A propos  des élections européennes

Contre l’énième mystification démocratique, pour la reprise de la lutte de classe révolutionnaire !

(«le prolétaire»; N° 511; Avril- Juin 2014)

Retour sommaires

 

 

Les élections européennes à peine terminées, les dirigeants des Etats bourgeois d’Europe et d’Amérique se sont retrouvés pour célébrer une nouvelle fois un épisode de la dernière guerre mondiale (le débarquement en France). Les idéologues bourgeois, de droite ou de gauche, ont encore entonné des hymnes à la paix qui aurait été permise par la victoire contre la «barbarie nazie». Mais en réalité l’ère nouvelle qui se serait ouverte en 1945, a été tout aussi peu pacifique, tout aussi violente et brutale que la précédente.

 

Au long de ses nombreuses décennies de domination démocratique sur toute la société, le capitalisme n’a résolu aucune de ses contradictions: la croissance économique, le progrès industriel, le développement de la civilisation bourgeoise n’ont pas empêché que le capitalisme et la société édifiée sur ses bases se heurtent à des crises de surproduction de plus en plus graves et profondes; à chaque fois celles-ci provoquent la mort, la misère et la marginalisation de masses toujours plus nombreuses de prolétaires et de paysans.

Les pays les plus développés de l’Europe – berceau de la civilisation bourgeoise – précisément parce qu’il est impossible de résoudre pacifiquement les crises du système économique et politique capitaliste, n’ont pu empêcher l’éclatement de deux guerres mondiales, plus destructrices l’une que l’autre. Après chaque guerre qui détruisaient des quantités énormes de marchandises, de capitaux, de forces productives y compris d’êtres humains par dizaines de millions, les pays capitalistes ont recommencé à produire avec exubérance de nouvelles masses énormes de marchandises et de capitaux. De nouvellesA crises économiques avec toutes leurs conséquences désastreuses sur les populations prolétariennes, en étaient et en sont le résultat inévitable, jusqu’à ce que ces crises de surproduction débouchent sur une nouvelle guerre mondiale.

La paix, le progrès, le bien-être social sont promis à chaque élection par les partis de droite comme de gauche; ils sont invoqués par toutes les religions, ils sont inscrits sur le drapeau de forces disant vouloir défendre les intérêts des travailleurs en se présentant comme des réformistes soucieux d’atténuer les contradictions les plus aiguës de la société actuelle.

Mais de quelle pais, de quel progrès, de quel bien-être social parlent-ils?

 

La paix?

 

Les capitalistes aiment la paix, mais à condition que ce soit la paix sociale; c’est-à-dire à condition que les prolétaires ne troublent pas par leurs luttes la bonne marche des affaires, du commerce, en un mot la production de profit. Mais la concurrence qui caractérise le capitalisme remet continuellement en question le développement pacifique des affaires, et donc la paix entre bourgeois. Les incessantes guerres commerciales et financières se transforment tôt ou tard en guerres tout court. C’est la raison pour laquelle dans les périodes de paix, les classes dominantes de tous les pays entretiennent des forces armées, sans cesse modernisées et rééquipées: elles savent que la défense de leurs intérêts nationaux – les fameux «intérêts supérieurs» de la patrie et de l’économie nationale – passent, à un certain niveau de contraste entre nations et entre impérialismes, par un affrontement armé. Depuis la fin de la dernière guerre mondiale il ne s’est pas passé une année sans que les classes dominantes d’Europe ou d’Amérique ne soient engagées dans des guerres locales, régionales ou continentales. De source militaire, la plus grande partie des guerres qui ont éclaté depuis 1945 auraient été des conflits «internes» aux pays en question ou aux régions dont font partie ces pays; mais il y a toujours eu une intervention directe ou indirecte des pays impérialistes, à commencer par l’impérialisme français. On estime que les victimes civiles sont passées de 60% du total des morts lors de la deuxième boucherie mondiale à 90% dans les années quatre-vingt dix du siècle dernier. Selon un institut de sciences politiques allemand (1), il y aurait ainsi eu 1255 conflits de 1950 à 1998. Vingt millions de morts et 60 millions de blessés (selon les chiffres de ce même institut), voilà ce qu’a signifié la paix promise par les Démocraties occidentales et le faux socialisme de marque stalinienne après leur victoire sur le nazisme. Sans doute il s’agissait de conflits «locaux», «internes» et non mondiaux; mais si l’on considère leur nombre et leur répartition sur toute la planète – aucun continent n’y a échappé – leur caractère international saute aux yeux, qu’il s’agisse de guerres menées par les vieilles puissances coloniales pour tenter de maintenir leur domination comme en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient ou Amérique Latine, ou d’interventions impérialistes pour soumettre à leur contrôle des pays comme en Europe, etc.

La paix capitaliste ne peut que préparer la guerre capitaliste pour se repartager le monde. Et en raison précisément de leur développement capitaliste les pays européens sont inévitablement engagés dans tout conflit, qu’il naisse en Europe ou ailleurs dans le monde, les réseaux d’intérêts capitalistes, depuis plus d’un siècle et demi, couvrant le monde entier.

Sous le capitalisme, il n’y aura jamais de paix, en Europe ou hors d’Europe!

 

Le progrès?

 

Depuis toujours les capitalistes se vantent d’être les acteurs du progrès économiste et scientifique et donc du progrès social, politique et culturel de tous les pays. Selon l’idéologie bourgeoise, le degré le plus élevé de civilisation est celui atteint sur la base de la grande industrie du commerce toujours plus intense et étendu, de la puissance économique découlant de la quantité toujours plus grande de marchandises produites et vendues; cette civilisation devrait être défendue par tous les moyens pour que chaque pays, chaque entreprise, chaque capitaliste ait la «liberté» de se développer au maximum de ses potentialités individuelles, faisant ainsi valoir ses atouts dans la concurrence sur les marchés.

Les innovations et les révolutions scientifiques dans la production, la distribution, la communication seraient la preuve du progrès social: les entreprises qui les adoptent ont une rame supplémentaire pour combattre la concurrence car ils se placent ainsi à l’avant-garde du progrès par rapport à leurs concurrents. Le progrès économique est le fils de l’innovation continuelle dans les processus de production et de distribution; mais l’objectif de ces innovations est de combattre la concurrence; ce progrès concerne essentiellement certains secteurs de l’économie, ceux où l’investissement est le plus rentable. Autrefois révolutionnaire, le progrès économique n’est plus synonyme de progrès social, mais seulement de bénéfices croissants pour les capitalistes et de misère croissantes pour les masses prolétariennes, mais aussi paysannes;

La production capitaliste requiert l’usage tant du capital que de la force de travail salariée; or celle-ci étant exploitée au bénéfice exclusif du capital, le progrès économique de ce dernier ne constitue que de manière marginale un progrès pour les travailleurs. Ce n’est que pour éviter que les luttes ouvrières ne se transforment en lutte de classe que le capital et ceux qui l’incarnent ou le représentent – capitaliste individuel, associations de capitalistes, Etat ou institutions publiques locales – concèdent aux travailleurs des améliorations de leurs conditions de vie et de travail. Mais ces conditions peuvent se détériorer à tout moment selon les périodes de crise et les capacités de résistance des travailleurs. C’est ce que démontrent les licenciements, les fermetures d’usine, les baisses de salaire, la réduction continue des protections sociales, l’augmentation générale de l’incertitude et de la précarité du travail et de la vie, qui sont le lot des prolétaires. Sous le capitalisme, le progrès économique, quand il n’est pas interrompu par les crises, est assuré pour le capital; il ne l’est jamais pour le prolétariat. L’antagonisme entre travail salarié et capital ne cesse jamais, même quand, comme dans la période actuelle, il ne se manifeste pas de la part du prolétariat sous la forme de la lutte de classe!

Mais le progrès bourgeois s’identifie aussi avec le système politique qui répond aux principes de la démocratie; selon ces derniers chaque individu aurait le pouvoir d’influer sur les décisions qui regardent le pays auquel il appartient, ou même un groupe de pays comme dans le cas des élections européennes; en conséquence l’activité économique pourrait être orientée en direction du progrès social général. Dans les faits, les classes dominantes de chaque pays font dépendre le progrès social de la croissance économique qui n’est autre que la croissance des profits capitalistes.

En qui consiste cette croissance économique?

Dans la capacité de vaincre la concurrence sur les marchés inférieurs des pays comme sur les marchés internationaux, c’est-à-dire dans la capacité à accroître la productivité du travail (baisse des coûts de production par unité de produit), autrement dit de baisser le coût du travail, ce qui signifie baisse du salaire réel. On le constate aujourd’hui dans tous les pays avec les réductions de salaire, l’augmentation du chômage, la hausse du coût de la vie (il suffit de penser au logement, aux transports, aux biens de première nécessité). Dans le rapport entre capital et travail salarié, qui est le rapport fondamental dans la société capitaliste, la démocratie n’intervient pas, sinon pour faire croire aux prolétaires qu’en exprimant leur opinion par le vote, ils pourraient un jour ou l’autre obliger les représentants du capitalisme à tempérer leur voracité et à leur concéder quelques améliorations de leurs conditions de vie et de travail.

Par rapport à l’autocratie, au féodalisme, aux monarchies, au despotisme asiatique, etc., la démocratie bourgeoise a historiquement constitué un progrès. Pendant la période révolutionnaire, elle a suscité l’engagement des masses paysannes et prolétariennes dans les mouvements nécessaires au renversement de l’ancien régime. Après le despotisme du vieil ordre social, la démocratie qui s’est développée en même temps que le capitalisme, a permis aux masses de s’organiser pour la défense de leurs intérêts, leur faisant faire ainsi un apprentissage politique absolument impossible autrefois. C’était indispensable pour la bourgeoisie qui ne pouvait renverser les anciens régimes sans l’action déterminée et violente des masses. Mais après cette période révolutionnaire et la période de transformation réformiste qui a suivi, la démocratie bourgeoise a démontré son incapacité à servir à la défense des intérêts prolétariens et son rôle extrêmement précieux au service de la conservation sociale. Avec la croissance du capitalisme, la démocratie a eu au cours du temps de plus en plus de difficulté à masquer le véritable visage de la dictature de classe de la bourgeoisie.

Dès le départ la démocratie est basée sur le principe complètement faux selon lequel tous les individus étant égaux en droit, ils jouiraient tous de la même parcelle de souveraineté; quelle que soit sa position sociale, l’opinion de chaque individu, le bulletin de vote de chaque électeur, aurait le même poids. Dans la réalité, la société est divisée en classes sociales aux intérêts différents et opposés; il existe une classe dominante – la bourgeoisie – qui dispose d’un monopole sur les richesses sociales et qui jouit en conséquence d’un monopole sur le pouvoir politique et militaire; et une classe exploitée – le prolétariat – qui ne possède rien d’autre que sa force de travail. Ce que veulent, ambitionnent et pensent les membres de la classe dominante, ne peut avoir le même poids que ce que veulent, ambitionnent et pensent les membres de la classe dominée. La démocratie bourgeoise est donc une tromperie formidable dont caractère fallacieux est d’autant plus évident dans les périodes de crise où la situation de domination du prolétariat devient plus pesante!

La soumission matérielle des prolétaires au système économique capitaliste dont dépend leur survie, est la base objective de leur soumission à l’idéologie bourgeoise. Le capitaliste tient entre les mains le destin des travailleurs de son entreprise parce que c’est du système capitaliste en général que dépendent la vie et la mort des masses prolétariennes: le capital donne ou non le salaire qui fait vivre les prolétaires, il a donc droit de vie ou de mort sur eux. En absence d’une forte lutte de résistance prolétarienne, organisée sur des bases de classe, les capitalistes poussés par leur insatiable soif de profit, imposent des conditions de travail toujours plus inhumaines; en témoignent l’augmentation des accidents du travail, des maladies professionnelles ou les travailleurs migrants qui meurent en traversant déserts montagnes et mers à la recherche d’un travail! Il ne se passe pas un jour qu’en Europe ou ailleurs il n’y ait des victimes du travail salarié: dans les mines ou les usines textiles, sur les chantiers ou dans les transports, sans parler de la mort lente causée par la pollution dans les grandes métropoles, le stress et la fatigue due à une charge excessive de travail, etc. Les prolétaires vont au travail comme ils vont à la guerre!

La démocratie bourgeoise, avec ses hymnes à la «souveraineté populaire» et ses appels à la participation des prolétaires aux consultations électorales pour élire ses gardes-chiourmes, est une duperie dont le but essentiel est de camoufler la division de la société capitaliste en classes antagonistes, et la réalité de la dictature de la bourgeoisie. La mystification de l’égalité de tous les citoyens sert à dévier les poussées prolétariennes dans les méandres d’institutions qui dans les faits ne font passer que des lois répondant aux intérêts bourgeois, et de mécanismes électoraux qui ne servent qu’à gaspiller des énergies qui pourraient se consacrer à la défense réelle des intérêts de classe. Avec la démocratie que les bourgeois européens se vantent d’avoir inventée et exportée dans le monde entier, le prolétariat n’a fait aucun pas vers son émancipation de l’esclavage salarié; en embrassant non seulement le principe démocratique, mais aussi ses méthodes et ses mécanismes, le prolétariat ne fait que renforcer son asservissement au pouvoir bourgeois.

Toute force, politique ou syndicale, qui préconise aux prolétaires l’utilisation de la démocratie bourgeoise pour défendre ses intérêts, immédiats ou généraux, est une force ennemie, une force de conservation sociale qui oeuvre au maintien du système capitaliste de l’esclavage salarié.

 

Le bien-être social?

 

Il n’y a pas de doute que le niveau de vie, y compris du prolétariat, est plus élevé dans les divers pays capitalistes avancés que dans beaucoup de pays retardataires, ou comme on dit aujourd’hui, «en voie de développement». Ce n’est pas par hasard si l’Europe, surtout du nord, et l’Amérique du nord sont l’objectif de millions de migrants venus de pays qui ont connu la forme la plus bestiale de la fameuse civilisation bourgeoise – le colonialisme européen – et la domination impérialiste qui a suivi; si, à travers les luttes de «libération nationale», ces pays se sont libérés de la domination militaire directe qu’ils subissaient, ils ne pouvaient se libérer de la domination économique et financière des centres impérialistes. Le niveau de vie plus élevé des prolétaires des pays européens n’est pas dû seulement aux luttes qu’ils ont menées dans le passé; il est aussi en partie dû à la gigantesque exploitation des prolétaires des pays «dépendants» par l’impérialisme comme par les bourgeoisies autochtones. La condition des prolétaires des grands pays capitalistes est sans doute de plus en plus dure et précaire; elle n’est cependant pas comparable à celle des prolétaires du Bangladesh, d’Egypte, d’Afrique du Sud, de Bolivie ou de Chine. Cette différence, qui ne constitue pas un bien-être assuré et durable, comme le démontrent les crises, tend à s’amenuiser et toujours plus nombreux sont les prolétaires des pays riches qui sont plongées dans une situation comparable à celle des pays pauvres.

La tendance historique du capitalisme est de prolétariser des masses toujours plus nombreuses, expropriant des territoires toujours plus vastes en jetant dans la misère et la faim des populations entières; celles-ci constituent de fait une gigantesque armée industrielle de réserve mondiale, à exploiter soit dans les pays d’origine, soit, par l’émigration, dans les pays plus développés où elle est utilisée aussi pour faire pression sur les conditions des prolétaires autochtones, les dégradant peu à peu. Le «bien-être social pour tous» promis par la démocratie et le réformisme se traduit en fait par une «détérioration sociale généralisée»!

La tendance historique du mouvement ouvrier est de résister à la féroce pression patronale en s’organisant pour défendre par la lutte ses intérêts immédiats, et en donnant vie à un mouvement social, donc politique, pour éliminer l’exploitation capitaliste de la face de la terre. L’Europe où est né le capitalisme a connu en même temps la lutte des prolétaires contre la violence économique du capitalisme et la violence sociales des classes bourgeoises et de leurs Etats, y compris les plus démocratiques, ouvrant avec leurs premières grèves et leurs premières associations économiques de défense classiste, la voie qui conduira à leur émancipation. Le prolétariat se constitue en classe donc en parti, affirme le Manifeste du Parti Communiste de Marx et Engels; toute lutte de classe est une lutte politique: la voie est historiquement tracée par le capitalisme lui-même qui en se développant, crée et développe sous tous les cieux le prolétariat, seule source de profit par l’exploitation de son travail; et pour cette raison même, la classe exploitée, le prolétariat, a potentiellement la force historique de mettre définitivement fin au mode de production capitaliste et à la société fondée sur celui-ci.

Les prolétaires resteront les victimes désignées au sacrifice sur les autels du dieu Capital, tant qu’ils ne rejetteront pas les diktats bourgeois, tant qu’ils ne réussiront pas à utiliser leur force sociale, organisée et unie, dans un affrontement ouvert entre les classes en surmontant les divisions et la concurrence fomentées par les bourgeois et toutes les forces de la conservation sociales.

Le «bien-être social» que les bourgeois démocrates et toutes les forces de l’opportunisme politique et syndical n’a rien à voir avec la satisfaction des besoins du prolétariat ni de l’espèce humaine en général, en harmonie dans un rapport harmonieux avec la nature; il dépend uniquement et toujours du taux de profit qui, s’il est suffisamment élevé, permet aux capitalistes d’en accorder quelques miettes pour maintenir la paix sociale et calmer les prolétaires dont ils craignent encore les tendances à se révolter violemment. C’est d’ailleurs dans le même but que la bourgeoisie organise depuis toujours des structures et des organisations charitables pour éviter d’avoir à ramasser les morts de faim et de maladie dans les rues...

Le «bien-être social» que les bourgeois concèdent à une couche réduite de prolétaires pour acheter leur soutien contre la masse a pour contrepartie la misère, la précarité et la faim pour des millions d’autres. En plus de tout son pouvoir économique et politique, en plus de la concurrence généralisée entre les prolétaires, la bourgeoisie compte en effet sur un autre puissant facteur de conservation sociale: l’opportunisme, le collaborationnisme; forces provenant de la petite-bourgeoisie et des couches supérieures du prolétariat corrompues par des privilèges de caste typiques de l’aristocratie ouvrière et organisées de façon capillaire dans les stratifications ouvrières, et qui jouissent d’une influence réelle sur les masses prolétariennes, surtout parce qu’elles ont reçu de la classe dominante la patente de «représentants des travailleurs». Elles n’ont comme objectif que la défense de l’ordre établi parce c’est de celui-ci qu’elles tiennent la situation et les avantages qui les mettent au dessus de la masse.

La démocratie et l’opportunisme sont liés à la même tromperie bourgeoise. Les prolétaires n’ont jamais obtenu et n’obtiendront jamais leur émancipation de l’esclavage salarié par la démocratie et ses institutions électives; en suivant l’opportunisme ils n’obtiendront jamais un véritable bien-être durable pour tous. D’abord parce que le capitalisme ne pourra jamais permettre sa réalisation car il fonde son pouvoir sur la division et la concurrence entre prolétaires; ensuite parce que l’opportunisme, malgré ses déclarations, se nourrit précisément de cette concurrence et de cette division. La seule unité que reconnaît la démocratie est l’unité «patriotique», c’est-à-dire l’unité de toutes les classes sociales pour la défense des intérêts généraux du capitalisme national quand ceux-ci sont mis en danger par les capitalismes nationaux concurrents. L’unité que recherche l’opportunisme est exactement la même: l’unité interclassiste pour la défense de l’économie nationale, ou régionale, ou de l’entreprise face à ses concurrents, demain l’«union sacrée» pour défendre la «patrie» contre d’autres Etats. Au niveau politique parlementaire comme au niveau syndical les grandes organisations de l’opportunisme réformiste se sont transformées avec le temps en forces ouvertement collaborationnistes, jetant aux orties les vieilles références au socialisme, à la révolution, à l’émancipation révolutionnaire qui après tant de décennies ne servaient plus à tromper les prolétaires.

Mais les contradictions de la société bourgeoise ne disparaissent jamais; elles produisent inévitablement des tensions, des luttes, des explosions qui impliquent des secteurs plus ou moins larges du prolétariat; de ces luttes peuvent renaître des poussées classistes et des tendances à renouer avec les traditions classistes du passé dans lesquelles peut s’insérer la théorie jamais disparue du communisme révolutionnaire, véritable force historique du mouvement réel du prolétariat que jamais aucune propagande, aucune manoeuvre, aucun pouvoir de la bourgeoisie ne pourront vaincre définitivement.

 

*      *      *

 

Les prolétaires ont été appelés à nouveau aux élections pour renouveler le parlement européen. Ils ont été appelés à faire confiance en une Europe que les organisations politiques plus liées à la direction des Etats bourgeois présentent comme un bouclier à l’abri duquel les populations des 28 pays membres seraient défendues au delà des intérêts particuliers d’Etats ou de couches sociales.

Mais il existe d’autres forces politiques et syndicales, tout aussi pénétrées d’idéologie bourgeoise, qui critiquent la gestion politique de l’Union Européenne, accusant «l’Europe» de ne pas faire assez pour soutenir la croissance économique de leur pays, de n’imposer que des politiques d’austérité économiquement désastreuses comme en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Italie ou en France. Elles lancent démagogiquement la menace de «sortir de l’Europe» ou de «sortir de l’euro», répandant l’illusion qu’un Etat puisse prendre des décisions en pleine indépendance et trouver une issue dans une nouvelle autarcie.

Mais de quelle indépendance parle-t-on? Il existe 244 Etats dans le monde, mais un nombre restreint de pays les plus industrialisés, (le fameux «G 20» qui représente 80% du PIB mondial les deux tiers du commerce et de la population de la planète, décident du sort des autres. Le réseau international des relations économiques, commerciales, ou financières s’est tellement développé avec la croissance du capitalisme qu’aucune économie nationale, même celle des Etats-Unis, ne peut vivre séparée du reste du monde. Telle est la réalité du stade impérialiste du capitalisme qui est la cause du développement ou du non développement des divers pays. La concurrence internationale engendre nécessairement des contrastes qui poussent les diverses bourgeoisies à passer des alliances pour être mieux à même de l’emporter ou tout simplement pour survivre en tant que classe dirigeante.

Il n’en est pas diversement à l’intérieur de l’Union Européenne (appelée souvent «Europe» en raison du nombre de pays qui en font partie) ne fait pas exception: l’«indépendance nationale» de chaque Etat membre dépend, comme toujours, de sa puissance économique. Les Etats les plus puissants pèsent inévitablement de tout leur poids sur les décisions de politique économique et sociale des autres. L’Allemagne, surtout après avoir digéré sa réunification, est le pays économiquement le plus fort; elle sert de catalyseur pour les pays plus faibles pour lesquels elle constitue non seulement une protection mais aussi un marché; cependant sa domination, qui se manifeste par l’imposition de mesures douloureuses à ces pays, est aussi un facteur de déstabilisation au sein de l’U. E. Aujourd’hui contenus dans les limites de polémiques verbales, ces heurts d’intérêts pourraient dans un futur peut-être pas si éloigné, se transformer en éventuels affrontements militaires.

Cependant le mythe de l’Europe Unie, d’une fédération d’Etats politiquement unis qui dépasserait le niveau des accords économiques et monétaires qui ont accompagné l’établissement du « marché commun» puis de la «monnaie commune», n’est pas mort. Et il semble s’appuyer sur des bases plus solides qu’au moment de la première ou de la deuxième guerre mondiales; les affrontements nationaux qui ont rythmé l’histoire européenne semblent avoir disparu depuis l’écroulement de l’URSS et la désintégration de la Yougoslavie ainsi qu’avec le passage à l’euro dans une grande partie de l’Europe, avec tout ce que cela implique de centralisation de la gestion monétaire par une Banque Centrale Européenne. Cependant ce mythe se heurte à la réalité du développement contradictoire du capitalisme; les bases historiques des capitalismes nationaux européens et de leur développement à travers des affrontements incessants ne peuvent pas être masquées par la propagande européiste. La formule du Manifeste du parti communiste reste toujours aussi valable aujourd’hui: «La bourgeoisie est toujours en lutte: au départ contre l’aristocratie, plus tard contre les fractions de la bourgeoisie elle-même dont les intérêts entraient en opposition aux progrès de l’industrie, et toujours contre les bourgeoisies de tous les pays étrangers» (2).

L’accoucheuse de l’histoire n’a jamais été la formalisation constitutionnelle des Etats, mais la violence économique, politique, militaire avec laquelle la bourgeoisie s’est imposée dans chaque pays et dans les rapports avec les autres pays. L’Europe des citoyens, des patries, des peuples, des travailleurs, etc., sont autant d’expressions strictement bourgeoises pour rehausser un objectif mythique – celui d’un Europe unie – qui ne pourra jamais être réalisée par des moyens démocratiques et pacifiques. L’union d’Etats bourgeois ne peut être réalisée que par la violence, par la guerre, pour briser les Etats vaincus et les «unir» à l’Etat vainqueur. La dernière tentative sérieuse d’union européenne a été celle de l’Allemagne hitlérienne et seule une autre guerre mondiale pourrait donner éventuellement la possibilité d’une unification capitaliste du continent; et au cas où celle-ci se réalisait, elle ne ferait que préparer un affrontement ultérieur avec les autres géants impérialistes pour la domination mondiale.

Il est impossible de savoir jusqu’à quel point devront encore se détériorer les conditions de vie et de travail du prolétariat pour que renaissent des poussées de lutte classiste. Mais il est sûr que l’aggravation des contradictions au sein de la société pousseront en toujours plus grand nombre les prolétaires européens à suivre l’exemple de leurs frères de classe étrangers; c’est de ces premiers pas, limités, partiels, mais de classe que les prolétaires devront recommencer à lutter en se reconnaissant comme membres d’une classe qui dispose d’une force gigantesque, à condition qu’elle retrouve les moyens et les méthodes classistes. Peu importe pour les prolétaires d’Europe de toutes nationalités, que leur patron soit pro-européen ou euro-sceptique, qu’il soit européen ou non. Ce qui doit leur importer c’est la reconquête de leur force de résistance à l’exploitation capitaliste, c’est la transformation cette résistance en une véritable lutte de classe contre le capitalisme.

Tourner le dos au bulletin de vote, refuser de participer aux élections, européennes ou autres, est une preuve de dégoût pour une opération qui n’a jamais donné ce qu’elle promettait, un premier signe encourageant de la perte d’influence du mécanisme de la démocratie bourgeoise.

 Mais à condition de ne pas se replier dans la misère de la vie individuelle, de ne pas se résigner à la concurrence vis-à-vis de ses frères de classe: les prolétaires devront réagir non sur la plan individuel mais social, non dans les urnes mais dans la lutte. Le prolétariat n’a rien à défendre de la société bourgeoise où il est exploité, il a un monde à gagner. Mais ce monde n’est pas celui que les partis de droite , de gauche ou d’«extrême-gauche lui font miroiter: l’Europe des citoyens, des peuples ou des travailleurs.

Ce monde, il naîtra de la révolution anticapitaliste, et si cette révolution éclate dans l’Europe super-capitaliste, ce ne pourra être que dans le cadre d’une vague internationale où le prolétariat guidé par son parti de classe, aura la force de renverser les classes dirigeantes au moins dans les principaux pays. Le résultat ne sera pas les Etats-Unis d’Europe, mais la République socialiste internationale dont le territoire ne correspondra pas à celui des Etats actuels, mais sera déterminé par les progrès de la révolution internationale et de la guerre révolutionnaire contre le capitalisme mondial.

 Pour atteindre ce résultat historique, anticipé par la théorie marxiste, il faudra que le prolétariat rompe toutes les chaînes qui l’attachent à l’ordre établi, quelles soient de nature sociale, politique ou idéologique; il faudra qu’il reconstitue ses associations de défense économique en brisant les liens avec lesquels le collaborationnisme politique et syndical l’emprisonnent; il lui faudra se lancer dans l’affrontement de classe ouvert. Sa perspective n’est pas de se noyer dans l’informe magma du peuple, mais au contraire de se libérer complètement de l’interclassisme pour pouvoir marcher vers la prise révolutionnaire du pouvoir, seul moyen pour révolutionner toute la société. C’est dans cette trajectoire de lutte classiste que le prolétariat pourra rencontrer son parti de classe, comme cela est déjà arrivé dans la période révolutionnaire précédente, signée par la victoire de 1917.

Le prolétariat a derrière lui une grande histoire, et il en a une plus grande encore devant lui. Les classes dominantes du monde entier ont tremblé parce qu’elles ont été confrontées à la menace de leur propre fin. Et avec elles ont tremblé toutes les forces de l’opportunisme quelle que soit leur apparence y compris prétendument «révolutionnaire»: de la social-démocratie à l’anarchisme, elles ont été identifiées combattues et vaincues. C’est grâce à cette formidable expérience historique, que le mouvement révolutionnaire, condensé ensuite dans le courant de la Gauche communiste, a pu survivre, même si c’est avec des forces microscopiques, au gigantesque tsunami contre-révolutionnaire, stalinien et post-stalinien, qui a voulu tout détruire et tout falsifier. La force de la théorie marxiste invariante a permis de comprendre les divers phénomènes de l’évolution du capitalisme et de prévoir son débouché dans la crise révolutionnaire future; elle a servi et sert de guide aux militants représentent l’embryon du futur parti de classe qui, demain, devra guider les masses prolétariennes du monde entier à l’assaut du ciel.

Qui vivra, verra!

 


 

(1) Arbeitsgemeinenschaft Kriegsuranchenforschung, Institute for Political Science of Hamburg

(2) Le Manifeste du Parti Communiste

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

Retour sommaires

Top