Amadeo Bordiga

Sur le Fil du Temps

Pression «raciale» de la paysannerie, pression de classe des peuples de couleur

(«programme communiste»; N° 106; juillet 2021)

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Publié en 1953 (1) cet article faisait partie de la série des «Fils du Temps» dans lesquels Amadeo Bordiga combattait non seulement les déviations diffusées par les faux communistes mais aussi les doutes et les incertitudes existant même parmi les révolutionnaires, en se basant sur les principes cardinaux du marxisme et les leçons des grandes batailles prolétariennes du passé. Les années cinquante virent le développement des poussées anti coloniales au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique; il était donc nécessaire de rappeler quelle était la position marxiste correcte au sujet de ces luttes et de ces révolutions pour réfuter tant les positions pro-impérialistes de l'opportunisme contre-révolutionnaire que l'alignement petit bourgeois sur les directions nationalistes de ces luttes, ou l'indifférentisme faussement «de gauche» vis-à-vis de ces dernières.

 

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NORMES DU TRAVAIL MARXISTE

 

Notre objet n’étant pas la production et la critique esthétiques ou littéraires, les camarades et les lecteurs n’ont pas à s’attarder pour apprécier le passage, la page ou le texte que nous publions, mais doivent toujours avoir à l’esprit le lien entre les différentes parties du travail accompli par notre petit mouvement dans son effort pour redessiner selon un plan unitaire toutes les lignes de l’édifice marxiste (1).

Nous n’avons pas entrepris de dicter un testament. Ce qui guide notre travail dans la réalité, ce n’est donc pas une méthode d’exposition systématique, mais l’exigence de faire front dans les différents domaines aux ruptures et aux failles qui ont affaibli le mouvement révolutionnaire. Cependant, dans chacune de nos interventions, nous avons toujours bien en vue son lien avec la charpente unique à laquelle se rattachent toutes les interventions précédentes.

Après la lecture du texte, il n’est pas question d’organiser dans son for intérieur des «élections libres», de convoquer dans son coeur le corps législatif, et de passer ensuite au vote. Le lecteur doit au contraire s’efforcer au maximum de «replacer» les faits analysés dans le système ordonné de notre programme. Il ne doit pas émettre des jugements, mais s’acquitter de sa part de travail.

Ce ne sont pas des individus, des théoriciens, des professeurs qui parlent ici, ce sont les faits; nous confrontons, nous affrontons les faits passés aux faits présents et futurs, confirmant ainsi expérimentalement les résultats de confrontations analogues faites depuis environ un siècle.

Dans une lettre à un de ceux qui croient à la mission cartésienne de la critique (instrument respectable que nous admirons aux mains de la bourgeoisie: avec lui, elle a su forger plus de cinq siècles d’histoire de la société humaine; mais nous, nous avons déjà empoigné d’autres outils), un camarade écrivait très justement ceci: «La situation actuelle, caractérisée par l’absence transitoire d’un mouvement autonome du prolétariat, nous oblige, dans le domaine de notre activité pratique, à revendiquer l’intégralité de nos textes classiques, à en combattre toute altération, à savoir attendre que le bouleversement inévitable de la situation pose à nouveau le problème de la liaison pratique entre le programme et les luttes du prolétariat, à ne pas prétendre remplacer ces luttes par notre propre cervelle, pour résoudre des problèmes qui 101 fois sur 100 nous sont en fait soufflés par la bourgeoisie».

 

DEUX POINTS A ETABLIR

 

Il semble que soit venu le moment de fixer notre attention sur deux points du marxisme que nous n’avons d’ailleurs jamais laissés de côté, et qui sont étroitement liés l’un à l’autre: la question agraire et la question nationale et coloniale. C’est ce que nous ferons prochainement dans des travaux écrits et dans des réunions de travail, avec bien sur des interruptions, des parenthèses et des reprises: nous ne sommes pas un ministère qui distribue des portefeuilles sous le prétexte bouffon de compétences particulières.

Nous le ferons naturellement en promettant de ne rien inventer ni diffuser de nouveau, mais en nous rattachant toujours au solide matériel historique dont nous disposons. Nous ne travaillons pas pour soumettre le résultat à des avis démocratiques, mais pour montrer que lorsque tous les faits matériels sont bien établis et fixés à leur juste place, il reste à Madame l’Opinion à peu près autant de liberté qu’à l’image qui se forme sur l’écran d’après les lois de la propagation optique et de la sensibilité lumineuse.

Au cours des années précédentes, nous nous sommes occupés de l’économie marxiste en la considérant surtout sous l’angle de la description scientifique de la société caractérisée par le travail associé, et du programme qui en est dialectiquement inséparable. Cette partie de la critique marxiste «suppose» une société capitaliste pleinement développée, et ce pour deux raisons. D’abord, parce que l’école ennemie soutient que tous les inconvénients sociaux et toutes les causes de déséquilibre disparaîtraient si tous les rapports économiques de la société étaient de nature mercantile et salariale. Ensuite parce que, si nous voulons définir la société communiste scientifiquement, dans ses caractères opposés et antithétiques à ceux de la société capitaliste, comme point d’arrivée du développement historique et non comme un tableau froid et statique, nous ne pouvons partir que d’une société pré-communiste pleinement développée, et donc d’un capitalisme supposé intégral. Comme nous l’avons montré, Marx choisit l’Angleterre pour y puiser des données, mais il sait bien qu’elle n’était et n’est encore purement capitaliste qu’en partie, et il fait abstraction de ce qu’elle garde de non capitaliste. Nous avons montré dans un autre texte que Marx lui-même l’affirme, et qu’il insiste sur toutes les formes sociales présentes en Angleterre (bien qu’à un degré moindre qu’ailleurs) et étrangères aux trois seules formes sur lesquelles il fonde sa démonstration du caractère inévitable de la crise: entreprise industrielle, propriété foncière, travail salarié.

Toutefois, dans la partie historique - nous pourrions même dire géographique, de géographie sociale - de son oeuvre, partie qu’il développe parallèlement à cette théorie «maîtresse» de l’économie capitaliste pure, toutes les zones et phases «impures» sont considérées et analysées à fond. Et il y est tenu compte du rôle souvent de tout premier plan et de toute première importance que jouent les classes survivantes qui se rattachent au précapitalisme (paysans, artisans, petits commerçants, etc.), ainsi que du développement historique des pays non encore entrés dans la phase capitaliste, et en particulier des races non blanches qui en sont encore à des formes non seulement féodales, mais même esclavagistes et barbares.

 

PARTIE HISTORIQUE ET «PHILOSOPHIQUE»

 

Marx a donc consacré une grande partie de son œuvre à établir les entités et les lois qui régissent l’économie du capitalisme et à définir les termes de la revendication communiste. Aujourd’hui comme au temps de Lénine, la majeure partie des thèses correctes a été oubliée et déformée, alors même que les données historiques actuelles leur donnent encore plus de vigueur. Nous n’avons pas pour autant négligé la «géographie des aires de lutte de classe et de révolution» et les modifications qui interviennent dans l’extension de ces aires à mesure que les formes industrielles pures deviennent dominantes dans les pays avancés, et que la production et le marché capitalistes envahissent les pays arriérés.

A la base de la doctrine marxiste, il y a l’affrontement entre une forme capitaliste achevée et un prolétariat couvrant l’ensemble des secteurs du travail productif; le but que vise l’organisation révolutionnaire est de tisser un réseau international complet, pour mener une lutte qui se déroule à l’échelle mondiale. Ceci étant, ce serait un pur non-sens de prétendre que les situations mixtes doivent être purement et simplement ignorées, et que le poids des forces sociales et des organismes étatiques qui leur correspondent ne puisse pas être important, voire décisif pour la tâche et l’action propres de la classe ouvrière moderne.

En développant la théorie économique et sociale du capitalisme et de son aboutissement dans le communisme, avec de nombreuses références à l’histoire et à la géographie des phases impures, nous avons également développé ce qu’on appelle couramment la partie «philosophique» du marxisme, c’est-à-dire notre théorie de la dynamique historique, des causes et des lois qui régissent les faits historiques, en donnant la solution des fameux problèmes de la conscience, de la volonté et de l’action qui sont à l’origine de tant de fausses orientations. Nous avons montré que le déterminisme économique, le matérialisme historique et dialectique de Marx, que tant de gens renient (nous sommes plus que jamais prêts à les combattre), ne peuvent que signifier la négation de l’idée selon laquelle l’action de l’individu serait précédée par la conscience et par la volonté, et qu’il pourrait par cette action exercer une influence sur l’histoire des collectivités. Nous avons donc examiné une nouvelle fois, d’une façon immuablement et textuellement conforme aux premiers énoncés de la méthode marxiste, la nature et la fonction du parti de classe. Ce n’est que dans le parti de classe, qui est un organe impersonnel, qu’on peut parler d’une praxis fondée sur la connaissance théorique et sur la décision volontaire; celles-ci ne dépendent d’ailleurs pas de libres choix arbitraires mais d’orientations fixées au préalable et de la réalisation de certaines conditions données, que l’on peut étudier, découvrir, expérimenter, mais jamais provoquer par des recettes, des expédients, des stratagèmes ou des manoeuvres.

A ce problème se rattache directement celui de la tactique, c’est-à-dire des méthodes d’action propres aux différentes phases et conditions du développement historique. Là aussi, sans qu’on puisse jamais dire ce travail achevé, nous avons amassé un matériel utile et solide, en recourant presque à chaque pas aux éclaircissements de principe indispensables afin d’éviter les errements toujours possibles.

Une des erreurs les plus considérables est l’affirmation – si souvent attribuée à tort à la «gauche» communiste, dans le but de se débarrasser de ses critiques, soulevées en 1920 et confirmées par l’histoire avec éclat – selon laquelle nous ne devons nous occuper que d’une situation «à deux personnages», les prolétaires salariés contre les entrepreneurs capitalistes, et que le mouvement et le parti des prolétaires n’ont rien à voir, rien à dire, rien à faire lorsqu’un troisième personnage entre en scène. Il est donc utile de disséquer une nouvelle fois la question paysanne et celle des nationalités, en nous contentant pour l’instant d’une rapide synthèse documentaire montrant que la Gauche, bien loin de les ignorer, leur a toujours accordé toute son attention.documentaire montrant que la Gauche, bien loin de les ignorer, leur a toujours accordé toute son attention.

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Hier

 

 

AVANT LENINE

 

Dans des exposés plus détaillés, il faudra rappeler avant tout les résultats établis par Marx sur ces deux grandes questions que sont la question agraire et la question nationale.

Pour la première, l’exposé du livre III du «Capital» sur la rente foncière apporte des éléments fondamentaux. Afin de montrer que dans l’hypothétique société capitaliste pure, tant que le pouvoir du capital ne s’est pas encore débarrassé des propriétaires fonciers en nationalisant la terre et les immeubles (ce qui ne serait pas encore du socialisme, loin de là), la rente foncière se forme comme une partie de la plus-value, Marx nous a donné, selon la méthode du déterminisme économique, la théorie et les «modèles» des types de société précapitalistes où l’économie agraire prédomine dans des formes non encore bourgeoises. Et de même qu’il oppose son «modèle» de la production industrielle moderne à ceux des économistes classiques et vulgaires, de même il oppose ses modèles et ses schémas des économies pré-industrielles à ceux des économistes physiocrates ou mercantilistes.

On trouve d’autre part, dans les textes de Marx et aussi d’Engels sur les luttes de classe en France et en Allemagne, d’innombrables applications historiques, ainsi que tous les éléments de la doctrine telle que Lénine dut plus tard la restaurer contre le grossier révisionnisme type II° Internationale des bonzes conservateurs qui s’étaient mis à la tête du prolétariat urbain.

Quant à la question des nationalités, Marx ne lui accorda pas moins d’attention, comme en témoignent non seulement la partie historique de ses oeuvres économiques, mais les textes de la 1’Internationale et de nombreuses lettres de son incessante correspondance. Il est indiscutable que Marx non seulement s’intéressa aux luttes de libération nationale, mais apporta l’appui des prolétaires et des communistes, par exemple à la lutte de la Pologne contre la Russie, et à celle de l’Irlande arriérée et agricole contre l’Angleterre moderne et industrielle. Non moins fondamental est l’intérêt accordé par Engels (nous l’avons rappelé dans un autre texte) aux guerres de constitution nationale en Europe continentale avant la guerre de 1870-71

 

RECOUPEMENTS DIALECTIQUES

 

Le sens de tout ceci, c’est que dans des aires géographiques et dans des phases historiques données, bien définies dans le cadre de la théorie marxiste générale du cours historique (et qui ne peuvent surgir à tout moment comme un diable sort d’une boite), il arrive souvent que la lutte d’une masse de petits paysans contre les propriétaires fonciers accélère la révolution bourgeoise et la libération des forces productives modernes de l’entrave des rapports de production traditionnels; cette libération est la prémisse indispensable de la lutte et des revendications prolétariennes ultérieures. De même, il arrive souvent que la libération de forces comprimées par d’anciens rapports ne puisse se produire qu’à la suite d’une guerre d’indépendance nationale, ou d’une guerre liée à une revendication irrédentiste. Non seulement ces situations doivent être reconnues et prévues en doctrine, mais s’il existe des forces prolétariennes de classe déjà mûres, celles-ci ne peuvent qu’appuyer ces mouvements qui ouvrent la voie aux forces productives modernes. Par conséquent, dans les aires et les phases évoquées plus haut (et dont on doit résolument exclure l’Europe bourgeoise d’après 1871), les prolétaires appuieront ces mouvements, pour lesquels il est indiscutable que se battent essentiellement les couches et les forces bourgeoises les plus radicales.

Dans ces aires et à ces époques, l’erreur et le défaitisme ne résident pas dans l’alliance avec des mouvements - des mouvements insurrectionnels - à base agraire ou nationale, mais précisément dans la méconnaissance du fait que ces mouvements ont un but démocratique et capitaliste. Vers 1860, Marx exhorte les travailleurs à lutter pour les insurgés de Varsovie, mais en même temps il attaque de la façon la plus impitoyable l’idéologie libérale, patriotique et démocratique radicale des chefs de ces mouvements. Ce qui serait dangereux par contre, ce serait de sacrifier, pour franchir cette phase critique, une force prolétarienne déjà développée sur un plan autonome de classe, en la laissant adopter la doctrine et la politique de la liberté nationale comme fin en soi, et en admettant qu’elle puisse être un patrimoine, une plate-forme commune de toute éternité aux bourgeois et aux prolétaires. Lorsque Lénine disait qu’il était inévitable de favoriser une forme bourgeoise, il l’appelait bourgeoise en toutes lettres, et non pas prolétarienne comme le font encore aujourd’hui les communistes renégats (cf. le bordel des libérations par les partisans). Il s’agit donc de comprendre la dialectique, et on ne peut y suppléer par la négation des faits et des nécessités historiques; même le fils de Dieu ne put éloigner de ses lèvres certain calice. Mais il arrive à tout révolutionnaire qui n’a pas encore assimilé la dialectique, mais qui croit raisonner en toute liberté et conscience, de présupposer inconsciemment que son moi, placé hors du monde et contre le monde, possède un petit brin de divinité. Il ne s’agit donc pas de proposer aux prolétaires et aux militants de mettre des ceintures de chasteté, mais de saisir le sens historique de l’événement, qui constitue une double négation: ouvriers de Varsovie, en avant aux côtés des bourgeois pour nier le pouvoir tsariste, parce que vous devez en passer par là pour nier le pouvoir bourgeois. Essayez, bien que ce soit difficile, de donner un coup de main aux bourgeois, mais sans penser avec leur tête pour autant. Le déterminisme est le jeu des myriades d’unités et de forces agissant à l’échelle mondiale, et non le résultat d’une harmonisation artificielle de l’action de chaque individu avec sa volonté, sa conscience et sa pensée.

 

LE CONGRES DE L’INTERNATIONALE COMMUNISTE

 

Nous réservant de revenir plus en détail sur les textes marxistes qui confirment pleinement ce qui précède, et dont nous nous sommes déjà largement inspirés, venons-en aux positions prises lors de la constitution de l’Internationale de Moscou, en particulier lors du Congrès mondial de 1920, où on sait que les thèses sur la question agraire et sur la question nationale et coloniale furent rédigées et présentées par Lénine lui-même. Lors de ce congrès, antérieur à la constitution du parti communiste d’Italie, la gauche exprima, lorsqu’elle en avait, de nettes divergences; elle intervint surtout sur la question du parlementarisme, en se heurtant à Lénine lui-même, sur la question de la scission du parti socialiste italien (en accord avec Lénine), et sur celle des conditions d’admission, qui visait en particulier la droite allemande et française, en avançant des propositions que Lénine accepta et introduisit dans le texte (la fameuse 21° condition).

La question du parlementarisme débouchait sur celle de la tactique, et la divergence sur cette question apparut plus nettement en 1921, 1922, 1924, 1926 dans les interventions des délégations italiennes appartenant à la gauche du Parti Communiste d’Italie, dont ce courant représenta jusqu’en 1924 l’énorme majorité.

Si la gauche italienne avait eu la moindre objection à opposer aux thèses sur la question agraire et sur la question coloniale, elle n’aurait donc pas manqué de l’exprimer ouvertement. Or quand on parcourt les comptes rendus et les procès-verbaux, on n’en trouve aucune trace. On trouve par contre dans des textes sur ces questions des prises de position sans équivoque sur les thèses marxistes, concordant parfaitement avec le sens profond de la restauration doctrinale et historique de Lénine.

Ce furent au contraire les éléments de droite, Serrati et Graziadei, qui se dressèrent vivement contre ces thèses (comme nous l’avons rappelé entre autres dans l’article intitulé «Orient» (2). Ces textes sont connus et il devrait donc être clair que de 1920 à 1953, rien n’a changé dans notre analyse de ces problèmes, contrairement à ce qu’ont semblé croire certains camarades à propos de la conférence de Gênes (3), qui a brossé un vaste panorama historique des révolutions impures, mais s’est occupée ensuite plus directement d’une économie pleinement capitaliste, celle des Etats-Unis.

Pour en revenir à 1920, on voit bien pourquoi la II° Internationale considéra comme fondamentaux certains points que le socialisme occidental avait pratiquement oubliés. La II° Internationale, plongée jusqu’au cou dans le réformisme syndical et parlementaire, n’accordait d’attention qu’à la population urbaine et métropolitaine, car c’était là surtout que se recrutaient les électeurs. Mais la préparation formidable du parti russe, bolchévik et marxiste, ne pouvait négliger des forces qui, en Russie, étaient quantitativement bien plus importantes que celles du prolétariat industriel et qui participaient déjà à la lutte ouverte contre le pouvoir tsariste: d’une part les paysans opprimés par les grands propriétaires terriens et par l’Eglise, d’autre part les peuples de toutes les nationalités asservies par l’Etat grand-russien. Ces forces devaient converger dans la révolution russe (et elles n’y manquèrent pas); il fallait les évaluer correctement et les utiliser, tout en imprimant cependant à la révolution un caractère de classe, ouvrier et socialiste.

Si la révolution russe en était restée au stade d’une lutte de libération des petites nationalités et races opprimées et d’émancipation des paysans asservis, non seulement elle serait restée bien en deçà d’une révolution socialiste dirigée par le prolétariat russe et par l’Internationale mondiale, mais elle serait même restée historiquement en deçà d’une révolution accouchant d’une société pleinement capitaliste et d’un développement industriel accéléré dans les villes aussi bien que dans les campagnes.

Les marxistes russes ne pouvaient donc pas ne pas se poser un problème qui est, qu’on le veuille ou non, toujours actuel pour des pays d’une importance démographique primordiale comme l’Inde et la Chine (sans parler des autres): celui de l’attitude des révolutionnaires marxistes dans une société où coexistent le féodalisme, la seigneurie patriarcale, le capitalisme étranger, la bourgeoisie nationale, la paysannerie pauvre, l’artisanat et enfin un prolétariat salarié très peu nombreux et clairsemé.

 

CE QUE DISAIENT LES THESES DU II° CONGRES:

 

a) Sur la question agraire

 

Une brochure sur la question agraire, rééditée depuis (4), expliquait aux communistes italiens le sens précis des thèses de l’Internationale, pour répliquer à ceux qui prétendaient que les communistes voulaient fomenter des révolutions paysannes et instaurer une société basée sur la défense de la petite exploitation. En montrant la différence entre propriété (critère juridique) et exploitation (critère technique et économique), on établit que les communistes sont toujours pour la grande exploitation, dans le domaine agricole comme dans le domaine industriel; mais les conditions de celle-ci ne sont pas réunies du seul fait qu’il existe de grandes étendues de terre appartenant à un seul propriétaire (latifundia). On peut trouver des propriétés immenses divisées en myriades de petites exploitations (confiées à des fermiers ou à des métayers), de même qu’on pourrait trouver le cas opposé si une grande exploitation industrielle louait plusieurs petites propriétés limitrophes. Socialement, la petite exploitation agricole se solde toujours par un bilan négatif et déficitaire: elle est aux antipodes du socialisme que nous voulons atteindre, elle est la base de l’idéologie la plus réactionnaire. Les thèses du II° Congrès ne disent rien d’autre. Nous nous contenterons de citer un passage du discours du rapporteur Meyer:

«Quand a-t-on le droit de partager la grande propriété? Il ne peut être question d’un tel partage que si la grande propriété est déjà louée à une série de petits paysans, c’est-à-dire si elle ne constitue pas une unité productive. Dans ce cas, le partage ne constitue aucunement la dissolution d’une grande entreprise. En outre, le partage peut être envisagé lorsque la grande propriété est imbriquée dans les petites parcelles. Ici, la faim de terre est si grande que dans certaines circonstances, il faut la satisfaire pour assurer la révolution. Dans tous les cas, il est important de ne pas permettre aux grands propriétaires de rester sur leurs terres, de les en chasser» (5).

Plus loin, il ajoute que la Commission a supprimé le paragraphe qui disait que ce serait une erreur de ne pas partager les terres, et l’a remplacé par un amendement affirmant que le principe de la grande exploitation doit être maintenu.

Les objections de Graziadei et de Serrati concernaient surtout la tactique à employer à l’égard des petits paysans propriétaires. Dans le cas de Serrati, organisateur compétent et résolu des ouvriers urbains, il s’agissait d’une véritable incompréhension des données du problème. Mais ce que les thèses disent sur le conflit d’intérêts qui oppose ces petits paysans à l’Etat capitaliste à propos des impôts, des hypothèques, du capital usuraire, se trouve mot pour mot dans les textes de Marx à propos de la France. Quant à Graziadei, pourtant ferré sur la question, il fit erreur à propos de la notion de grèves communes et d’organisations communes entre les ouvriers agricoles (qui sont des prolétaires tout ce qu’il y a de plus purs) et les petits propriétaires. En réalité, Lénine n’avait parlé que des semi-prolétaires, c’est-à-dire des paysans qui possèdent un bout de terrain mais qui ne peuvent en vivre et doivent s’employer ailleurs avec leur famille. En ce sens, leurs intérêts sont donc tout à fait parallèles à ceux des journaliers sans terre, et ils peuvent parfaitement faire grève pour améliorer leurs conditions de salaires.

 

b) Sur la question nationale et coloniale

 

Dans notre article «Orient», nous avons rappelé ce que disaient les thèses nationales et coloniales du II° Congrès. Lénine fit un bref discours pour justifier la substitution de l’expression «mouvements nationaux révolutionnaires» dans les pays arriérés à celle de «mouvements démocratiques bourgeois». La première désignait une insurrection indigène armée contre les occupants impérialistes blancs, tandis que la seconde pouvait suggérer un bloc légalitaire avec des fractions de la bourgeoisie locale singeant le parlementarisme occidental. Toute la construction de Lénine reposait sur un fait d’un poids historique indéniable, qui prend aujourd’hui d’autant plus de relief qu’en raison du défaitisme des staliniens les mouvements dans les colonies et les semi-colonies donnent à l’impérialisme occidental plus de fil à retordre que ceux des prolétaires des métropoles, et que des régimes terriblement statiques comme les théocraties et les Etats à base rurale de l’Orient sont en train de s’effondrer en un déferlement de guerres civiles.

Le communiste hindou Roy présenta des thèses supplémentaires, acceptées par Lénine. La sixième de ces thèses, incontestable du point de vue marxiste, disait:

«L’impérialisme étranger qui pèse sur les peuples d’Orient a indubitablement entravé leur développement économique et social, et les a empêchés d’atteindre le degré de développement atteint en Europe et en Amérique.

Grâce à la politique impérialiste qui fait obstacle au développement industriel des colonies, c’est seulement depuis peu que le prolétariat indigène a commencé d’exister. L’industrie domestique éparpillée locale a dû céder la place à l’industrie concentrée des pays impérialistes; l’énorme majorité de la population a été ainsi contrainte au travail agricole, produisant les matières premières pour l’étranger.

D’autre part, on assiste à une concentration très rapide de la propriété du sol dans les mains des propriétaires terriens, des capitalistes et de l’Etat, ce qui contribue à accroître le nombre des paysans sans terre. [Nous citons ce passage surtout pour montrer le lien existant entre question agraire et question nationale et coloniale.] L’énorme majorité de la population de ces colonies subit une terrible oppression.

Par suite de cette politique, l’esprit de révolte reste latent dans les masses populaires et ne s’exprime que dans les couches peu nombreuses des classes moyennes cultivées. [N’oublions pas que c’est un Hindou qui nous parle et que, tout comme les Chinois, il a derrière lui plus de millénaires de «civilisation» et de «culture» que l’Europe ne peut en offrir à l’Amérique.]

La domination étrangère entrave constamment le libre développement de la vie sociale; c’est pourquoi le premier pas de la révolution doit être l’élimination de cette domination étrangère. Soutenir la lutte pour le renversement de la domination étrangère dans les colonies ne signifie donc pas adhérer aux aspirations nationales de la bourgeoisie indigène, mais aplanir la voie de son émancipation au prolétariat des colonies» (6).

Le tableau était déjà flamboyant en 1920. Mais aujourd’hui la situation régnant dans une grande partie de l’Afrique et de l’Asie a atteint le paroxysme de la tension. Ce n’est pas une moue d’intellectuel dédaigneux qui permettra d’ignorer des forces en mouvement d’une si formidable puissance.

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Aujourd’hui

 

 

LA POSITION DE LA GAUCHE

 

Au congrès de Rome de 1922 (7), la question nationale ne fut pas traitée en particulier; par contre la question agraire le fut dans des thèses conformes à l’analyse que nous venons de rappeler.

Au congrès de Lyon de 1926, dernière manifestation numériquement importante de la gauche (qui avait encore la majorité dans le parti communiste d’Italie, bien que ceci ne compte guère), celle-ci proposa un système complet de thèses, présentées par la suite à l’exécutif élargi de Moscou, comme manifestation organique d’opposition à la dégringolade de tout le Komintern, dont nous savons aujourd’hui qu’elle devait mener à une faillite totale. On y trouve des paragraphes sur la question agraire et sur la question nationale (8).

Le paragraphe sur la question agraire reprend non seulement les positions rappelées ci-dessus, mais admet dans une large mesure la possibilité d’utiliser le très petit propriétaire agricole dans la lutte révolutionnaire, tout en montrant avec Lénine les nombreux dangers de cette tactique.

Le paragraphe sur la question nationale s’appuie également sur la clarification fondamentale opérée par Lénine:

«Alors que le développement économique interne ou l’expansion du capitalisme étranger n’ont pas encore fourni les bases de la lutte de classe moderne dans ces pays, la satisfaction des revendications qui s’y posent exige une lutte insurrectionnelle et la défaite de l’impérialisme mondial. A l’époque de la lutte pour la révolution prolétarienne dans les métropoles, la réalisation complète de ces deux conditions permet le déchaînement dans ces pays d’un combat qui, toutefois, prendra localement l’aspect d’un conflit non pas de classes mais de races et de nationalités».

La ligne est donc continue et personne n’a lieu d’être surpris. Pour en arriver à des travaux plus récents, les «Eléments d’orientation marxiste» disent, bien que ne traitant pas expressément dans ce passage de la question coloniale:

«Les travailleurs de tous les pays ne peuvent pas ne pas lutter aux côtés de la bourgeoisie pour le renversement des institutions féodales [...]. Même dans les luttes que les jeunes régimes capitalistes mènent pour repousser les restaurations réactionnaires, le prolétariat ne peut refuser son appui à la bourgeoisie» (9).

Ceci s’applique évidemment à la France de 1793 ou à l’Allemagne de 1848. Mais ce serait manquer de cohérence que de refuser de l’appliquer aux révolutionnaires chinois de 1953, qui, de plus, battent en brèche l’impérialisme capitaliste le plus avancé. Il reste, bien sûr, le problème de la juste soudure entre la lutte impitoyable contre cet impérialisme dans les colonies et la lutte dans les métropoles. A la perspective de Lénine, les staliniens ont substitué la honteuse alliance avec les Français, les Anglais et les Américains, et c’est leur défaitisme qui est responsable de l’inefficacité des luttes désespérées des exploités et des opprimés de couleur, qu’ils ont trahies et condamnées à demeurer sans écho.

Dans les «Thèses de la gauche» (ou Plate-forme du parti) publiées en 1947, nous avons naturellement mis au premier rang la condition, qui se trouvait déjà dans les thèses de Lénine, de la reconstitution du parti unitaire de la révolution internationale qui fait aujourd’hui défaut (10). Nous y avons donc critiqué, comme dans toute notre polémique de 1920-26, la transposition abusive de tactiques valables dans la Russie d’avant 1917 aux pays de capitalisme avancé, et même aux pays extra-européens et coloniaux, notant qu’avec la seconde guerre mondiale le caractère unitaire de la force ennemie s’est encore accru dans le monde entier.

C’est que le problème est précisément historique et non pas tactique. L’appui aux mouvements démocratiques et indépendantistes se plaçant sur le terrain insurrectionnel était logique en Europe dans la première moitié du 19° siècle. Il reste pleinement valable aujourd’hui pour l’Orient, comme il l’était pour la Russie d’avant 1917: nous avons rappelé cette position marxiste fondamentale dans les thèses évoquées ci-dessus. Ce que nous avons combattu, par contre, c’était la prétention d’appliquer des recettes tactiques désastreuses comme celle du front unique, de l’entrisme, de l’organisation en cellules, du fonctionnarisme, etc., indistinctement aux partis travaillant, mettons, en Asie, ou en Amérique, ou en Angleterre, en promettant des résultats mirobolants; en fait, on ne peut plus cacher aujourd’hui que cette tactique a mené à la destruction de toute énergie révolutionnaire.

 

NI LIBERTE THEORIQUE, NI LIBERTE TACTIQUE

 

Il faut s’entendre sur ce principe fondamental de la Gauche. L’unité substantielle et organique du parti, qui s’oppose diamétralement à l’unité formelle et hiérarchique des staliniens, est une nécessité en matière de doctrine, en matière de programme, et aussi pour ce que l’on appelle la tactique. Si nous entendons par tactique les moyens d’action, ceux-ci ne peuvent être définis que par la même recherche qui nous a permis, en nous basant sur les données de l’histoire passée, de formuler les revendications de notre programme final et intégral.

Ces moyens ne peuvent pas être choisis ni varier à plaisir au gré des époques successives, ou pire encore, des divers groupes, sans que les buts programmatiques et tout le cours qui y conduit ne s’en trouvent eux aussi modifiés.

Il est évident que les moyens ne sont pas choisis pour leurs qualités intrinsèques - beauté ou laideur, douceur ou rudesse, souplesse ou dureté. Mais leur succession doit avoir été dans ses grandes lignes prévue par le parti et faire partie de son armement commun, au lieu d’être abandonnée au hasard des «situations» au jour le jour. Tel a toujours été le sens du combat de la gauche. C’est aussi ce que nous exprimons au niveau organisationnel quand nous disons que la «base» est tenue d’exécuter les indications tactiques du centre, dans la mesure où le centre est lui-même lié par un «éventail» de tactiques possibles, déjà prévues, et correspondant à des éventualités également prévues. Ce n’est que par ce lien dialectique qu’on peut surmonter un problème qu’il est stupide de vouloir résoudre par le moyen de la démocratie consultative, dont nous avons plusieurs fois démontré l’absurdité. Tous en effet la revendiquent, mais tous sont également prêts à offrir en grand ou en petit le spectacle d’étonnants coups de force et d’incroyables coups de théâtre dans l’organisation.

Par conséquent, du point de vue de la théorie, aucun militant du parti communiste reconstitué ne pourra se dispenser de comprendre que l’alignement des classes et le rapport des forces dans un pays comme, par exemple, la Chine, sont différents de ce qu’ils sont dans les pays capitalistes occidentaux, et qu’on doit s’attendre à un processus et à un développement des luttes différents, dans le cadre d’un monde moderne qui s’unifie chaque jour davantage par le jeu de sa base économique. Il ne pourra se dispenser de comprendre que l’utilisation des poussées anti-impérialistes des peuples de couleur influe également sur le rapport des forces entre les blocs impérialistes en conflit latent, et que la suprématie de l’un ou de l’autre bloc doit avoir des conséquences bien différentes.

Du point de vue tactique, il ne pourra se dispenser de comprendre que l’exaltation des mouvements coloniaux contre l’Europe ou l’Amérique devient abusive lorsqu’on la sépare, comme le fait encore la IV° Internationale, de la condition primordiale toujours mise en avant par le marxisme, à savoir l’unité de méthode de la classe prolétarienne mondiale et de son parti communiste, détruite précisément par la liberté de tactique et par la manie des manoeuvres, des expédients, des stratagèmes, et autres trouvailles.

Il pourra alors comprendre qu’en plus des deux forces-type du «schéma» qui nous est utile en théorie pour démontrer avec une certitude mathématique l’inéluctabilité de l’écroulement du capitalisme, on trouve sur la scène du monde des forces immenses: dans les pays métropolitains les classes inférieures non prolétariennes, et dans tout le reste de la planète les races et les peuples «arriérés» (adjectif que le second congrès ne sut cependant pas définir).

Cette documentation sur les «antécédents» du problème n’est qu’une introduction au travail plus approfondi qui devra venir plus tard.

Il faut se rendre compte que dans les pays modernes il subsiste des noyaux de petits paysans qui se trouvent encore hors de la sphère du mercantilisme et qui se transmettent d’anciennes caractéristiques que l’époque moderne a effacées chez tous les habitants des villes, chez les milliardaires comme chez les mendiants. Comme disait Marx, ils constituent une vraie race de barbares dans un pays avancé - avancé dans le sens de son horrible civilisation. Cependant, même ces barbares pourraient devenir, contre cette civilisation, une des munitions de la révolution qui doit la submerger.

Il faut se rendre compte que dans les pays d’outre-mer vivent d’immenses collectivités de race jaune, noire, olivâtre, dont les peuples, réveillés par le fracas du machinisme capitaliste, semblent ouvrir le cycle d’une lutte patriotique d’indépendance et de libération nationale comme celle dont s’enivraient nos grands-parents, mais représentent en fait un facteur considérable dans la lutte des classes que la société actuelle porte en son sein, et qui éclatera demain avec d’autant plus de violence qu’elle aura été étouffée plus longtemps.

 


 

(1) «Pressione «razziale» del contadiname, pressione classista dei popoli colorati», paru sur Il Programma Comunista n° 14/1953, 23 juillet 1953. Il Programma Comunista était l'organe du parti depuis la rupture avec Battaglia Comunista où parurent les premiers Fils du Temps.

(2) Cf l’article «Orient», publié en français en annexe de l'ouvrage: A. Bordiga, «Facteurs de race et de nation dans la théorie marxiste», Ed. Prométhée 1979.

(3) Réunion du parti tenue à Gênes le 26 avril 1953, où fut notamment développé le rapport sur «Les révolutions multiples».

(4) A. Bordiga, «La questione agraria. (elementi marxisti del problema)», publié en série dans Il Comunista, organe du PC d'Italie, juin-juillet 1920, puis sous forme de brochure, Libreria editrice del PC d’Italia, 1921 (reprint Feltrinelli).

(5) «Protokoll des II Weltkongresses der Kommunistischen Internationale», Hamburg, 1921, p. 549.

(6) «Protokoll des II Weltkongresses der Kommunistischen Internationale», Hamburg, 1921, pp. 147-148.

(7) Il s'agit du 2° Congrès du PC d'Italie. Voir Programme Communiste n°105

(8) Le projet de thèses préparé par Bordiga pour le 3° Congrès du Parti Communiste d’Italie («Thèses de Lyon», 1926) est paru en français dans le recueil «Défense de la continuité du programme communiste», Textes du PCInt n°7, pp. 106-146. Le passage cité plus bas se trouve pp. 128-129.

(9) «Tracciato d’impostazione», Prometeo n°1, juillet 1946, traduit en français sous le titre «Eléments d’orientation marxiste», Textes du PCInt n°4.

(10) Les «Thèses de la gauche» ont été publiées en 1946-47 sous forme d’une série de textes dans divers numéros de la revue Prometeo; parmi ces textes, ont été traduits en français «Les trois phases du capitalisme», «Guerres et crises opportunistes», dans la brochure «Eléments d'orientation marxiste», op. cit; «Nature, fonction et tactique du parti révolutionnaire de la classe ouvrière», dans le recueil «Défense de la continuité...», op. cit.

 

 

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