La bourgeoisie a célébré la mémoire des conflits mondiaux en parlant de paix, alors que partout elle sème la guerre

(«le prolétaire»; N° 512; Juillet- Septembre 2014)

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Souviens-toi de la guerre impérialiste!

 

C’est l’adresse que la jeune Internationale Communiste adressait au prolétariat mondial en 1920. Elle ne le faisait évidemment pas comme les bourgeois et leurs valets pacifistes d’aujourd’hui au nom de la «réconciliation» entre les adversaires, et d’une nouvelle ère de paix qui devrait s’ouvrir. Cette adresse continuait:

Souviens-toi que, du fait de l’existence du régime capitaliste, une poignée d’impérialistes a eu, pendant, quatre longues années, la possibilité de contraindre les travailleurs de partout à s’entr’égorger! Souviens-toi que la guerre bourgeoise a plongé l’Europe et le monde entier dans la famine et le dénuement! Souviens-toi que sans le renversement du capitalisme, la répétition de ces guerres criminelles est non seulement possible, mais inévitable!

L’internationale Communiste se donne pour but la lutte armée pour le renversement de la bourgeoisie internationale, et la création de la république internationale des soviets, première étape dans la voie de la suppression complète de tout régime gouvernemental. L’internationale Communiste considère la dictature du prolétariat comme l’unique moyen disponible pour arracher l’humanité aux horreurs du capitalisme. Et l’Internationale Communiste considère le pouvoir des Soviets comme la forme de dictature du prolétariat qu’impose l’histoire (1).

  

Plus de 90 ans se sont écoulés, 90 ans qui ont démontré la véracité des paroles de l’Internationale. Alors que la guerre de 14-18 devait être la «der des der», la guerre pour en finir avec les guerres, il n’a fallu attendre guère plus de vingt ans pour qu’éclate une nouvelle guerre mondiale, encore plus terrible et meurtrière que la première. Et s’il est vrai que soixante-dix ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, une troisième boucherie mondiale n’a pas éclaté, c’est parce qu’à la différence de la première, arrêtée par la révolution prolétarienne en Russie et la vague révolutionnaire en Europe occidentale, la deuxième avait pu aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à une destruction de forces productives – y compris la force productive humaine – suffisamment vaste pour que puisse redémarrer sur ces ruines un puissant nouveau cycle d’accumulation. Ce que les économistes bourgeois appellent sans honte les «trente glorieuses» (les trente années qui vont de 1945 à 1975) ont vu une expansion sans précédent du capitalisme sur la planète. Dans cette période «idyllique» de croissance capitaliste où, au moins dans les grands pays capitalistes, les crises semblaient avoir disparu laissant la place à de simples «récessions» presque imperceptibles, les conflits et les guerres n’ont pas cessé de ravager le monde; mais ces conflits et ces guerres, où les grands impérialismes étaient impliqués, ne se déroulaient que dans des pays dits «périphériques» et ils étaient «localisés». Ils n’en démontraient cependant pas moins que le capitalisme est inséparable de la guerre.

 

Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage

 

Cette formule saisissante de Jaurès (2) est on peut plus exacte. Mais le grand orateur socialiste, s’il était un adversaire incontestable de la guerre, ce qui lui valut d’être assassiné quelques jours avant l’éclatement de la première guerre mondiale, n’était ni un marxiste ni un révolutionnaire. Sans doute avait-il signé des motions appelant à lutter contre la guerre «par tous les moyens», mais le moyen qu’il voulait d’utiliser, c’était la pression sur les gouvernements, que ce soit par des manifestations ou par des négociations dans les couloirs du parlement. Croyant que «le capitalisme le plus moderne à l’état organisé» était une force de paix (3), il prônait le recours à «l’arbitrage international» pour éviter les guerres. A la veille du déclenchement de la guerre il soutenait le gouvernement français qui selon lui «pratiquait une politique de paix», et il faisait même pression sur les dirigeants de la CGT pour qu’ils renoncent à la manifestation du 2 août contre la guerre afin de ne pas paralyser l’action de ce gouvernement! On comprend mieux pourquoi dans l’éventail politique français, tout le monde se réclame aujourd’hui de Jaurès: de Le Pen à Hollande, en passant par Sarkozy et Mélenchon, ils trouvent tous dans le patriotisme, le démocratisme et le légalisme de Jaurès, de l’eau pour leur moulin...

Mais les réformistes d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier: les «réformes» qu’ils mettent en oeuvre sont des contre-réformes dont le but est de réduire ou faire disparaître les avantages sociaux autrefois concédés aux prolétaires et de dégrader leurs conditions de vie et de travail pour le seul bénéfice des capitalistes. Sur le plan de la politique extérieure, ils ne dénoncent plus les guerres, mais ils les justifient (ou les dirigent).

Ce «tournant» ne date pas du dernier gouvernement Hollande, mais d’il y a cent ans: c’est en août 1914 que dans tous les pays, à de rares exceptions près, le mouvement socialiste, reniant toutes ses proclamations et tous ses engagements, se rallia à la guerre et entraîna le prolétariat dans la boucherie impérialiste.

Cette trahison était la conséquence dialectique inéluctable de la pratique réformiste et pacifiste suivie par les partis sociaux-démocrates, qui impliquait nécessairement contacts, négociations et compromis avec la bourgeoisie. A cause de leur refus de se placer sur le terrain de la guerre de classe contre le capitalisme, sa société et son Etat, ils furent contraints de soutenir la guerre de leur Etat contre les autres: on ne peut pas s’opposer réellement à la guerre bourgeoise si on n’est pas sur des positions anti-bourgeoises.

Au moment où la bourgeoisie mobilise toutes ses ressources pour faire accepter à la population en général, mais tout particulièrement aux prolétaires, les efforts et les sacrifices impliqués par la guerre, il n’est possible de résister à contre-courant que sur des positions intransigeantes de classe, révolutionnaires et internationalistes, déjà adoptées et éprouvées dans la période de paix.

Ce fut le cas des rares exceptions dont nous avons parlé: en premier lieu le parti bolchevik, ainsi que les groupes qui étaient entrés en lutte contre la montée de l’«opportunisme» et du réformisme dans les partis socialistes.

Lénine et les bolcheviks exprimèrent de la façon la plus claire la position marxiste correcte en opposant la notion de défaitisme révolutionnaire au mot d’ordre de «défense de la patrie» (sans connaître le mot d’ordre bolchevik, les jeunes militants d’extrême-gauche dans le Parti Socialiste Italien qui allaient créer le courant de la Gauche communiste étaient sur la même position). Les prolétaires n’ont pas de patrie, disait le Manifeste, ce à quoi Jaurès et les réformistes répliquaient que c’était sans doute vrai en 1848, mais que les progrès de la démocratie avaient fait rentrer les prolétaires dans la communauté nationale: ils avaient maintenant autre chose que des chaînes, ils avaient désormais une patrie à défendre.

La ligne du défaitisme révolutionnaire fut spectaculairement abandonné par le stalinisme dans les années trente quand il imposa à ses partis dans les pays «démocratique» de se rallier à la défense nationale (à partir de la signature du pacte Laval -Staline en 1935). Maurice Thorez, le secrétaire-général du PCF déclarait: «Ceux qui crient “plutôt la révolution que la guerre...” ou “Grève générale et non pas mobilisation générale” sont complètement en dehors du marxisme. Dans les conditions présentes ces phrases représentent un crime contre la classe ouvrière (...). De quelle impudence font preuve les espions trotskistes qui prétendent faire resurgir le mot d’ordre de Liebknecht “l’ennemi est dans notre pays”! » (4).

L’abandon du défaitisme révolutionnaire, dont le corollaire était l’affirmation selon laquelle l’ennemi du prolétariat n’était plus d’abord sa propre bourgeoisie et son propre capitalisme, était la démonstration que le stalinisme se situait dans le camp de la contre-révolution.

 

Pour l’action révolutionnaire de classe!

 

Nous ne sommes pas ajourd’hui à la veille d’une nouvelle guerre mondiale, même si c’est dans cette direction que se dirige inexorablement le capitalisme parce que c’est la seule solution qu’il puisse trouver pour surmonter ses crises toujours plus profondes. Mais les guerres «locales» et «limitées» ne cessent d’éclater ici ou là, et les prolétaires sont à chaque fois appelés à soutenir les intérêts de leur «patrie» – y compris à des milliers de kilomètres, y compris en écrasant encore plus des populations déjà opprimées par cette «patrie». Derrière toutes ces guerres il n’y a que des intérêts bourgeois, quel que soit le maquillage démocratique, religieux, ethnique ou autre, derrière lesquelles ils se cachent.

S’ils ne veulent pas servir de chair à canon pour les intérêts de leurs exploiteurs, les prolétaires ne peuvent pas embrasser un pacifisme non seulement impuissant mais en outre voué à se transformer en bellicisme, parce qu’il reste sur le terrain bourgeois; ils n’ont pas d’autre choix que la guerre de classe, que la lutte ouverte contre le capitalisme et contre toutes les camps bourgeois.

L’histoire n’offre qu’une seule voie pour éliminer les guerres, les exploitations, les tyrannies et les oppressions:

l’action révolutionnaire, de classe, qui dans chaque pays, qu’il soit dominant ou dominé, dresse la classe prolétarienne contre la bourgeoisie locale, en complète autonomie de pensée, d’organisation, d’attitude politique, d’action et de lutte; l’action révolutionnaire qui regroupe les forces des prolétaires du monde entier dans un organisme unitaire dont l’action ne cessera pas avant le renversement complet des institutions capitalistes, se développant par-dessus les frontières, en temps de paix comme en temps de guerre, dans des situations considérées comme normales ou comme exceptionnelles, prévues ou imprévues par les schémas philistins des traîtres opportunistes! (5)

 


 

(1) cf Statuts de l’Internationale Communiste, Moscou, juillet 1920

(2) Discours à la Chambre des députés, 7/3/1895

(3) Discours à la Chambre, 20/11/1911

(4) Déclaration au Comité Central du PCF, 21/11/1938

(5) Guerre et crises opportunistes (1945), Textes du PCInt n°4

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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