Beyrouth : le capitalisme est l’assassin, c’est lui qu’il faut combattre et renverser !

(«le prolétaire»; N° 538; Août-Septembre-Octobre 2020 )

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Au moment où nous écrivons, un semaine après les explosions qui, le 4 août, ont ravagé le port de Beyrouth et une bonne partie de la capitale libanaise, le bilan officiel se monte à près de 170 morts, 30 disparus et 15000 blessés ainsi que des milliers de sans-abris, les logements de plus de 300 000 personnes ayant été plus ou moins gravement endommagés. Le port de Beyrouth par où transite 80% du trafic maritime du Liban est hors service pour une période indéterminée tandis que la destruction de silos aurait fait perdre 85% des réserves de blé du pays, laissant planer la menace à court terme de pénuries alimentaires. Le chiffre des dommages causés par la catastrophe pourrait atteindre, selon des estimations officielles du 7 août, 15 milliards de dollars, soit le tiers du PIB !

Même si certains dirigeants libanais ont avancé l’hypothèse d’une attaqué aérienne (des avions de chasse israéliens ayant violé à plusieurs reprises l’espace aérien libanais au cours des derniers jours) ou de l’explosion d’un dépôt d’armes, il semble que la catastrophe soit due à des travaux qui ont provoqué une première explosion dans un hangar contenant des feux d’artifice qui a ensuite fait détonner dans les hangars voisins un dépôt d’engrais – le même produit dont l’explosion dans l’usine AZF avait causé 31 morts et des centaines de blessés à Toulouse en 2001. Mais à Beyrouth la quantité de produit était 9 fois plus grande qu’à Toulouse : 2700 tonnes, contre 300 à 400 tonnes.

Les autorités ont reconnu que les mesures de sécurité adéquates pour le stockage de cet engrais, entreposé depuis 7 ans après avoir été débarqué d’un cargo en difficulté dont l’armateur refusait de payer les frais de réparation et de maintenance, n’avaient pas été prises. Les services des douanes auraient alerté à plusieurs reprises sur le danger que constituait ce stockage, demandant même une décision judiciaire pour forcer l’administration portuaire à évacuer ce produit. Mais il ne semble pas qu’ils soient allés jusqu’à prévenir le public et les travailleurs du port…

Il s’agit donc d’un crime annoncé : la catastrophe devait se produire un jour ou l’autre ! La population de Beyrouth, bien consciente de la responsabilité criminelle des autorités, a laissé éclater sa colère : des manifestations de milliers de personnes ont eu lieu pendant plusieurs jours à Beyrouth contre les dirigeants politiques au cours desquelles les responsables gouvernementaux ont été pendus en effigies et des ministères ont été brièvement occupés, malgré la présence massive des forces de police tirant des balles en caoutchoucs. Les affrontements ont fait plusieurs centaines de blessés.

 

Les ravages de la crise économique

 

La colère des manifestants est d’autant plus vive que la catastrophe portuaire s’ajoute à la catastrophe économique en acte depuis des mois ; les prolétaires et les masses pauvres sont les premières victimes de cette crise économique sans précédent et qui a été encore aggravée par les mesures prises contre la pandémie de Covid. L’inflation est galopante : 90% en rythme annuel, (mais pour les produits de base l’augmentation des prix a atteint 169% depuis septembre), alors que le taux de pauvreté est officiellement de 46% de la population (il pourrait atteindre 60% à la fin de l’année). Le chômage atteint 35% dans le secteur formel et jusqu’à 45% dans le secteur informel. Un libanais sur 5 est obligé de sauter un repas pour économiser et ce taux atteint un sur 3 pour les réfugiés syriens (au nombre d’1,5 million pour une population du Liban de 6 millions de personnes environ). Fin juillet l’ONG « Save the children » estimait que près d’un million d’habitants du grand Beyrouth, dont la moitié d’enfants, ne disposaient pas de ressource suffisantes pour couvrir leurs besoins vitaux élémentaires (dont la nourriture) ; 50% des Libanais, 63% des Palestiniens (la communauté palestinienne, forte de plusieurs centaines de milliers de personnes – le chiffre exact n’est pas connu – est majoritairement cantonnée dans des petits boulots mal payés du secteur informel) et 73% des Syriens, craignaient ne pas pouvoir manger à leur faim dans la période qui vient (1)…

 

Le gouvernement démissionne pour protéger le système capitaliste

 

A la suite des manifestations et du discrédit général, le gouvernement a choisi de démissionner lundi 10 août, après avoir tenté d’étouffer la colère en évoquant des élections anticipées ; dans son discours de démission le premier ministre a même eu le toupet de dénoncer la « corruption endémique au sein de l’Etat »! Des manifestants ont répliqué que la démission du gouvernement n’était pas suffisante et que toute la classe politique devait partir.

Mais en réalité le problème fondamental n’est pas la présence de politiciens voleurs ou d’institutions faibles, mais le capitalisme lui-même : c’est le mode de production capitaliste et la loi de la valeur, qui font négliger les mesures de protection trop coûteuses et qui condamnent les populations à mort, que ce soit à Beyrouth ou à Toulouse. C’est le mode de production capitaliste qui engendre la corruption, une corruption d’autant plus visible et intolérable quand le pays est économiquement en grande difficulté, mais toujours présente.

C’est le mode de production capitaliste qui plonge les prolétaires et les masses dans la misère et la faim pour sauver les profits et qui étrangle les Etats plus faibles pour maintenir la santé des plus puissants.

L’impérialisme français, par la bouche de Macron a voulu se présenter quasiment en sauveur du Liban et des Libanais ; mais il insiste pour que les autorités acceptent les mesures d’austérité du FMI avant de débloquer toute « l’aide » dont le pays a un besoin urgent pour éviter la faillite (2).

Par ailleurs les prolétaires libanais ne peuvent pas avoir oublié les agissements criminels de l’impérialisme français lors de la colonisation (époque du « Mandat ») et son rôle funeste dans la confessionnalisation de la vie politique qui pèse encore aujourd’hui sur le Liban.

La crise économique ne frappe pas que les prolétaires ; les classes moyennes sont aussi touchées et elles sont menacées de prolétarisation. Elles participent au mouvement de révolte, en lui apportant inévitablement leurs illusions démocratiques et de réforme de l’Etat. Mais toutes les perspectives, même les plus radicales, même les plus « révolutionnaires », de réforme des institutions, ne sont que des impasses ; elles ne peuvent déboucher sur une amélioration de la situation des prolétaires et des masses pauvres. La démission ou le départ du gouvernement et des députés ne peut servir qu’à protéger le fonctionnement du système capitaliste : le capitalisme est le vrai responsable c’est lui qu’il faut « dégager » par la révolution prolétarienne ; l’Etat bourgeois est son rempart, c’est lui qu’il faut abattre, pour instaurer sur ses ruines le pouvoir dictatorial du prolétariat, indispensable pour exproprier politiquement et économiquement la bourgeoisie et commencer à extirper le capitalisme.

Tous les appels à la « vengeance » des victimes, toutes les perspective de « révolution » qui tournent le dos à la lutte de classe révolutionnaire contre le capitalisme et l’Etat bourgeois, ne peuvent déboucher sur rien – comme l’a démontré la prétendue « révolution d’octobre » qui l’an passé s’est déjà soldée par la démission du gouvernement.

Les prolétaires d’avant-garde devront en tirer la leçon et s’engager, en collaboration avec les prolétaires de tous les pays, dans la reconstitution des organes indispensables pour diriger ce combat prolétarien, et en premier lieu le parti de classe, internationaliste et international ; c’est une tâche qui ne peut être réalisée du jour au lendemain, mais qu’il est nécessaire d’entreprendre sans attendre pour en finir à jamais avec ce mode de production criminel.

 

12/8/2020

 


 

(1) cf « Save the Children », press release 30/7/2020

(2) Le gouvernement libanais avait demandé une ligne de crédit de 10 milliards de dollars au FMI. Le ministre des Affaires Etrangères français, l’ancien « socialiste » Le Drian, est venu le 8 juillet à Beyrouth dire que rien ne serait déboursé tant que les « réformes » ne seraient pas mises en train. Quand les bourgeois parlent de « réformes » ils veulent dire attaques anti-prolétariennes !

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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