Grève des débardeurs au port de Montréal: les travailleurs encore une fois écrasés par les lois spéciales

(«le prolétaire»; N° 541; Juin-Juillet-Août 2021)

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Après seulement quelques jours de grève fin avril, les débardeurs du port de Montréal se sont vus forcés de retourner au travail en raison d’une loi spéciale qui forçait les travailleurs à reprendre leurs activités, sans quoi le syndicat se verrait imposer des amendes pouvant s’élever jusqu’à 100 000 $ par jour d’« infraction ». De plus, dans le cadre de cette ignoble « Loi prévoyant la reprise et le maintien des opérations au port de Montréal », c’est un médiateur-arbitre qui aura pour rôle de décider du contenu de la prochaine convention collective. Nous pouvons maintenant le dire : la démocratie canadienne ne reconnaît plus le droit pour les salariés de faire la grève afin de défendre leurs conditions de travail constamment attaquées depuis maintenant plus de 40 ans.

 

RAS-LE-BOL ET COMBATIVITÉ

 

Les 1 150 débardeurs du Port de Montréal sont sans contrat de travail depuis décembre 2018 et n’ont jamais été en mesure de s’entendre avec la partie patronale. Les demandes du syndicat s’opposaient surtout aux modifications de l’attribution des quarts de travail que les patrons voulaient imposer à ses employés qui doivent déjà composer avec des horaires instables, ce qui rend très difficile la conciliation travail-famille. Déjà, en août, l’inflexibilité des patrons avait poussé les travailleurs à la grève (pendant une durée de 10 jours), qui avait été ensuite repoussée après la conclusion d’un accord de principe. Cependant, le patronat ne voulant pas revenir sur ses positions, les membres de la section locale 375 de la SCFP ont voté le 26 avril en faveur de la grève générale illimitée avec une majorité dépassant les 99 %. Cependant, toute cette combativité n’aura pas pesé bien lourd face aux mesures de répression de l’État canadien qui n’a pas hésité une seconde à voter une loi spéciale dans le but de casser les grévistes. Cette dernière a été adoptée par la Chambre des communes dans la nuit de mercredi à jeudi, 29 avril.

 

LA NORME ET NON L’EXCEPTION

 

Il est évident que les lois spéciales sont désormais monnaie courante au Canada. Une loi similaire avait écrasé les postiers en 2018. En 2017, c’étaient les juristes de l’État qui sont victimes d’une loi votée par le gouvernement provincial. 2015, c’étaient les employés du CP, cassé par le gouvernement fédéral. Donc, l’État qui a lui-même encadré le droit de grève des travailleurs en prétendant qu’il s’agit là d’un droit démocratique n’a désormais aucun scrupule à le retirer aux éléments les plus combatifs du prolétariat quand ces derniers décident de combattre afin de défendre leurs conditions de travail. Beaucoup s’offusquent d’ailleurs devant ces lois qu’ils jugent antidémocratiques. Le fait que ces dernières ont par le passé été invalidées par les tribunaux qui les jugent anticonstitutionnelles vient d’ailleurs les conforter dans ces positions. Or, il n’en est rien. Les invalidations des tribunaux peuvent effectivement éviter à certaines sections syndicales ou certains individus touchés par les lois d’éviter de payer les amendes salées qu’on leur impose, toutefois, elles n’empêchent pas ces lois de remplir leur fonction réelle qui est de briser le mouvement, ce qu’elles accomplissent à chaque fois. Les travailleurs ne doivent pas se faire d’illusion, bien que les tribunaux travaillent fort à donner une impression d’impartialité et d’égalité de tous devant la loi, ils sont des institutions bourgeoises qui servent avant à asseoir le pouvoir de la classe dominante. Les travailleurs ne peuvent donc pas compter sur ces derniers pour les défendre.

En réalité, la démocratie bourgeoise ne fait que suivre son évolution normale dans ce capitalisme pourrissant. Dans chaque pays de capitalisme avancé, l’État bourgeois a en effet tendance à se centraliser et à imposer un contrôle de plus en plus serré des organisations ouvrières. Aujourd’hui (et depuis déjà un certain temps), l’État ne se gêne pas d’abuser de son pouvoir législatif pour écraser les organisations qui ne se montrent pas aussi soumises qu’il le voudrait. Il ne se gênera pas de jeter ses chefs en prison si cela s’avère nécessaire. Dans les années qui suivront, nous verrons ce processus devenir encore plus violent et ne pourront espérer un retour à une « démocratie réelle » dont rêvent certains libéraux qui appellent les grévistes à défier les lois spéciales pour se mettre sous la protection des tribunaux. Dans une telle situation, les travailleurs ne devraient pas se voiler la face et affronter la réalité : les contradictions entre capital et salariat ne vont que devenir plus sévères et la lutte devra s’intensifier pour mener à l’affrontement final.

 

ABSENCE DE COMBATIVITÉ DE LA DIRECTION DES SYNDICATS

 

Dans le cas des débardeurs, il est évident que ces derniers n’étaient pas préparés à se défendre face à ces attaques vicieuses de l’État. Le fait que les organisations syndicales représentant les travailleurs se plient aux lois spéciales, est un frein puissant aux luttes ouvrières. Pour les luttes à venir, les travailleurs devront sans doute se préparer à faire fi des menaces de l’État et à faire la grève dans l’illégalité. Pour ce faire, les luttes doivent s’élargir et regrouper les travailleurs par centaines, voire par milliers. Il devient donc plus que jamais nécessaire de sortir du corporatisme syndical et d’unir les luttes. Mais il est peu probable que les bonzes syndicaux fassent preuve d’une telle audace! Les travailleurs de la base devront lutter pour soit forcer leurs directions à agir, soit pour se doter d’organisations parallèles qui pourront remplir cette fonction. Dans le contexte des débardeurs, nous avons très bien vu comment leur isolement a permis à l’État bourgeois d’écraser le mouvement comme on balaie un château de sable.

 

Au Canada comme ailleurs les prolétaires devront rompre avec le collaborationnisme syndical et lutter et s’organiser sur des bases de classe!

 

26/05/2021

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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