Les émeutes de Baltimore, 50 ans après les révoltes noires aux Etats-Unis

(«le prolétaire»; N° 515; Mars - Avril - Mai 2015)

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La nouvelle de la mort de Freddie Gray un jeune Noir de 25 ans battu à mort par les flics après avoir été arrêté sans raisons le 12 avril (arrestation qui sera déclarée plus tard «illégale» par le procureur de la ville, cherchant évidemment à calmer la colère des manifestants), a entraîné de violentes émeutes dans la ville de Baltimore (Maryland), port de la côte est des Etats-Unis. L’état de siège fut déclaré dans la ville et plusieurs milliers de soldats de la Garde Nationale mobilisés en renfort des milliers de policiers locaux. On a assisté également à l’instructif spectacle de l’union pour la défense de l’ordre établi, en plus des médias, des politiciens de tous les partis et des prêtres de toute obédience, de la police aux gangs de voyous. C’est ainsi que les «Bloods», les «Crips» et la «Nation de l’Islam» qui se livrent habituellement à des guerres meurtrières pour le contrôle de quartiers où ils dealent, se sont entendus entre eux (après une réunion tenue dans une église baptiste) et avec les prêtres et la police pour empêcher autant que possible les émeutes et pour protéger les commerces et les policiers des manifestants!

A Baltimore, où 64 % de la population est noire, les racines de la révolte sont sociales; la ville a connu un déclin industriel marqué depuis les années 70 et elle a été sévèrement été touchée par la dernière crise. La mairesse y est noire, de même que le chef de la police et la moitié des policiers; cela n’empêche par les jeunes et moins jeunes prolétaires noirs d’être harcelés par la police; la corruption, les crimes et exactions impunies des policiers locaux sont bien documentés: ils sont au moins aussi fréquents qu’ailleurs, démontrant que ce n’est pas la couleur de la peau des flics ou des politiciens qui est en cause. Le taux de pauvreté officiel à Baltimore est de 28% contre 14,5 % au niveau national. Dans le quartier où vivait Freddie Gray, le taux de chômage est de 52% des habitants en âge de travailler (il est encore plus élevé dans d’autres quartiers!), le tiers des logements sont à l’abandon. Reflet particulièrement criant des inégalités sociale, les 15 quartiers les plus pauvres de la ville ont une espérance de vie comparable à celle d’un pays du Tiers Monde: entre le quartier le plus riche (à population blanche!) et le plus pauvre de Baltimore, la différence d’espérance de vie à la naissance est de 19 ans!

L’importance de la réaction des autorités de Baltimore et de l’Etat du Maryland s’explique par le souvenir des émeutes de 1968 qui avaient fait 6 morts, 700 blessés et entraîné 3500 arrestations dans la ville: plus de 10 000 soldats avaient alors été déployés pour «maintenir l’ordre». En effet, après celles de Ferguson l’an dernier, ces émeutes ont fait ressurgir parmi les bourgeois et leurs valets le spectre des émeutes qui frappèrent les Etats-Unis il y a cinquante ans.

Dès l’été 1964, une émeute à New-York, survenue sur fond de brutalités policières, annonçait la vague d’émeutes dites «raciales» parce que les Noirs en étaient les principaux protagonistes, qui allaient marquer la deuxième moitié des années soixante aux Etats-Unis. On était alors aux premières failles de l’expansion économique pratiquement continue aux Etats-Unis depuis la fin de la guerre, alors que la situation politique devenait de plus tendue en raison de la guerre du Vietnam et de la conscription pour nourrir en chair à canon l’armée américaine. Les émeutes sauvagement réprimées des ghettos noirs des années soixante, comme l’agitation croissante contre la guerre, elle aussi réprimée y compris dans le sang, eurent leur pendant dans un renouveau des luttes ouvrières, y compris à l’échelle internationale.

Ces émeutes disparaîtront pratiquement dans les années 70, à la suite de la politique de la bourgeoisie qui, outre une répression qui  jeta en prison des milliers d’«agitateurs» et en assassina d’autres, avait la possibilité de lâcher des miettes significatives pour calmer les prolétaires avec une batterie d’amortisseurs sociaux; elle s’emploiera aussi à faciliter la constitution d’une bourgeoisie et petite-bourgeoisie noires pouvant influencer les prolétaires ou servir au moins de «tampon» entre eux et l’Etat bourgeois. Dans une situation économique différente, les émeutes reprirent dans les années 80 avant de culminer une nouvelle fois à Los Angeles en 1992.

Nous publions ci-dessous un éditorial d’Amadeo Bordiga, paru sur le n°15/1965 d’Il Programma Comunista, organe alors du parti, sur les émeutes de Los Angeles de l’été 1965, en renouvelant le voeu que les émeutes actuelles soient les annonciatrices de luttes futures, et victorieuses.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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