Les trotskystes algériens au miroir de l’élection présidentielle

(«le prolétaire»; N° 511; Avril- Juin 2014)

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Le 17 avril dernier Le président Bouteflika a été réélu pour un quatrième mandat avec 81,5% des suffrages; son principal «concurrent», l’ancien premier ministre Ali Benflis a obtenu 12% des voix. Parmi les autres candidats, on trouvait Louisa Hanoune, dirigeante du Parti des Travailleurs («trotskyste» lambertiste), créditée d’un score de 1,5% (1). Une particularité de cette élection, dont l’issue ne faisait pas de doute, est que Bouteflika, gravement malade et victime d’un AVC, est impotent; véritable momie vivante, il ne parle presque pas et ne peut se déplacer qu’avec les plus grandes difficultés. Peu importe qu’il n’ait plus les facultés requises même pour seulement inaugurer des chrysanthèmes, il a été reconduit comme «chef de l’Etat» avec un score brejnevien! On ne pourrait rêver meilleure démonstration que les élections sont une pure mascarade et que l’Etat, au delà du personnel politique qui à un moment donné est à sa tête, est le défenseur impersonnel de la domination de classe de la bourgeoisie et du mode de production capitaliste qui lui correspond; même quand elles n’atteignent pas un tel degré de farce, en régime bourgeois, pour reprendre la formule de Marx, les élections consistent à désigner une fois tous les 3 ou 6 ans quel membre de la classe dirigeante «représentera» et foulera aux pieds le peuple au parlement (2).

Les élections, et tout le mécanisme démocratique en général, sont un moyen très précieux de défense indirecte de l’ordre capitaliste; en légitimant le système politique bourgeois qui permettrait à tous, y compris aux opprimés et aux exploités non seulement de s’«exprimer», mais de décider de la politique étatique, elles constituent une antidote à la lutte prolétarienne révolutionnaire. La dénonciation de la mystification démocratique, la démonstration que son but est de masquer la réalité de l’antagonisme de classe et de la dictature bourgeoise, est une tâche constante des révolutionnaires marxistes qui doivent sans cesse rappeler aux prolétaires que c’est par la force et non par les bulletins de vote, que l’odieux régime capitaliste pourra être renversé.

Ou, comme disait Lénine: «La nécessité d’inculquer systématiquement aux masses cette idée – et précisément celle-là – de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et Engels» (3).

Examinons comment les partis qui, à tort ou à raison, sont réputés en Algérie être les héritiers du chef de l’Armée Rouge se sont comportés et se comportent dans la situation actuelle.

 

Les trotskystes algériens au miroir de l’élection présidentielle

 

Le 17 avril dernier Le président Bouteflika a été réélu pour un quatrième mandat avec 81,5% des suffrages; son principal «concurrent», l’ancien premier ministre Ali Benflis a obtenu 12% des voix. Parmi les autres candidats, on trouvait Louisa Hanoune, dirigeante du Parti des Travailleurs («trotskyste» lambertiste), créditée d’un score de 1,5% (1). Une particularité de cette élection, dont l’issue ne faisait pas de doute, est que Bouteflika, gravement malade et victime d’un AVC, est impotent; véritable momie vivante, il ne parle presque pas et ne peut se déplacer qu’avec les plus grandes difficultés. Peu importe qu’il n’ait plus les facultés requises même pour seulement inaugurer des chrysanthèmes, il a été reconduit comme «chef de l’Etat» avec un score brejnevien! On ne pourrait rêver meilleure démonstration que les élections sont une pure mascarade et que l’Etat, au delà du personnel politique qui à un moment donné est à sa tête, est le défenseur impersonnel de la domination de classe de la bourgeoisie et du mode de production capitaliste qui lui correspond; même quand elles n’atteignent pas un tel degré de farce, en régime bourgeois, pour reprendre la formule de Marx, les élections consistent à désigner une fois tous les 3 ou 6 ans quel membre de la classe dirigeante «représentera» et foulera aux pieds le peuple au parlement (2).

Les élections, et tout le mécanisme démocratique en général, sont un moyen très précieux de défense indirecte de l’ordre capitaliste; en légitimant le système politique bourgeois qui permettrait à tous, y compris aux opprimés et aux exploités non seulement de s’«exprimer», mais de décider de la politique étatique, elles constituent une antidote à la lutte prolétarienne révolutionnaire. La dénonciation de la mystification démocratique, la démonstration que son but est de masquer la réalité de l’antagonisme de classe et de la dictature bourgeoise, est une tâche constante des révolutionnaires marxistes qui doivent sans cesse rappeler aux prolétaires que c’est par la force et non par les bulletins de vote, que l’odieux régime capitaliste pourra être renversé.

Ou, comme disait Lénine: «La nécessité d’inculquer systématiquement aux masses cette idée – et précisément celle-là – de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et Engels» (3).

Examinons comment les partis qui, à tort ou à raison, sont réputés en Algérie être les héritiers du chef de l’Armée Rouge se sont comportés et se comportent dans la situation actuelle.

 

La servilité sans borne du PT envers l’Etat bourgeois

 

Nous avons vu que Louisa Hanoune, la dirigeante du Parti des Travailleurs (PT), avait participé aux élections présidentielles, contribuant de la sorte à donner un peu de crédibilité à cette farce. C’est une attitude constante pour le PT que d’aider ainsi les autorités quand elles sont confrontées à des appels au boycott des élections et en tout cas à une abstention massive.

 Mais ces derniers mois, le PT s’est inquiété des luttes de clans qui faisaient rage au sein des cercles politiques dirigeants à l’approche de l’échéance présidentielle. Ainsi début février, Louisa Hanoune n’a pas hésité à voler au secours du général «Toufik» (Mohamed Médiène), le patron du DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité, l’ancienne sinistre Sécurité Militaire tristement célèbre pour la brutalité de sa répression et ses exactions en tout genre contre les opposants)! Ce dernier avait été critiqué par le secrétaire général du FLN (le principal parti gouvernemental) Saadani pour son ingérence dans les affaires politiques. Saadani qui demandait publiquement la démission de Toufik à cause des échecs répétés de ces services, accusait surtout le DRS d’ «inventer des histoires [de corruption] sur le cercle proche du président» (4). Pour Louisa Hanoune, ces déclarations signifiaient qu’à cause de «certains partisans d’un quatrième mandat» [de Bouteflika] «notre pays traverse la plus grave crise politique de son histoire, une crise plus grave que celle de l’été 1962, car ce sont l’intégrité et la stabilité de l’Etat-nation qui sont cette fois visées» à cause des «risques d’intervention étrangère» qu’elle impliquerait (5)!

Après avoir ainsi le 7 février bruyamment pris le parti des adversaires d’une réélection de Bouteflika, Louisa Hanoune rencontrait le 13 février le chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la Défense, le général Gaïd Salah, réputé être «l’homme fort» du clan présidentiel. Selon un communiqué du PT, elle affirma lors de cette rencontre «la nécessité de préserver l’unité de l’institution militaire et sa cohésion face à toute tentative de division susceptible d’attenter à la stabilité du pays et d’ouvrir la voie à une ingérence étrangère» et déclara que l’armée algérienne méritait «à juste titre la reconnaissance internationale que lui a valu son expérience avérée en matière de lutte anti-terroriste qui constitue une fierté pour le peuple algérien» (6)!!! Nul doute après cela, que le général et la trotskyste (pauvre Trotsky!) se soient séparés les meilleurs amis du monde...

Selon le marxisme, l’armée est le pilier de l’Etat bourgeois. L’Internationale Communiste de Lénine et Trotsky prescrivaient donc aux partis communistes une action antimilitariste (sur des bases de classe et non pacifistes): «Le prolétariat repousse en principe et combat de la manière la plus énergique toutes les institutions militaires de l’Etat bourgeois et de la classe bourgeoise en général. (...) Le maximum d’attention et d’énergie est constamment nécessaire dans l’agitation contre les troupes spéciales que la bourgeoisie arme pour la guerre des classes» (7). Mais les prolétaires algériens n’ont pas besoin d’avoir lu les Thèses constitutives de l’Internationale Communiste pour savoir de quel côté de la tranchée de classe se situent les militaires: ils l’ont appris dans leur sang, ne serait-ce que lors de la répression sauvage des émeutes de 1988 qui fit des centaines de morts. En se ralliant publiquement à la défense de «l’unité de l’institution militaire» et de la «stabilité du pays» et en soutenant la DRS, le PT ne pouvait démontrer de manière plus éclatante son alignement sur l’ordre bourgeois; mais sa servilité envers les autorités s’est manifestée encore après les élections.

Dans une conférence de presse tenue après la proclamation des résultats électoraux, Louisa Hanoune s’est félicitée... de la réélection de Bouteflika: «C’est un mandat franc, clair, de dimension nationale, qu’il a obtenu (...). Il n’y a pas eu de fraude massive (...). Le choix du peuple de donner mandat à M. Abdelaziz Bouteflika, a été édicté par la volonté d’éviter au pays de basculer vers l’inconnu et le chaos» (8). Quelques semaines plus tard, lors du premier mai, alors qu’un petit groupe de militants était dispersé à Alger par la police pour avoir appelé à un rassemblement indépendant, elle participait tranquillement aux cérémonies officielles, déposant une gerbe de fleurs entre le ministre du travail et le secrétaire général de l’ancien syndicat officiel, l’UGTA dont le rôle de briseur de grèves est connu de tous.

Début juin, des députés du PT s’attaquaient aux syndicats autonomes qui se sont constitués en réaction au collaborationnisme de l’UGTA, en les accusant de porter tort à celui-ci: «en vérité, ce sont des outils entre des mains étrangères qui veulent faire payer à l’Algérie sa position souveraine vis-à-vis du printemps arabe qui a secoué certains pays du Maghreb et du Moyen-Orient». Et ils demandaient au gouvernement de les remettre dans le droit chemin (9). Il faut savoir que le PT est en effet hostile aux révoltes qu’ont connu maints Etats arabes. Lors d’une conférence de presse commune en novembre dernier, le PT et le FLN avaient ainsi affirmé que les «révolutions du printemps arabe ne sont qu’un chaos programmé avec le soutien de parties étrangères». Selon Hanoune, il s’agit d’un «chaos qui cible les républiques par un mouvement organisé par des organisations étrangères non gouvernementales ciblant l’intégrité et la stabilité des pays» (10)! Exactement les arguments d’un Moubarak ou d’un Ben Ali...

Entre-temps à la mi-mai, le PT avait décidé de participer aux consultations décidées par le gouvernement sur une révision de la Constitution (que tous les partis d’opposition ont rejetées comme étant une simple diversion) au nom des «aspirations du peuple algérien à une véritable démocratie» (11).

Nouvelle démonstration que lorsque les politiciens, de droite ou de gauche, parlent de démocratie et d’aspirations du «peuple», ils ne songent qu’au maintien de l’ordre et à la stabilité sociale.

 

Le PST: démocratisme jusqu’a la moelle

 

Par rapport à la défense fanatique de la nation et de l’ordre des «trotskystes» du PT et à leur répugnante servilité vis-à-vis du pouvoir, il n’est pas difficile au Parti Socialiste des Travailleurs (PST, organisation sympathisante de la IVe Internationale SU) de paraître plus à gauche. Le PST a dénoncé dans un communiqué du 11 avril la «mascarade électorale» et il a appelé à une «abstention massive» (12). Il a critiqué le PT en écrivant que «Louisa Hanoune a abandonné son identité ouvrière» et que le programme électoral de son parti «ne s’adresse pas aux travailleurs, aux chômeurs, aux jeunes et aux femmes et à ceux d’en bas. Il s’apparente à une offre de service au pouvoir en place et au patronat pour réformer le système et sauver le régime libéral» (13).

Mais en y regardant de plus près, les choses se gâtent. Il faut d’abord constater que le PST n’a annoncé sa position définitive sur la présidentielle que quelques jours à peine avant le scrutin, certains militants en vue du parti étant partisans de la participation à cette «mascarade»... D’autre part, dans une interview de février dernier, Mahmoud Rachedi, le Secrétaire Général du PST, déclarait qu’il attendait encore la réponse du PT à son projet de mettre sur pied un «Rassemblement de Gauche» qui aurait pu «présenter un seul candidat contre le libéralisme économique et contre la soumission étrangère», le PT étant selon ses propres dires «le plus proche de notre vision politique» (14).

 Il n’avait donc pas encore perdu son identité ouvrière? Louisa Hanoune venait pourtant de faire ses déclarations en faveur de l’armée; mais Rachedi, tout en rappelant que selon le PST «elle s’est piégée par ses positions opportunistes vis-à-vis de Bouteflika», se contentait de déclarer dans l’interview au sujet de la rencontre de celle-ci avec le ministre de la défense: «Notre parti est pour la liberté, donc la liberté de rencontrer qui on veut [!]. (...) nous aurions juste aimé que la présidente du PT qui a la possibilité de rencontrer Bouteflika ou Gaïd Salah, parle davantage à la rencontre des travailleurs, des chômeurs ou des grévistes par exemple»!

Quel est le plus opportuniste des deux, celle qui demande audience au chef d’état-major de l’armée pour lui parler de la «stabilité du pays» et de l’unité de l’armée, ou celui qui trouve ça normal au nom de la liberté, en ajoutant juste qu’il aurait fallu lui parler des travailleurs?

 La proximité politique avec le PT avouée par Rachedi, n’est autre que la proximité dans l’opportunisme, la proximité dans le reniement du marxisme, comme nous allons le voir. Si l’on examine les positions du PST, on constate en effet qu’elles sont toutes motivées par le démocratisme et non par des positions de classe. L’appel à l’abstention aux élections présidentielles ne s’appuyait pas sur une critique marxiste de la démocratie bourgeoise et sur l’impossibilité d’utiliser le mécanisme électoral bourgeois en faveur des prolétaires, mais sur la considération que le scrutin «n’est pas démocratique et son résultat n’aura aucune légitimité». Mais quelle «légitimité» les marxistes devraient reconnaître aux élections, même les plus démocratiques? Tant que subsiste le capitalisme, la bourgeoisie reste la classe dominante et elle domine les classes exploitées et opprimées, et le prolétariat en particulier, sur tous les plans y compris sur le plan des «idées», des «opinions» et des... consultations électorales. Dans les «Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne» de l’Internationale Communiste, Lénine écrit: «Tous les socialistes, en démontrant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, ont exprimé cette idée déjà formulée par Marx et Engels que la plus démocratique des républiques bourgeoises ne saurait être autre chose qu’une machine à opprimer la classe ouvrière au profit de la bourgeoisie. (...) Marx (...) a prouvé [en analysant l’expérience de la Commune] le caractère d’exploitation de la démocratie et du parlementarisme bourgeois» (15). Cela ne signifie pas que le prolétariat et les opprimés ne peuvent pas combattre et s’émanciper de la domination de la bourgeoisie; cela signifie qu’ils ne peuvent pas le faire au travers du mécanisme précisément mis en place par cette dernière pour perpétuer sa domination, mais sur un autre terrain, qui est celui de l’affrontement ouvert, classe contre classe, pour battre en brèche le capitalisme.

Mais ce n’est pas la voie indiquées par nos trotskystes; le communiqué du 11/4 disait aussi: «Le PST appelle à l’élection d’une assemblée constituante représentative des intérêts des travailleurs, des jeunes, des femmes et de tous les opprimés de notre pays. Le PST réitère son appel pour une convergence démocratique, anti libérale et anti impérialiste». Dans son communiqué du 20/4 sur le résultat des élections, le PST réaffirmait: «Seule une convergence des énergies démocratiques et des forces sociales anti libérales et anti impérialistes peut imposer la satisfaction des aspirations de la majorité des algériens et des algériennes. Une convergence qui imposera l’élection d’une assemblée constituante représentative des intérêts des travailleurs, des jeunes, des femmes et de tous les opprimés des notre pays» (16), etc..

L’objectif est donc un rassemblement «démocratique» de «forces sociales» diverses, autrement dit, selon le marxisme, un rassemblement de plusieurs classes, un rassemblement interclassiste. Le PST fixe à un tel rassemblement la lutte contre le «libéralisme» – c’est-à-dire une politique bourgeoise particulière –, et contre l’impérialisme – c’est-à-dire le capitalisme étranger. Pas question de proposer la lutte contre le capitalisme en général – et d’abord contre les capitalistes privés et le capitalisme d’Etat algériens –, autrement dit contre ceux qui exploitent directement les prolétaires d’Algérie, si l’on veut réaliser une convergence démocratique! Celle dernière suffira, on ne sait comment, à «imposer» la satisfaction des aspirations de la majorité de la population, peut-être grâce à cette fameuse assemblée constituante représentative que les trotskystes de tous les pays invoquent un jour ou l’autre.

L’interclassisme implique toujours de sacrifier les intérêts prolétariens aux intérêts des autres classes plus ou moins possédantes que l’on veut attirer, et les illusionnistes sont toujours prêts à endormir les prolétaires avec les mirages démocratiques. D’ailleurs les déclarations du PST reprennent le langage bourgeois ou petit-bourgeois de «peuple», «souveraineté populaire», etc., au lieu de montrer la fausseté de ces conceptions et d’utiliser les notions marxistes de classes et de lutte des classes.

Mais ce n’est pas qu’une question de vocabulaire! Selon le Manifeste Communiste, les prolétaires ne possèdent rien d’autre que leurs chaînes; selon les «socialistes» du PST ils posséderaient, au même titre que les autres Algériens, les «richesses nationales»! Le PST s’indigne ainsi que les «partisans du libéralisme» veuillent «s’accaparer nos richesses nationales» (communiqué du 11/4).

Et si l’on défend «nos» richesses nationales, il est logique qu’on défende la nation et l’Etat national qui la protège. Un autre dirigeant du PST, Nadir Djermoune, en faisant allusion aux discours électoraux à propos de «complots» visant la souveraineté nationale, parle lui aussi du danger d’«une remise en cause du minimum de souveraineté de l’Etat algérien par l’impérialisme (...). Seule la mobilisation populaire [sic!] est capable de faire reculer ces visées impérialistes. Mais ces mobilisations seront vouées à l’échec si dès le départ elles ne posent pas comme principe la résistance anti-impérialiste et la défense de l’Etat national. Les mouvements de protestation actuels se construisent sur l’idée même d’en finir avec l’Etat national et ce, par une malencontreuse confusion entre le régime et l’Etat. Ce dernier est toujours considéré comme un objet aux mains des oligarchies dirigeantes qu’il faudrait donc briser pour faire advenir l’Etat démocratique» (17). A la poubelle la thèse marxiste, corroborée par l’expérience historique de la Commune, selon laquelle le prolétariat doit avoir comme objectif la destruction de l’Etat bourgeois! Mais il est vrai que Djermoune parle de peuple et non de prolétariat....

Ce même auteur a publié également, dans le cadre des élections présidentielles, un texte sur «Les enjeux du combat démocratique en Algérie» (18).

 Il s’y interroge gravement sur ce que signifie la démocratie et sur la possibilité de «découvrir» une forme de démocratie qui serait supérieure à la forme «la plus avancée» qui existe aujourd’hui, «ce qu’on appelle la démocratie bourgeoise ou la démocratie parlementaire». Et il répond: «Il faut inventer de nouvelles formes démocratiques supérieures et universelles qui prennent en charges les aspirations collectives et individuelles de toutes les catégories sociales et culturelles à un moment donnée de leur histoire».

 «Toutes les catégories sociales»: voilà qui est clair: c’est bien la lutte des classes qui est jetée à la poubelle! Djermoune peut donc conclure son texte avec la proposition politique du PST: «Une transition, qui semble être admise par tous les acteurs, pour qu’elle soit démocratique ne peut faire l’économie d’une assemblée constituante comme point de départ d’un débat national où toutes les composantes de la société soient représentées» (19). Interclassisme, défense de l’Etat national, unité nationale, on constate que la proximité politique du PT et du PST est parfaite...

Si Djermoune et les autres dirigeants du Parti «Socialiste» des Travailleurs avaient lu les textes d’un auteur qui n’était pas partisan du «débat national», mais de la lutte de classe nationale et internationale, un certain Trotsky, ils auraient peut-être pu y «découvrir» quelle est la position vraiment socialiste par rapport à la démocratie:

«Guidé par les intérêts pratiques du développement de la classe ouvrière, le parti socialiste entra à un moment donné dans la voie du parlementarisme; mais cela ne signifiait absolument pas qu’il ait reconnu en principe la théorie métaphysique de la démocratie comme fondée sur un droit supérieur à l’histoire et aux classes sociales. La doctrine prolétarienne considérait la démocratie comme un instrument au service de la société bourgeoise, entièrement adapté aux besoins et aux buts de la classe dominante. (...) C’est précisément pourquoi les théoriciens du prolétariat devaient démasquer la métaphysique de la démocratie, qui sert de couverture philosophique à des mystifications politiques. (...) En nous adaptant au régime parlementaire, nous nous bornions, au cours de la période précédente, à démasquer théoriquement la démocratie que nous n’avions pas encore la force de vaincre pratiquement. Mais la parabole idéologique du socialisme qui se dessine en dépit de toutes les déviations, chutes et même trahisons, aboutit inéluctablement au rejet de la démocratie et à son remplacement par un mécanisme prolétarien dès que la classe ouvrière a les forces nécessaires» (20). De telles phrases devraient être gravées au fer rouge au front de tous les démocrates petits-bourgeois qui veulent se faire passer pour des marxistes!

Les «trotskystes» algériens que nous avons rapidement passés en revue constituent, comme leurs collègues des autres pays, un courant peut-être révolutionnaire en paroles (et encore!), mais sûrement pas révolutionnaire dans les faits. Au niveau international le trotskysme dans toutes ses variantes constitue un courant fondamentalement démocratique et nationaliste, c’est-à-dire petit-bourgeois; un courant politique dégénéré qui, constitué sur la base de toutes les erreurs du Trotsky des années trente, les a aggravées encore au fil des décennies jusqu’à perdre tout caractère révolutionnaire prolétarien et à se confondre de plus en plus avec les héritiers du stalinisme et avec les réformistes en général; un courant qui utilise quelques références vagues et soigneusement triées à Trotsky et au marxisme pour mieux s’oppose au marxisme véritable (dénoncé comme «ultra-gauche»); un courant qui ne salue les luttes ouvrières et ne parle des revendications des travailleurs que pour faire obstacle aux orientations prolétariennes de classe.

C’est en dehors du trotskysme que les prolétaires d’Algérie et d’ailleurs devront s’organiser sur des bases classistes; ce n’est qu’en dehors et contre ces faux révolutionnaires comme en dehors et contre tous les prétendus marxistes de matrice stalinienne ou maoïste, qu’il sera possible aux prolétaires d’avant-garde de retrouver les positions marxistes non falsifiées et le programme communiste authentique; c’est en dehors et contre tous ces courants qu’il leur faudra oeuvrer, en union avec les prolétaires de tous les pays, à la reconstitution du parti de classe international, l’organe indispensable pour mener la lutte prolétarienne contre les capitalistes et leurs Etats et pour diriger la future révolution communiste mondiale!

 


 

(1) Sans aucun doute pour donner plus de vraisemblance aux résultats, un chiffre assez bas de participation a été annoncé: 50,70% (alors qu’aux élections présidentielles de 1995 un chiffre complètement invraisemblable de 75% avait été fourni). Cela a suffit à nombre de commentateurs, y compris «trotskystes» pour gloser sur la baisse de la participation. Mais comme le dit finement un journaliste «des efforts» ont été faits par les autorités pour aboutir à un chiffre supérieur à 50% cf http://maghrebemergent.com/presidentielles-2014/item/36619-l-abstention-en-hausse-a-fait-perdre-benflis-mais-fragilise-bouteflika4.html

(2) cf Marx «La guerre civile en France», cité par Lénine dans «L’Etat et la révolution», Oeuvres, tome 25, p. 456 (ch.3, par. 3).

(3) Lénine, «L’Etat et la révolution», ibidem, p. 433.

(4) cf http://www.lecourrierdelatlas.com/652903022014Saadani-pilonne-general-Toufik.html

(5) cf http://www.algerie1.com/zoom/la-grosse-inquietude-de-louisa-hanoune/ . Louisa Hanoune est coutumière de ces déclarations mélodramatiques.

(6) cf http://www.algerie1.com/actualite/rencontre-hanoune-gaid-salah-linstitution-militaire-ne-simmisce-pas-dans-la-vie-politique/

(7) cf «Thèses sur la structure, les méthodes et l’action des partis communistes», par. 30. Troisième Congrès de l’I.C., Moscou juin 1921.

(8) El Moudjahid, 28/4/14.

(9) http://snapest.ning.com/profiles/blogs/le-parti-des-travailleurs-tire-sur-les-syndicats-s-attaquant

(10) http://80.246.2.217/Le-printemps-arabe-un-chaos.html

(11) http://www.lexpressiondz.com/actualite/194447-le-pt-participera-aux-consultations.html

(12) http: // afaqichtirakiya. wordpress. com/2014/04/12/le-pst-appelle-les-algeriens-et-les-algeriennes-a-ne-pas-cautionner-cette-mascarade-electorale/

(13) http://www.algeriepatriotique.com/article/le-pst-louisa-hanoune-abandonne-son-identite-ouvriere

(14) http://www.elwatan2014.com/component/k2/item/802-benflis-hamrou

(15) Premier Congrès de L’internationale Communiste, Moscou mars 1919.

(16) http:// afaqichtirakiya.wordpress.com/ 2014/04/20/ pour-une-convergence-des-energies-democratiques-et-des-forces-sociales-anti-liberales-et-anti-imperialistes/

(17) http: // afaqichtirakiya. wordpress. com/ 2014/04/23/elections-algeriennes-victoire-a-larrache/

(18) http://www.npa2009.org/content/les-enjeux-du-combat-democratique-en-algerie

 (20) cf Trotsky, «Terrorisme et communisme» (1920). Ed Prométhée, p. 49, 50. Djermoune terminait son texte par une citation plutôt obscure de feu le Trotskyste français Bensaïd d’où il ressort que l’activité révolutionnaire est toujours incertaine et indéterminée. Il n’est pas étonnant que Bensaïd jugeait cet ouvrage de Trotsky «épouvantable»!

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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