Inde

Vague de grèves dans l’automobile

(«le prolétaire»; N° 519; Mars-Avril-Mai 2016)

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Shining India, l’Inde qui brille: voilà le slogan derrière lequel communiaient les bourgeois pour célébrer l’émergence de l’Inde comme grande puissance capitaliste. Les médias nous ont offert de nombreuses success stories sur les start-up à Bangalore, les nouvelles classes moyennes et la petite couche d’hyper-riches dans des villes comme Delhi et Bombay.

La réalité est toute autre: les masses indiennes sont encore plus pauvres qu’ils ne l’étaient il y a 30 ans et quarante pour cent des enfants de moins de cinq ans sont victimes de la malnutrition. Le développement industriel et le pillage des ressources naturelles de l’Inde ont détruit les vies et les moyens de subsistance de millions de ruraux, cause de près de 200 000 suicides de paysans en 15 ans.

L’industrie s’est développée mais plus des deux tiers de la population est rurale et un peu plus de la moitié des actifs sont dans l’agriculture. Quinze pour cent de la population travaille dans l’industrie; de grandes concentrations prolétariennes sont apparues dans le textile, la chimie, l’agro-alimentaire, la métallurgie, la sidérurgie…

 

L’INDUSTRIE INDIENNE RATTRAPÉE PAR LA CRISE

 

Le secteur des «véhicules automobiles» (y compris les trois et deux-roues qui représentent la plus grosse part de la production) représente actuellement 7% du PIB indien et il emploie près de vingt millions de salariés en Inde – huit dans la fabrication et douze dans la distribution et les services (1).

L’automobile est l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie du pays, tiré par la demande domestique. Avec le plan «Mission automobile 2016-2026» annoncé en septembre 2015 et la campagne «Make in India» (Fabriquer en Inde) lancée en 2014, le gouvernement indien veut s’appuyer sur ce secteur pour soutenir la croissance économique et créer 65 millions d’emplois directs et indirects.

L’Inde a l’ambition de devenir un des principaux producteurs mondiaux d’automobiles et elle cherche à attirer les investisseurs étrangers grâce à une politique d’incitations fiscales, un système juridique inspiré du droit anglais et un coût de la main d’œuvre inférieur de 25% à la Chine. Sixième producteur mondial avec 23 millions de véhicules construits en 2013 (2), l’Inde espère se hisser à la quatrième place d’ici à 2016. Pour ce faire, la bourgeoisie cherche à attirer les capitaux et donc à baisser le «coût du travail», c’est-à-dire à renforcer l’exploitation des prolétaires. Comme dans les métropoles impérialistes, cela se traduit par une réforme du «droit» du travail. Elle a été présentée en octobre 2014 par le Premier ministre Modi. Elle applique les mêmes recettes que celles en projet en France ou ailleurs: «simplification» de certaines lois, recours systématique à une main-d’œuvre plus précaire et moins payée, diminution des inspections du travail...

Cependant, l’objectif de développer la construction automobile est aujourd’hui menacé par la crise, la baisse ayant été sensible ces douze derniers mois: la production a diminué de près de deux millions de véhicules.

 

RÉACTIONS PROLÉTARIENNES CONTRE UNE EXPLOITATION BRUTALE

 

L’industrie automobile est caractérisée par la précarité des travailleurs (employés sur des contrats de courte durée: 80 % chez Maruti Suzuki , 75 % chez Ford et 82 % chez Hyundai), des salaires très faibles, des conditions de travail ignobles avec des accidents de travail extrêmement nombreux, un terrorisme patronal très présent avec la répression contre les syndicalistes combatifs et des amendes prélevées sur les salaires pour ceux qui ne respectent pas totalement l’arbitraire... L’exploitation capitaliste dans toute sa splendeur !

Face à cette situation, les prolétaires s’organisent et résistent. Ces derniers mois, de nombreux conflits ont éclaté dans l’automobile.

Au cours des dernières semaines, de nombreuses grèves se sont déclenchées dans les usines automobiles indiennes (Suzuki, Tata ou Honda) ou dans la sous-traitance (Bosch, Rico et Pricol). Ces grèves ont pour thèmes, l’augmentation des salaires, l’amélioration des conditions de travail et la lutte contre le despotisme patronal.

Chez le constructeur de deux-roues Hero MotorCorp, les ouvriers ont organisé un sit-in dans la cantine de l’usine pour réclamer une rémunération égale à celle des ouvriers de Honda Motor Company, avec qui la première entreprise formait une seule entité. La direction et le gouvernement ont répondu en envoyant la police réprimer les prolétaires.

En février-mars, des centaines de travailleurs de l’usine Tata Motors de Sanand dans l’État du Gujarat ont mené une grève d’un mois pour la réintégration des 28 ouvriers victimes de la répression patronale. Tata a déclaré la grève «illégale» et le gouvernement régionale a déployé des hordes de policiers pour intimider les grévistes et en interpeller certains. La direction a également employé des jaunes – issus d’autres usines – pour remplacer les grévistes et relancer la production.

A Tapukara, dans l’Etat du Rajsthan au Nord-Ouest du pays, Honda Motorcycle & Scooter Inde a eu recours à des centaines de policiers et de voyous pour briser la grève avec occupation d’usine par plus de 1 500 travailleurs qui revendiquaient une amélioration des conditions de travail et le droit de se syndiquer.

 

 PCI / PCI (MARXISTE) : LES HOMMES DE MAIN DES EXPLOITEURS

 

Non seulement, les prolétaires doivent affronter le front uni patrons-Etat mais également le collaborationnisme politique et syndical dominé par les partis pseudo-communistes – le PC indien et le PC indien (marxiste). Ces partis dominent deux des plus grandes confédérations syndicales, le All-India Trade Union Congress (AITUC) et le Centre of Indian Trade Unions (CITU) (deux autres étant contrôlées par les bourgeois du parti du Congrès et du BJP ultra-nationaliste).

Ces confédérations et les partis qui les dirigent peuvent brandir le drapeau rouge et le marteau et la faucille, mais ils sont des ennemis des prolétaires. Le PCI(M) a été pendant près de 35 ans à la tête du Bengale, en alliance avec le PCI, dans le cadre d’un «Front de gauche». Le PCI(M) et ses alliés ont mené une politique de répression brutale contre les paysans qui refusaient de voir leurs terres confisquées au profit des capitalistes indiens ou étrangers. En décembre 2006, des opposants à une expropriation au profit de Tata ont été sauvagement agressés et arrêtés et une jeune femme a été violée et assassinée. En mars 2007, des militants armés du PCI(M) et des policiers ont attaqué des paysans qui résistaient à une expropriation forcée. A cette occasion, plus de 200 paysans ont été blessés et 14 assassinés. Le PCI(M) s’est aussi conduit comme un briseur de grève face aux prolétaires en lutte.

Au niveau national, les deux partis pseudo-communistes se comportent depuis des décennies comme les lèche-bottes du parti du Congrès, le principal parti de la bourgeoisie indienne.

 

PCI (MAOÏSTE) : LES DÉFENSEURS DE LA RÉVOLUTION PAYSANNE

 

L’autre force qui brandit le drapeau rouge est le PCI (Maoïste) né en 2004 par le regroupement de différents partis maoïstes «naxalites». Ce parti dirige une guérilla rurale qu’elle baptise du nom pompeux de «guerre populaire prolongée». Pour réprimer cette révolte paysanne, le gouvernement a lancé l’opération Green Hunt... avec le soutien des pseudo-communistes du PCI et PCI(M). L’objectif principal de l’opération Green Hunt est de rétablir le contrôle de l’Etat indien sur les zones insurgées pour s’emparer des terres et des richesses du sous-sol (charbon, calcaire, bauxite...).

Les maoïstes mène avant tout une guerre paysanne qui reçoit un large soutien parmi les populations tribales (80 millions d’Adivasis), les catégories les plus pauvres et les plus déshérités. Ces populations concentrées dans les forêts et les jungles n’ont presque pas accès à l’école ou aux services de santé souffrent de malnutrition et sont fortement touchées par l’analphabétisme.

Les maoïstes sont une opposition radicale au gouvernement mais sur une base petite-bourgeoise. Le communisme est totalement étranger à leur programme qu’ils définissent ainsi :

«Donc, pour résumer, la nouvelle société que les maoïstes veulent établir aura les éléments suivants: La terre pour les pauvres et les sans terres. Ultérieurement une agriculture coopérative sera établie sur base volontaire. La forêt pour les populations tribales. Fin de la domination des riches et des castes supérieures dans les villages et démantèlement du système de caste. Mettre fin à toutes les discriminations fondées sur le sexe et la religion. La saisie des biens mal acquis (sic!) et des actifs des sociétés multinationales et de leurs partenaires locaux indiens. Autodétermination pour les nationalités, autonomie politique pour les tribus. Mise en place d’un État pour les pauvres et par les pauvres, où les exploiteurs d’aujourd’hui, seront expropriés. Participation du peuple aux tâches administratives et aux prises de décision. La démocratie au vrai niveau de la base avec le peuple ayant le pouvoir de rappeler leurs représentants démocratiques» (3).

Ce courant ne lutte pas, selon ses propres dires, pour la révolution prolétarienne mais pour une «révolution de démocratie nouvelle» sur le modèle chinois, c’est-à-dire une révolution bourgeoise soutenue par la paysannerie.

Dans ce scénario, le prolétariat urbain ne joue, au mieux, que le rôle de spectateur passif.

 Mais dans les pays «périphériques» comme dans les métropoles capitalistes, il n’existe plus qu’une seule issue: la révolution prolétarienne.

Aujourd’hui, la situation économique et sociale indienne est capitaliste, malgré l’importance encore très forte de l’agriculture et la survivance de traits archaïques (il suffit de songer au système des castes).

Encore davantage qu’à l’époque de Marx, il faut rejeter toute union entre les classes et bâtir une organisation indépendante du prolétariat. Les prolétaires «contribueront eux-mêmes à leur victoire définitive bien plus par le fait qu’ils prendront conscience de leurs intérêts de classe, se poseront dès que possible en parti indépendant et ne se laisseront pas un instant détourner – par les phrases hypocrites des petits bourgeois démocratiques – de l’organisation autonome du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être: La révolution en permanence!». C’est ce qu’écrivaient Marx et Engels dans l’Adresse du Comité central à la Ligue des Communistes, en mars 1850, à une époque où une révolution bourgeoise était encore à l’ordre du jour en Allemagne.

C’est ce vieux cri de guerre, qu’en Inde, dans un pays où il n’y a plus de possibilité de révolution bourgeoise, les prolétaires doivent jeter au visage de la bourgeoisie et de ses serviteurs, y compris ceux drapés dans le drapeau rouge.

Il devra se traduire par le retour à la lutte ouverte avec des moyens et des revendications de classe – qui tourne radicalement le dos aux mots d’ordre démocratiques, au nationalisme et aux divisions communautaires – et par la constitution du parti de classe qui fait si cruellement défaut aux prolétaires d’Inde, d’Asie du Sud et du monde.

 

 


 

(1) www. siamindia.com/ statistics. aspx? mpgid=8&pgidtrail=13

(2) http:// export. businessfrance.fr/ conseil- export/ 001B1600306A+le-marche-automobile-en-inde-2016.html?  SourceSiteMap= 168

(3) cf «Guerre contre les maoïstes: Mais qui sont-ils et que veulent-ils?», La Guerre populaire en Inde, brochure publié par le Parti Communiste Maoïste de France

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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