Enième catastrophe annoncée !

L’effondrement du viaduc de Gênes fait une quarantaine de morts et une dizaine de blessés.

Sa Majesté le Profit ne cesse de dévorer des vies humaines !

(«le prolétaire»; N° 530; Octobre - Novembre 2018)

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14 août 2018. Un tronçon de 200 mètres de l’autoroute A10 Gênes-Vintimille franchissant la rivière Polcevera cède brutalement et s’effondre avec son pilier de soutien emportant avec lui 35 automobiles et 3 poids lourds. Une catastrophe: 43 morts et une dizaine de blessés selon le dernier bilan fourni par les autorités.

La ville de Gênes n’est pas seulement une grande métropole accrochée aux montagnes qui descendent vers la mer, c’est aussi un grand centre industriel et un important port de commerce et de passagers. Avec Milan et Turin, elle fait partie du fameux « triangle industriel » italien dont elle est le port d’où viennent et partent des milliers de tonnes de marchandises particulièrement vers la France, le nord de l’Italie et le nord de l’Europe. Après la fermeture de grandes usines comme Italsider qui a pollué pendant des années la terre et la mer de la région, le port est devenu le moteur essentiel de l’économie, engendrant un trafic routier en accroissement continuel. Mais étant donné son relief tourmente et sa forte densité de population, la ville devait faire un effort particulier pour se doter de voies de communication : ponts, tunnels, etc. , dès l’époque du fascisme et dans les décennies d’après-guerre.

En 1967 est terminé le viaduc qui s’est effondré aujourd’hui, dernière partie de l’autoroute permettant au trafic d’éviter le centre-ville. Portant le nom de l’ingénieur Morandi qui fut responsable de sa conception, le viaduc était considéré à l’époque comme une réalisation d’avant-garde. Morandi avait auparavant réalisé avec les mêmes méthodes de construction faisant appel au béton armé un viaduc plus important, de 8 km de long, au-dessus du lac Maracaibo au Venezuela (1). Sauf que ce pont s’écroula en partie en 1964 après le choc d’un pétrolier ; événement sans aucun doute exceptionnel, mais dont il ne fut tenu aucun compte dans la construction du viaduc de Gênes.

Ce n’est pas d’hier en effet que ce viaduc a suscité des critiques sur la solidité de sa structure, au point qu’à la fin des années soixante-dix des travaux ont dû être entrepris pour faire face à la dégradation du béton utilisé et des erreurs d’évaluation des effets du fluage du tablier. Mais ce n’est pas tout ; le plan routier du viaduc n’était pas parfaitement horizontal et ces variations sollicitant l’infrastructure de l’ouvrage au passage notamment des poids lourds causaient des déplacements du tablier non prévus lors de la réalisation de l‘ouvrage. Bref il y avait suffisamment de risques pour justifier les critiques qui ne cessèrent pas même après les travaux qui arrivèrent à obtenir une «semi-horizontalité» du tablier et le remplacement des câbles de suspension du viaduc (3).

L’ouvrage était donc considéré depuis longtemps comme vieux et dangereux. Selon une étude commanditée par la société d’autoroute elle-même, le trafic ne cessant de croître, la solution était la construction d’un nouveau tronçon d’autoroute (la «Gronda») détournant le trafic du viaduc destiné à être détruit. Ce projet rencontra une forte opposition et provoqua des manifestations soutenues par le «Mouvement 5 étoiles» (M5S) qui est aujourd’hui l’un des deux partis au gouvernement, et qui naquit à Gênes en 2009.

En 2012, lors d’une discussion publique, le représentant du M5S répondit à un responsable patronal qui affirmait que d’ici 10 ans le viaduc allait s’écrouler, en disant qu’il faisait confiance à la société d’Autoroute selon laquelle le viaduc pouvait tenir «encore cent ans». Le représentant du M5S, qui prétend défendre les petits contre les gros, faisait ensuite siennes les déclarations de l’Administrateur de cette société selon lequel les critiques contre le viaduc étaient typiques «des démocraties immatures où les droits forts de quelques-uns l’emportent sur les intérêts collectifs de tous» (2). Déclaration pleine de sel de la part du représentant d’une société privée appartenant à la richissime famille Benetton qui ne voulait rien dépenser pour la construction d’un nouveau tronçon autoroutier…

Sur le site internet du M5S génois on pouvait aussi lire un communiqué de 2013 des comités opposés à la Gronda qui affirmait que le risque d’un écroulement imminent du viaduc n’était qu’une «fable». Ce communiqué tout comme le compte-rendu de la discussion de 2012 ont été effacés du site après la catastrophe; le M5S voudrait faire oublier ce qu’il soutenait alors, mais sur la toile on ne peut rien cacher comme le proclamait Grillo lui-même, le chef de ce mouvement…

Au-delà des querelles entre les partisans des différentes solutions pour améliorer le trafic routier à Gênes pour faciliter le déplacement et accélérer la vitesse de circulation des marchandises, le véritable problème est d’en finir avec une phase historique où la vie humaine ne compte pas par rapport à la quête du profit. Plus d’autoroutes ne signifie pas plus de bien-être pour la population, mais plus de profits pour les capitalistes qui les utilisent comme pour ceux qui les construisent, les entretiennent, les reconstruisent et ceux qui empochent le prix des péages. La quête du profit ne prend pas en compte les dommages causés à l’environnement ou à la vie humaine; si elle cause la mort des ouvriers qui construisent ou qui produisent ou des utilisateurs, cela n’a qu’une importance toute relative.

Evidemment après une catastrophe comme celle de Gênes tout le monde politique, tout le monde des médias, etc., est à la recherche de responsables: le système bourgeois a besoin d’attribuer la faute à quelques-uns pour ne pas être lui-même accusé. L’histoire démontre que même s’ils sont «honnêtes» et «éclairés» les bourgeois ne seront jamais capables de comprendre que les racines des catastrophes se trouvent dans leur mode de production capitaliste et dans la défense politique et sociale de la société érigée sur ce mode de production. Une tragédie suit l’autre et les leçons n’en sont jamais tirées parce que l’essence même de la société du profit, de l’argent, de la marchandise, de la propriété privée empêche ceux qui en vivent de comprendre que la source de toutes les contradictions se trouve dans l’assujettissement du travail au capital.

C’est pourquoi les communistes révolutionnaires mettent toujours au premier plan, non la responsabilité des individus – qui existe à n’en pas douter – mais les causes plus profondes qui provoquent les tragédies, que ce soit l’écroulement d’un viaduc, des incendies, des inondations, des tremblements de terre ou des accidents du travail. Ces tragédies ne sont pas causées par la fatalité, le hasard, l’incurie ou la rapacité d’une poignée de responsables, mais en dernière analyse par les lois inflexibles du capital.

Toutes les larmes des autorités et des démocrates, qu’elles soient sincères ou non, ne leur serviront qu’à se donner bonne conscience, tandis qu’ils continueront comme ils l’ont toujours fait à lubrifier les mécanismes de l’exploitation et à défendre les intérêts capitalistes.

La voie pour renverser le pouvoir de ces vampires et faire échec à leurs affaires de brigands est longue et difficile, mais il n’y en a qu’une : la lutte de classe du prolétariat, seule classe qui possède la force potentielle d’abattre dans une confrontation gigantesque les forces du capitalisme et du pouvoir bourgeois qui le protège.

 


 

(1) https://it.wikipedia.org/wiki/Ponte_General_Rafael_Urdaneta

(2) cf Sara Frumento, Ponte Morandi a Genova, una tragedia annunciata, ingegneri.info, 14/8/18

(3) cf Huffingtonpost.it et Ilfoglio.it, 14/8/18

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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