Quarante ans de reconstitution du parti de classe

(«programme communiste»; N° 107; Mars 2024)

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Plus de quarante ans se sont écoulés depuis octobre 1982, lorsque notre parti d’antan s’est échoué sur une chaîne de récifs qui l’ont mis en pièces. Nous ne voulons pas occulter cet événement dramatique, car il y a des leçons à tirer de toutes les erreurs, les dérapages, les déviations qui ont contribué à l’explosion de l’organisation du parti qui, en 1952, après une scission inévitable, s’était reconstituée sur des bases théoriques, politiques, tactiques et organisatives organiquement cohérentes et homogènes. C’est pourquoi nous revenons sur ce sujet, pour revendiquer la lutte politique que nous avons menée alors afin qu’il soit possible, malgré la crise explosive, de rassembler à nouveau des forces homogènes et cohérentes avec le bagage des batailles de classe qui caractérisaient la Gauche communiste d’Italie et notre parti d’hier.

Pendant la crise explosive de 1982-1984, les divers groupes de militants dans lesquels le parti s’était fragmenté et qui souhaitaient poursuivre leur activité politique ont pris des voies diverses. En France et en Suisse, un petit groupe s’était constitué avec des camarades de Paris, Strasbourg, Lyon et Lausanne, continuant à publier « le prolétaire ». Les contacts avec les camarades d’Espagne, d’Allemagne, de Belgique et de nombreuses autres sections françaises se sont rompus ; les contacts avec l’ancien centre de Milan se sont maintenus jusqu’en juin 1983, mais les tentatives de réorganisation internationale furent très faibles et confuses. Avec le coup de force d’un soi-disant « comité central », formé par des responsables des sections italiennes les plus importantes (Milan, Mestre, Naples, Rome, Catane), l’ancien centre fut déclaré déchu et remplacé précisément par ce comité central. Au début, l’intention de la nouvelle direction du parti était de réorganiser les forces restantes, en sauvant formellement le bagage théorico-programmatique qui avait caractérisé le parti jusqu’à la crise explosive, mais en prétendant mettre en œuvre un tournant radical de la ligne politique, tactique et, évidemment, organisative que le parti avait suivie jusqu’à la crise générale.

En Italie, la nouvelle ligne politique consistait à remettre en cause la ligne politique précédente (considérée insuffisante pour répondre aux nouvelles situations apparues après la crise générale du capitalisme mondial en 1975, avec l’émergence de nouveaux organismes de type syndical en dehors des structures traditionnelles de la CGIL, de la CISL et de l’UIL, et avec les nouvelles luttes ouvrières menées, localement et dans l’isolement, par les chômeurs, les travailleurs précaires et les travailleurs non-syndiqués. La nouvelle direction du parti a surtout basé son activité sur l’intervention dans ces nouveaux organismes ouvriers (comités d’usine, coordinations, cercles sociaux, etc.) et sur une formulation de la propagande politique du parti jugée plus attrayante et plus compréhensible pour les masses, en la simplifiant et en l’inspirant d’attitudes et de comportements moins intransigeants, plus ouverts pour assumer les tâches pratiques dans des domaines jamais exploités auparavant (luttes pour le logement, contre le travail au noir, contre la répression, etc.) Passer de l’occultation des tâches que le parti s’était toujours données sur l’assimilation théorique permanente à l’identification du retard et de l’échec du parti dans le domaine de l’influence sur les masses laborieuses dans un soi-disant « vice d’origine » de la Gauche communiste italienne (consistant en un théoricisme atavique et une incapacité à « faire de la politique »), a été très rapide. Pour la nouvelle direction, « faire de la politique » signifiait utiliser tous les moyens, y compris les expédients pratiques et tactiques, pour accroître l’influence sur le prolétariat en peu de temps et, par conséquent, augmenter le nombre de militants adhérents au parti. L’un des expédients utilisés, pour accélérer le processus d’influence sur les masses, consistait à entrer dans les nouveaux organismes prolétariens nés du besoin des prolétaires les plus combatifs de s’organiser en dehors des syndicats traditionnels, ou du besoin de s’organiser socialement et territorialement sur les questions liées au logement, à la répression, à la lutte contre le réarmement national et l’envoi de troupes italiennes à l’étranger, à la lutte contre le nucléaire, au soutien des luttes anti-impérialistes dans les pays de la périphérie de l’impérialisme, etc., en prendre la tête et les lier à l’organisation du parti. En fait, ces champs d’intervention avaient déjà été envisagés par le parti tout au long des années 1970, ils n’étaient donc pas nouveaux pour les militants, mais la nouveauté résidait dans l’attitude pratique et les objectifs fixés à l’action du parti. Une attitude pratique dépendante de l’objectif d’obtenir des résultats immédiats et de l’objectif d’augmenter la force numérique du parti. L’évaluation générale qui justifiait ce « changement de cap » consistait dans les points suivants : 1) les groupes de prolétaires s’organisant en dehors des syndicats traditionnels montraient que ces derniers perdaient leur influence sur le prolétariat ; 2) les luttes des peuples opprimés, tels que les Palestiniens, les Kurdes, etc., affaiblissaient l’emprise des puissances impérialistes qui les opprimaient ; 3) la situation de crise prolongée du capitalisme consécutive à la grande crise mondiale de 1975 n’était pas surmontée, comme dans les périodes précédentes, comme l’ont montré par exemple les luttes du prolétariat polonais, de sorte qu’elle pouvait être le terrain favorable à la reprise de la lutte de classe du prolétariat et donc propice à sa lutte révolutionnaire. Il s’agissait donc de surmonter le retard du parti dans sa fonction de guide des couches prolétariennes les plus combatives et prêtes à la lutte, en accélérant son intervention parmi les masses dans le but de démontrer être à la hauteur pour se porter à la tête de leurs luttes dans l’immédiat et, comme propriété transitive, à la hauteur de la direction de la révolution future.

A ce soudain « changement de cap » et « changement de direction centrale » se sont opposés les militants italiens – en vérité minoritaires – qui ont justement refusé la thèse du « vice d’origine » du courant de la Gauche communiste d’Italie, en défendant l’intégrité théorico-politique du parti maintenue depuis trente ans, s’opposant aussi à l’idée qu’en augmentant l’intervention pratique dans les luttes et les comités de base prolétariens, le parti contribuerait à accélérer la reprise de la lutte de classe, et s’opposant à la réorganisation du parti par l’auto-élection d’un « comité central » à la place de l’ancien centre, en défendant les critères organisatifs qui répondaient au centralisme organique contre le centralisme démocratique ; ou d’autre part, les militants qui, n’acceptant pas ce « changement de cap » et le « changement de direction centrale », ont exprimé une totale défiance dans la capacité du parti, après les coups reçus lors de la crise générale interne de 1982 et de la crise subséquente de 1983 en Italie, de retrouver le bon cap, même avec seulement quelques éléments, et ont donc abandonné le parti, se retirant dans la vie privée. Le journal par lequel le parti était connu depuis trente ans, et pas seulement en Italie, « il programma comunista », s’est retrouvé entre les mains du nouveau « comité central », qui avait également le contrôle de la caisse du parti, de sorte que le journal, à partir de juillet 1983, a fini par représenter exclusivement la nouvelle ligne politique.

En présentant sur notre site, parmi les anciennes publications du parti, le journal « il programma comunista », nous écrivions :

« Lors de la crise de 1982-1984, les premiers « liquidateurs » manifestèrent une rupture claire avec les positions théoriques et historiques de la Gauche communiste d’Italie et de l’organisation qui la représentait depuis plus de trente ans sous la forme-parti : selon eux le parti « avait fait faillite » et il devait par conséquent se dissoudre pour se fondre avec les mouvements sociaux rebelles ; dans un deuxième temps par des liquidateurs d’une autre origine prétendirent remplacer un « centralisme » qui d’après eux ne fonctionnait pas, par un centralisme « démocratique » ; puis théorisait, comme leur « centralisme démocratique » ne donnait pas des « garanties » de discipline et d’homogénéité, un « défaut d’origine » de la Gauche communiste d’Italie qui aurait été de ne pas savoir « faire de la politique », de ne pas savoir « diriger politiquement » ni le parti ni les masses (il s’agit du groupe qui prit le nom de « Combat »). Rejeter leur incapacité politique à comprendre les tâches d’un parti de classe (dans la situation révolutionnaire d’hier, celle d’aujourd’hui et dans la situation de reprise de la lutte de classe de demain) sur un prétendu vice d’origine de notre courant, leur parut le meilleur moyen pour sortir de l’impasse qui devait les mener rapidement à l’autoliquidation.

« Face à ces attaques concentriques contre le parti et son patrimoine théorique et historique, le groupe qui reprit en 1984 le titre « il programma comunista », à la suite d’une action judiciaire semblable à celle menée en 1952 par le groupe Damen contre le parti, se caractérisa non seulement par cette action honteuse, mais aussi par l’absence totale de lutte politique au sein de l’organisation qui restait sur pied après la crise explosive d’octobre 1982 ; en substance, il fut incapable de donner aucun appui théorique, programmatique ou politique aux militants qui en Italie et à l’étranger, avaient été complètement désorientés par l’éclatement. Tombé dans un sentimentalisme de parti, il confia aux tribunaux bourgeois le soin de décider quel groupe politique avait « le droit » d’être représenté par le journal « il programma comunista ». En vertu du droit bourgeois, ce groupe s’est emparé de la propriété commerciale du journal sous prétexte être reconnu comme « héritier » du parti d’hier, du parti communiste international, parti pour lequel, au cours de la crise qui l’a finalement brisé, il n’a mené aucune bataille politique ; le tribunal bourgeois a agi en son nom et c’est pour cette raison que les mêmes mots que nous écrivions en 1952 sur le groupe Damen et le droit bourgeois s’appliquent : ceux qui s’en sont servi ne peuvent plus venir sur le terrain du parti révolutionnaire. De même que « Battaglia Comunista » et « Prometeo », qui avaient été jusqu’en 1952 la voix du parti, cessèrent de l’être après le recours à la justice bourgeoise, de même « il programma comunista » qui fut pendant plus de trente ans la voix du parti y compris au niveau international, a cessé définitivement de l’être en 1983 par l’action légale du groupe qui aujourd’hui encore en a la « propriété ». (1)

 

Rappelons qu’à la réunion générale du parti de juin 1983, quand le soi-disant Comité Central s’est imposé par un coup de force, « une nouvelle lutte politique interne avait été déclenchée par certains camarades qui partageaient l’initiative juridique visant à reprendre possession du titre « il programma comunista » et par d’autres camarades qui s’opposaient à la fois au « nouveau cours » véhiculé par le soi-disant Comité Central et à l’initiative juridique et qui tentaient de regrouper le plus grand nombre possible de camarades résistant aux multiples déviations qui avaient affecté et secoué le parti. Ce troisième groupe de camarades, luttant au sein de ce qui restait du parti communiste international après la crise explosive de 1982, et tant qu’il lui était donné la possibilité pratique d’agir politiquement en son sein – c’est-à-dire jusqu’à la fin de 1984 – et luttant en même temps contre le repli dans les frontières italiennes des deux autres groupes évoqués, donnera vie, à partir de mai 1983, au nouveau journal « il comunista » et, à partir de février 1985, avec les camarades franco-suisses du « le prolétaire » à la reconstitution du parti sur la base d’un bilan politique vital des crises qui avaient affecté le parti depuis sa naissance après la Seconde Guerre mondiale – un bilan qui partait incontestablement des fondements théoriques, programmatiques, politiques, tactiques et organisatifs qui avaient toujours distingué la Gauche communiste italienne et notre parti d’hier, et avec une vision internationaliste et internationale tout aussi vitale pour un parti qui se veut communiste et révolutionnaire.

« À l’époque, nous avons rappelé non seulement la position correcte adoptée par le parti en 1952 lorsque le groupe qui se référait à Damen engagea une action en justice pour s’approprier le titre de « Battaglia Comunista », mais aussi le fait que les fonctions formelles imposées par la loi bourgeoise (la « propriété commerciale » d’un journal et la responsabilité éditoriale d’un « directeur » obligatoirement membre de l’Ordre des journalistes) ne donnaient pas aux camarades qui devaient nécessairement s’en acquitter, une sorte de privilège politique à l’intérieur du parti, ni d’autant moins ne leur assignaient le rôle de premiers représentants incontestables des positions du parti devant le parti lui-même et à l’extérieur du parti. Pour le parti, il s’agissait, et s’agit encore, de simples fonctions bureaucratiques à remplir pour publier légalement la presse du parti, rien de plus. En fait, les camarades qui étaient officiellement les « propriétaires commerciaux » et les « directeurs responsables » du journal du parti ne partageaient pas nécessairement toujours les positions du parti. Ce fut le cas des numéros de « il programma comunista » du 7 juillet 1983 au 11 janvier 1984, ainsi que de « Combat » qui suivit de février à décembre 1984 (titre dont nous n’avons jamais partagé l’orientation). » (2)

 

Donc, ce qui nous séparait du groupe qui a accaparé le journal « il programma comunista », c’était deux positions de fond : la lutte politique à l’intérieur du parti pour constituer un point de référence international théoriquement, programmatiquement et politiquement solide, et le travail pour un bilan politique des crises du parti. Nous avons soutenu la nécessité première de ces deux positions ; ceux qui ont partagé la position opposée, c’est-à-dire pas de lutte politique au sein du parti et aucun bilan de la crise, l’ont justifiée en considérant que le parti était tombé entre les mains d’une clique de liquidateurs qui ne méritaient pas une lutte « politique », mais contre lesquels il fallait simplement engager une action en justice pour reprendre le contrôle total du journal historique du parti, et qu’un bilan des crises du parti n’était pas nécessaire car, une fois cette clique éliminée, il s’agissait simplement de « reprendre le chemin » malheureusement interrompu pendant un an et demi. En outre, le groupe qui s’est emparé du « il programma comunista » s’est enfermé dans les frontières italiennes avec l’idée de se consolider avant tout en Italie dans le but de suivre le même processus de développement que les camarades de la Gauche communiste d’Italie après la Seconde Guerre mondiale, en prétendant être les seuls à représenter la continuité théorico-politique et organisative du parti d’hier. En réalité, leur attitude – étant donné que ce groupe s’était organisé autour de l’ancien représentant du centre du parti – a été perçue par les camarades du « le prolétaire », toujours actifs en tant que sections du parti en France et en Suisse, comme un abandon à leur sort des sections étrangères du parti. Ce que n’aurait jamais dû faire un parti qui se définissait comme international et prétendait représenter ne serait-ce que la continuité organisationnelle du parti d’hier. Mais cette fermeture à l’intérieur des frontières italiennes faisait partie de leur refus congénital de lutter à l’intérieur du parti contre des positions qu’ils considéraient comme déviantes. D’autre part, il était naturel que ceux qui avaient remis entre les mains d’un tribunal bourgeois la décision d’être reconnus comme les « vrais » représentants du parti communiste international aient une telle attitude.

La publication de « il comunista », dans un tout premier temps entre 1983 et 1984, donc au milieu de la crise de la section italienne du parti, faisait partie du projet du parti, décidé lors d’une réunion centrale en 1982, de publier cet autre titre, de doter l’organisation d’une feuille plus spécifiquement politique et d’intervention, en attribuant le titre historique de « il programma comunista » à une revue théorique du parti en italien, comme cela se faisait déjà en français, espagnol, allemand, anglais et grec. Voir à ce sujet la présentation de « il comunista » sur le site du parti https://www.pcint.org. À partir de 1985, après une nouvelle bataille politique au sein de ce qui restait du parti en Italie (« Combat »), et après avoir repris contact avec les camarades du « le prolétaire », « il comunista » a représenté la reconstitution de l’organisation du parti en Italie, en se distinguant clairement tant du nouveau « il programma comunista » que de « Combat », qui représentaient les nouveaux liquidateurs du parti.

La présentation de notre journal précitée se concluait comme suit :

« Certain de poursuivre un travail de parti qui n’est jamais lié à la durée de vie des camarades individuels, et encore moins à la durée de vie des dirigeants, mais qui procède en vertu d’une combinaison dialectique entre les contradictions toujours plus aiguës de la société capitaliste, dans un souffle internationaliste et international, et la lutte politique de classe que les éléments les plus conscients se chargent de mener, en s’organisant en parti, nous, selon les mots de Lénine de « Que faire ? », « Petit groupe compact, nous suivons une voie escarpée et difficile, nous tenant fortement par la main. De toutes parts nous sommes entourés d’ennemis, et il nous faut marcher presque constamment sous leur feu. Nous nous sommes unis en vertu d’une décision librement consentie, précisément afin de combattre l’ennemi et de ne pas tomber dans le marais d’à côté … Comme la Gauche communiste italienne, ainsi que Lénine, nous l’ont appris,  nous savons bien que le bourbier d’à côté, c’est la conciliation entre les classes, la collaboration entre les classes, la démocratie et tous les oripeaux que la « vie démocratique » de cette société pourrie invente. Les crises qui ont frappé le parti communiste international – comme d’ailleurs celles qui ont frappé des partis beaucoup plus puissants et solides comme le parti bolchevique et le parti communiste allemand – ont été des crises de « croissance » et des crises de « dégénérescence », comme cela arrive dans la nature à tout corps organique. La force du parti de classe, qui unit la « conscience » (la théorie) et la « volonté » (l’activité du parti), réside dans la défense, la lutte pour le maintien et la reconquête de la ligne qui va de Marx à Lénine, à la fondation de l’Internationale Communiste et du Parti Communiste d’Italie, à la lutte irréductible contre toute dégénérescence opportuniste – quel que soit le nom pris par l’opportunisme – contre toute prétention à enrichir le marxisme ou à élaborer de nouvelles théories plus « novatrices », et contre toute concession de nature individualiste et personnelle, donc contre toute illusion démocratique et libertaire.

« La perspective de la révolution prolétarienne et communiste n’est pas pour nous un idéal qui plane impalpablement dans le monde des idées et des espoirs, ce n’est pas une consolation morale face à une vie individuelle précaire et insatisfaisante : c’est une certitude historique à laquelle le matérialisme dialectique nous a appris à conformer notre activité pratique dans la vie quotidienne concrète, mais insérée dans l’arc historique qui nous lie à la future société de l’espèce, au communisme. Nous faisons partie, comme tout groupe humain, d’une génération qui passe et que le développement progressif des forces productives, malgré ses fortes contradictions générées par la société divisée en classes, lie organiquement aux générations passées et aux générations futures. Notre tâche est de lutter, non seulement théoriquement et politiquement, mais aussi pratiquement, pour que la classe révolutionnaire par excellence, le prolétariat, reconquière par sa lutte de classe la force pour que le saut historique que l’humanité fera nécessairement de la société marchande et capitaliste à la société socialiste et, enfin, au communisme intégral, devienne enfin une réalité. » (3)

Nous ne pouvons que répéter avec force ce qui a été dit alors, en poursuivant notre travail de reconnexion avec l’histoire de la Gauche communiste et de réassimilation du puissant héritage théorique et politique du communisme révolutionnaire, en maintenant fermement le cap déjà tracé – comme le rappelle notre épigraphe politique intitulé « Ce qui distingue notre parti » :

« La ligne qui va de Marx-Engels à Lénine, à la fondation de l’Internationale Communiste et du Parti Communiste d’Italie ; la lutte de classe de la Gauche communiste contre la dégénérescence de l’Internationale, contre la théorie du « socialisme dans un seul pays » et la contre-révolution stalinienne ; le refus des Fronts populaires et des fronts nationaux de la résistance ; la lutte contre le principe et la praxis démocratiques, contre l’interclassisme et le collaborationnisme politique et syndical, contre toute forme d’opportunisme et de nationalisme ; la tâche difficile de restauration de la doctrine marxiste et de l’organe révolutionnaire par excellence – le parti de classe –, en liaison avec la classe ouvrière et sa lutte quotidienne de résistance au capitalisme et à l’oppression bourgeoise ; la lutte contre la politique personnelle et électoraliste, contre toute forme d’indifférentisme, de suivisme, de mouvementisme ou de pratique aventuriste de « lutte armée » ; le soutien à toute lutte prolétarienne qui rompt avec la paix sociale et la discipline du collaborationnisme interclassiste ; le soutien de tous les efforts de réorganisation classiste du prolétariat sur le terrain de l’associationnisme économique, dans la perspective de la reprise à grande échelle de la lutte de classe, de l’internationalisme prolétarien et de la lutte révolutionnaire anticapitaliste. » (4)

 

Au cours des quarante années qui se sont écoulées depuis la crise explosive du parti d’hier et compte tenu de la situation encore très déprimée de la lutte des classes, nous avons développé notre travail en donnant forcément la priorité aux publications et à la propagande. Alors que « le prolétaire » a continué à paraître même pendant la crise de 1982-1884 (après une brève interruption due à la crise qui a éclaté lors de la réunion internationale de Paris en octobre 1982, le numéro 367 est sorti en décembre et a ensuite continué à être publié régulièrement), « il comunista » (après la première série parue entre 1983 et 1984) est sorti régulièrement à partir de février 1985 comme organe italien du parti. La perspective que nous nous étions fixés était de publier, dès que les forces et les finances le permettraient, les revues théoriques en français « programme communiste » et en espagnol « el programa comunista » ; jusqu’en 1982, la première a été publié jusqu’au numéro 88 et la seconde jusqu’au numéro 40. « Programme communiste » a repris sa publication, avec le numéro 89, en mai 1987, et « el programa comunista », avec le numéro 41, en septembre 1992. En février 2002, grâce à des camarades anglophones, nous avons publié le numéro 1 du périodique « Proletarian » ; en août de la même année, rattaché à la revue « el programa comunista », nous avons publié le « Suplemento Venezuela ». En mai 2010, nous avons étendu la publication pour l’Espagne du périodique « Suplemento », remplacé en décembre 2012, grâce à l’activité de la section espagnole reconstituée il y a quelques années, par le périodique « el proletario ». C’est en février de cette année que nous avons repris la publication de la revue en anglais « communist program », qui sortira désormais régulièrement toutes les années ou années et demie. En ce qui concerne la langue espagnole, la crise qui a frappé la section espagnole a éloigné du parti pratiquement tous les camarades espagnols qui, quelques années plus tard, ont publié leur propre journal à laquelle ils ont donné le nom de l’ancien journal du parti « El Comunista », en tant qu’organe du Parti communiste international alors qu’ils étaient eux aussi des liquidateurs du parti d’hier, sur des positions syndicalistes et génériquement théoricistes. Lorsque nous avons décidé de publier un périodique en langue espagnole, afin de ne pas créer davantage de confusion avec le nom même du parti, nous avons choisi « el proletario » comme titre pour accompagner la revue déjà existante « el programa comunista ».

La reprise de la lutte des classes est hélas encore lointaine, mais les contradictions économiques et politiques des puissances impérialistes rapprochent de plus en plus le point de rupture sociale, qui mettra inexorablement à l’ordre du jour le grand dilemme historique : guerre ou révolution. C’est depuis la fin de la deuxième guerre impérialiste mondiale que les impérialismes se préparent à soutenir une troisième guerre mondiale ; les nombreuses conférences mondiales et les déclarations de paix mielleuses de toutes les chancelleries du monde ne peuvent certainement pas le dissimuler. Les innombrables guerres dites locales, dans lesquelles les impérialistes les plus puissants du monde sont toujours intervenus, directement ou indirectement, depuis la guerre de Corée de 1950 jusqu’à l’actuelle guerre russo-ukrainienne, n’ont pas été et ne seront pas suivies d’une période de paix : le capitalisme, dans sa dernière phase historique de développement, l’impérialisme, est condamné à se maintenir en vie et à se développer exclusivement par des guerres, bourgeoisie contre bourgeoisie, puissance contre puissance, blocs impérialistes contre blocs impérialistes, parce que son économie produit cycliquement non seulement expansion et développement, mais surtout des crises, des crises de plus en plus aiguës, profondes et mondiales.

La seule classe de cette société qui a le potentiel historique de mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, à la destruction des forces productives et de l’environnement, à toutes sortes d’oppressions et de guerres, est la classe du prolétariat, des travailleurs salariés. Cette classe a un énorme avantage sur les autres classes sociales : elle est la plus nombreuse en chiffres absolus, c’est la classe ouvrière qui produit la richesse économique et sociale de chaque pays, et c’est la classe qui a historiquement la tâche de briser toutes les chaînes sociales, économiques et politiques avec lesquelles les classes bourgeoises de chaque pays la dominent. Elle possède une autre caractéristique fondamentale : les prolétaires, les travailleurs salariés subissent la même oppression, les mêmes conditions d’existence et de vie, quel que soit le pays où ils sont nés ou celui où ils travaillent et émigrent ; c’est une classe objectivement internationale parce qu’il n’existe aucun pays où elle ne soit pas opprimée, exploitée, trompée, réprimée et massacrée. Mais elle a un inconvénient tout aussi puissant : sans une direction révolutionnaire ferme, solide, consciente, disciplinée, organisée, le prolétariat est un jouet dans les mains du marionnettiste de service. Le prolétariat peut compter sur un fait matériel indiscutable : en tant que classe opprimée, exploitée, massacrée sur les lieux de travail et dans les guerres, il est poussé à se rebeller contre sa condition d’esclave salarié ; il met en œuvre sa force de frappe, sa volonté de s’organiser sur le terrain immédiat et de se solidariser avec les prolétaires d’autres usines et d’autres nations, mais il est continuellement freiné, détourné, vaincu par la concurrence entre prolétaires que la bourgeoisie alimente à pleines mains et, de cette façon, il est aveugle, ne parvenant pas, normalement, à identifier des objectifs au-delà de la lutte immédiate. La société divisée en classes est un organisme extrêmement contradictoire qui, en développant les forces productives, donc le travail salarié, pousse les classes dirigeantes à opprimer et exploiter toujours plus le salariat pour lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit dont souffre chroniquement l’économie capitaliste et pour surmonter les crises de surproduction qui se produisent désormais de plus en plus fréquemment. La bourgeoisie n’a d’autre moyen pour affronter et tenter de surmonter les crises de son système économique et social que de créer les conditions de crises encore plus aiguës, encore plus dévastatrices, et pour y faire face elle ne peut qu’élever le niveau de l’affrontement entre les classes, du niveau strictement économique et immédiat au niveau politique en amenant le prolétariat à intervenir également sur le plan politique. Seulement que, fortement influencé par la collaboration de classe et la politique électoraliste, le prolétariat met en œuvre cette intervention, non plus avec les moyens révolutionnaires avec lesquels la bourgeoisie révolutionnaire et antiféodale de sa première période historique a formé les masses prolétariennes et paysannes pour sa révolution de classe, mais avec les moyens politiques et de propagande d’une démocratie entièrement conservatrice et réactionnaire, fournis directement par la bourgeoisie impérialiste.

Dans le cours historique des luttes de classes, il est arrivé à chaque société divisée en classes de traverser une première période révolutionnaire, visant à renverser l’ancienne structure économique et sociale afin de donner le maximum de développement aux forces productives déjà développées au sein de l’ancienne société, une période ultérieure de consolidation de la domination de la nouvelle classe dirigeante (période de réformes sociales) et une période réactionnaire caractérisée par le maintien du pouvoir politique et socio-économique avec une politique permettant de contenir par la force le développement objectif des forces productives dans des rapports de production et de propriété qui ne correspondent plus aux besoins objectifs du développement général de la société.

L’impérialisme capitaliste correspond à cette dernière période où, ayant éliminé les tensions nationales-révolutionnaires des classes bourgeoises émergentes dans pratiquement tous les coins du monde, les révolutions nationales menées par une bourgeoisie nationale révolutionnaire capable d’entraîner derrière elle les masses prolétariennes urbaines et les larges masses paysannes ne sont plus à l’ordre du jour. Dorénavant, ces révolutions se heurtent inévitablement non seulement aux anciennes puissances féodales et despotiques, mais aussi et surtout aux puissances impérialistes, c’est-à-dire aux représentants ultimes du développement capitaliste – comme ce fut le cas soit dans le premier après-guerre, soit surtout dans le deuxième après-guerre.

Cela ne signifie pas que tous les pays du monde sont développés de la même manière. Au contraire et justement à cause du développement impérialiste, le développement inégal du capitalisme dans le monde tend à accroître les différences entre les pays impérialistes et le reste du monde, qui, malgré la « décolonisation » des années 1960-1970, s’est développé en restant soumis par la force financière et militaire aux intérêts des grands pays impérialistes et des grands trusts qui dominent le marché international.

Il ne reste en perspective que la lutte de classe du prolétariat de tous les pays contre la classe dominante bourgeoise, d’abord et avant tout de son propre pays. Et c’est à cette lutte, d’une ampleur objectivement internationale, que le parti de classe, le parti communiste révolutionnaire, se prépare et doit se préparer depuis la rédaction du « Manifeste » de Marx-Engels en 1848. Les périodes historiques des guerres et des révolutions ne sont pas dictées par la volonté de pouvoirs oligarchiques ou de grands chefs ; elles sont dictées par le développement matériel des contradictions sociales et la maturation des facteurs objectifs et subjectifs de la lutte de classe et révolutionnaire. C’est dans cette perspective, et à la suite des leçons des révolutions passées et surtout des contre-révolutions, que le parti pour lequel nous travaillons devra être à la hauteur de la tâche révolutionnaire au moment historique où la solution à la grande crise sociale, qui ne manquera pas de se présenter (comme ce fut le cas en Europe en 1848, à Paris en 1871, en Russie en 1917 et en Europe en 1919/20), prendra la direction de la révolution prolétarienne et non de la contre-révolution bourgeoise.

Certes, la crise explosive qui a fait voler en éclats le parti d’hier, a inévitablement réduit les forces militantes du parti, réduisant notre groupe à une poignée de militants. Ce n’est pas la première fois que cela se produit dans l’histoire du parti prolétarien ; ce fut le cas avec la Première Internationale, détruite par des tendances opportunistes anarchistes et immédiatistes, puis avec la Deuxième, menée à l’échec par des tendances réformistes, social-démocrates et chauvines ; ce fut le cas, malgré la grande victoire de la révolution bolchevique en Russie en 1917 et la formation de la Troisième Internationale, à cause des tendances anti-centralistes, nationalistes et, pour la énième fois, chauvines des grands partis prolétariens européens. Avec sa contre-révolution directe et sa contre-révolution « indirecte » comme le fut le stalinisme, la classe bourgeoise a rapproché les facteurs objectivement favorables à la révolution prolétarienne au niveau international ; bien enfouis fussent-ils, ils ont continuellement contribué à éroder lentement l’édifice économico-social capitaliste, en faisant tomber petit à petit le masque d’un socialisme prétendument réalisé en Russie, dans ses pays satellites et en Chine, ainsi que le masque d’une démocratie plus libérale, mais de plus en plus fascistisée.

Cela ne veut pas dire que l’activité du parti a été simplifiée ; l’intoxication démocratique et individualiste du prolétariat causée par l’idéologie, la propagande et les actions des classes bourgeoises est telle que pour réveiller les prolétaires à leur lutte pour la survie sur le terrain de classe – c’est-à-dire sur le terrain où seuls leurs intérêts sont défendus – un grand tremblement de terre économique et social est nécessaire, grâce auquel renaîtront la volonté prolétarienne de lutter contre la classe bourgeoise dominante reconnue comme son principal ennemi, la volonté de s’organiser indépendamment non seulement de la bourgeoisie dominante mais aussi de la petite-bourgeoisie, et la recherche d’un guide non seulement pour gagner une bataille sur le terrain immédiat, mais aussi pour lutter et gagner sur le terrain politique général.

Ce guide ne peut être que le parti de classe, le parti communiste révolutionnaire, qui représente aujourd’hui l’avenir des luttes prolétariennes, qui représente les tâches historiques de la classe prolétarienne au niveau mondial parce qu’il possède la théorie du communisme révolutionnaire, parce qu’il connaît tout le cours historique de la lutte entre les classes et de la lutte révolutionnaire du prolétariat en particulier, parce qu’il condense en lui l’expérience des luttes prolétariennes et des luttes du mouvement communiste international, tirant des défaites les leçons nécessaires pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs.

C’est pour ce parti que nous travaillons, en dehors et contre tout expédientisme, en dehors et contre toute concession à l’opportunisme, en brandissant l’intransigeance théorico-programmatique comme la seule arme capable de mettre en œuvre la bonne ligne politique et tactique dans les situations qui se présentent, en évaluant correctement les rapports de force et les tâches non seulement du parti, mais aussi de la classe prolétarienne.

 


(1) Cf. https://www.pcint.org/25_Publ_pre_82/256_Il_Programma_Comunista/01 archivio-IlPC.htm

(2) Cf. https://www.pcint.org/25_Publ_pre_82/256_Il_Programma_Comunista/04 IlPC_1974-1983.htm. Note en bas de la page web concernant les numéros 7 à 11 de 1983 de « il programma comunista »

(3) Cf. https://www.pcint.org/02_IlC/03 presentazione IlC.htm

(4) Cf. https://www.pcint.org/20_ Cqnd_ Prg_ Qsn_ Site/Cqnd_Fr.htm

 

 

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