Manifeste du parti communiste international sur la grève générale (juin 1968)

(«le prolétaire»; N° 529; Juin - Juillet - Août 2018 )

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CAMARADES, PROLETAIRES!

La vague de grèves qui vient de submerger la France pendant plus de quinze jours a ruiné les rêves de la bourgeoisie qui, dans le monde entier, croyait avoir conjuré pour toujours le danger d’un arrêt général et prolongé de la production. Elle a confirmé une fois de plus la validité permanente de la thèse marxiste qui affirme: L’explosion des contradictions de la société capitaliste peut être retardée par mille moyens, allant de la corruption politique à la violence physique; elle ne peut pas être évitée. Elle a révélé et annoncé à la fois la crise profonde qui mûrit rapidement au sein de la société assoupie dans un bien-être illusoire non seulement en France, mais dans le monde entier. A nouveau, le spectre de la lutte révolutionnaire du prolétariat revient cogner aux portes de la société capitaliste. A nouveau, le conflit latent entre le Capital et le Travail menace d’éclater ouvertement, ce conflit qui, tôt ou tard, mais inévitablement, doit se conclure par la révolution prolétarienne, ce conflit que tous les bourgeois et leurs valets: politiciens et intellectuels, généraux et technocrates, philosophes et curés, avaient eu la folie de croire aboli à jamais. Telle est la première grande leçon, la grande confirmation, la grande certitude qui, pour les prolétaires de tous les pays, ressort de la grève générale de France, une grève comme on n’en avait plus vu depuis trente ans, et qui s’est précisément produite dans l’Etat d’Europe qui se vantait le plus orgueilleusement d’avoir réussi à réconcilier les classes de façon définitive et à les unir dans le prétendu intérêt suprême de la Nation.

Sur ce mouvement magnifique du prolétariat français, les gouvernements et les opportunistes de tous les pays font un silence craintif parce qu’il confirme une autre thèse marxiste qui affirme: TOUT EFFORT D’EMANCIPATION DE LA CLASSE OUVRIERE EST DESTINE A ECHOUER S’Il MANQUE A CELLE-CI LA DIRECTION POLITIQUE DU PARTI DE CLASSE. Le Parti de classe est le Parti qui se propose d’abattre la société bourgeoise et d’instaurer sur ses ruines la société socialiste, au lieu de proposer la réforme d’un ordre social impossible à réformer; c’est le Parti qui possède non seulement, la conscience du but à atteindre, mais la conscience des moyens à employer: la préparation de la conquête du pouvoir et de la dictature prolétarienne et la volonté, c’est-à-dire l’organisation unitaire et centralisée qui permet d’utiliser ces moyens et de réaliser ce but. Les prolétaires entrés en lutte contre la volonté de leurs «dirigeants» conciliateurs et réformistes, ont cherché d’instinct cette­ puissante force de direction politique révolutionnaire et ils ne l’ont pas trouvée: ils ne pouvaient pas la trouver parce que quarante ans de contre-révolution l’ont férocement détruite, privant les prolétaires d’une claire perspective révolutionnaire et du seul instrument capable d’unifier leurs forces gigantesques pour les orienter vers la prise violente et totalitaire du pouvoir. Sans théorie révolutionnaire il n’y a pas d’action révolutionnaire; mais théorie révolutionnaire signifie Parti révolutionnaire.

 

CAMARADES, PROLETAIRES!

Si quinze jours de grève générale n’ont pas ébranlé les fondements du pouvoir capitaliste, même s’ils ont temporairement paralysé son fonctionnement, ce n’est pas parce que ce pouvoir a eu la force physique d’écraser le grandiose mouvement français de reprise de la lutte de classe (il n’a du reste, pas même tenté de le faire) mais parce que tous les divers représentants de l’opportunisme sont intervenus pour empêcher ce mouvement de déborder de lui-même les limites de la légalité et de l’ordre, et de prendre la voie royale qui le mène à sa fin naturelle: l’affrontement violent avec l’ennemi.

C’est grâce à ces véritables chiens de garde que les divisions de cette armée prolétarienne unie à l’origine par-delà tous les cloisonnements locaux ou de catégories ont, peu à peu, repris le travail. Ce sont ces mêmes chiens de garde que nous avons toujours dénoncés et qui, aux jours de la grande peur bourgeoise, ont exécuté sur les épaules des prolétaires et pour le compte des patrons une ignoble danse macabre.

Ils ne sont autres que ces partis qui osent encore se nommer «communistes», mais qui ont pris en héritage la lie théorique et pratique de la vieille social-démocratie couarde et servile. Aussi proclament-ils comme elle la possibilité d’une voie «pacifique» au socialisme et ne présentent pas la démocratie comme l’opium qui sert au capitalisme à endormir l’instinct de classe du prolétariat, mais au, contraire comme le moyen, l’unique moyen de son émancipation. Le PCF et la CGT ont commencé par se résigner à subir une grève qu’ils n’avaient pas voulue et dont ils ont désavoué dès le début le caractère général et illimité, puis ils se sont hâtés de l’emprisonner dans les limites de l’usine et le cadre étroit de vagues revendications salariales: pour ce faire, ils ont entouré les usines d’un cordon sanitaire destiné à les empêcher de contaminer «la rue» et d’être elles-mêmes contaminées par la propagande révolutionnaire marxiste. Ils ont honteusement accepté de négocier avec les patrons au moment même où la grève atteignait à son maximum de cohésion et, pour finir, comme ils n’étaient pas parvenus à remettre immédiatement les ouvriers au travail pour la plus grande gloire de la «patrie», ils ont fait de cette grève un instrument électoral, un tremplin qui doit les aider à récolter des voix, à escalader le Parlement, à exécuter leur énième numéro de «réformes». Le retour à la normale était et est donc pour eux, tout comme pour de Gaulle, l’impératif de l’heure. Ces Partis qui se vantent d’avoir réconcilié le drapeau tricolore et le drapeau rouge, la Marseillaise avec l’Internationale, le patriotisme avec l’internationalisme, ont eux-mêmes, indiqué au gouvernement le truc pour transformer un mouvement potentielle­ment subversif et qui, en fait, faisait éclater les limites de la légalité bourgeoise, en une «grande force tranquille» pour reprendre leur ignoble slogan. Laquelle force tranquille doit, dans leurs intentions et leurs illusions, permettre la formation d’un «nouveau» gouvernement, d’un gouvernement «meilleur», plus efficient, plus «populaire», plus apte par conséquent à sauver la baraque branlante de l’économie nationale, de la république des possédants, de la patrie de Sa majesté le Capital. Les élections viennent à point comme soupape de sûreté à la colère prolétarienne; le gouvernement ne s’est pas fait prier pour accepter cette bouée de sauvetage qu’on lui tendait.

Quant à ceux qui, tels les «pro-chinois», prêchent, eux, la violence, mais une violence orientée vers les mêmes buts populaires, démocratiques, interclassistes que poursuivent les faux communistes du Kremlin, ils ont également collaboré à cette néfaste entreprise de sabotage de la salutaire illégalité et de la sainte violence qui se manifestaient dans la grève.

Aujourd’hui comme toujours nous dénonçons ces faux bergers, en opposant catégoriquement à leur idéologie bâtarde le lumineux enseignement de la doctrine marxiste. La société capitaliste ne peut pas être «réformée», mais doit être détruite de fond en comble; l’objectif du prolétariat n’est pas un «bon» ni un «juste» salaire, mais l’abolition du salariat; il n’est pas le «progrès dans l’expansion démocratique», mais la destruction des rapports capitalistes de production, du marché, de la concurrence, de la production soumise aux exigences du profit. L’unique voie pour atteindre cet objectif, c’est la voie de la révolution et de la dictature prolétarienne, qui passe sur le cadavre de la démocratie, du parlement, des réformes, du respect de la légalité, de la capitulation devant les «exigences de l’économie nationale», de l’adoration servile du fétiche Patrie.

Certains courants ont prétendu arracher les prolétaires français au bourbier du réformisme et du démocratisme, des courants que le marxisme a toujours dénoncés, même quand il défendait contre la hargne des bien-pensants leur généreuse aspiration à donner l’assaut violent aux murailles de l’Ordre bourgeois: ce sont les éléments qui nient la nécessité de l’organisation de la violence de classe dans le parti politique révolutionnaire communiste; qui parlent bien de révolution, mais la remplacent par la révolte de l’individu ou de cette masse informe d’individus qu’est le «peuple», et la confondent avec la «protestation» de la «conscience» individuelle ou «collective»; qui repoussent le principe fondamental de la dictature prolétarienne, donc de l’Etat du prolétariat dirigé par le Parti en tant qu’interprète de ses buts historiques et de ses intérêts même immédiats; qui se gargarisent de «prise du pouvoir», mais nient que le pouvoir est unique, l’Etat central et centralisé de la classe ennemie; qui font croire aux prolétaires que ce pouvoir se trouve et peut donc être conquis localement à l’usine, dans l’entre­prise, le quartier, le village, dans les mille institutions périphériques de la domination bourgeoise, jusque dans l’école, l’université, tous les temples de cette vieille maquerelle, la «culture». C’est notre vieil ennemi petit-bourgeois, individualiste et anarchiste, qu’il arbore son drapeau classique ou les oripeaux dernière mode du «mouvement étudiant» ou du «pouvoir ouvrier».

Tous ces courants, entre lesquels les trotskystes ont fait la navette, se mettant tour à four à la remorque des uns ou des autres et les aidant tous, ont contribué à priver les ouvriers d’une orientation précise, ne serait-ce que sur le terrain des revendications économiques; même lorsqu’ils se combattaient entre eux, ils ont tous collaboré - en réclamant «plus de démocratie», soit dans les institutions constitutionnelles, soit dans l’usine et les organismes professionnels, et en noyant le sain mouvement de la classe du prolétariat dans l’agitation informe du «peuple» - à aplanir la voie pour la rentrée en scène des politiciens en quête d’une place au soleil, au parlement ou dans le gouvernement. Toutes ces forces ont, consciemment ou inconsciemment, offert au pouvoir central de l’Etat et à son oracle en uniforme de général-­président la possibilité de reprendre en main sans coup férir ces rênes qui, pour un moment, avaient semblé lui échapper. D’une façon ou d’une autre elles ont toutes sauvé la démocratie, vieille ou «nouvelle», fausse ou «véritable», parlementaire ou «directe»: alors a reparu, drapé dans les trois couleurs de la France, l’Ordre sacro-saint.

Ces faits auxquels le monde entier a assisté en frémissant de peur ou d’espoir, donnent eux aussi une confirmation de la doctrine marxiste.

 

CAMARADES, PROLETAIRES!

La classe prolétarienne française s’est dressée dans un gigantesque élan de colère. Les miettes économiques avec lesquelles on a voulu la «satisfaire» et la mystification démocratique au nom de laquelle on lui a fait reprendre le travail, marquent sa défaite inévitable mais temporaire. Sa splendide lutte n’aura pourtant pas été vaine, et sera même comme tant de fois dans l’histoire le prélude au soulèvement et à la victoire, si les prolétaires du monde entier en tirent courageusement la grande leçon.

Cette leçon, le Parti Communiste International l’a déjà tirée, et il peut la tirer parce que même aux temps les plus noirs de la contre-révolution il a défendu, seul contre tous, le programme révolutionnaire marxiste intégral et invariable. Cette leçon, qui pour le Parti n’est que la confirmation d’une vérité qu’il connaissait avant le déroulement des faits, vous serez contraints de la tirer à votre tour de la terrible réalité de votre condition de classe exploitée et bafouée.

La voici:

A tous les coins de ce monde issu de la deuxième guerre impérialiste et plongé dans la deuxième paix démocratique, dans la France de la récente grève générale comme dans l’Angleterre gouvernée par les travaillistes briseurs de grève, dans les pays ex-coloniaux coincés dans une indépendance fictive ou luttant héroïquement pour la conquérir, de même que dans l’Amérique en proie aux douleurs d’une crise qu’aucun parti ou homme de la classe dominante n’est capable de résoudre, ou dans la Russie en quête de compétition mercantile et de coexistence pacifique, partout la crise galopante du régime capitaliste vous place chaque jour plus brutalement devant cette alternative que les agents du réformisme et du collaborationnisme ont tenté et tentent en, vain, de cacher derrière le rideau de fumée de l’illusion pacifiste et démocratique:

OU DICTATURE DU PROLETARIAT OU DICTATURE DU CAPITAL, OU REVOLUTION COMMUNISTE MONDIALE OU GUERRE MONDIALE ENTRE LES ETATS.

Cette alternative, le marxisme ne l’a pas «inventée»; elle jaillit des lois inexorables de l’économie fondée sur votre exploitation. Que le prolétariat accepte donc le défi suprême que lui lance l’ennemi, EN PREPARANT LES CONDITIONS DE LA REVOLUTION PROLETARIENNE MONDIALE ET DE SA VICTOIRE

Il les préparera, sous la direction du Parti Communiste Mondial, en chassant de ses propres rangs les divers prophètes du pacifisme, du réformisme, du démocratisme; en imprégnant les organisations syndicales de l’idéologie communiste pour en faire la courroie de transmission de l’organe de direction politique, le Parti; en creusant en leur sein une tranchée infranchissable entre prolétaires révolutionnaires et serviteurs opportunistes du capital, en arrachant leur direction aux mains des bonzes nourris au râtelier du «dialogue» avec les patrons et avec l’Etat; en se regroupant derrière le drapeau du Parti, dont le programme révolutionnaire ne connaît pas de limite de catégorie ni d’Etat, et qui, depuis le MANIFESTE COMMUNISTE de 1848, a juré à jamais, dans les hauts et les bas de la lutte, la mort du capital.

Poussé par ses déchirures internes croissantes, harcelé par les éruptions incontrôlables qui secouent chaque jour son sol pourri, le capitalisme sera contraint d’accentuer encore la dictature qu’il exerce sur vous, prolétaires, dans un effort désespéré pour se sauver; il devra déchaîner contre vous, contre vos exigences de vie et de travail les plus élémentaires, une offensive implacable. La lutte sera dure et l’adversaire de votre classe, la conduira sans ménagement; mais elle se terminera par votre victoire si dès aujourd’hui serré autour de nos groupes syndicaux d’usine pour reconstituer le Syndicat Rouge, pour le retour aux traditions d’un lointain passé de formidables luttes de classe, vous vous battez:

 

1) POUR L’UNIFICATION DE TOUTES LES LUTTES, DE TOUS LES CONFLITS ECONOMIQUES par-dessus les limites de catégorie, d’entreprise, de localité et même de pays, en un seul conflit, en une seule lutte.

2) Pour leur donner la DIRECTION POLITIQUE DE CLASSE unitaire et totale, que seul le Parti communiste révolutionnaire peut leur donner.

3) Pour les seules revendications qui visent à unir toutes vos forces et en même temps à attaquer à la base le régime d’exploitation du capital:

 - a) réduction générale et radicale de la journée de travail;

 - b) augmentation générale et massive des salaires, plus forte pour les catégories les plus mal payées, suppression des primes de rendement et autres stimulants de l’exploitation;

 - c) versement du salaire intégral aux chômeurs.

Il s’agit là de la défense de vos conditions minima d’existence. Les bourgeois et les opportunistes glapissent d’effroi devant ces revendications: elles mettent en péril les intérêts des entreprises et les bases de l’économie nationale. Eh bien que crèvent les entreprises! Que crève l’économie nationale!

Ce sont là des objectifs immédiats, mais de classe. En vous battant pour eux, en vous regroupant au­tour de notre Parti, qui lie ces revendications immédiates à la perspective finale révolutionnaire, vous reconstituerez l’armée internationale du prolétariat dirigé par son Parti, vous préparerez cet assaut révolutionnaire au pouvoir bourgeois international qui se terminera par la destruction de l’appareil d’oppression national, et international de votre classe, l’Etat bourgeois, par l’instauration de la dictature prolétarienne et la réalisation du communism 

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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