Cameroun

Un pays sous la botte de l’impérialisme français

(«le prolétaire»; N° 533; Juin - Juillet - Août 2019)

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En octobre 2018, Paul Biya, 85 ans, a été élu président du Cameroun pour la septième fois consécutive. Le vieux président, qui passe plus de temps dans des hôtels de luxe à Genève que dans son palais présidentiel, a affronté des «opposants» qui sont souvent d’anciens ministres ou membres du parti au pouvoir. Biya sélectionne ses «opposants» grâce à l’opération «Epervier» qui au nom de la lutte anti-corruption, lui permet d’écarter ses soutiens qui pour une raison ou une autre sont tombés en disgrâce (1).

La main de fer du régime a truqué les élections de bout en bout pour assurer un Biya un score de 70 % au premier tour. Une farce électorale dans toute sa splendeur!

La France, parrain impérialiste de Biya, s’est montrée discrète pendant les élections et seul le Ministère des Affaires étrangères a félicité officiellement le vainqueur. Le président français Macron s’est «contenté» d’envoyer un courrier «privé» de félicitations que le vainqueur s’est empressé de rendre public…

Cette mascarade témoigne de l’hypocrisie sans limites de l’impérialisme français mais aussi des liens étroits qui unissent le Cameroun à l’impérialisme français.

La France a acquis le pays à la suite de la Première Guerre mondiale lorsque les vainqueurs ont dépouillé l’impérialisme allemand défait de ses colonies. A la suite de l’indépendance du pays en 1960, le nouveau régime vendu à Paris a mené une guerre sanglante contre les anticolonialistes de l’UPC (Union des populations du Cameroun) puis de l’ANLK (Armée nationale pour la libération du Kamerun). L’armée française avait initié cette guerre dès la fin des années 1950 et a continué, en sous-main, les opérations militaires et d’espionnage dans les années 1960. Ce sont par exemple les services français qui ont empoisonné Félix Moumié, chef de l’UPC. La guérilla nationaliste ne sera totalement défaite qu’en 1970, et ce au prix de dizaines de milliers de morts.

La bourgeoisie française pille allégrement le pays depuis des décennies. L’exploitation du bois, des minerais et du pétrole est aux mains de multinationales françaises, comme les infrastructures, les télécommunications, les travaux publics, l’agrobusiness… Ces multinationales qui exploitent les Camerounais sont Total, Bolloré, Bouygues, Lafarge, Orange, la Société générale, la Compagnie fruitière, Vinci…

Le pillage s’est accéléré ces dernières années dans le cadre d’un Accord de partenariat économique (APE), signé avec l’Union européenne en 2016, qui prévoit une suppression progressive des taxes sur les importations des produits européens. Cela risque de mettre en danger des secteurs entiers de l’agriculture et de l’industrie qui ne seront pas du tout concurrentiels face aux multinationales de l’UE.

La France offre aussi un solide soutien militaire à la dictature avec la fourniture de matériels, la formation des troupes ou la présence de conseillers dans les plus hautes instances militaires et policières.

Fort du soutien français, le régime camerounais a les mains libres face à l’opposition qu’il réprime sans honte et sans retenue. Quelques mois après la présidentielle, son principal «adversaire» a été jeté en prison ainsi que plus de cent cinquante membres de son parti. Il a aussi et surtout les coudées franches pour massacrer sa propre population, et ce sur deux fronts.

Au Nord, au nom de la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram qui à partir du Nigeria rayonne sur le Cameroun, l’armée camerounaise mène une politique de terreur qui vise les populations civiles qui se retrouvent prises entre deux gangs de criminels sanguinaires. Il y a quelques mois, on a pu constater l’ignominie de cette violente et aveugle répression avec la diffusion d’une vidéo montrant l’exécution par des soldats de deux femmes, d’une fillette et d’un nourrisson (!) accusés d’être des djihadistes.

A l’Ouest, c’est la population anglophone qui fait les frais de la répression. Près de vingt pour cents des Camerounais sont anglophones et ils sont regroupés dans la partie occidentale du pays. Cette population est marginalisée et ses élites souhaitent obtenir une part du butin issu de l’exploitation des réserves de pétrole et de gaz dans l’Ouest. Cela a provoqué des manifestations pacifiques qui ont rapidement été victimes de tirs à balles réelles des forces de sécurité. A partir de là, les anglophones ont pris les armes et décidé de proclamer l’indépendance de ce qu’ils nomment l’Ambazonie. La réponse du pouvoir a été une fois de plus une politique de terreur: enlèvements, exécutions sommaires, torture, villages rasés… Des milliers d’Anglophones ont fui les combats et se sont réfugiés au Nigeria.

Les masses pauvres et les prolétaires du Cameroun ont donné à plusieurs reprises des preuves de leur combativité.

Au printemps 1991, il y eut les opérations «villes mortes» déclenchée par l’opposition sur l’objectif bourgeois d’obtenir une démocratisation du régime, qui donnèrent l’occasion de manifestations des masses déshéritées. A la suite de ces manifestations réprimées dans le sang, le régime, conseillé par l’impérialisme français, effectua son tournant démocratique.

En février 2008 une grève des syndicats des taxis et mototaxis contre la hausse des carburants s’élargit spontanément en une grève générale et en émeutes à Douala, capitale économique du pays.

En dépit des appels des syndicats à l’arrêt de la grève, le mouvement s’étendit à la capitale Yaoundé et à d’autres villes contre le régime en place. Des centres commerciaux furent pillés, des bâtiments officiels furent attaqués et incendiées. La répression bestiale fit probablement plusieurs centaines de morts. Devant cette irruption des prolétaires et des masses les diverses forces bourgeoises rivales firent front: John Fru Ndi, le leader historique de l’opposition anglophone, condamna la violence et se rangea aux côtés de Biya! (2).

Il n’y a aucune issue pour les masses camerounaises dans le cadre du système capitaliste. Pour gagner leur émancipation, il n’y a rien à espérer d’une «démocratisation» qui ne serviraient qu’à maintenir le pouvoir des capitalistes et de l’État bourgeois local, mais aussi des voraces patrons impérialistes de ces derniers. Seule la révolution prolétarienne offre une perspective de briser le statu quo qui maintient le pillage impérialiste du pays et une misère sans nom pour les prolétaires et les masses opprimées des villes et des campagnes.

La manière d’aider le combat de nos frères de classe en Afrique est d’abord – dans les métropoles impérialistes – le retour à la lutte de classe ouverte contre l’État capitaliste, afin de desserrer l’étau qui écrase toutes leurs réactions de révolte.

La manière d’aider partout dans le monde à dépasser cette tragique situation, c’est pour les prolétaires d’avant-garde de consacrer toutes leurs forces à la construction du parti mondial de la révolution communiste, seul capable d’arracher la lutte prolétarienne à la direction des autres classes et d’en faire l’instrument de la mort du capitalisme.

 


 

(1) Cette opération «épervier» de lutte contre la corruption (selon les médias la corruption serait équivalent à 40% des recettes de l’Etat) avait été lancée par le premier ministre Ephraîm Inoni en 2006 sous la pression des parrains impérialistes. Mais Inoni fut lui-même arrêté en 2012 dans le cadre de cette opération, qui n’est en réalité qu’un moyen de régler les comptes au sein des milieux dirigeants.

(2) Voir les articles du Prolétaire n°488 (mars-avril 2008) sur les émeutes contre la vie chère en Afrique et la répression au Cameroun.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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