Contre les capitalistes et un gouvernement à leur service

Les prolétaires ne peuvent compter que sur leur lutte!

(«le prolétaire»; N° 509; Sept. - Oct. - Nov. 2013)

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Début septembre le quotidien Libération faisait sa une avec une photo de Hollande sous la légende: «le président des patrons». Ce titre plutôt inattendu pour un journal connu pour ses sympathies affichées envers le parti socialiste et le gouvernement actuel, n’était que l’expression du désenchantement de nombreux électeurs de gauche. Ce désenchantement peut aussi se lire dans la baisse ininterrompue des indices de popularité du gouvernement et de l’approbation de sa politique dans les sondages qui rythment presque quotidiennement l’abrutissante «vie politique» moderne.

 

Que les électeurs soient mécontents de leurs élus et qu’ils aient la désagréable sensation de s’être fait rouler dans la farine, ne peut pas être un motif d’étonnement: c’est un effet inévitable de la démocratie bourgeoise dont le système électoral consiste, selon Marx, «à décider une fois tous les 3 ou 6 ans quel membre de la classe dirigeante “représentera” et foulera aux pieds le peuple au Parlement».

Si ce désenchantement ou ce mécontentement est actuellement plus prononcé qu’en d’autres occasions, c’est parce que la situation économique difficile du capitalisme français impose de prendre des mesures «impopulaires»; autrement dit de prendre davantage aux prolétaires pour donner plus aux entreprises capitalistes dont les taux de profit sont insuffisants pour résister dans la guerre économique internationale. Sans se faire trop d’illusions sur Hollande, ses électeurs espéraient que les attaques anti-ouvrières et les mesures antisociales seraient moins dures que sous Sarkozy: c’est le contraire qui est vrai. Ce n’est pas nous qui le disons, ni même Libération, mais un mensuel spécialisé à destination des «managers»; dans un n° spécial sur le bilan social de Hollande, il écrivait sur ce dernier, «réformateur incompris»: «Jugé trop prudent, le socialiste est pourtant un des présidents qui s’attaquent le plus à notre modèle social» (1). Pour ce journal bourgeois, c’était bien sûr un compliment et non un reproche!

Le «modèle social» à qui il faut «s’attaquer», ce sont les mesures sociales et «avantages» divers que la bourgeoisie, essentiellement pour cimenter la paix sociale, avait concédé au cours des années de prospérité économique, et qu’elle trouve insupportables aujourd’hui; les «réformes» qu’il faut faire, ce sont en fait des contre-réformes pour «flexibiliser» la main d’oeuvre et abaisser son «coût», supprimer les «rigidités» du marché du travail, c’est-à-dire précariser les travailleurs, etc., en un mot pour accroître l’exploitation des prolétaires. Le gouvernement actuel s’est vaillamment attelé à cette tâche, même si certains capitalistes trouvent qu’il ne va pas assez vite et assez fort. On comprend que cela puisse susciter de la déception chez les braves électeurs qui avaient apporté leur suffrage à Hollande (y compris à l’appel de l’extrême-gauche) (2) en croyant qu’il ne ferait pas ce qu’il avait promis de faire...

 

Les «bonnets rouges» contre la lutte ouvrière

 

Si les «plans sociaux» (lire: licenciements) se multiplient, et pas seulement dans les grandes entreprises qui font la une de l’actualité, si des «accords de compétitivité» entraînant des baisses de salaire sont de plus en plus nombreux, si donc les prolétaires sont frappés en premier par la crise économique et les attaques capitalistes qu’elle suscite, ils ne sont pas les seuls. Les petits-bourgeois, les petits patrons sont eux aussi touchés et ils réagissent devant les risques courus par leurs entreprises, en règle générale plus fragiles que les grandes sociétés. C’est le sens de l’agitation des «bonnets rouges» contre l’ «écotaxe» qui a enflammé la Bretagne cet automne et qui s’est prolongée ensuite par des mouvements de transporteurs et de céréaliers en mal de subventions. En l’absence de mouvement de lutte prolétarienne, la mobilisation des petits patrons qui a culminé dans la grande manifestation de Quimper, a pu entraîner à sa remorque, à l’appel entre autres de FO, de nombreux prolétaires, comme les travailleurs en lutte de Gad contre leurs licenciements et d’autres entreprises. Au nom de la défense de l’économie régionale, les travailleurs ont été mobilisés pour des objectifs qui n’étaient pas les leurs; les transporteurs ont obtenu la levée de l’écotaxe et les patrons en général un plan pour la Bretagne: eux continueront à être exploités et licenciés...

Les syndicats CGT, FSU, SUD et les partis réunis dans le Front de Gauche se glorifient d’avoir appelé les travailleurs à ne pas participer à la manifestation du patronat contre l’écotaxe à Quimper et d’avoir organisé le même jour une manifestation concurrente à Carhaix. Mais en réalité ces partis et syndicats collaborationnistes sont complètement étrangers aux positions de classe. C’est ce que démontrent les déclarations du PCF de Morlaix le 14/7: «Il y a chez les ouvriers la discipline, le sens du travail et du collectif, les compétences nécessaires pour gérer un abattoir qui représente un atout économique indispensable pour la région, justifiant un soutien public», ou les appels de ces partis et syndicats pour la défense de «l’économie», de l’industrie et de la filière agroalimentaire bretonne...

Le NPA n’a pas craint d’appeler à la manifestation de Quimper, à la suite de toute une série d’organisations petites bourgeoises dans lesquelles il est implanté comme ATTAC; il y voyait un premier pas vers «un front unitaire des exploités, des opprimés» car «les salariés sont solidaires des travailleurs de la terre comme des artisans» (3). Les «anticapitalistes» passent ainsi du front unique ouvrier au front interclassiste... Il ne fait pas de doute que les prolétaires ne peuvent se désintéresser du sort des couches petites-bourgeoises ruinées par le capitalisme; mais ils doivent d’abord et avant tout défendre leurs propres intérêts de classe et pas ceux d’autres classes plus ou moins exploiteuses! La «solidarité» invoquée par le NPA signifie dans la réalité se mettre à la remorque des petits (et pas si petits) patrons.

Lutte Ouvrière a par contre refusé de s’associer à la manifestation des Bonnets Rouges; elle a justement rappelé que le patronat local, qui faisait partie des organisateurs, n’était pas du côté des prolétaires: «les travailleurs de Bretagne, ceux de l’agroalimentaire mais aussi ceux de PSA à Rennes, d’Alcatel et d’autres entreprises, ont comme adversaires ceux que l’on présente aujourd’hui comme leurs alliés» (4).

Mais ces déclarations auraient été plus convaincantes si elle n’avait pas auparavant publiquement soutenu la mobilisation patronale contre l’écotaxe, avec l’argument que celle-ci allait obliger les petits patrons à «réduire leur marge, c’est-à-dire leur salaire» (5)!!! Assimiler le bénéfice des entreprises dont la source est le travail non-payé des ouvriers – ce qu’on appelle l’exploitation capitaliste, au salaire de ces ouvriers, il faut s’appeler LO pour oser le faire!

Mais ce tour de passe-passe est nécessaire pour envisager une alliance interclassiste entre prolétaires et petits patrons, comme ce qui s’est concrétisé à Quimper et qu’a vertueusement critiqué LO...

 

Comment empêcher que le mécontentement social débouche sur la lutte prolétarienne?

 

C’est là le souci constant, non seulement du gouvernement, mais des appareils syndicaux collaborationnistes qui le soutiennent tout en faisant mine de le critiquer. Jusqu’à présent ils n’ont pas eu besoin d’organiser un simulacre de lutte comme lors du mouvement sur les retraites; ils estiment que des appels ponctuels à de rituelles journées d’inaction suffisent à dissiper la pression. C’était encore le cas de la journée du 30 novembre contre le racisme organisée par des associations proches du PS avec les syndicats CGT, la CFDT, la FSU, la CFTC et l’UNSA. Les soutiens du gouvernement ont utilisé une des rares cartes qui fonctionne encore, celle de la dénonciation de l’extrême droite. La cause de cette journée de manifestations était en effet la dénonciation des insultes racistes proférées contre la ministre Taubira. Il n’était bien sûr pas question pour les organisateurs de dénoncer les expulsions de sans-papiers et de Roms! La déclaration publiée le 25/11 par l’intersyndicale à l’occasion de cette manifestation était placée sous le signe de la défense de la cohésion sociale, du dialogue social et de la démocratie: «l’ampleur des drames sociaux conduit à la désespérance et menace la cohésion sociale, la capacité à vivre ensemble et in fine la démocratie», s’alarmaient nos syndicalistes, qui poursuivaient: «L’expression légitime des intérêts particuliers ne peut sans danger laisser se développer les corporatismes en ignorant l’intérêt général».

C’est pourquoi ils appelaient les «responsables économiques et politiques, le patronat et le gouvernement» à un «sursaut d’engagement» pour «dépasser les discours et les pratiques qui dressent les uns contre les autres au détriment du “vivre ensemble”» (6) Amen! Pour ces authentiques grenouilles de bénitier, la lutte de classe ne peut être que du «corporatisme»...

La carte du Front de Gauche est celle de la récupération des déçus du gouvernement. Surfant sur le thème à la mode du «raz-le-bol fiscal», il l’a utilisée en organisant le premier décembre une manifestation, non pour des hausses de salaire ou d’autres revendications spécifiquement prolétariennes, mais contre la future hausse de la TVA: cela permettait de ratisser plus large mais surtout, encore une fois, d’engluer le mécontentement ouvrier dans l’interclassisme. Si la TVA est un impôt «injuste» parce que touchant proportionnellement davantage les petits revenus, elle touche aussi les classes moyennes (dans l’opposition le PS condamnait sa hausse parce qu’elle toucherait surtout «les couches populaires et moyennes»!), et de nombreuses corporations, dans le bâtiment, la restauration, etc., ont déjà manifesté leur opposition à son augmentation. Comme on pouvait s’y attendre le FdG a reçu le renfort dues éternels suivistes du réformisme que sont le NPA et Lutte Ouvrière...

 

Pour la lutte indépendante de classe!

 

Nous voyons ainsi que ces différentes forces, chacune à leur façon et à leur place, s’efforcent d’orienter les inévitables réactions prolétariennes vers de stérilisantes impasses interclassistes. Pour résister aux attaques bourgeoises, qu’elles soient l’oeuvre des patrons ou du gouvernement à leur service, les prolétaires n’ont pas d’autre solution que la lutte ouverte, indépendante, sans se soucier de «l’intérêt général», de la bonne santé de l’économie, régionale ou nationale, ou de l’entreprise: tous ces intérêts sont des intérêts bourgeois qu’il leur faut au contraire combattre sans hésiter. Cela implique par conséquent la rupture sans appel avec tous ceux qui préconisent d’une façon ou d’une autre l’interclassisme, et le retour aux moyens, aux méthodes, aux objectifs et à l’organisation de classe, syndicale et politique. En commençant par la lutte de défense immédiate et partielle, jusqu’au niveau plus élevé de la lutte révolutionnaire contre le capitalisme. Cela ne pourra se faire du jour au lendemain, mais plus tôt les prolétaires conscients auront la force de suivre cette voie, et plus tôt le prolétariat pourra se libérer de l’étreinte paralysante du collaborationnisme politique et syndical.

Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes, ils ont un monde à gagner!

 


 

(1) cf Liaisons sociales n°142, mai 2013.

(2) Il est vrai que Lutte Ouvrière se gargarise aujourd’hui de ne pas avoir appelé, pour une fois, à voter pour le candidat socialiste. Elle s’était courageusement contentée de ne donner aucune consigne de vote.

(3) Communiqué du NPA du 2/11.

(4) Lutte Ouvrière n°2363 (15/11/13)

(5) Lutte Ouvrière n°2362 (8/11/13). La campagne contre l’écotaxe s’est poursuivie sur plusieurs n° de ce journal.

(6) cf http://www.cgt.fr/Intersyndicale-du-25-novembre.html

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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