«Islamo-fascisme», «Islamo-gauchisme»

Quand «Mouvement Communiste» part en croisade

(«le prolétaire»; N° 528; Avril-Mai-Juin 2018)

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Mouvement Communiste (MC) est un groupe issu du GCI («Groupe Communiste Internationaliste», lui-même ancienne scission du CCI sur des bases anarchisantes et anti-marxistes), qui affirme travailler pour la constitution du parti communiste mondial et qui affiche des prétentions théoriques. Nous avons déjà eu l’occasion de l’épingler à diverses reprises sur la question du fascisme comme sur la question de la religion (1). Nous nous intéresserons ici à un texte qui touche à ces deux sujets; il a été publié il y a déjà quelque temps, mais il nous paraît intéressant de le critiquer car il réunit un certain nombre de positions fausses que l’on retrouve un peu partout.

Il s’agit d’un «document de travail» intitulé: «Islamo-fascisme: Définition, utilisation, soutiens et actions dans les entreprises et les quartiers» (2). Dans sa présentation, MC écrit que comme il utilise depuis plusieurs années le concept d’islamo-fascisme, «il est donc nécessaire, si on ne veut pas le considérer comme un concept creux et incantatoire, de le définir précisément» (aveu ingénu qu’il utilisait depuis plusieurs années ce terme sans avoir une idée précise de ce qu’il signifiait!). L’analyse de ce document va nous permettre de préciser à notre tour ce qu’il faut penser de ce concept qui fait office désormais de lieu commun.

 

Qu’est-ce que le fascisme?

 

MC commence par donner sa propre définition du fascisme, définition s’appliquant tant aux régimes constitués qu’aux mouvements politiques. Elle se résume en 4 «critères»: – Relation particulière aux «corps intermédiaires», qui sont soit détruits soit absorbés par l’Etat; – «Nationalisme économique» (intervention étatique, mesures protectionnistes, autarcie, etc.) – «Violence extralégale» («consubstantielle aux régimes fascistes»); – «Négation du conflit de classes» (citons cette perle: «le fascisme ne comprend pas l’utilité de la lutte des classes pour le développement capitaliste»!). MC ajoute à ces critères deux «remarques»: 1) «l’attitude vis-à-vis des élections après la prise du pouvoir couvre un spectre étendu qui ne permet pas d’en faire un critère commun» (certains des régimes étiquetés fascistes par MC les utilisent, d’autres non); 2) «les régimes fascistes ont tous eu un leader charismatique, mais ce n’est pas leur apanage», des régimes non fascistes pouvant avoir de tels leaders.

Mais ces critères ne définissent pas du tout les régimes, ni les mouvements politiques fascistes! On les retrouve en effet, de façon plus ou moins étendue et plus ou moins accentuée, dans tous les régimes bourgeois modernes. Quel Etat par exemple ne nie pas le conflit de classes pour maintenir la paix sociale et ne recourt pas au nationalisme économique pour se protéger des concurrents?

La venue au pouvoir des régimes fascistes dans l’entre-deux guerres a correspondu à un tournant dans l’évolution capitaliste avec la fin des vieux régimes démocratiques libéraux qui existaient jusque-là. Les régimes fascistes ont mis en oeuvre des mesures qui seront reprises ensuite partout, parfois à l’initiative de gouvernements de gauche, comme celui de Roosevelt aux Etats-Unis, et que l’on peut résumer par l’intervention accrue de l’Etat dans la vie économique et politique. C’est dans ce sens que nous avons écrit que si les régimes fascistes ont perdu la guerre, le fascisme l’a gagnée: la bourgeoisie des autres pays a utilisé les méthodes qui avaient démontré leur efficacité sous les régimes fascistes; ceci a été particulièrement vrai dans les jeunes Etats nés des indépendances où il fallait bander tous les efforts et contrôler d’une main de fer toute la société pour drainer le maximum de ressources vers le développement économique tout en disciplinant les jeunes classes ouvrières.

Mais il en était de même dans les grands Etats capitalistes où, pour surmonter les ravages de la guerre et imposer à la classe ouvrière l’exploitation accrue indispensable à la reconstruction, il fallait recourir à la puissance de l’Etat et à la centralisation politique et économique. Notre courant voyait dans le fascisme des méthodes mises en oeuvre par la bourgeoisie la plus moderne pour défendre le capitalisme en crise, alors que d’autres y compris dans l’Internationale se fourvoyaient en le prenant pour un mouvement des secteurs les plus arriérés et rétrogrades de la société («féodaux», «agrariens», etc.). C’est à cette dernière interprétation que semble se rattacher MC en écrivant: «l’islamo-fascisme est l’expression d’un développement insuffisant du capital, du capital commercial le plus arriéré, de la rente et est issu de l’organisation tribale de segments marginaux de la société du capital».

En réalité il est vain de chercher dans des critères de type sociologique ou juridique les traits distinctifs du fascisme, qu’il soit ou non au pouvoir, car ses traits sont d’abord de nature politique. Notre courant l’a caractérisé de façon lapidaire comme la pointe extrême de la contre-révolution bourgeoise. Contrairement à ce que s’imagine MC fascisme comprend parfaitement le sens de la lutte des classes, puisqu’il a pour but précisément la victoire totale de l’ordre bourgeois dans cette lutte par l’écrasement de l’adversaire prolétarien. Il a recours à la violence extralégale, parce qu’il est une arme utilisée par la bourgeoisie lorsqu’elle veut intimider et frapper le prolétariat tout en conservant encore à l’Etat sa façade démocratique, en apparence au-dessus des classes.

Le fascisme apparaît et se développe dans des circonstances bien particulières: celles d’une grave crise sociale où le système politique bourgeois est confronté à une menace révolutionnaire. La classe dominante passe à la dictature ouverte en remettant le pouvoir politique au fascisme pour briser toute résistance. Prétendre définir le fascisme indépendamment de la situation d’affrontement social aigu qui le fait naître, indépendamment du rôle qu’il peut ou qu’il se propose de jouer au service de l’ordre bourgeois contre cette menace prolétarienne révolutionnaire, est une complète absurdité.

Sur la base de sa définition, MC englobe dans les pays fascistes l’URSS stalinienne, la Chine de Mao, l’Argentine de Perón et il fourre dans le même sac «les fascistes classiques, les fascistes rouges staliniens, leur variante anti-impérialiste tiers-mondiste (...) les islamo-fascistes».

Et pour ce qui est du concept d’Islamo-fascisme, il l’applique à des pays aussi divers que l’Iran des Mollahs, la Syrie de Hafez El Assad, l’Irak de Saddam Hussein, l’Egypte de Nasser, la Libye de Kadhafi et l’Algérie du FLN. Mais la seule chose qui a rassemblé et qui rassemble ces pays, c’est que la religion dominante y est l’Islam, sous une forme ou une autre (Chiisme, Sunnisme), ces divers régimes ayant d’ailleurs eu une politique différente vis-à-vis d’elle.

Mais non! Ils ont une autre caractéristique commune: ils ont plus ou moins été des Etats clients de l’URSS et en tout cas se sont tous opposés aux impérialismes occidentaux, qui les ont été dénoncés comme «fascistes» (que l’on se rappelle Nasser ou Saddam Hussein qui ont été traités de «nouvel Hitler» par de furieuses campagne de presse – juste avant les interventions militaires occidentales contre ces régimes).Les «marxistes» de MC ne seraient-ils pas allés chercher leur inspiration dans les poubelles de la propagande impérialiste occidentale? Est-ce que c’est par hasard que des régimes dictatoriaux mais pro-occidentaux comme la Tunisie du parti unique de Bourguiba ou le Maroc de Hassan II ne figurent pas dans la liste des pays islamo-fascistes qu’il dresse?

Ce qui est sûr, c’est qu’on retrouve des traits dictatoriaux semblables dans les nouveaux régimes bourgeois nés, avec ou non présence de l’Islam, dans la deuxième moitié du vingtième siècle en Afrique, en Asie ou au Moyen-Orient, de même que la faiblesse d’une classe bourgeoise autochtone (MC parle même de son «absence» dans les pays «islamo-fascistes»!) qui impose le recours à l’Etat dans l’économie.

Le concept d’ «islamo-fascisme», tel du moins que MC le présente (notons qu’il assimile subrepticement dans ce texte à l’islamo-fascisme l’Islam politique, c’est-à-dire des formations politiques bourgeoises classiques à idéologie religieuse qui existent ou ont existé dans divers pays sans avoir rien de fascistes) se révèle de fait complètement creux.

En fait, MC s’aligne sur l’hystérie «anti-islamiste» qui sert régulièrement en France de cheval de bataille à toutes les canailles les plus réactionnaires depuis Sarkozy ou Valls jusqu’à la famille Le Pen, en passant par De Villiers et beaucoup d’autres.

 

«Islamo-gauchisme»

 

C’est dans ce cadre que MC entreprend de caractériser «les soutiens de l’islamo-fascisme»: ils s’appuieraient sur un principe «déjà appliqué à la classe ouvrière: les opprimés ne peuvent pas être oppresseurs». Qu’est-ce à dire? La classe ouvrière pourrait-elle être oppresseuse? Et de qui? MC substitue au critère marxiste, matérialiste, de la division sociale en classes et de la lutte de ces classes, un critère moral qui se fonde sur le comportement individuel (les membres de la classe ouvrière, classe soumise à la domination bourgeoise y compris sur le plan idéologique, peuvent parfaitement avoir des comportements et des attitudes réactionnaires). La défense aveugle des opprimés conduirait alors à une «convergence idéologique et organisationnelle entre islamo-fascistes et islamo-gauchistes qui mêlent la défense d’une religion opprimée ou du djihad armé, au nom d’une supposée lutte anticoloniale, antiraciste et anti-impérialiste».

Cette prétendue convergence est présentée ainsi: «d’aucuns tentent d’expliquer ou de justifier les attentats et massacres des déclassés de l’islamisme politique comme une ‘’juste» réponse à l’impérialisme occidental et en particulier à celui de la France, pays qu’avec ses petits moyens est néanmoins intervenu ces derniers temps en Afghanistan, au Liban, en Centrafrique, au Mali et en Syrie. Certains anti-impérialistes voudraient même rejouer la partition de la guerre d’Algérie, avec ses réseaux de soutiens et la polarisation entre pro et contra. D’autres en profitent pour ressortir le conflit palestinien comme lutte de libération contre une population toute entière qui serait composée exclusivement d’oppresseurs et de colons».

Odieuse calomnie! MC se garde bien de citer un ou des groupes qui soutiendraient cette position car, à notre connaissance, pas un groupe d’«extrême» gauche n’a défendu les auteurs des attentats de Paris ou de Bruxelles ou n’a apporté un soutien matériel aux terroristes. Au contraire la plupart ont rejoint l’union nationale anti-terroriste. Quant à la défense des opprimés elle est entravée chez ces groupes par leur suivisme vis-à-vis des forces collaborationnistes pro-bourgeoises.

Pour MC, tous ceux qui contestent – même sur des bases ultra-réformistes comme le NPA – l’ordre impérialiste occidental et la colonisation israélienne seraient-ils à dénoncer comme des complices des islamistes et donc des agents fascistes? De telles accusations sont l’apanage des formations politiques les plus droitières qui assimilent la lutte contre la politique israélienne à de l’antisémitisme et qui se sont spécialisées dans la dénonciation d’une prétendue convergence «rouge-brun» (c’est-à-dire entre révolutionnaires et fascistes).

Pour compléter sa puante campagne de calomnies, MC explique que «l’idéologie économique nationaliste est embrassée à la fois par le Front National et le Front de Gauche, deux formations politiques qui partagent le protectionnisme, la sortie de l’Euro et l’interventionnisme étatique».

Il est vrai que l’hostilité envers l’euro se retrouve dans les deux formations citées, mais de là à les cibler pour leur hostilité à l’Europe en «oubliant» que toutes les forces bourgeoises partagent leur même idéologies nationaliste, c’est à se demander si MC ne serait pas un précurseur du macronisme...

 

«Islamophobie»

 

Laissons de côté les discussions sur la pertinence étymologique du mot islamophobie lui-même (cela voudrait dire: peur de l’Islam); il est de fait qu’envers la religion islamique il existe depuis longtemps en France une hostilité de l’opinion publique, une hostilité qui s’étend au-delà des seuls sympathisants d’extrême droite: au cours des dernières années elle s’est trouvée une légitimité sous le drapeau de la laïcité.

Il n’est pas difficile de réaliser que cette hostilité n’a rien à voir avec une guerre de religions, mais qu’elle fait partie intégrante du climat traditionnel d’hostilité envers les prolétaires d’origine étrangère dans un pays colonial et impérialiste traînant derrière lui une sanglante histoire de massacres et de répression des populations conquises. Mais plus généralement dans tous les pays la classe dirigeante crée, alimente et attise les divisions entre prolétaires pour renforcer son pouvoir: depuis les pogroms anti-juifs dans la Russie tsariste aux lynchages de noirs dans la très capitaliste Amérique au siècle dernier, les choses sur ce point n’ont changé que relativement (aujourd’hui ce sont les flics américains qui tuent des noirs, etc.).

L’Islam est donc coupable ou au moins suspect parce qu’il est la religion majoritaire de la majorité de la fraction du prolétariat d’origine immigrée (autrefois les mots musulman et arabe étaient quasiment synonymes), la fraction à la fois la plus exploitée et la moins «intégrée», et par conséquent potentiellement la plus dangereuse pour l’ordre bourgeois. L’hostilité très répandue envers les signes de cette religion est régulièrement alimentée et réactivée par des politiciens et par les pouvoirs publics (3).

 Les prolétaires autochtones doivent se démarquer ouvertement de cette hostilité et condamner sans hésiter toutes les tracasseries, vexations, harcèlements dont sont victimes leurs frères de classe; ils doivent lutter contre toutes les manifestations de racisme, institutionnel ou non, y compris quand cela touche la religion: c’est la condition indispensable pour surmonter les antagonismes entre prolétaires et souder les rangs prolétariens dans la lutte contre les patrons. Cette lutte contre la situation d’oppression particulière des prolétaires d’origine étrangère doit donc se mener sur une base classiste et non démocratique; elle doit évidemment dépasser la question religieuse à laquelle voudraient la cantonner les démocrates antiracistes, car derrière l’«islamophobie» il y a une politique bourgeoise bien précise, de nature anti-prolétarienne: la soumission d’une fraction du prolétariat à une pression particulière, voire à un état d’exception, afin d’affaiblir le prolétariat tout entier.

Tout ça n’est pas l’avis de MC. Il prétend que le concept d’Islamophobie a été «inventé» «pour empêcher toute critique de l’Islam». Pire encore, «la lutte contre l’islamophobie menée par certains secteurs de la gauche et de l’extrême gauche du capital (...) renforce en dernière instance les raisons de ceux qui combattent, pour l’Islam politique, les armes à la main et entrave la recomposition révolutionnaire par-dessus les frontières à l’intérieur de la classe ouvrière et avec ses alliés naturels, la petite paysannerie pauvre et les femmes [sic! Il n’y a pas de femmes dans la classe ouvrière?]». Nous renonçons à comprendre la deuxième partie embrouillée de cette affirmation; il reste que, selon MC, lutter contre l’Islamophobie c’est faire le jeu des Djihadistes. Voilà qui va réjouir un Eric Zemmour ou un Robert Ménard!

En fait MC ne fait que recopier platement les affirmations d’une Caroline Fourets (spécialiste médiatique en dénonciation de femmes voilées) ou d’un Gilles Kepel (professeur «expert» en terrorisme islamiste auprès de la bourgeoisie française, proche de Valls et membre du rassemblement anti-islamique «Printemps républicain»). Pour une organisation qui se prétend communiste, c’est assez fort...

 

L’«Islamo-fascisme» en action

 

Pour terminer MC passe aux exemples «pratiques» et liste des problèmes qui se sont posés dans certaines entreprises à cause des comportements de travailleurs musulmans contre leurs collègues, en particulier contre des femmes, y voyant l’ «islamo-fascisme en action».

L’exemple le plus significatif donné pour ce qui est de la France est celui de la création d’un syndicat islamiste dans une filiale de restauration d’Air-France. Opposé aux grèves, ce syndicat est favorisé par la direction. Il s’agit donc d’un syndicat jaune, d’un syndicat patronal et pas seulement collaborationniste comme il en existe dans trop d’entreprises, mais à base religieuse – sans que l’on comprenne bien en quoi le qualificatif de «fasciste» puisse lui être appliqué.

MC dénonce des attitudes sexistes ou réactionnaires de travailleurs islamistes, attitudes sans aucun doute réactionnaires et contraires à l’unité de la classe ouvrière. Mais il parle moins des campagnes, des attitudes et des comportements racistes auxquels sont confrontés dans leur vie de tous les jours les travailleurs issus de l’immigration. Le développement de l’emprise non des «idées» mais des organisations religieuses parmi eux est une conséquence d’un climat d’hostilité plus ou moins déclarée mais généralisée des institutions comme des habitants contre les prolétaires «immigrés» (appellation générique qui, aux yeux des racistes, englobe tous ceux qui sont musulmans, ont des prénoms arabes ou la peau trop foncée), climat qui se développe à mesure que s’accroissent les difficultés économiques et sociales.

On ne peut rien comprendre au développement du phénomène religieux ou communautaire y compris parmi une partie des prolétaires de la fraction la plus opprimée du prolétariat, notamment parmi les jeunes les plus en butte aux harcèlements policiers, les plus condamnés au chômage et à une vie sans issue, si on met de côté une situation politico-sociale qui constitue un terreau fertile pour l’influence réactionnaire de la religion.

 De l’adhésion à une «communauté de croyants» pour tenter de résister à un monde hostile, au massacre de membres de ce monde pris au hasard, il y a un grand pas que seule une poignée d’éléments particulièrement déboussolés peut franchir en adhérant à des organisations terroristes. Mais ces éléments sont le produit de la société bourgeoise qui, en même temps qu’elle opprime et qu’elle exploite, dresse les prolétaires les uns contre les autres et diffuse en permanence les idéologies les plus pernicieuses et organise les comportements les plus réactionnaires et anti-prolétariens contre le danger de la lutte collective de classe.

L’utilisation de l’opium religieux fait partie de l’arsenal bourgeois depuis très longtemps et le problème pour les dirigeants bourgeois n’est pas de lutter contre la religion islamique (dénoncée par ailleurs de façon diverse), mais de la contrôler: c’est la vieille perspective de mettre sur pied un «islam à la française» (c’est-à-dire contrôlé par l’Etat) qui jusqu’ici n’a pas eu de résultats satisfaisants si l’on en croit les déclarations récentes de Macron lui-même.

En ce qui concerne la Belgique, MC traite du quartier de Molenbeek à Bruxelles (d’où sont issus plusieurs terroristes islamistes et où la population d’origine marocaine est nombreuse). Il explique que les autorités municipales (socialistes) se sont appuyées sur l’ «islam politique» existant «depuis au moins vingt ans» (et qui a donc fait la preuve de son soutien à l’ordre établi au travers d’un «maillage qui maintient un tissu social de type communautariste et religieux») (4) et il qualifie pour cette raison ces sociaux-démocrates, rouages efficaces de la démocratie bourgeoise... d’islamo-gauchistes!

Pour MC les islamo-fascistes, au moins à Molenbeek, ne sont autre que les petits délinquants qui vivent de deals divers; et alors «la seule réponse possible, pour en finir avec eux, est que les habitants combattent eux-mêmes les islamo-fascistes là où ils prospèrent, en attaquant leur business, en reprenant la main sur les espaces qui jusqu’ici étaient sous leur contrôle et ce sans compter sur l’État et sa police» – c’est-à-dire des milices d’habitants (qui, rappelons-le, sont, selon MC, enserrés dans un maillage religieux) pour lutter contre la délinquance, en auxiliaires ou en remplacement de la police!

Il n’y a pas de doute que la délinquance pèse sur les habitants des quartiers populaires et que la police joue un jeu ambigu vis-à-vis de cette délinquance où elle recrute des indics et dont elle sait qu’elle est fondamentalement hostile aux troubles de l’ordre social – parce qu’ils empêchent ses affaires (en 2005 les seuls quartiers populaires en France où il n’y a pas eu d’émeutes étaient ceux où la délinquance organisée était la plus forte; lors des émeutes de Baltimore aux Etats-Unis en 2015, les gangs de délinquants se sont entendus avec la police pour protéger les commerces qu’ils rackettaient habituellement contre les émeutiers, etc.)

Mais quand, non «les habitants», mais les prolétaires auront la force d’organiser des milices, ce ne sera pas pour lutter contre les petits délinquants, mais d’abord pour résister aux attaques des nervis bourgeois, dans la perspective de s’attaquer aux «grands délinquants», c’est-à-dire aux capitalistes. Ce ne sera pas pour jouer les supplétifs de la police ou pour «reprendre la main» sur des quartiers (entre parenthèses, il faudrait que MC nous dise à quel moment ils ont jamais eu la main sur ceux-ci), mais pour détruire l’Etat bourgeois et tous ses corps répressifs et instaurer là sa place leur dictature de classe.

MC en vient à se placer sur le terrain de l’extrême droite qui argue de la délinquance pour prôner le recours à l’ «autodéfense» des commerçants, des petits propriétaires, etc. contre ceux que MC appelle «la petite racaille»...

 

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Concluons. MC a repris sur la question de l’Islamisme des positions non seulement bourgeoises, mais de forces politiques de droite, («néo-cons», comme on les appelle aux Etats-Unis). Ce faisant il contribue, en leur donnant un vernis d’extrême gauche, à légitimer auprès des prolétaires les campagnes contre les prolétaires immigrés qui se masquent derrière la critique de la religion et la référence à la laïcité. En réalité il n’existe, dans les grands pays impérialistes d’islamo-fascisme et d’islamo-gauchisme que dans la propagande de cercles réactionnaires bourgeois; la démocratie bourgeoise est encore moins «menacée» par l’islamo-fascisme que par le fascisme tout court. De même que la menace du fascisme est régulièrement brandie pour appel à la défense de l’Etat et de la démocratie bourgeoises, de même la menace de l’Islamo-fascisme est agitée pour susciter l’union sacrée autour des «valeurs de la République», c’est-à-dire pour la défense de l’ordre établi, pour la défense du capitalisme. Les prolétaires ne doivent pas se laisser prendre à ce piège grossier; ils doivent lui opposer la perspective de la solidarité de classe contre les capitalistes, leur système, leurs valeurs et leurs Etats, responsables des crimes artisanaux des terroristes djihadistes comme des gigantesques crimes commis à échelle industrielle dans le monde entier.

La lutte contre la montée du religieux, n’est possible que sur des positions de classe; celles-ci deviennent compréhensibles aux prolétaires les plus intoxiqués par cet opium, dans le combat pour défendre leurs intérêts. C’est ainsi que tout à fait «concrètement», lors des grandes luttes des sans-papiers des travailleurs étrangers ont pu se libérer de l’influence de leurs imams, opposés à la lutte et à l’action de nos camarades dénoncés comme «communistes athées». Le déclenchement, même partiel, des luttes ouvrières fait reculer l’influence religieuse; la reprise plus générale de la lutte de classe donnera une perspective concrète aux prolétaires autochtones et immigrés qui y feront l’expérience de leur force collective et de sa capacité à révolutionner la société et à détruire le capitalisme. Sonnera alors la fin des oppressions et de toutes les idéologies répressives.

 


 

(1) Dans divers articles du Prolétaire nous avons montré comment MC reprend les positions dominantes à ce sujet. Voir les n° 414 (à propos de son analyse du nazisme) et 476 (alignement de MC sur l’idéologie bourgeoise lors de l’assassinat de Theo Van Gogh, un responsable d’extrême droite, aux Pays-Bas).

(2) https:// mouvement-communiste. com/ documents/ MC/ WorkDocuments/ DT%209_Islamo%20fascisme_FR_ vF_papier%20complet.pdf    

(3) Sans oublier les affaires récurrentes de voile islamique, il suffit de se souvenir de l’invraisemblable campagne contre le port du «maillot islamique» que Manuel Valls, le premier ministre de l’époque, avait déclaré «incompatible avec les valeurs de la République»!

(4) Rappelons qu’en Belgique les religions officiellement reconnues (un des critères de cette reconnaissance étant de ne pas mener d’activités «contraires à l’ordre social») sont financées par l’Etat: l’Islam en fait partie.

L’écrasante majorité de ce financement (79,2%) va cependant à l’Eglise catholique (alors que seuls 43% des habitants se déclarent catholiques); mais l’influence catholique va bien au-delà de ce seul critère: elle s’appuie sur des institutions puissantes, des syndicats, des partis, des associations, des groupes de pression divers à tous les niveaux de la société, etc. Elle joue un rôle de conservation sociale et de paralysie du prolétariat autrement plus puissant que l’Islam. Faut-il s’étonner que MC ne dise rien de cette situation?

L’Islam ne reçoit que 3,5% de ce financement alors que les musulmans représenteraient 12% de la population. Signalons que la «laïcité organisée» reçoit elle aussi un financement étatique (13% du financement des religions bien que seuls 0,8% des Belges se reconnaissent en elle), sans aucun doute en reconnaissance de son rôle au service de l’ordre établi. Cf . https:// fr.wikipedia.org/ wiki/ Religion_en_Belgique

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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