Gouvernement et patronat sont à l’offensive

Pour se défendre, il faut rompre avec le collaborationnisme !

(«le prolétaire»; N° 486; Octobre-Novembre 2007)

 

Le gouvernement Sarkozy n’avait pas attendu pour annoncer la couleur: ses premières mesures ont été le refus d’accorder l’augmentation traditionnelle du SMIC au premier juillet (mesure saluée comme «courageuse» par la presse!), les cadeaux aux bourgeois sous la forme du «bouclier fiscal» et le passage de la loi dite du «service minimum» censée affaiblir cette arme fondamentale des travailleurs pour se défendre que constitue la grève en instaurant diverses réglementations pour en limiter la force et l’efficacité.

Sarkozy affirmait ainsi avec éclat quel était son agenda, non pas celui pour lequel il a été élu comme il le répète quotidiennement, mais celui que lui ont confié les cercles bourgeois dirigeants: accélérer et généraliser les attaques anti-ouvrières, accroître les gains et les profits pour les capitalistes et utiliser la force de l’Etat pour bloquer autant que possible les réactions prolétariennes.

Dès la fin juin il assurait: «on va aller encore plus vite, encore plus loin, et tout de suite» (1); le gouvernement comptait sur l’ «état de grâce» provoqué par l’opium électoral, mais bien davantage encore sur la passivité complice des organisations syndicales qui laissaient promulguer les premières mesures anti-prolétariennes sans aucune réaction sinon symbolique (comme la manifestation-promenade des bonzes contre les mesures anti-grèves).

La décision de passer à l’attaque sur les régimes spéciaux de retraite a cependant fait passer un frémissement sur l’échine des bourgeois qui se souviennent des longues grèves de 1995 déclenchées par la précédente tentative. Si un Thibault, alors responsable des cheminots CGT, avait réussi à arrêter le mouvement, gagnant ainsi ses galons de dirigeant de la CGT, c’était au prix d’une renonciation par Juppé à son objectif; paralysé par cet échec son gouvernement cédait quelques mois plus tard la place aux pompiers sociaux de la gauche plurielle après la dissolution du parlement par Chirac. Les bourgeois ne veulent plus connaître pareille péripétie: les attaques contre les travailleurs ne peuvent plus attendre! Le capitalisme français perd du terrain par rapport à ses concurrents (en commençant par l’éternel allié-rival, l’Allemagne), et les premiers signes de crise économique accroissent encore l’urgence de ces attaques (Sarkozy: s’il y a une crise économique, alors il faudra accélérer les réformes!).

Comme le disait «Le Figaro», c’est dangereux de s’attaquer aux retraites des cheminots, gaziers et électriciens ( des secteurs clés de l’économie), mais «il faut le faire». En effet au début de l’année doit être mise en route l’attaque contre les retraites de tous les travailleurs (l’objectif officiel étant le passage à 42 annuités , dans un premier temps): cela n’est guère possible si certains secteurs en sont encore aux 37,5 annuités. Et si, par contre, le gouvernement réussit à faire admettre à ces travailleurs traditionnellement plus combatifs de renoncer à ce qu’il appelle avec impudence ce «privilège» (pour les bourgeois être un petit peu moins exploité est un privilège exorbitant), il sera plus difficile aux autres de résister demain. C’est pourquoi en dépit des déclarations de matamore, Sarkozy et ses «collaborateurs» agissent avec prudence. Certaines «réformes» sont pour l’instant atténuées, certaines attaques différées (à propos des universités un responsable officiel déclarait: on ne va pas mettre les étudiants dans la rue alors qu’il faut nous attaquer aux régimes spéciaux de retraite!) et les plus hauts responsables jurent qu’il n’y aura ni rigueur, ni sacrifices - seulement des «efforts»!

Etaler les attaques ne peut pas suffire, surtout quand l’urgence commanderait de les mener de front. Pour éviter autant que faire se peut des réactions de lutte ouvrière, ou en tout cas pour les contrôler et les circonscrire, les bourgeois ont besoin d’une opposition qui puisse présenter une alternative crédible à la lutte. Or, les partis réformistes sont en plein désarroi. Le PS, divisé et affaibli, se montre impuissant à jouer le jeu de l’opposition; le PCF, moribond, ne songe qu’à négocier avec lui le maintien de quelques unes de ses dernières municipalités: il est incapable de se manifester sur le terrain. Démonstration de cette débilité à jouer le jeu de l’opposition, le «Collectif Ripostes» fondé pour répliquer à la politique sarkozienne, regroupant PS, PCF, LCR Chevénementistes et autres, n’a pu accoucher que d’une résolution critiquant la politique gouvernementale pour son «inefficacité» et appelant à... l’ouverture de véritables négociations! (2). De son côté, l’extrême gauche n’est encore que candidate au poste de force réformiste de rechange.

Dans cette situation, le rôle de garde-fou des organisations syndicales collaborationnistes devient encore plus indispensable pour les capitalistes et Sarkozy n’a pas été avare de compliments à leur égard.

Elles ont encore l’année dernière donné la preuve de leurs capacités lors des luttes contre la loi dite d’ «Egalité des chances». Ce sont les dirigeants syndicaux unis qui, collaborant avec Sarkozy et son équipe, ont pu sans trop de difficultés arrêter la lutte, faisant passer l’essentiel de la loi encontre-partie de l’abandon du CPE. En 2003 c’étaient ces mêmes dirigeants qui déjà avaient négocié avec Fillon l’accord sur les retraites.

Aujourd’hui ce sont les mêmes hommes, au gouvernement et à la tête des organisations syndicales, qui sont à la manoeuvre et qui s’emploient à tout faire pour enrayer toute lutte sérieuse - la difficulté étant pour eux qu’il n’y a plus guère de «grain à moudre»: le gouvernement n’a plus grand chose à proposer dans le cadre d’une «négociation» pour faire passer la pilule.

 On a assisté à une distribution des rôles: la CFDT proclamant que la réforme des régimes spéciaux est nécessaire pour éviter les sauver de la faillite, tandis que la CGT se disait opposée aux mesures gouvernementales tout en déclarant être ouverte aux négociations, les deux, rejoints par les syndicats minoritaires, affirmant le caractère indispensable de l’unité d’action syndicale. Les bonzeries syndicales ne pouvaient pas ne pas faire mine d’organiser une résistance aux projets gouvernementaux, à condition que ce ne soit pas le signal d’une lutte prolongée mais une soupape de sécurité pour évacuer la pression qui s’accumule.

C’est dans cette optique qu’a été organisée la journée d’action du 18 octobre, avec la pleine compréhension des patrons (3). La CGT avait déclaré à l’avance que l’action devait se limiter à une seule journée; ses militants n’ont pas participé aux AG de reconduction de la grève, les dénonçant comme non-représentatives quand elles votaient la poursuite du mouvement.

La force du mouvement, dont témoignent la lenteur du retour au travail à la SNCF malgré l’action de la CGT et la prolongation de la grève à la RATP, a indiqué que les travailleurs étaient prêts à entrer en lutte pour se défendre. Il faudra donc sans doute que les syndicats organisent encore une de ces «journées d’action» pour éviter que le mécontentement ne devienne trop pressant. Mais la CGT a pu démontrer aux patrons et au gouvernement sa capacité à contrôler les travailleurs.

 

Pour la réorganisation classiste du prolétariat !

 

Tant que les prolétaires laisseront les organisations collaborationnistes organiser et contrôler leurs luttes, les mouvements les plus puissants seront en définitive destinés à être émoussés, détournés et récupérés, même quand ils arrivent à troubler les plans bourgeois. Le spontanéisme, les exhortations à la lutte, au «tous ensemble», sont insuffisants à modifier cet état de fait.

Pour que leurs luttes soient efficaces, pour qu’elles ne soient pas trahies par les organisations de collaboration de classes, les travailleurs ont besoin de s’organiser sur une base indépendante de classe. C’est la condition indispensable pour disputer à ces organisations la direction de la lutte et la mener sur la base de la défense intégrale des intérêts prolétariens, indépendamment de l’intérêt de l’entreprise, de l’économie, de la nation, c’est-à-dire des intérêts capitalistes.

Mais l’organisation de classe, en rupture avec le collaborationnisme réformiste indissolublement lié à la défense du capitalisme, implique également la rupture avec l’extrême-gauche pseudo-révolutionnaire. Indécrottablement réformiste en dépit de ses discours combatifs, elle s’efforce en effet toujours de faire l’union avec le collaborationnisme pro-capitaliste. Comme d’habitude Lutte Ouvrière avait appelé à «participer massivement» à la grève du 18 octobre «pour amener les directions syndicales à élargir ces journées d’action et à prévoir une suite, en appelant tous les travailleurs à agir ensemble» (4),  vague appel à faire pression sur les directions syndicales (pour une action d’ensemble non définie: LO ne veut pas fâcher avec elles en parlant de grève générale!). De son côté le porte-parole de la LCR, Besancenot, prétendait sur Canal + le 18/10 que «le gouvernement vient de perdre la première manche puisqu’il voulait que les cheminots soient divisés» (un peu plus «radical» que LO, il disait espérer que la grève dure... un jour de plus!). Ce que le gouvernement et les patrons veulent en réalité, c’est que les cheminots et tous les prolétaires ne se «divisent» pas des appareils collaborationnistes!

Dans les mois qui viennent l’offensive bourgeoise ne pourra pas ne pas susciter des luttes ouvrières en France, comme elle en suscite et en suscitera dans d’autres pays. Au cours de ces luttes les prolétaires feront à nouveau l’expérience du rôle de sabotage des organisations collaborationnistes et de leurs laquais d’extrême-gauche.

 Si des éléments d’avant-garde réussissent à en tirer non seulement la compréhension de la nécessité de la rupture avec le réformisme collaborationnisme syndical et politique, mais la volonté de commencer à travailler à la réorganisation classiste du prolétariat, ne serait-ce qu’à un niveau élémentaire, alors un pas important aura été accompli pour la reprise de la lutte de classe, pour l’émancipation enfin du prolétariat!

 


 

(1) Déclaration de Sarkozy au «Parisien», 20/6/2007

(2) Communiqué du premier octobre. La LCR s’est payée le luxe de refuser de signer ce communiqué.

(3) Le président de la CGPME (organisation patronale des petites et moyennes entreprises) affirmait: «Une journée, on peut l’accepter, mais je n’accepterai pas que cela continue comme en 2003 pendant 3 semaines» et le président de l’organisation patronale «Croissance plus» disait de la journée du 18: «c’est un baroud d’honneur». «Dans ces conditions, commentait le quotidien patronal «Les Echos», les organisations patronales comme le MEDEF etl’UPA évitent soigneusement de dénoncer trop vivement le mouvement de grève afin de ne pas mettre de l’huile sur le feu» - et de ne pas gêner la manoeuvre de leurs valets syndicaux. cf «Les Echos», 18/10/2007.

(4) Editorial des bulletins d’entreprise de LO du premier octobre.

 

Particommuniste international

www.pcint.org

 

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