L’impérialisme parle de paix, mais fait la guerre

(«le prolétaire»; N° 515; Mars - Avril - Mai 2015)

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En 1950 paraissait le «Fil du temps» intitulé «Points démocratiques et programmes impériaux» à l’occasion du programme en 5 points annoncé par Truman, le président américain de l’époque. Il s’agissait d’un programme impérialiste qui prévoyait évidemment l’administration du monde par la puissance impérialiste majeure, le pays qui avait triomphé dans la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis.

Comme tous les programmes impérialistes qui l’avaient précédé et qui l’ont suivi, il prévoyait, après l’hécatombe de la boucherie mondiale, d’agir pour: 1) la «paix mondiale», 2) la constitution des «Nations unies» qui devaient «élaborer ces principes d’éthique et de droit international sans lesquels l’humanité ne pourra survivre», 3) un plan pour assurer la «reprise économique mondiale» (le fameux «plan Marshall») qui aurait dû être réalisé par l’intermédiaire des «organisations du commerce international», 4) les «zones arriérées» envers qui les nations industrielles, à commencer par les Etats-Unis, devaient s’engager à fournir assistance technique et investissements, donc investir des capitaux considérables à des fins productives», et, enfin, 5) «répandre dans le monde la démocratie et la paix», en concurrence avec le «communisme» stalinien qui, après la guerre anti-allemande et anti-japonaise, était passé du statut d’allié à celui d’adversaire, non sur le plan de la guerre de classe, mais sur celui des contrastes impérialistes pour le partage des zones d’influence dans le monde.

Après les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone, George Bush, président américain d’alors, a rajouté un sixième point: la lutte contre le terrorisme international. On sait que par «terrorisme international» les dirigeants des pays impérialistes entendent les actions armées de groupes ou d’Etats opposés à leurs intérêts. On commença alors par l’Afghanistan, puis l’Irak, la Libye, etc., pour en arriver à la Syrie. La tension internationale n’a pas cessé, en dépit des plans du président noir Obama de désengagement des forces militaires américaines de divers théâtres d’opération.

Dans les années cinquante, les Etats-Unis, représentant la plus grande concentration et le plus grand développement du capitalisme et donc de sa forme politique la plus développée – l’impérialisme – dictaient en pratique les priorités du capitalisme mondial et défendaient les intérêts de classe de la bourgeoisie de tous les pays, tout en défendant ses propres intérêts contre les appétits des autres impérialismes, à commencer par ceux de l’URSS. Cette dernière, seul Etat ayant une force militaire capable de rivaliser avec les Etats-Unis, utilisait cette puissance militaire en faveur de ses propres intérêts de capitalisme en plein développement et d’impérialisme dominant une partie du continent euro-asiatique; mais aussi pour garantir la stabilité de l’ordre capitalisme mondial, que ce soit par l’intermédiaire des partis staliniens à l’extérieur de son «bloc» ou de ses interventions répressives directes quand il le fallait chez elle ou dans les pays satellites, afin d’empêcher une reprise de la lutte de classe prolétarienne.

Lénine affirmait à son époque:

«L’impérialisme est l’époque du capital financier et des monopoles qui provoquent partout des tendances à la domination et non à la liberté. Réaction sur tous les plans, quel que soit le régime politique, aggravation extrême des antagonismes y compris dans ce domaine: tel est le résultat de ces tendances. De même qu’ils renforcent particulièrement l’oppression nationale et la tendance aux annexions, c’est-à-dire la violation de l’indépendance nationale (car l’annexion n’est rien d’autre qu’une violation du droit des nations à disposer d’elles-mêmes)» (2).

Après la deuxième guerre mondiale marquée par l’alliance contre le camp impérialiste adverse dirigé par l’Allemagne et le Japon, les «programmes impériaux» de Truman et de Staline ne pouvaient que se heurter, coalition «occidentale» contre coalition «orientale» (dite, dans le langage stalinien, «camp socialiste»); mais cet affrontement ne remettait pas en cause leur défense commune du mode de production capitaliste, prolongeant contradictoirement leur alliance de guerre en condominium mondial armé à des fins contre-révolutionnaires et anti-prolétariennes, même si ce condominium ne réussissait pas à éviter l’éclatement cyclique de contradictions économiques, politiques et, évidemment, militaires.

Comme le disait également Lénine «les alliances inter-impérialistes’ ou ‘ultra-impérialistes’ [selon la formule de l’ultra-opportuniste Kautsky – NdlR], dans la réalité capitaliste ne sont inévitablement, quelles que soient les formes de ces alliances, qu’il s’agisse d’une coalition impérialiste dressée contre une autre, ou d’une union générale embrassant toutes les puissances impérialistes que des trêves entre des guerres |dans une Organisation des Nations Unies NdlR], ne sont qu’une trêve entre deux guerres. Les alliances pacifiques préparent les guerres, et à leur tour naissent de la guerre; elles se conditionnent les unes les autres, engendrant des alternatives de lutte pacifique et de lutte non pacifique sur une seule et même base, celle des liens et des rapports impérialistes de l’économie mondiale et de la politique mondiale» (3)

Cent ans se sont écoulés depuis que ses lignes ont été écrites, 70 ans depuis que la deuxième guerre mondiale s’est achevée; la situation mondiale a changé, mais en quoi?

Le condominium russo-américain n’existe plus après l’écroulement de l’URSS; les Etats-Unis restent, et de loin, l’impérialisme le plus fort, mais ils ne peuvent plus jouer les «patrons du monde», devant compter avec la croissance de centres impérialistes concurrents comme avec l’émergence de puissances mineures mais pas moins agressives pour autant. Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, la croissance des pays capitalistes dominant le marché mondial ne pouvait pas ne pas se traduire par la croissance de facteurs de contraste aiguisant la concurrence entre eux, poussant à des alliances pour défendre leurs intérêts (voir la dite «Union Européenne»), débouchant sur des conflits armés: au cours de ces dernières décennies de «paix» il ne s’est pas passé d’année sans qu’éclatent des guerres où les grands impérialismes soient impliqués directement ou indirectement.

Le «nouvel» impérialisme est-il si différent de l’ «ancien»? Après la longue saison des luttes anti-coloniales, de la dite décolonisation et de la formation de nouveaux Etats indépendants, le nouvel impérialisme repeint aux couleurs de la démocratie, du libre marché et de la civilisation industrielle assure-t-il le progrès et la paix au monde? La nouvelle politique démocratique et populaire suivie par les grands Etats bourgeois en politique intérieure leur a permis d’acheter la paix sociale interne et d’avoir les mains libres à l’extérieur pour faire face aux révoltes coloniales ou pour réaliser leurs interventions militaires, et de façon générale pour mener leur politique impérialiste. La défaite de la vague révolutionnaire de l’après première guerre mondiale et la disparition du mouvement communiste international, a permis aux capitalistes de tous les pays, y compris des nouveaux pays indépendants, d’enchaîner leurs prolétaires à la défense de l’économie nationale, de la patrie, et de l’Etat bourgeois chargé de défendre l’ordre capitaliste.

Aujourd’hui les programmes impériaux ont les mêmes objectifs que ceux définis par Truman en 1950:

reprise économique mondiale (éternel couplet repris après chaque crise économique); investissements productifs (parce que ce n’est que de l’exploitation de la force de travail que le capitalisme peut tirer la plus-value, c’est-à-dire le profit, nécessaire à sa survie); paix mondiale et démocratie (classique chanson destinée à l’abrutissement des populations et des prolétaires en particulier) qui va maintenant de pair avec la lutte internationale contre le terrorisme, alors que les classes dominantes exercent un terrorisme quotidien contre les masses prolétariennes soumises à une précarité toujours plus grande quand elles ne sont pas, comme dans les pays (de moins en moins) «périphériques» victimes des guerres et des persécutions et condamnées par millions à fier leurs propres pays.

«Le vieil impérialisme avait devant lui des terres peu peuplées ou occupées par des populations que l’on pouvait facilement, grâce au niveau atteint de ‘progrès scientifique’, exterminer ou écraser. En exploitant les colonies et les colonisés il a réussi à accroître les profits du capital dans la mère patrie. En arrivant aux limites du monde habité, les affrontements pour les meilleures zones éclatèrent.

Le ‘nouvel impérialisme’ n’a pas d’autre but; mais il se trouve devant des contrées regorgeant de populations affamées et sans travail: son plan moderne ne tend pas à mettre au premier plan les possessions territoriales et la garde armée des terres et des mers; il veut arriver au même point par un monopole mondial du capital et des masses monétaires: des taux très élevés de profit dans le pays impérialiste et un niveau de vie et de consommation relativement élevé, de façon à ce que soit assuré la reproduction incessante d’ ‘économies’ à investir (...).

Aucune guerre ne rompra ce cercle de fer, sinon la guerre interne à toutes les nations entre prolétaires et représentants du capital, que ce dernier soit indigène ou étranger» (4).

Sous le capitalisme il ne peut y avoir de paix que provisoire; le petit impérialisme français en donne une démonstration aussi irréfutable que le grand impérialisme américain: il est engagé aujourd’hui dans différentes guerres en Afrique et au Moyen-Orient, alors que son désengagement militaire d’Afghanistan qui aurait dû marquer son retour à la paix, est à peine terminé! La réduction de ses effectifs militaires, qui avait été décidée pour des raisons budgétaires, laisse maintenant la place à leur augmentation, sous le commode prétexte de la guerre contre le terrorisme et l’ennemi, aussi bien extérieur qu’intérieur (5)!

Contre les guerres bourgeoises, il reviendra au prolétariat, guidé par son parti de classe, de se préparer à la guerre de classe, la seule guerre qui, en détruisant le capitalisme, pourra véritablement assurer à jamais la paix dans la société humaine.

 


 

(1) cf «Points démocratiques et programmes impériaux», article de la série «Le Fil du Temps», publié sur le journal d’alors du parti, Battaglia Comunista n°2, 25 janvier - premier février 1950.

(2) cf Lénine, «L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme», Oeuvres, Tome 22 p. 320.

(3) Ibidem, p. 319. Souligné par Lénine.

(4) «Points démocratiques...»

(5) cf «La France renforce son armée face à la menace intérieure», Le Figaro, 26/3/2015. Selon le quotidien il aurait été décidé de recruter 11 000 militaires en 3 ans.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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