Un remaniement gouvernemental pour une même politique anti-ouvrière

(«le prolétaire»; N° 519; Mars-Avril-Mai 2016)

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Les analystes politiques les plus chevronnés l’annonçaient depuis un bon moment: Hollande allait remanier le gouvernement pour infléchir sa politique vers la gauche de façon à renouer avec son électorat afin d’aborder les futures élections présidentielles dans les meilleures (ou les moins mauvaises) conditions.

Le remaniement a bien eu lieu, mais l’orientation anti-ouvrière de la politique gouvernementale n’a pas changé, elle s’est même encore accentuée. Enième démonstration que le facteur décisif qui détermine la politique bourgeoise, indépendamment de la couleur politique de ceux qui ont été élus, n’est pas la volonté des électeurs, mais les intérêts du capitalisme en général et des divers groupes capitalistes particuliers.

Le projet de loi pour réformer le code du travail qui vient après des mois de campagne dans les médias et après le rapport Badinter, contient des dispositions unanimement saluées par le patronat: ce n’est pas étonnant car elle sont le résultat du travail des lobbies patronaux auprès du gouvernement (1)!

Citons l’«assouplissement» du temps de travail, autrement dit la fin programmée des 35 heures (qui en dans les faits étaient déjà de moins en moins souvent la règle): la durée maximale de la journée de travail pourra être portée à 12 heures, et la durée hebdomadaire pourra aller jusqu’à 60 heures «en cas de circonstances exceptionnelles».

Quant aux heures supplémentaires (aujourd’hui au delà des 35 heures) qui sont actuellement payées 25% de plus, elles pourront être payées de seulement 10% de plus. Au nom de la défense de l’emploi, les patrons, y compris des entreprises en bonne santé, pourront remettre en cause les contrats de travail et les employés qui refusent les nouvelles conditions pourront être licenciés sans qu’ils puissent aller devant les prud’hommes.

Les indemnités qui peuvent être versés par les prud’hommes en cas de licenciement abusif seront par ailleurs plafonnées; comme l’écrit un journal, le but est de dissuader «les salariés d’attaquer leurs employeurs aux prud’hommes» (2). De façon générale plus de pouvoir est donné aux patrons; des référendums pourront être organisés comme cela a déjà été le cas dans certaines entreprises pour faire avaliser le travail le dimanche ou les baisses de salaire en s’affranchissant des accords précédemment conclus.

Rapportant le commentaire d’un responsable d’un parti de droite jugeant le projet de loi positif mais affirmant craindre que la loi finale ne le soit pas à cause des protestations à gauche, un quotidien patronal commente ironiquement qu’il espère que «la gauche n’arrivera pas à faire ce que la droite n’avait pas osé faire» (3)!

Il s’agit là d’une nouvelle constatation que les partis de gauche peuvent plus facilement que les partis de droite faire passer, avec un minimum de réactions, les attaques contre les prolétaires, comme l’histoire des dernières décennies l’a démontré. Ils peuvent le faire en raison des liens beaucoup plus étroits qu’ils ont avec les syndicats et les diverses organisations qui entretiennent la collaboration de classes.

On le voit à nouveau avec ce projet de loi. En raison du tollé qu’il a suscité, Cambadélis, le secrétaire général du PS, a affirmé qu’il n’était pas prêt à le voter en l’état mais qu’il «calerait» sa position sur celle des «syndicats réformistes»; comme il n’existe aucun syndicat révolutionnaire, il voulait dire: les syndicats les plus collaborationnistes, c’est-à-dire en fait la CFDT.

Cette dernière ayant déclaré son opposition au projet, les journalistes ont demandé à Laurent Berger, son dirigeant, s’il prévoyait une riposte; sa réponse éclaire le jeu de compères avec le PS (et le gouvernement): «il y a beaucoup de marges d’action auprès des parlementaires et de l’opinion publique pour faire rectifier ce texte. (...) La CFDT se donne les moyens pour faire évoluer ce texte et on verra avec d’autres organisations si on peut s’exprimer et agir en commun» (4).

Pas question évidemment de mobiliser les prolétaires, l’ «action» n’est envisagée qu’auprès des parlementaires (du PS) et de l’opinion publique (façonnée par les médias bourgeois) (5)!

 Quant à la CGT, elle a déclaré par la voix de son secrétaire général qu’elle allait mettre «tout en oeuvre pour amplifier la mobilisation» (6). Connaissant la vacuité de la mobilisation en cours (quelques «journées d’action» isolées entre elles et uniquement organisées pour faire retomber la pression), le gouvernement et le patronat peuvent dormir sur leurs deux oreilles... Si on en voulait une confirmation il suffirait de lire la «tribune» unitaire contre le projet de loi.

Le 18, le NPA avait publié un communiqué ronflant proclamant: «Unitaire, rapide, regroupant partis, syndicats, associations, organisations de chômeurs/euses, la riposte du monde du travail doit être à la hauteur: dans la rue et par la grève» (7). Deux jours plus tard il signait ce texte intitulé «Fortifions le code du travail!» avec le PCF, le PG, la CGT, la FSU, Solidaires et quelques autres.

Après avoir dénoncé toutes les mesures prévues et même critiqué, mais très timidement, le code actuel («pas assez directif, pas assez contrôlé, assez appliqué»), cette tribune se termine ainsi: «Ensemble, dans les mois qui viennent, nous allons défendre les droits des salariés et jeter les bases d’un Code du travail qui les protège» (8).

Difficile d’être plus clair dans la volonté de ne pas organiser une riposte dans la rue et par la grève!

La conclusion est claire: les prolétaires ne peuvent se fier aux organisations syndicales, toutes aussi collaborationnistes les unes que les autres, pour se défendre contre les attaques menées par le gouvernement pour le compte des capitalistes.

Tôt ou tard la résignation actuelle et le sentiment paralysant d’impuissance, volontairement entretenu par ces organisations, laissera place à la colère, malgré les mesures d’intimidation et de répression que prennent les autorités (voir le cas des ouvriers de Goodyear condamnés à de la prison ferme). C’est déjà arrivé ponctuellement plus d’une fois, cela arrivera encore, et à une échelle plus large.

Les prolétaires ne pourront alors compter que sur leurs propres forces, que sur leur propre organisation, pour lutter et vaincre; ce n’est pas un code du travail ni des lois sociales qui les protégeront, seule leur lutte ouverte le pourra!

Et sur cette voie ils pourront retrouver leur force de classe et devenir capables ensuite de s’engager dans le combat révolutionnaire contre le capitalisme et tous ses valets, de droite, de gauche ou d’«extrême» gauche.

20/2/2016

 


 

(1) Hollande a déclaré benoîtement sur France Inter: «Les entreprises demandent des assouplissements, je ne vais pas ne pas leur en donner. J’espère qu’elles vont créer des emplois». cf Libération, 20-21/12/16

(2) cf Libération, 18/2/16

(3) cf Les Echos, 19-20/2/16. Il s’agit de Eric Woerth qui dit aussi: «c’est une bonne politique de droite»!

(4) cf Le Monde, 20/2/16

(5) Comme par hasard depuis des semaines des sondages ont été publiés dans lesquels une écrasante majorité était partisan d’assouplir le code du travail, de mettre fin aux 35 heures, de réduire les indemnités de chômage, etc., bref d’accroître l’exploitation des prolétaires!

(6) cf Libération, 20-21/16

(7) cf https://npa2009.org/communique/projet-de-loi-el-khomri-droit-du-travail-etat-durgence

(8) cf https://npa2009.org/arguments/social-autres/fortifions-le-code-du-travail-tribune

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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