Après l’attaque contre Charlie Hebdo :

De quelques tartuffes de l’union sacrée anti-terroriste

(«le prolétaire»; N° 514; Décembre 2014 - Février 2015)

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A la suite de l’attentat contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo et de la prise d’otages dans un supermarché communautaire juif, la plupart des organisations d’extrême gauche n’ont pas participé à l’union sacrée pour défendre la République et la démocratie contre le terrorisme. Lutte Ouvrière, le NPA, Alternative libertaire ou le Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF) ont refusé d’appeler à la «marche républicaine» organisée par le gouvernement à Paris. Ils ont eu moins de retenue en province où certains de ces groupes ont appelé aux côtés des syndicats et des partis de gauche.

 

«Marche républicaine» : Le don d’ubiquité du PRCF

 

Un des débris «orthodoxes» du PCF – le Pôle de Renaissance Communiste de France – a démontré ses capacité de contorsionniste à l’occasion de l’attentat contre Charlie Hebdo.

Le PRCF affirmait le 10 janvier qu’il refusait l’union sacrée car il refuse de défiler «derrière Hollande, Macron et Valls, qui ont trahi le peuple de gauche pour se coucher devant le MEDEF et pour attiser les ingérences de Washington sur tous les champs de bataille», «derrière Sarkozy, qui depuis toujours s’acharne sur les libertés, strangule le droit de grève, singe le FN et nourrit la xénophobie d’État», «derrière le MEDEF, dont la politique de délocalisation de nos [sic!] industries, de démontage des droits sociaux, de privatisation des services publics, constitue une attaque permanente contre le monde du travail et la survie économique de la Nation [sic!]», et «derrière Merkel. […] Ni derrière les dirigeants faussement solidaires de l’Union européenne» («Le PRCF refuse l’union sacrée derrière les casseurs des conquêtes du CNR», 10 janvier).

Mais le lendemain même, le PRCF nous apprenait qu’il «fut présent avec les Françaises et les Français qui ont défilé, pour leur faire connaître son analyse politique» («Trois millions de Français contre les tueurs. Leur message bafoué et récupéré», 11 janvier).

Il ne faut pas être un fin analyste pour comprendre le PRCF n’a pas manifesté «derrière» Hollande, Sarkozy, Merkel, … mais «avec les Français» –disparues les classes sociales!– dans une manifestation dont la tête du cortège était formée par ces derniers accompagnés d’autres canailles bourgeoises de la même espèce.

C’est avec raison que ces épigones de Georges Marchais proclament «Non à l’union sacrée derrière les hypocrites». Ils négligent seulement de nous préciser que le PRCF – comme ses frères ennemis d’Action Communiste, de Communistes ou de la Coordination communiste – regroupe les plus culottés des hypocrites larbins de la bourgeoisie.

 

La Gauche Révolutionnaire ou Comment retourner sa veste en deux jours

 

Un groupe trotskiste qui n’a pas résisté à aller dans le sens du vent et à jouer une petite musique «révolutionnaire» dans le concert démocratico-patriotique de l’union nationale, est la Gauche Révolutionnaire, membre du Comité pour une Internationale Ouvrière (celui-là même qui se glorifie d’avoir obtenu une élue au Conseil municipal de Seattle aux Etats-Unis).

Le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, la GR proclamait: «Nous ne participerons pas à des manifestations républicaines avec la droite et l’extrême droite pour dénoncer cet attentat» (1). La GR refuse alors une «union nationale […] avec ceux qui cherchent à surfer sur la vague raciste et xénophobe» car «Hollande, Sarko ou Le Pen peuvent se prétendre les défenseurs de nos libertés alors que ce sont eux qui répriment les luttes, stigmatisent les étrangers, cassent nos droits». Elle entend donc «faire entendre une voix claire du camp des travailleurs».

Cette «voix claire» va devenir une capitulation en rase campagne devant l’hystérie anti-terroriste. Il n’aura fallu que trois jours à la GR pour rejoindre officiellement l’union sacrée, à peine plus que la SFIO et la CGT en août 1914!

Très rapidement, la GR va ainsi justifier sa participation à l’union nationale «en hommage aux victimes, en défense de la liberté d’expression et d’opinion, et contre les politiques de régression sociales qui font le lit des fanatiques et réactionnaires de tous bords» (2) et pour ne pas «abandonner la rue aux manœuvres de Valls et […] être avec les millions qui ont manifesté» (3)

Bien entendu, le lendemain des manifestations interclassistes qui ont vu des foules chanter La Marseillaise et applaudir la police, la GR travestit la réalité. La communion démocratico-républicaine est présentée comme la mobilisation d’une «grande majorité voulait être unie face à la violence du terrorisme, pour réaffirmer le droit à la liberté de parole et d’expression mais également, pour une large part, leur refus du racisme et de la division » mais aussi du «piège tendu par les terroristes et les racistes» (3).

Heureusement que Hollande et Cie – en organisant leur « marche républicaine » – ont pu empêcher les prolétaires de se laisser piéger!

La réalité est toute autre. Des centaines milliers de prolétaires ont manifesté pour des «valeurs» antiprolétariennes, avec leurs exploiteurs et derrière les pires terroristes de la planète.

 

Aimez-vous les uns les autres!

 

Toute la logorrhée de la GR sur l’attentat lui permet de répéter en boucle ce qui semble être devenu son maître-mot: la tolérance!

Fini le socialisme, nos trotskystes veulent «une société tolérante et respectueuse de chacun» et «un monde solidaire, fraternel, et tolérant » dans lequel «chacun puisse vivre comme il l’entend, selon la culture, la philosophie, la religion qu’il souhaite». (2) Amen!

La GR se fait donc l’avocat de la liberté d’expression comme d’un «droit total que nous défendons coûte que coûte » (1) auquel « il ne doit pas y avoir d’obstacles » (2). C’est pourquoi, les « révolutionnaires» se vantent d’avoir défendu également une liberté d’expression absolue pour le démagogue antisémite Dieudonné (2).

Cette tolérance ne vaut surtout pas pour « le terrorisme individuel qui […] renforce la classe dominante et enferme les populations dans la peur» (3).

Aux appels au combat révolutionnaire, la GR préfère les homélies papales et leurs accents pacifistes !

 

*    *    *

 

Comme le proclame la GR dans son supplément distribué à la manifestation du 11, «il ne faut pas laisser retomber les choses» (3). C’est ce que les gouvernements français et espagnol se sont empressés de faire. Le premier a décidé de mobiliser 10 000 militaires pour quadriller le pays. Le second a décidé d’arrêter les avocats de la trentaine de militants basques accusés d’avoir menés des activités politiques légales, dont la française Aurore Martin.

Les manifestations des 10 et 11 janvier ont été une victoire pour la bourgeoisie. Aux prolétaires qu’ils exploitent jusqu’à la corde dans leur travail, qu’ils briment quotidiennement et à qui ils réservent misère et précarité croissantes, aux prolétaires qu’ils font tomber dans des accidents du travail et qu’ils jettent sur le pavé quand ils ne peuvent plus les exploiter, qu’ils entassent dans des mouroirs quand ils sont trop vieux, aux prolétaires qui ne comptent pour rien dans toutes les décisions prises par les gouvernements sur tous les plans, les bourgeois demandent ainsi d’oublier leurs intérêts et leurs besoins propres pour s’unir au nom de la patrie avec ceux qui s’engraissent sur leur dos.

Comme nous le disions, il y a dix ans, après les attentats de Londres:

Le prolétariat ne pourra jamais lutter contre le terrorisme bourgeois en commun avec les bourgeois ou sous leur direction. Il ne pourra lutter contre le terrorisme bourgeois que dans le cadre de sa lutte de classe contre la bourgeoisie, contre les intérêts, les profits, la propriété et l’Etat bourgeois. Sans cette lutte de classe il n’y aucune possibilité de lutter contre aucun des innombrables maux que cause en permanence le capitalisme.

En rompant avec l’idéologie nationale et démocratique bourgeoise, en rompant avec la collaboration des classes promue par toutes les variétés du réformisme politique et syndical, en revenant à la défense de ses intérêts exclusifs de classe, le prolétariat libérera sa force et trouvera toute l’énergie nécessaire à sa lutte de classe pour détruire définitivement la sanglante civilisation du capital.

C’est cette civilisation du capital que les Tartuffes  défendent aujourd’hui et défendront demain!

 


 

(1) «Attentat meurtrier contre le journal Charlie Hebdo: pour le droit à la liberté d’expression ! Ne nous laissons pas diviser!» 07/1/2015

(2) «Liberté d’expression! Non au racisme! pas d’unité derrière les Valls-Merkel-Cameron-Sarko etc… » 10/1/2015

(3) «Des millions de manifestants pour la solidarité» 12/1/2015

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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