Il y a cent ans le Parti Communiste d’Italie était fondé à Livourne

(«le prolétaire»; N° 541; Juin-Juillet-Août 2021)

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Le 21 janvier 1921, les délégués de la fraction communiste du Parti Socialiste Italien, convoqués à Livourne au théâtre Goldoni pour son 17e Congrès, après le vote majoritaire rejetant les conditions posées au 2e Congrès de l’Internationale Communiste, quittaient la salle du Congrès et proclamaient la création du Parti Communiste d’Italie, section de l’Internationale communiste.

Trente ans plus tard, après que l’Internationale Communiste, ayant répudié tous ses principes fondateurs, ait été déclarée dissoute à Moscou pendant la dernière guerre mondiale, le parti qui prétendait continuer Livourne prit officiellement le nom de Parti Communiste Italien. L’appellation « d’Italie », en plus de souligner l’important principe de non-nationalité qui inspire le mouvement communiste, répondait expressément à la 17e des 21 conditions d’adhésion.

Le Parti Communiste Italien a complètement modifié les principes, la politique et l’activité ; pour soutenir le contraire et revendiquer le droit de se référer à la naissance du PC D’I, il fut contraint à une falsification totale de ce que Livourne a dit et signifié.

Cette falsification est à l’œuvre depuis bien longtemps et ce sont les membres du PCI qui s’en sont chargés – en parfaite concordance avec leur négation du marxisme et de la signification, non seulement russe, mais internationale, d’Octobre 1917 et des premières années de la dictature prolétarienne sous la direction de Lénine. Aux renégats à la Kautsky, à la Staline, à la Togliatti, à la Thorez et compagnie, et à toute la bande d’historiens au service de la « raison d’Etat » russe et des démocraties occidentales, se sont naturellement joints des historiens, des « experts en communisme » et une série interminable de gratte-papiers pour exalter, ou pour condamner le soi-disant « socialisme réel » que la Russie aurait réalisé et vers lequel les pays d’Europe orientale (mais sous le talon de fer de l’impérialisme de Moscou) et d’Asie se seraient dirigés.

 A cent ans de distance la falsification du sens de la Révolution d’Octobre, de l’Internationale communiste, de Livourne 1921, en un mot, du marxisme révolutionnaire suivi par les partis de la classe prolétarienne comme le parti bolchévik du vivant de Lénine et le P. C. d’Italie lorsqu’il était dirigé par la Gauche Communiste, a continué sa besogne d’effacement des glorieuses traditions révolutionnaires de la mémoire du prolétariat international – à commencer par le prolétariat russe frappé par l’extermination de la vieille garde bolchevique par le stalinisme. La révolution prolétarienne communiste, qui avait hissé en Russie le premier drapeau rouge de la révolution mondiale, avait succombé en l’absence de l’aide du mouvement révolutionnaire en Occident.

Depuis lors, la tâche des quelques révolutionnaires communistes restés sur le terrain marxiste, a été avant tout de tirer le bilan de l’ensemble des erreurs et des déviations qui ont conduit à la défaite ; ce bilan a souligné avec encore plus de force la nécessité de défendre l’intransigeance de la théorie et de la pratique alors qu’au contraire, elle avait peu à peu été abandonnée après la victoire en Russie d’une révolution qui historiquement était confrontée au besoin du développement inévitablement capitaliste pour surmonter l’extrême retard économique du pays.

Par cette intransigeance théorique et pratique, la Gauche Communiste s’est distinguée comme la force politique la plus cohérente présente dans l’Occident capitaliste, le seul courant capable de défendre et restaurer la doctrine marxiste.

Il y a trente ans, l’empire capitaliste de l’URSS s’est effondré sous les coups d’une série de crises dont il n’a pu se protéger derrière un « rideau de fer » ; le développement du capitalisme russe (initialement révolutionnaire par rapport à l’immense retard du pays sous le tsarisme) ne pouvait manquer d’entraîner avec lui tous les facteurs de crise typiques du capitalisme que les pays occidentaux connaissaient déjà depuis le siècle précédent ; ces facteurs de crise se sont multipliés au fur et à mesure que les liens de l’économie russe avec le marché international s’intensifiaient. Le sort de l’autre bastion, plus récent, du stalinisme, en Chine, connu sous le nom de maoïsme, ne pouvait être différent. Se présentant en exemple de la « voie nationale au socialisme » (en réalité au capitalisme d’Etat) il a représenté un modèle pour les mouvements de libération nationale des peuples colonisés, surtout en Orient – allant dans la direction opposée à celle indiquée au début des années 1920 par l’Internationale Communiste –, prenant la place de Moscou là où celle-ci n’avait pas réussi à s’implanter. En l’espace de trente ans, le maoïsme devait lui aussi abandonner ses prétentions « socialistes » et « anti-impérialistes » pour suivre une politique ouvertement capitaliste et impérialiste.

 

Aujourd’hui, après que la défaite du mouvement révolutionnaire des années 1920 ait produit ses conséquences les plus tragiques sur les générations prolétariennes successives, et après que les renégats de tous les pays qui se sont fait passer pour les champions du socialisme aient achevé leur immense travail de falsification, ce sont directement les intellectuels bourgeois qui se donnent la peine de célébrer le centenaire de la Révolution d’Octobre comme celui de Livourne 1921. 

Contre l’énorme masse de falsifications du marxisme, précédées de déviations dans le domaine tactique et politique, et donc, inévitablement, dans le domaine théorique, et malgré les tentatives de défense du marxisme authentique faites par Trotsky, mais affaiblies par des déviations tactico-organisationnelles de nature démocratique et populaire, seul le courant de la gauche communiste italienne a pu résister sur le terrain du marxisme révolutionnaire. Cela n’est pas dû à des « grands hommes », au génie d’un « Lénine italien », mais à une continuité de la lutte théorique, politique et pratique sur la route du marxisme, non seulement en maintenant fermement la barre du gouvernail communiste sur les objectifs finaux de la lutte révolutionnaire prolétarienne, mais s’appuyant sur les leçons des révolutions et des contre-révolutions qu’aucune autre formation politique ne pouvait tirer, en unissant la théorie et la pratique de manière dialectique et non scolastique.

Et c’est grâce à cette histoire politique que nous, petit groupe de communistes révolutionnaires se « tenant fortement par la main », comme disait Lénine en 1902 dans « Que faire ? », nous continuons à maintenir vivante cette tradition révolutionnaire d’une classe, le prolétariat, qui a une tâche historique qu’aucune autre n’a eue dans le passé : transformer cette société divisée en classes en une société sans classes, en une société communiste, en une société de l’espèce humaine toute entière. Transformation qui n’est pas une évolution graduelle, mais un « saut » révolutionnaire, pour lequel il est indispensable de préparer de longue main le parti de classe.

 

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Nous renvoyons le lecteur à la vaste littérature que le Parti Communiste International, depuis sa reconstitution après la Seconde Guerre mondiale, a produite (voir en italien Prometeo de 1946 à 1952, ll Programma Comunista de 1952 à 1983, en français Programme Communiste depuis 1957 et Le Prolétaire depuis 1963 sans parler des publications dans d’autres langues) et au site internet du parti www.pcint. org ; nous signalons en particulier l’étude consacrée à la naissance du PC d’I parue sur les n°93, 94, 95 et 97 de Programme Communiste.

Livourne 1921 a été la réponse en Italie, à la nécessité de constituer un parti de classe capable de conduire le mouvement prolétarien à la révolution et à la conquête du pouvoir sans compromis théoriques et politiques aux illusions de la démocratie bourgeoise et parlementaire. Cette réponse ne fut pas été pleinement comprise par les dirigeants de la révolution en Russie et de la création de l’Internationale communiste ; et encore moins par les communistes allemands qui auraient dû être à l’avant-garde de la révolution communiste prolétarienne en Europe occidentale mais qui, en réalité, commirent l’erreur fatale de vouloir utiliser la puissante organisation social-démocrate existante pour entraîner le prolétariat vers la révolution communiste : le mythe de l’unité du parti, puis de l’union des « partis ouvriers », joua exclusivement contre la révolution et la clarté du programme communiste, renforçant les illusions existantes dans le prolétariat et donc le désarmant devant les inévitables trahisons.

Nous nous revendiquons directement de Livourne 1921, non seulement en raison de la scission nécessaire et urgente d’avec les réformistes et les centristes (« révolutionnaires en paroles, contre-révolutionnaires en pratique »), mais aussi en raison de tout le travail théorique, politique et organisationnel qui l’a préparé, et qui a été la base de notre critique des déviations de l’Internationale sur la question du Front Unique politique, de l’adhésion de « partis sympathisants » et de ses oscillations tactique répétées dans l’espoir de rattraper le retard de la maturation révolutionnaire du mouvement communiste en Occident, puis de notre résistance au stalinisme qui, à partir de 1926, fit  complètement tourner la barre vers la contre-révolution.

Notre travail se poursuit dans la même voie que celle prise alors, qui est en réalité la voie tracée par le marxisme depuis le Manifeste du Parti Communiste de 1848, et réaffirmée avec force lors des deux premiers congrès de l’Internationale communiste

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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