre en place «un plan rationnel pour créer des sources d’énergie alternatives et propres et restaurer l’environnement du delta du Niger» («Malabu Oil Block Fraude», socialistnigeria.org, 29 mars 2017).

Derrière ce verbiage écolo-réformiste, se cache (très mal) un aplatissement complet devant le capitalisme et ses serviteurs. A aucun moment le SPN n’évoque l’affrontement avec les multinationales et les Etats impérialistes que provoquerait inévitablement la nationalisation du secteur pétrolier. A aucun moment le SPN ne parle d’une prise de pouvoir qui ne pourra se faire que par la force et la violence, à aucun moment il ne parle de révolution prolétarienne.

La classe ouvrière et les masses déshéritées ne peuvent rien attendre des hypocrites déclarations humanitaires des ONG ou des illusions nationales-réformistes. Leur seule force, elles la trouveront dans leur combat de classe prolétarien contre la bourgeoisie, en union avec le prolétariat des autres pays. Cette perspective ne peut être immédiate; elle implique nécessairement avec la renaissance d’organisations classistes pour mener la lutte quotidienne de défense contre le capitalisme, la renaissance de l’organe dirigeant de cette lutte, le parti de classe, communiste et international, qui unifie la classe ouvrière par-delà les frontières d’ethnies et de nationalités et la mène jusqu’à l’affrontement final avec l’Etat bourgeois et l’instauration de la dictature du prolétariat. C’est la seule perspective réaliste, au Nigéria et partout.

 

Les communistes et la défense de l’environnement

 

Malgré les dires des écologistes bourgeois et petits-bourgeois (y compris ceux qui font des déclarations «révolutionnaires»), les marxistes se sont toujours faits les défenseurs de l’environnement face aux destructions inhérentes au mode de production capitaliste. Dans le Capital, Marx dénonçait les effets du capitalisme sur l’agriculture: «la production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production social qu’en ruinant en même temps les sources vives de toute richesse: la terre et le travailleur» (Livre I).

Ils se posaient également en défenseur de la «nature» face aux méfaits de la société bourgeoise: «Du point de vue d’une organisation économique supérieure de la société, le droit de propriété de certains individus sur des parties du globe paraîtra aussi absurde que le droit de propriété d’un individu sur son prochain. Une société entière, une nation et même toutes les sociétés contemporaines réunies ne sont pas propriétaires de la terre. Elles n’en sont que les possesseurs, elles n’ont que la jouissance et doivent léguer aux générations futures après l’avoir améliorée en boni patres familias [bons pères de familles]» (Livre III)

Il y a un siècle, à la suite de l’Octobre prolétarien, une telle politique a été initiée dans la Russie des soviets qui devait – en pleine guerre civile – prendre des mesures d’urgence. Une loi de mai 1918 limitait l’exploitation des surfaces boisées pour préserver ce que l’on appellerait aujourd’hui la biodiversité. En mai 1919, une loi limitait les prélèvements de certains gibiers en limitant les saisons de chasse. D’autres lois protégeaient les ressources en poissons en limitant la surpêche. D’autres textes législatifs furent mis en œuvre pour limiter l’érosion des sols ou gérer les bassins fluviaux.

Enfin, la loi du 16 septembre 1921 consacrée à la protection des «monuments de la nature» permettait la création de parcs naturels protégés de l’exploitation mercantile. Le premier parc naturel au monde (Zapovednik) fut créé dans le delta de la Volga. En octobre 1925, une super-agence gouvernementale fut créée: le Goskomitet, dépendant du commissariat de l’Education et chargée de coordonner les mesures et programmes de conservation de l’environnement. Au cœur de ses objectifs: le développement des parcs naturels voués à la recherche fondamentale, mais visant aussi à informer la pratique économique ou, simplement, à protéger les espèces menacées. Parti de presque rien en 1917, le domaine des parcs naturels soviétiques atteignait déjà près de 10 000 km2 en 1925 et quelque 40 000 km2 en 1929 (la superficie totale de la Suisse). Ils n’étaient pas seulement des sanctuaires mais surtout des réserves intégrales, dévolues à la recherche, où toute intervention humaine productive était (théoriquement) exclue.

Mais le stalinisme avec sa politique d’industrialisation à marche forcée renversa complètement cette orientation, ruinant en même temps les prolétaires, soumis bien des fois à un véritable travail forcé, et la nature. La quasi-disparition de la Mer d’Aral en est l’une des conséquences les plus tristement célèbres.

 

L’avenir appartient au communisme !

 

Au Nigeria comme ailleurs, le capitalisme pollue et tue. Il détruit des vies humaines mais aussi l’environnement. Il produit pour le profit, pas pour satisfaire les besoins humains. Il produit de façon anarchique sans se soucier aucunement du futur.

Seule la révolution prolétarienne vengera les innocentes victimes de ce système prédateur et criminel en le mettant à mort. Seule la révolution prolétarienne est apte à transformer radicalement la relation entre l’Homme et la Nature, et à assurer un développement harmonieux des deux.

Le communisme permettra de créer un monde où l’abondance matérielle ne compromettra pas l’avenir des ressource naturelles et de la biodiversité. C’est ce monde évoqué par Marx dans ses Manuscrits de 1844, un monde où s’exprimerait «l’unité essentielle de l’homme avec la nature, la vraie résurrection de la nature, le naturalisme accompli de l’homme et l’humanisme accompli de la nature».

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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