Confinement, déconfinement et état d’urgence permanent

(«le prolétaire»; N° 540; Février-Mai 2021)

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Augmentation de la pauvreté et des inégalités

 

Début mai, le gouvernement a commencé un déconfinement progressif, après avoir imposé un troisième confinement à toute la population – mais dont les conséquences ont touché avec le plus de dureté les prolétaires et tout particulièrement les plus précaires.

 Les médias bourgeois eux-mêmes se sont alarmés de l’augmentation de la pauvreté et des inégalités sociales à la suite non seulement de la crise économique proprement dite, mais des mesures prises pour combattre la pandémie. Les associations charitables comme le Secours Populaire, le Secours Catholique ou les Banques Alimentaires parlent d’une «augmentation alarmante» de la pauvreté depuis le premier confinement: il y aurait ainsi eu un million de pauvres supplémentaires en France à la fin de l’année dernière, un chiffre équivalent à celui constaté au bout des 4 années qui ont suivi la crise des subprimes; et de telles augmentations se constatent dans tous les pays.

 A l’automne dernier, alors que selon la Banque Mondiale peut-être 150 millions de personnes dans le monde allaient tomber dans «l’extrême pauvreté» sous l’effet de la crise, un rapport de l’ONU indiquait que la pauvreté et la faim augmentaient aussi en Europe (1). La disparition brutale des «petits boulots» à la suite des fermetures de magasins et autres entreprises «non essentielles» en est la cause fondamentale.

Même si la crise économique se fait sentir dans presque tous les secteurs les mesures sans précédent de soutien aux entreprises et à l’économie en général ont permis jusqu’ici d’en amortir les conséquences les plus néfastes.

 

La rentabilité tue

 

A la fin mars une tribune d’une quarantaine de hauts responsables médicaux et hospitaliers a fait partie de la campagne de presse pour préparer le troisième confinement; les signataires appelaient à un reconfinement d’urgence pour éviter, disaient-ils, l’effondrement du système hospitalier face à un afflux probable de malades. Mais ce sont ces responsables eux-mêmes qui depuis des années s’étaient employés à réduire les capacités hospitalières, conformément à la recherche de la rentabilité du système! Cette quête de la rentabilité s’est traduite par des milliers de décès. Au mois d’octobre Olivier Véran, le ministre de la santé, assurait que «l’hôpital est plus solide qu’au printemps» (2) en annonçant des dépenses pour faire face à la deuxième vague épidémique. Pour «protéger les hôpitaux» le gouvernement décrétait pourtant un deuxième, puis un troisième confinement, c’est-à-dire imposaient des mesures contraignantes à des dizaines de millions de personnes leur faisant ainsi payer les carences du système de santé bourgeois.

 

Renforcement de la domination bourgeoise

                  

 De telles décisions, prises sous prétexte sanitaire, qui s’accompagnent inévitablement de mesures de police pour les faire respecter, signifient de fait un renforcement du contrôle social sur la population en général et en particulier sur la partie exploitée, sur le prolétariat. Le gouvernement a fait voter le prolongement jusqu’en octobre pour l’essentiel de l’état d’urgence qui restreint les libertés publique et accroît les prérogatives autoritaires et répressives de l’Etat.

 Il est clair que cet état d’urgence devenu quasiment permanent n’est pas fondamentalement une mesure sanitaire; son objectif premier est de contribuer au maintien de l’ordre établi; les autorités craignent des réactions prolétariennes ou des explosions sociales face à la dégradation des conditions ouvrières alors que se dessine la menace d’un «tsunami de plans sociaux», dès que l’Etat réduira son soutien aux entreprises en difficulté et alors que le gouvernement fait passer son attaque contre les chômeurs (réforme de l’assurance chômage). Le regain de «violences urbaines» et d’affrontements avec la police que l’on constate même dans les petites villes est un signe de l’accumulation de tensions sociales sous le couvercle des confinements.

Le soutien spectaculairement affiché des plus hauts dirigeants du pays aux policiers s’explique par cette crainte. C’est elle qui explique également l’élaboration et le vote de la loi dite de «sécurité globale» ou l’autorisation du Conseil d’Etat à la conservation illimitée des données électroniques (internet...) au nom de la «sécurité nationale» (3).

 

Les difficultés de la riposte prolétarienne

 

Cette situation paralyse (c’était le but recherché) indéniablement la riposte prolétarienne en France et en Europe, alors qu’on constate ailleurs un renouveau des affrontements sociaux.

Comme de juste le jeu des syndicats collaborationnistes a contribué à cette paralysie: ils ont participé aux simulacres de «concertation» avec le gouvernement et globalement soutenu les plans de relance en soutien des entreprises, tout en quémandant quelques miettes («contreparties) pour les travailleurs.

S’ils ont appelé à une journée d’action contre la réforme de l’assurance chômage, c’était pour faire retomber la pression et apparaître comme les défenseurs des prolétaires. Ils ne pensent plus maintenant qu’à mener la «lutte» sur le plan juridique en saisissant le Conseil constitutionnel: existe-t-il un meilleur moyen pour enterrer la lutte ouvrière?

Dans ce tableau morose il existe pourtant des éléments encourageants. Il faut signaler en particulier la lutte des travailleurs du secteur de la culture; sur la base des traditions de lutte des «intermittents du spectacle» ils ont spontanément occupé des dizaines de théâtre et autres lieux culturels avec parmi d’autres, des revendications prolétariennes qui en étaient le véritable socle: l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage, les indemnités de chômage pour tous, etc. Cette lutte n’a malheureusement pas pu s’étendre à d’autres secteurs, ce qui a inévitablement renforcé le poids du corporatisme «culturel» et des appareils syndicaux, et les illusions de réforme du système social.

Demain ce ne sera pas seulement un secteur marginal que l’exacerbation de la crise poussera à reprendre le chemin de la lutte, mais le gros de la classe ouvrière.

Les bourgeois s’y préparent, ainsi que leur valets réformistes; les prolétaires d’avant-garde doivent s’y préparer aussi, c’est-à-dire se préparer à la reprise de la lutte de classe contre le capitalisme en oeuvrant pour la réorganisation classiste du prolétariat, en combattant les influences défaitistes des forces de la collaboration de classe.

 


 

(1) https://unric.org/fr/en-europe-la-pauvrete-et-la-faim-augmentent/

(2) Interview aux Echos, 21/10/20

(3) Les démocrates de «La quadrature du net» qui avaient saisi le Conseil d’Etat en sont réduits à des gémissements: «La défaite est si amère que nous peinons à comprendre comment poursuivre cette lutte sur le plan juridictionnel. Devons-nous encore opposer à l’État un droit dont il ne cherche même plus à tirer sa légitimité ?». Et oui, c’est amer à constater, mais l’Etat bourgeois ne respecte le droit – lui aussi bourgeois – que s’il lui est utile! 

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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