Le battage autour du «mariage pour tous»: une diversion anti-prolétarienne

(«le prolétaire»; N° 506; Janv. - Févr. - Mars 2013)

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L’affaire du «mariage pour tous» a monopolisé l’attention des médias et l’activité du monde politique pendant de nombreux mois. Au moment même où le gouvernement PS-Verts, en syntonie avec le patronat et en collaboration avec les syndicats collaborationnistes, préparait tout un train de mesures anti-prolétariennes d’une ampleur sans précédente, au moment où les licenciements et les fermetures d’entreprises continuaient à un rythme soutenu, la question centrale en France semblait être devenue celle d’accorder ou non le droit aux couples homosexuels à se marier.

La droite organisait contre le mariage homosexuel une puissante campagne sous le thème de la défense de la famille, tandis que toute la gauche (1), extrême-gauche y compris, se mobilisait en faveur de la réforme gouvernementale.

Le caractère de diversion des campagnes et contre-campagnes à propos du mariage homosexuel est évident: il s’agissait d’éviter de parler des questions centrales qui regardent les travailleurs - qu’ils soient d’ailleurs hétérosexuels ou homosexuels! Le gouvernement a réussi à recréer autour de lui à cette occasion un large front politique (plus large encore que lors des élections) avec le très précieux résultat de faire disparaître aux yeux des travailleurs sa nature fondamentalement pro-capitaliste, alors même qu’il était en train de les attaquer!

C’est la démonstration de la force du gouvernement en dépit de l’impopularité inévitable de sa politique, et aussi des liens qui existent entre l’extrême-gauche dite «révolutionnaire» et ce gouvernement qu’elle prétend plus ou moins combattre.

L’opération politique gouvernementale a pleinement réussi, elle sera donc renouvelée, les prolétaires et militants d’avant-garde doivent le savoir et préparer leurs camarades de classe à ne pas tomber dans le piège des diversions à l’indépendance de classe: aucune illusion envers le gouvernement PS-Verts aux ordres des capitalistes dont toutes les mesures «progressistes» ne sont, au mieux, que de la poudre aux yeux, et au pire carrément anti-prolétariennes!

 

Les communistes et le mariage homosexuel

 

Les communistes luttent contre toutes les oppressions et contre toutes les discriminations qui existent dans la société bourgeoise, qu’elle soient de nature raciale, religieuse, etc., ou sexuelle et même si elles ne touchent chacune que des minorités (2): ils combattent donc toutes les discriminations envers les homosexuels – qui dans certains pays sont passibles de prison, voire de la peine de mort. Ils ne le font pas au nom d’illusoires principes démocratiques, de rêves petits-bourgeois de liberté et d’égalité entre les citoyens, mais parce que toutes ces discriminations et oppressions particulières sont autant d’entraves à la lutte générale à la lutte des prolétaires; parce que même si elles touchent en théorie des individus d’autres classes, elles font en fait partie du système d’oppression et de domination de la classe bourgeoise sur le prolétariat, qui seul en subit toutes les conséquences.

Mais si les communistes révolutionnaires reconnaissent donc sans hésiter le droit des couples homosexuels à se marier, cela ne signifie absolument pas que la lutte contre les discriminations, contre l’ «homophobie», soit synonyme de la défense de cette institution bourgeoise qu’est le mariage!

Dans tous les pays, l’Etat s’efforce de maintenir et de défendre cette institution par tout un arsenal de mesures juridiques, législatives et économiques, parce qu’il voit dans la famille fondée sur cette institution un pilier de la conservation sociale et de l’ordre bourgeois. L’abolition de cette famille, et donc du mariage qui l’institutionnalise, a fait dès l’origine partie du programme communiste. Le Manifeste Communiste explique que cette famille repose «sur le capital et le profit individuel» et qu’elle disparaîtra avec la disparition du capitalisme. En circonscrivant la revendication de la fin des discriminations contre les homosexuels, au vote de la loi dite du «mariage pour tous» le gouvernement PS-Verts a voulu consolider cette institution bourgeoise (et non l’affaiblir comme le prétendent ses adversaires).

Le caractère profondément réactionnaire de la «défense de la famille» des opposants à la réforme, ne doit pas dissimuler que tout ce qui renforce l’institution du mariage se fait aux dépens des millions de personnes, majoritairement des prolétaires, qui vivent en couple sans être mariés ou qui constituent ce que l’on appelle des «familles monoparentales» (à 85%, des femmes).

D’après la dernière étude statistique de l’INSEE, il y aurait près de deux millions de familles monoparentales (leur nombre est en progression constante: elles seraient 2,5 fois plus nombreuses qu’il y a 40 ans), et 30% d’entre elles vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Les pensions alimentaires sont de moins en moins payées, souvent en raison de la pauvreté du conjoint qui devrait la payer, les difficultés de trouver ou conserver un emploi avec des enfants à charge sont souvent quasi-insurmontables, etc. (3). Les «défenseurs de la famille» tout comme les partisans du «mariage pour tous» se désintéressent de tout cela, parce cela ne concerne pour l’essentiel que des prolétaires!

La position de classe dans la question de la famille et du mariage ne peut donc en aucun cas être la défense d’un institution bourgeoise – le mariage –, en le présentant comme un «droit» ou un conquête qui devrait être accessible à tous, mais la défense des conditions de vie des prolétaires, qu’ils vivent ou non en couples «légitimés» par le mariage, et plus particulièrement de ceux qui constituent les «familles monoparentales», c’est-à-dire pour l’essentiel des mères de famille non mariées ou divorcées.

Sachant que seule la dictature du prolétariat pourra prendre des mesures drastiques pour émanciper les prolétaires dans tous domaines, et que l’abolition de la famille bourgeoise nécessite la transformation révolutionnaire de la société, il existe cependant dès aujourd’hui des revendications partielles, correspondant aux besoins pressants des prolétaires, dont voici quelques unes:

Non aux discriminations homophobes ou autres! Egalité des droits pour tous les couples, mariés ou non, homo- ou hétérosexuels! Défense de la femme et de la mère de famille prolétaire! Restriction de la charge de travail à salaire égal pour les femmes enceintes! Gratuité des créches, cantines et garde des enfants! Salaire intégral sans conditions pour les femmes en congé-maternité, revenu minimum garanti pour les familles monoparentales prolétariennes!

Ce ne sont pas là des revendications à quémander à l’Etat bourgeois ou qui peuvent être l’objet de réformes graduelles effectuées par des gouvernements de gauche au service du capitalisme.

Comme pour toutes les véritables revendications prolétariennes, elles nécessitent pour leur réalisation, même partielle, le déclenchement et la généralisation de la lutte de classe, contre tous les pompiers sociaux et toutes les diversions.

 


 

(1) Cependant une frange de socialistes, sensible aux pressions religieuses, était réticente, ou même hostile: voir le cas de l’ancienne ministre socialiste Georgina Dufoix, bourgeoise protestante de Nîmes, qui a participé à la campagne de la droite contre le mariage homosexuel.

(2) Les estimations couramment reprises chiffrent à 100-150 000 le nombre de couples homosexuels: il s’agit donc d’une minorité plutôt conséquente. De même, le nombre d’enfants vivant au moins une partie du temps dans un de ces couples, est estimé s’élever à plusieurs dizaines de milliers, les chiffres avancés allant de 24 000 à... 300 000; on voit que le droit à l’adoption par les couples homosexuels, répond à une nécessité vécue quotidiennement par des milliers et milliers d’enfants.

(3) cf http://www. lemonde.fr / societe / article / 2012 / 03 / 16 / les- familles- monoparentales- delaissees-par-la-campagne-presidentielle_ 1670155_ 3224.html. Voir également l’étude de l’INED: http:// www. ined.fr/fichier / t_publication / 1123 / publi_ pdf2_ fr_ famille_monoparent.pdf.

La progression du nombre de «familles monoparentales» se constate dans tous les grands pays capitalistes; leur proportion la plus forte se retrouve aux Etats-Unis (27%), en Grande-Bretagne (25% des familles) et au Danemark (20%); en France: 17% (chiffres de 2000).

Quant aux couples non mariés, ils constitueraient en France le quart de tous les couples.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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