La révolte des prolétaires immigrés africains sur les terres des mafias calabraises enseigne aux prolétaires italiens que non seulement le besoin économique, mais aussi la dignité de vie pour tout travailleur doit être au centre de la lutte ouvrière!

(«le prolétaire»; N° 495; Déc. 2009 - Janv. - Févr. - Mars 2010)

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Prolétaires!

A l’occasion de la révolte des prolétaires africains de Rosarno de ces jours-ci, les médias bourgeois eux-mêmes n’ont pu cacher que dans l’Italie ultra-civilisée il existe depuis des décennies de très vastes zones où il est normal d’exploiter bestialement comme des esclaves des dizaines de milliers de prolétaires immigrés d’Afrique, d’Europe de l’Est, du Moyen ou de l’Extrême Orient et d’Amérique Latine.

Le vampirisme des capitalistes italiens se mélange dans les terres du sud avec l’intervention des différentes mafias, qui ont appris à tout le monde à utiliser la moindre occasion, la moindre difficulté économique, la moindre recherche de prestige social et politique, la moindre ouverture dans les méandres des institutions publiques? pour accumuler d’énormes profits. Des mafias qui ne se consacrent pas exclusivement à des activités dites illégales, mais qui agissent sur tous les terrains où existe la possibilité de faire des profits rapides.

Chacun sait que si dans le nord et le centre de l’Italie ces activités sont souterraines et invisibles, elles sont à l’inverse très apparentes dans le sud, constituant les exemples vivants du pouvoir effectif des diverses familles qui en Sicile sont dites Mafia, N’drangheta en Calabre, Camorra en Campanie, membres de Sacra Corona Unita dans les Pouilles. Ce genre de réseau profondément ancré dans les régions du sud de l’Italie est si vaste et si ramifié qu’il couvre tout le territoire national à travers le système bancaire et financier; et à l’étranger dans beaucoup de centres importants, de New-York à Moscou, des Balkans au Nigeria, de l’Afrique du Sud à l’Amérique Latine, des ramifications constituent de véritables Etats dans l’Etat. Là où l’Etat officiel fait défaut, la gestion du territoire et des affaires est aux mains de l’Etat des mafias qui s’occupe de la gestion quotidienne et capillaire de la vie économique, politique et sociale de très nombreuses régions.

 C’est ce qui se passe dans la région où se trouve la localité de Rosarno, épicentre actuellement de la révolte des esclaves salariés venant du centre de l’Afrique.

 

Prolétaires!

La municipalité de Rosarno a été dissoute en janvier 2008 pour cause d’infiltration mafieuse et elle est depuis administrée par un commissaire préfectoral. Cela n’a pas empêché que les caporaux continuent à organiser les travailleurs immigrés qui depuis plus de vingt ans sont recrutés, «clandestinement», pour la récolte des agrumes (oranges, mandarines, clémentines).

A qui appartiennent ces agrumes? Aux familles de la N’drangheta.

Quelles sont les conditions de vie et de travail des prolétaires africains? 12 à 14 heures de travail par jour pour une indemnité de 20 euros dont 5 vont au caporal qui les conduit aux «jardins», 5 pour le coût du transport: il leur reste 10 euros pour un travail quotidien exténuant avec la menace permanente d’être expulsés quand ils sont sans-papiers!

 Où vivent-ils? La minorité régularisée qui possède un permis de séjour (un peu plus de 6000 sur un total de 20 000) sont hébergés dans des centres dans des conditions extrêmement précaires sur le plan de l’hygiène et des services, tandis que la majorité, les «clandestins» dont tout le monde connaît la présence, est obligée de se contenter d’abris de fortune dans des usines désaffectées ou des habitations en ruine, dormant sur des cartons, etc. Véritables esclaves salariés, contraints à suer sang et eau pour un salaire insignifiant, exploités plus que des bêtes, ces prolétaires sont en outre quotidiennement sujets à des humiliations et des vexations en tout genre. Et le climat de racisme et de criminalisation de leur présence «clandestine» est le terreau de brimades continuelles et d’actes d’intimidation comme des tirs à partir de voitures.

Le répugnant sport du «tir sur les immigrés» n’est pas un fait exceptionnel. C’était déjà arrivé à Rosarno en décembre 2008 devant la même usine dortoir de la Rogneta, où deux Ivoiriens furent gravement blessés. La colère des immigrés avait alors déjà éclaté et il y eut beaucoup de promesses, mais sans résultat! Aujourd’hui on a tiré de nouveau à la Rogneta et à l’ex-Opera Sila, comme dans une action combinée. D’autres belles promesses se profilent à l’horizon, mais elles ne seront pas non plus suivies d’effets!

Depuis au moins trente ans en Italie, selon les gouvernants et la plupart des médias, l’immigration constitue un problème; attirés par un développement économique qui offre la possibilité d’une survie moins précaire que dans leurs pays d’origine, des centaines de milliers de prolétaires et déshérités des pays à la périphérie des puissances impérialistes se déversent sur nos côtes et nos frontières; ils fuient la guerre, les déportations, la misère, les maladies, la faim. L’Italie qui a fourni en un siècle de son histoire moderne des millions d’émigrants fuyant comme les actuels immigrés, la misère, la faim ou les dévastations de la guerre est maintenant devenue une «terre promise», pour des milliers de migrants.

Mais la loi du capital est cynique, cruelle, liée jusqu’à l’obsession aux intérêts économiques et politiques des capitalistes qui ne cherchent qu’à maintenir leurs privilèges sociaux et à s’enrichir toujours davantage; l’Etat et ses forces de l’ordre ont la fonction de défendre cette économie et cette société basée sur l’exploitation toujours plus forcenée - y compris par l’intermédiaire des organisations mafieuses - des masses croissantes de sans-réserve dont les différences de nationalité ne servent qu’à accroître les discriminations et aiguiser la concurrence entre prolétaires.

Les migrants constituent une masse de travailleurs à bas coût, avec très peu de droits quand ils sont «légaux» et sans droit aucun quand ils sont «clandestins». Corvéables à merci, isolés dans des ghettos, inorganisés, les travailleurs immigrés sont utilisés comme des bêtes de somme dans les travaux des champs dans le sud ou dans le travail au noir dans les villes.

 Si d’un côté ils constituent une masse de bras à exploiter sans scrupules, ils sont d’un autre côté considérés comme une menace éventuelle pour la paix sociale et la coexistence pacifique des citoyens. Et les organisations pacifistes humanitaires ou religieuses n’arrivent pas toujours à étouffer les poussées de révolte qui animent de temps à autre des couches de travailleurs immigrés protestant contre leurs conditions de vie et de travail, contre les discriminations et les actes racistes dont ils sont victimes. La «coexistence civile» voudrait qu’ils demeurent invisibles, parqués dans des ghettos, séparés des habitudes sociales et religieuses des Italiens, tandis que la mesquine mentalité petite-bourgeoise typique les traite comme une racaille toujours sur le point de tomber dans la criminalité. Ils sont traités comme des rebuts du genre humain par des lois qui, partant de leur condition sociale de sans-réserve, de réfugiés, de pauvres contraints à errer de par le monde, les considèrent comme des criminels par nature et décrètent la clandestinité comme leur état normal.

Et ces travailleurs  sont traités comme des rebuts du genre humain par des bons Italiens qui les exploitent comme des bêtes dans les champs ou les sur les chantiers, ou par de bons Italiens qui s’arment de fusils et de bidons d’essence pour leur donner des «leçons de civilisation»!

 

Prolétaires!

La politique bourgeoise vis-à-vis des travailleurs immigrés est le miroir de la société capitaliste où les prolétaires ne peuvent vivre qu’en se faisant exploiter selon les exigences du capital, selon ses lois écrites ou non écrites. Les travailleurs immigrés que les lois de cette société définissent comme clandestins, c’est-à-dire comme coupables avant même qu’ils arrivent sur le sol italien, sont en réalité une ressource précieuse pour les capitalistes (...).

A côté d’un certain nombre d’immigrés «réguliers» qui ont pu péniblement accéder à des conditions de vie et de travail à peine acceptables, il existe dans notre Beau Pays des centaines de milliers de travailleurs arrivés illégalement pour satisfaire la demande capitaliste de main d’oeuvre à bas prix et pliables à n’importe quelles conditions de travail. La «clandestinité» n’est pas un choix des prolétaires migrants, c’est un état juridique auquel  ils sont contraints par les conditions sociales qu’ils fuient et par celles qu’ils trouvent dans nos pays si civilisés!

Le calvaire des immigrants africains en particulier rappelle la traite des noirs, quand on les enlevait dans leurs villages pour les faire se tuer au travail dans les plantations d’outre-Atlantique. Les reportages sur leur traversée sur de frêles esquifs et leur détention dans des camps de concentration comme des bêtes en cage montrent que les choses n’ont pas tellement changé. Mais ils montrent aussi ce qui peut arriver aux prolétaires italiens s’ils sont licenciés et jetés à la rue. En décrivant cette situation, les médias cherchent à alimenter cette crainte, la crainte de tomber dans une semblable condition sans espoir.

 

Prolétaires!

Les travailleurs salariés italiens savent bien que les prolétaires immigrés sont des êtres humains comme eux; mais ils doivent aussi comprendre qu’ils sont leurs frères de classe parce que ce sont des sans réserve et avec des conditions bien pires parce que sans droits et sans racines. C’est cela qui permet aux capitalistes petits ou grands de les exploiter au maximum. Les travailleurs italiens doivent se rendre compte que la situation des prolétaires immigrés les concerne directement parce qu’eux aussi subissent une dégradation de leurs conditions de vie et de travail. La crise a rendu cette dégradation plus forte encore et elle accroît la concurrence non seulement entre prolétaires italiens mais aussi avec les prolétaires immigrés; il n’est alors pas difficile de faire de ces derniers la cause du malaise social qui est en réalité provoqué par le capitalisme. Hier, en période d’expansion, le capitalisme promettait le bien-être et la prospérité pour tous alors qu’aujourd’hui, en période de crise, pleurant sur ses profits, il accuse l’immigration clandestine et la criminalité organisée - alors que c’est lui même qui engendre et organise la criminalité!

La bourgeoisie cherche toujours à décharger sur le prolétariat le poids de la crise, que ce soit en licenciant des millions de travailleurs «en trop» ou en augmentant l’intensité du travail de ceux qui ont un emploi, tout en gardant pour elle les bénéfices d’une légère reprise; tant que les travailleurs italiens resteront sont sous son influence, tant qu’ils se laisseront prendre au piège de la mentalité petite-bourgeoise toujours prête à s’en prendre à la partie la plus faible de la population pour préserver sa propriété et son statut social, les travailleurs italiens ne pourront jamais retrouver l’identité de classe nécessaire pour arriver à une dignité de vie que la bourgeoisie leur nie.

La révolte des prolétaires africains de Rosarno comme celle des prolétaires immigrés de Casel Volturno ou Villa Literno est bien plus qu’un coup de colère contre les misères et les fusillades que leur infligent de braves italiens. Travailleurs réguliers et clandestins, ensemble, ont crié à visage découvert et avec une inévitable violence ce que les belles âmes italiennes ne veulent pas comprendre: qu’ils sont exploités comme des bêtes de somme et qu’on les fait vivre dans des conditions que ces belles âmes n’infligeraient pas à leurs animaux domestiques! A la violence quotidienne qu’ils subissent ils ont répondu qu’ils se battaient pour leur dignité et que personne ne devrait avoir le droit de les traiter comme des esclaves!

Au lieu de tolérer les manifestations de mépris envers ces immigrés, les travailleurs italiens devraient se joindre à leur mouvement de protestation et lutter pour que des prolétaires ne soient pas traités comme des moins que rien. Ils devraient entrer en lutte avec les prolétaires africains contre les brimades des caporaux et des propriétaires et pour des salaires égaux à ceux des travailleurs italiens.

Seule la lutte de classe peut permettre de dépasser les barrières de langue, de religions, de culture, d’habitudes et surtout de dépasser la concurrence entre travailleurs de diverses nationalités et la méfiance que cette concurrence entraîne entre prolétaires.

 Seule la lutte de classe peut permettre aux travailleurs italiens de démontrer aux prolétaires africains et autres qu’ils ne sont aucunement solidaires de l’exploitation bestiale et négrière infligée par les capitalistes aux travailleurs immigrés!

 

Solidarité inconditionnelle avec les prolétaires africains exploités comme des bêtes!

Régularisation de tous les travailleurs «clandestins» de la région de Rosarno et d’ailleurs!

Egalité de salaire des travailleurs agricoles africains et italiens!

Logement digne de ce nom pour les travailleurs agricoles africains!

Abolition du délit de «clandestin»! Non aux discriminations entre travailleurs clandestins et légaux!

Egalité des droits entre prolétaires italiens et immigrés!

Pour la lutte de classe unie des prolétaires de toutes les nationalités!

 

9 janvier 2010

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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