Le monde capitaliste sur un volcan

(«le prolétaire»; N° 535; Décembre 2019 / Janvier 2020 )

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Les bourgeois s’en inquiètent: depuis plusieurs mois le monde capitaliste est secoué par des explosions sociales, des épisodes de révolte ou au moins de contestation des gouvernements. De l’Afrique à l’Asie, à l’Amérique Latine, en passant par le Moyen Orient, l’année qui vient de s’écouler a été marquée par une succession sans précédents depuis des années de mouvements plus ou moins prononcés et durables de lutte des masses opprimées.

Par rapport aux mouvements précédents, ce qui frappe d’abord, c’est leur extension: alors qu’il y s 9 ans lesdits «printemps arabes» étaient restés circonscrits à cette région du monde, c’est pratiquement sur tous les continents qu’ils se manifestent aujourd’hui. Après le «Hirak» algérien commencé en février, nous avons eu la révolte du Soudan qui, sur un fond d’agitation remontant à l’année précédente a battu son plein en juin et qui a finalement a eu raison du vieux dictateur Omar El Bechir au pouvoir depuis trente ans.

En Asie c’est à Hong Kong que le vent de la révolte s’est levé à partir de fin mars pour déboucher sur de gigantesques manifestations en juin. Mais c’est à l’automne qu’ont éclaté un peu partout les mouvements, qui souvent couvaient depuis plusieurs mois: à Haïti, en Indonésie, au Liban, en Amérique Latine, en Irak, en Iran, en Guinée Conakry, etc. pour ne citer que les plus importants.

 

L’Amérique Latine en flammes

 

L’Amérique Latine est la région du globe où les manifestations de masse se sont répandues comme une traînée de poudre. Au Honduras les grèves et manifestations contre une «réforme» du système de santé et de l’Education; commencées au printemps, durèrent pendant tout l’été en demandant la chute du gouvernement; elles reprirent de plus belle à la mi-octobre après la condamnation aux Etats Unis pour trafic de drogue du frère du président.

En Equateur les prolétaires et les masses se mirent en mouvement à partir du premier octobre, obligeant au bout de quelques jours le gouvernement à s’enfuir de la capitale. Un peu plus tard ce fut le Chili, le prétendu modèle sud-américain du succès économique qui fut touché par de violentes manifestations de protestation mettant en difficulté un gouvernement qui vantait son pays comme un îlot de stabilité sur le continent. Puis ce fut le tour de la Colombie voisine... Pour compléter le tableau de l’instabilité politique en Amérique Latine, il faut ajouter la Bolivie où un président de gauche, Evo Morales, se vit contraint de se réfugier au Mexique et le Pérou théâtre d’une confrontation entre le Parlement et la Présidence.

Les causes profondes sont économiques; selon le FMI l’Amérique Latine est la région du monde où la croissance a été la plus faible en 2019 et le sera encore en 2020. En dehors du Venezuela en pleine catastrophe économique, l’Argentine est le pays le plus durement touché par la crise, suivi par le petit Paraguay tandis que le Mexique et le Brésil sont en stagnation. Mais le mécanisme démocratique électoral a servi en Argentine comme au Mexique à calmer les tensions sociales. Cependant l’arrivée au pouvoir des pompiers sociaux «de gauche» ne peut être qu’un palliatif temporaire; nous ne sommes plus dans une époque de boom économique où un Lula pouvait redistribuer quelques miettes de la croissance pour acheter la paix sociale. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le Financial Times, l’organe de la finance britannique et internationale.

A propos des causes des mouvements dans les pays d’Amérique Latine il cite un analyste bourgeois selon lequel «le plus important est l’existence d’un réservoir de frustration et de mécontentement à mesure que les acquis obtenus lors du boom des matières premières se sont réduits ou ont disparu», en commentant: «la perspective pour les années à venir est pire. En dépit de performances économiques généralement médiocres dans les dernières années, l’Amérique Latine pouvait au moins compter sur le fait que l’économie mondiale était en croissance, que les marchés étaient plutôt stables et l’investissement étranger disponible – facteurs qui ne sont en rien garantis dans le futur». (1).

 

Le Moyen-Orient dans la tempête

 

Si, selon les bourgeois eux-mêmes, ce sont les conséquences de la crise économique qui mettent en mouvement les exploités et les masses pauvres en Amérique Latine, que dire alors du Moyen-Orient?

L’économie du Liban est dans un «état critique» selon les milieux financiers internationaux et le nouveau gouvernement qui vient de se former, n’aura pas d’autre choix que de recommencer les attaques contre les prolétaires et les masses déshéritées qui ont conduit à la révolte d’octobre.

En Iran c’est la hausse brutale du prix de l’essence pour alimenter les caisses de l’Etat qui a provoqué les manifestations et les émeutes de début octobre, immédiatement noyées dans le sang (300 à 400 morts selon les sources), mais la dégradation de la situation des masses depuis de longs mois en est la cause profonde; c’est elle qui avait été à la source des manifestations l’année précédente.

En Irak, «la détérioration de la situation économique des Irakiens est la principale raison des manifestations» (2). Entre le premier octobre et mi-décembre, la répression a fait plus de 600 morts, plus de 15000 blessés et des centaines de disparus.

 

Les grands pays capitalistes ne sont pas indemnes

 

Les révoltes que nous avons rapidement passées en revue (et auxquelles nous avons consacré des textes et analyses plus détaillées, dans la mesure de nos possibilités) ont lieu dans ce qu’on appelle les pays «périphériques», mais les pays impérialistes, les grands pays capitalistes dits «centraux» ne sont pas indemnes de cette épidémie de luttes.

Preuve est donnée par le cas de l’impérialisme dominant, les Etats-Unis. Nous avons déjà eu l’occasion de décrire la vague de luttes dans l’enseignement qui est toujours en cours dans ce pays, avec des formes d’auto-organisation des grévistes. Cet automne l’exemple le plus significatif a été la grève de 48 000 travailleurs de General Motors à partir de la mi-septembre et pendant 6 semaines: cela a été la plus grande grève dans l’automobile depuis les années 70. En octobre ce sont environ 3500 travailleurs de l’entreprise Mack Trucks (camions) qui firent 10 jours de grève, pour la première fois depuis 35 ans, etc. En fait depuis 2018 les Etats-Unis enregistrent une poussée de grèves; selon les chiffres officiels, qui ne prennent en compte que les grèves impliquant plus de 1000 travailleurs, il y a eu en 2018 un nombre de grévistes sans égal depuis les années 80: 487 000 grévistes contre à peine 25 000 en 2017, le chiffre le plus bas jamais enregistré (3). En 2019 on constate la même tendance puisqu’en en septembre le total atteignait déjà les 442 000 grévistes...

 

Besoin du parti de classe

 

Les faits montrent donc qu’un nouveau cycle de luttes s’est ouvert à l’échelle mondiale; ce sont les effets des contradictions elles-mêmes du capitalisme qui ébranlent le statu quo, suivant des modalités et des formes inévitablement variables selon les pays, selon leurs structures économico-sociales et selon l’histoire locale des luttes entre les classes. Mais ils démontrent aussi les conséquences négatives et souvent désastreuses de l’absence d’une direction de classe dans ces mouvements. Sans la présence d’une avant-garde influent sur au moins une partie des prolétaires, c’est-à-dire du parti de classe solidement organisé autour du programme communiste, les mouvements de lutte ou de révolte qui mettent en mouvement des couches variées de la population tombent sous la coupe de courants petits bourgeois, même quand les prolétaires en constituent le moteur.

Et cela est vrai y compris lorsque nous sommes en présence de luttes purement ouvrières. Dans ce cas-là ce sont les organisations du collaborationnisme politique et syndical dont la puissance est liée à leur intégration dans les mécanismes bourgeois de contrôle social qui l’emportent si elles ne trouvent pas face à elles une force organisée.

Les luttes qui ont éclaté aux quatre coins du globe posent objectivement le besoin de la reconstitution du parti révolutionnaire communiste, internationaliste et international. Dans tous les pays il n’y a pas de tâche plus importante et plus pressante pour les militants prolétariens d’avant-garde soucieux des intérêts de leur classe!

 


 

(1) Financial Times, 1-17/11/19

(2) AFP, 4/12/19

(3) https://www.bls.gov/web/wkstp/annual-listing.htm

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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