Le Premier mai au temps du coronavirus

(«le prolétaire»; N° 537; Mai-Juin-Juillet 2020 )

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Prolétaires, camarades !

      

4 mois après l’apparition « officielle » d’un nouveau coronavirus, appelé plus tard Sars-CoV2 – le Covid-19 des journalistes – la crise économique, qui menaçait déjà dans tous les pays impérialistes, s’est fortement aggravée de manière significative, au point de faire crier les bourgeois les plus alarmés à une crise similaire à celle des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Ce qui était initialement considéré comme une épidémie limitée à une zone industrielle particulière de la Chine – la métropole Wuhan, capitale de la province du Hubei – s’est, en quelques semaines, révélé être une épidémie beaucoup plus grave que ce que le gouvernement de Xi Jinping l’avait déclaré : une épidémie capable de se propager facilement non seulement dans son pays, mais partout dans le monde, compte tenu des relations économiques étroites que la Chine entretient avec tous les pays de la planète et, en particulier les pays impérialistes d’Asie, d’Europe, d’Amérique, y compris avec la Russie voisine – étant donné en outre l’absence de véritable système de prévention sous le capitalisme.

Au 25 avril, les statistiques officielles faisaient état de plus de 2 millions 700 000 cas de coronavirus dans le monde et de plus de 190 000 décès, dont 50 000 dans les seuls États-Unis. Mais les scientifiques bourgeois eux-mêmes avertissaient que les cas officiels devraient au moins être doublés. ... Une véritable hécatombe, et qui n’est pas finie!

Le capitalisme est une véritable fabrique d’hécatombes: non seulement par les guerres mondiales du passé, mais aussi par les guerres continuelles qui ont ravagé tous les continents depuis 1945; sans oublier les morts au travail et à cause du travail, les « féminicides » et les morts dus à des maladies connues depuis des décennies mais jamais éradiquées comme le paludisme qui, selon l’OMS, frappe 230 millions de personnes dans le monde et en tue 430 000 chaque année, soit près de 1 200 par jour – le 25 avril étant précisément la journée mondiale qui lui est « consacrée ».

Aux États-Unis, où le président s’était moqué des scientifiques, des médecins et des politiciens qui mettaient en garde contre le danger de l’épidémie, face à la croissance vertigineuse des cas et des décès dans ce pays super industrialisé, et face à la fermeture inévitable d’usines et de nombreuses autres activités qui a provoqué, en l’espace de deux mois, plus de 26 millions de chômeurs (dépassant les 22 millions de chômeurs de la crise de 2008-2009), les autorités se sont lancées à la quête de bouc-émissaires : d’abord la Chine, puis l’Europe, puis ...? Et comme dans tous les autres pays, en Europe, en Chine au Japon et ailleurs, l’incurie, l’ incapacité, les erreurs et les manques des pouvoirs publics face à cette pandémie sont le plus possible cachés, afin de pouvoir relancer la plus vite possible la production, le commerce, le tourisme, les exportations, etc.

Le capital ne peut pas s’arrêter, il doit circuler, il doit être investi, il doit exploiter toujours plus les masses prolétariennes pour leur extorquer de la plus-value. S’il s’arrête, comme dans les cas de crises de surproduction, lorsque les marchés sont saturés de marchandises au point de ne plus donner les revenus attendus, alors les guerres qui détruisent d’énormes quantités de marchandises et de forces productives sont les bienvenues : elles débouchent en effet sur la reconstruction qui rajeunit en quelque sorte la machine productive capitaliste. Et les épidémies avec les crises sanitaires qui en découlent, sont aussi les bienvenues, dans la mesure où elles donnent aux bourgeois un prétexte en or pour écraser encore plus le prolétariat plongé dans des conditions de besoin extrême: la santé avant tout ! C’est ce qu’ils disent, mais ce qu’ils veulent – comme le démontre l’hécatombe actuelle – c’est l’économie nationale avant tout! Les sacrifices d’aujourd’hui, obtenus par l’emprisonnement forcé et l’imposition de mesures de «guerre», interdisant, avec la liberté de mouvement, la liberté de manifestation et de grève, par le déploiement de la police et l’armée dans les rues pour veiller au respect des ordres, annoncent les sacrifices de demain.

Les prolétaires doivent s’attendre à un redoublement de leur exploitation lorsque les effets létaux de l’épidémie auront considérablement diminué (à moins qu’ils ne reprennent à l’automne ou au printemps prochain à cause de l’absence chronique d’une véritable politique de santé), car les capitalistes voudront retrouver le plus vite possible les profits perdus ces derniers mois. Et comme chacun sait, ce sont les capitalistes qui dictent leurs exigences aux pouvoirs politiques bourgeois.

Toutes les discussions, négociations, affrontements entre gouvernements et États qui ont marqué les sommets de l’Union européenne ces derniers mois, tournant autour des capitaux nécessaires pour faire face aux effets dramatiques de l’épidémie – sur les structures de santé et les réseaux de santé territoriaux, comme sur le soutien, via les amortisseurs sociaux, aux travailleurs ayant perdu leur emploi ou en chômage technique, et surtout bien sûr aux activités industrielles, commerciales, de services, bancaires, etc.–, démontrent que la concurrence entre capitalistes et entre États ne disparaît jamais même devant des urgences aussi importantes que l’actuelle. Chacun essaie de rouler l’autre, de s’allier avec quelqu’un pour renforcer sa position ; et si, à un certain moment, il faut trouver les capitaux nécessaires pour éviter la faillite un État, comme hier la Grèce, aujourd’hui l’Italie ou l’Espagne, alors les capitaux se trouvent parce que c’est nécessaire pour le marché européen, et pour préserver l’euro comme monnaie internationale. Bien entendu ces capitaux sont des prêts aux taux du marché, peut-être en allongeant le remboursement sur quelques décennies, en le faisant retomber de manière de plus en plus pesante sur les générations futures

 

Prolétaires! Camarades!

 

Le capitalisme ne peut être réformé. Il n’existe pas de solidarité entre capitalistes sinon pour défendre des intérêts économiques, politiques et militaires mutuels; il existe encore moins une solidarité entre capitalistes et prolétaires. Quand la bourgeoisie concède quelques miettes sur des conditions de travail et de vie des prolétaires, elle ne le fait que sous la pression de la lutte, ou par crainte que la celle-ci ne prenne une direction résolument anti-bourgeoise. Le visage réformiste de la bourgeoisie cache en réalité son véritable comportement qui consiste à tout faire pour défendre ses intérêts de classe contre ceux de la classe prolétarienne. Les prolétaires doivent se méfier encore plus des capitalistes lorsqu’ils se font passer pour généreux, sympathiques, désireux de négocier pacifiquement, que lorsqu’ils montrent leur vrai visage cynique et brutal.

Les bourgeois, dans la défense de leurs ses privilèges, de leur position dominante sur la société, expriment naturellement une haine de classe envers le prolétariat ; cette haine vient d’une peur sociale transmise par les générations bourgeoises précédentes qui ont vécu les périodes où le prolétariat non seulement s’est révolté contre ses conditions d’existence au travers de luttes dures et longues, mais s’est organisé politiquement pour affronter ouvertement le pouvoir bourgeois dans le but de le renverser et de prendre en tant que classe et sous la direction de son parti de classe le sort de la société toute entière entre ses mains. Octobre 1917 l’enseigne!

La haine bourgeoise envers les prolétaires se constate tous les jours, même si dans les républiques pacifiques, démocratiques et constitutionnelles elle est voilée par le parlementarisme, l’électoralisme, la collaboration de classe à laquelle les forces conservatrices de l’opportunisme politique et syndical apportent une contribution indispensable. Les accidents et les morts au travail suffiraient à démontrer que toutes les lois, tous les contrôles, toutes les mesures envisagées pour la protection de la santé et de la vie n’ont jamais été suffisantes pour éliminer ce carnage; si l’on ajoute ensuite la faim, la misère, les guerres, les catastrophes, etc., qui affectent la grande majorité des populations prolétariennes de tous les pays , on ne peut ne tirer d’autre conclusion que celle-ci : la bourgeoisie aime le capital, le profit, les privilèges et le pouvoir social, économique et politique qui les défend, et déteste tout ce qui la gêne, tout ce qui lui fait obstacle, tout ce qui lutte contre elle.

Les prolétaires ne sont en réalité rien d’autre que des esclaves salariés quand ils ont un travail ou des esclaves abandonnés à leur sort lorsqu’ils sont au chômage. Subissant l’exploitation la plus bestiale, la misère et des conditions d’existence pires que les esclaves de l’antiquité, ils resteront impuissants tant qu’ils confieront leurs revendications et leur défense aux forces syndicales, politiques, religieuses qui ont en réalité pour rôle de les garder soumis aux besoins du capitalisme –en les trompant avec une démocratie qui devrait idéalement et pratiquement niveler les classes, ou avec la religion, qui réconforte le cœur de chacun par la prière, sans distinction de fortune et de classe.

Aujourd’hui les prolétaires sont encore à la merci des capitalistes. Cependant, ils peuvent devenir une force capable de changer le monde, capable de renverser les lois économiques, politiques et sociales du capitalisme grâce à l’utilisation révolutionnaire de la force sociale qui est inhérente à leur condition de travailleurs salariés. Sans exploitation de leur force de travail, il n’y a pas de capital : le capital suppose l’exploitation du travail salarié. La haine du capitaliste envers le prolétaire est donc une haine de classe, car la seule classe sociale qui peut renverser son pouvoir est la classe du prolétariat.

 

Prolétaires! Camarades!

 

La lutte pour la vie des prolétaires commence inévitablement par leur condition qui leur fait dépendre de leurs salaires – donc des capitalistes qui leur donnent du travail – pour vivre. C’est une lutte qui est d’emblée contre leur condition de salarié, contre les capitalistes qui les exploitent et l’Etat des capitalistes qui les maintient dans la condition de prolétaires au service des capitalistes.

L’histoire des luttes de la classe prolétarienne contre les classes bourgeoises montre qu’en restant dans les limites de la lutte économique, les prolétaires ne pourront jamais changer fondamentalement leur condition de salarié, encore moins le monde. Pour modifier les conditions d’existence des prolétaires, la lutte économique doit être une préparation à la guerre de classe ; elle doit inculquer la solidarité de classe aux prolétaires et pour ce faire elle doit utiliser les méthodes et moyens de lutte classistes, c’est-à-dire les méthodes et moyens qui servent uniquement à défendre les intérêts de classe du prolétariat. La lutte économique sert aux prolétaires à s’organiser pour défendre leurs intérêts de classe au sein de la société bourgeoise, mais, pour changer véritablement le monde, elle doit se transformer en lutte politique, en lutte pour le pouvoir politique, en lutte de classe.

Les besoins vitaux élémentaires poussent les prolétaires à s’opposer à la pression capitaliste qui les force à vivre dans des conditions d’exploitation qui les plongent de plus en plus dans la précarité du travail et de la vie. Les prolétaires doivent utiliser cette poussée pour s’organiser en classe sociale, surmontant l’individualisme, l’isolement et, surtout, la concurrence entre eux que les capitalistes nourrissent et entretiennent consciemment. Le travail salarié repose exclusivement sur la concurrence des travailleurs entre eux, proclame le « Manifeste du Parti communiste » de Marx-Engels. Depuis lors, la concurrence entre les travailleurs n’a pas diminué ni disparu, mais elle a augmenté de façon spectaculaire, s’étendant à tous les pays du monde. Pour le combattre, les travailleurs n’ont pas d’autre arme que la lutte pour défendre leurs intérêts de classe, c’est-à-dire des intérêts qui dépassent la sphère individuelle, les divisions de catégorie, de nationalité, d’âge, de sexe. C’est dans ce dépassement que se construit la solidarité de classe dans laquelle les travailleurs s’unissent dans la lutte contre les intérêts de la classe adverse, de la bourgeoisie, en sachant très bien que celle-ci ne compte pas seulement sur la force de sa domination économique sur la société, mais également sur celle de sa domination politique à travers l’État et ses institutions de répression, du pouvoir judiciaire aux forces armées légales et illégales.

Il suffit que les prolétaires ouvrent les yeux sur la réalité la plus générale pour se rendre compte que le capitalisme, la bourgeoisie et les forces de conservation sociale forment un ensemble uni pour défendre le régime d’exploitation de la force de travail sous tous les cieux; il leur suffit de voir comment sont traités les migrants, en pleine mer, dans les camps de concentration ou dans les campagnes, pour voir quel est le sort qui menace les prolétaires autochtones, plus qualifiés et en général mieux payés.

Depuis sa naissance dédiée à la lutte pour la défense des intérêts de classe prolétariens dans la société capitaliste, le Premier mai est une date de lutte, et non de « fête » ; ce n’est pas un but en soi, mais une étape dans une lutte qui avait, et qui devra avoir demain, l’objectif de défier la domination bourgeoise ; ce jour-là les prolétaires de tous les pays unissaient leurs forces dans un événement mondial et unique, parce que unique et mondial était et est le but révolutionnaire du prolétariat: la conquête du pouvoir politique, l’instauration de la dictature du prolétariat sous la direction du parti révolutionnaire de classe, dans le cadre de la révolution prolétarienne internationale. Ces mots, oubliés et ensevelis sous des monceaux d’ordures démocratiques et collaborationnistes, peuvent sembler antiques, utopiques, illusoires, de même que les mots du Manifeste de 1848 et du marxisme en général peuvent sembler antiques et dépassés. Mais c’est la vie même des salariés qui les confirme, c’est la bourgeoisie elle-même qui les confirme précisément à l’occasion de chaque catastrophe soi-disant « naturelle », de chaque crise sociale, économique, politique, sanitaire que la structure même de la société bourgeoise ne réussit pas et ne réussira jamais à résoudre. Deux cents ans de développement capitaliste, avec tous ses formidables progrès techniques, ne pouvaient pas ne pas développer aussi les formes les plus sinistres d’exploitation de la main-d’œuvre prolétarienne comme jamais aucune société précédente n’avait pu le faire. Le maintien au pouvoir de la classe bourgeoise se fait au détriment des intérêts vitaux de l’humanité, comme le démontrent amplement les guerres et les destructions de l’environnement.

Il est temps que le prolétariat reconquière son terrain de lutte classiste, qu’il retrouve confiance en ses propres forces de classe, afin reprendre la voie révolutionnaire, dramatiquement interrompue par la contre-révolution qui a liquidé l’octobre russe et mondial – seul terrain sur lequel il est possible de résoudre les crises économiques et sociales parce qu’il contient les clés de l’avenir de l’humanité.

25 avril 2020

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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