Mouvement contre la loi El Khomri

«Marxistes-léninistes» et maoistes,  flancs-gardes du collaborationnisme syndical

(«le prolétaire»; N° 520; Juin-Juillet-Août 2016)

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Voie Prolétarienne: désertion de la lutte de classe

 

L’OCML Voie prolétarienne, également connue sous le nom de son mensuel Partisan, anime depuis des années un courant critique dans la CGT, dont le blog «Où va la CGT?» connaît un certain succès. Ce blog se veut un outil pour construire une opposition interne en rupture avec le nationalisme, la défense de l’entreprise et de l’économie nationale, les arguments gestionnaires...

 

Où va la CGT?

 

Ces prises de position portent souvent juste et elles semblent attester de défense de positions de classe par le blog, et par VP qui en est l’auteur. Mais les réactions au mouvement contre la loi Travail montrent que ces déclarations cachent un aplatissement total dans les faits sur la politique collaborationniste de la CGT. C’est ainsi que 24 mai le blog applaudissait sans réserve l’action du syndicat: «notre syndicat apparaît désormais clairement comme l’organisation de défense des travailleurs en pointe. Nous ne sommes plus en 2009 quand Thibault passait plus de temps avec Sarkozy dans les bureaux de l’Elysée que sur le terrain de la lutte des classes. Là, toute la Confédération est engagée dans‘la guerre du pétrole’, et on a même vu Martinez sur le dépôt de Haulchin dans le Nord venu soutenir les blocages. (...)

Quelque part, on est dans une phase où si on laisse passer, c’est grave pour le présent comme pour le futur, et le combat est encore plus dur avec une répression féroce, toujours incertain sur le résultat avec un gouvernement de combat. C’est l’analyse partagée par Hollande/Valls d’un côté, Martinez de l’autre – et nous aussi, bien sûr».

Et, portés par l’enthousiasme, nos maoïstes concluaient: «Nous non plus n’avons  pas le choix. Donc dans le privé comme dans le public, l’heure n’est plus à des journées d’action à répétition, multiples, où chacun arbitre «à la carte» ce qu’il fait et ce qu’il ne fait pas, l’heure est à faire basculer le rapport de forces. En ce sens, la date de jeudi [énième journée d’action décidée par le collaborationnisme pour épuiser la combativité des travailleurs] est importante. Par la grève, par les blocages, par les manifestations, il faut réussir à faire un saut qualitatif pour faire lâcher le gouvernement. Donc Jeudi, tous dans la grève, tous sur les barrages, tous aux manifestations!».

Las! Il fallait aussitôt déchanter: la Confédération et l’Intersyndicale continuaient imperturbablement leur tactique d’émiettement du conflit et au lieu d’appeler à généraliser la lutte, ils organisaient la mascarade d’une votation citoyenne sur la loi El Khomri! «On voudrait enterrer le mouvement qu’on ne s’y prendrait pas autrement», commentait amèrement le blog dès le lendemain 25 mai. Mais tout en critiquant cet appel, il affirmait, oubliant ce qu’il avait publié la veille: «Soyons clairs: nous n’attendions pas un appel abstrait à la grève générale ou à bloquer tout. Sans doute est-ce encore prématuré et ne serait pas suivi». En clair la CGT a des excuses!

La faute revient aux travailleurs qui ne l’auraient pas suivie si elle avait pris le chemin de la lutte ouverte comme se l’imaginait le blog 24 heures avant! Pas question donc de revenir sur la qualification généreusement décernée la veille à la CGT d’être «l’organisation de défense des travailleurs en pointe»... Après cela le blog a cessé de donner son avis sur la suite du mouvement et sur où va la CGT...

L’épisode est révélateur: les critiques de l’appareil syndical ne sont pas autre chose qu’un alibi, elles s’évanouissent quand les choses deviennent brûlantes. Le blog tourne le dos à l’organisation de classe des travailleurs et ne sert qu’à rabattre vers le collaborationnisme de la CGT ceux qui auraient tendance à rompre avec lui.

 

Où va VP?

 

On trouve dans sa presse et ses différentes interventions la traduction politique de ce suivisme.

Face à la multiplication des grèves dans les raffineries, les transports et ailleurs..., VP appelait le 25 mai à «renforcer les secteurs en pointe, prêter main forte, se joindre aux manifestations, aux actions de blocages, organiser du soutien, des caisses de grève» et à «ne pas déléguer la responsabilité de lutter aux plus résolus, mais au contraire, se regrouper, concrétiser dans les faits, la sympathie forte dans les masses pour le mouvement» (1). Cette orientation était totalement en phase avec celle de l’Intersyndicale dont, ce n’est pas par hasard, il n’y avait aucune critique: appeler au soutien des grévistes, à la participation aux manifestations rituelles et aux actions «coup de poing» sous forme de blocages mais sans jamais évoquer l’extension des grèves, revient en effet à laisser le champ libre à la politique d’isolement des luttes consciemment suivie par les syndicats. La phrase activiste sert de couverture à la stratégie d’éparpillement, d’épuisement et de dislocation des journées d’action à répétition. Ce qu’il fallait défendre c’était l’extension des grèves et leur caractère illimité, dirigée par des assemblées générales et des comités de grève élus, avec mise en place de piquets de grève effectifs, envoi de délégations de grévistes dans les autres entreprises pour les inciter à rejoindre la lutte.

Mais pour avancer de telles perspectives, les seules à même de donner au mouvement une chance de succès, il ne faut pas hésiter à affronter ouvertement les directions syndicales – ce que VP s’est toujours obstinément refusé de faire, se bornant à dénoncer «la CFDT et Berger, cet autre bras armé du PS» sans dire un mot sur ceux qui voulaient orienter le mouvement vers la voie de garage de la «votation citoyenne». Dans son bulletin diffusé pour le premier mai (mais rédigé auparavant) (2), en cherchant bien on pouvait trouver une semblant de critique de la CGT: il lui était reproché d’ «attendre que ça se passe», de gérer «le suivi au minimum, avec comme seule perspective la grève du 28 avril, puis le 1er mai», tout en reconnaissant que ses dirigeants ont «fait le même constat» qu’elle.

Et pour rectifier le tir, VP faisait confiance au Congrès du syndicat: «Gageons que le Congrès Confédéral qui commence le 18 avril va être animé sur la question!». Au moment où ce bulletin était diffusé, le Congrès avait largement voté l’approbation de l’orientation syndicale...

Selon VP, la CGT est «piégée dans les limites de son réformisme qui l’empêchent d’imaginer un autre monde (...)». En réalité la CGT n’est pas du tout «piégée»: organisation de collaboration de classe, fière d’être un «partenaire social» reconnu de la société bourgeoise au même titre que le patronat, c’est elle qui, avec ses collègues en collaborationnisme, piège les prolétaires en organisant des simulacres de lutte uniquement destinés à empêcher l’émergence de la lutte de classe réelle! Et dans cette détestable besogne au service du capitalisme, elle est aidée par les faux révolutionnaires et véritables mouches du coche de l’opportunisme que sont ceux que les bolcheviks appelaient autrefois le «centrisme»: ces groupes et partis révolutionnaires en paroles, mais qui dans les faits remplissent le rôle de défenseurs des forces réformistes contre-révolutionnaires. Et ce n’est pas en ajoutant au suivisme vis-à-vis de l’appareil syndical cégétiste, des appels à construire un parti maoïste, interclassiste et anti-marxiste, que l’on peut «construire la voie révolutionnaire» comme le prétend VP! La voie révolutionnaire ne passe pas par l’aplatissement devant le collaborationnisme, même camouflé derrière les invocations creuses à une «guérilla politique et sociale» (3), mais par la préparation de la guerre de classe, qui commence par l’utilisation des méthodes et des moyens classistes et la reconstitution d’organismes de classe pour la lutte de défense immédiate des seuls intérêts prolétariens, avant de pouvoir accéder au niveau de la lutte insurrectionnelle pour la prise du pouvoir. Sur cette longue et difficile voie la constitution de l’indispensable parti révolutionnaire de classe requiert une lutte politique sans merci pour démasquer tous les faux révolutionnaires. Quant à VP nous pouvons dire maintenant où elle va: dans la poubelle de l’histoire, comme son inspirateur Mao et Staline avant lui.

 

Le ROCML se révèle

 

Différents groupes qui se réclament de Staline ont fusionné à la fin des années 2000 pour former un Rassemblement Organisé des Communistes Marxistes Léninistes (ROCML). Il se différencie fortement des autres débris «orthodoxes» du PCF (URCF, PRCF...) en condamnant leurs «réflexes chauvins contraires à l’internationalisme prolétarien» («Sortir de l’Europe ou sortir du capitalisme», La Voix des communistes, supplément de juillet 2015), en refusant les appels aux nationalisations (brochure: «A propos du mot d’ordre de nationalisation», février 2013), en critiquant leur hystérie autour de la «menace fasciste» ou de la «fascisation («La question du danger fasciste», La Voix des communistes, mars-avril 2015), en ne défendant pas la politique extérieure de la Russie ou de la Chine (Résolution sur l’impérialisme aujourd’hui, décembre 2014).

Comme ce n’est pas si fréquent à l’ «extrême» gauche, le ROCML tient un discours radical appelant à lutter contre le capitalisme ou proclamant «une seule alternative, le socialisme» (une de La Voix des communistes, 1er trimestre 2016).

Bref, le ROCML peut apparaître à certaines et certains comme une organisation qui défend une orientation communiste. Mais, il n’en est rien!

A l’occasion des grèves contre la loi Travail, ce groupe a montré son soutien au collaborationnisme – et donc son opposition au combat de classe et à la constitution d’un véritable parti communiste.

Le ROCML a sorti un tract pour appeler à la grève et à la manifestation nationale le 14 juin («Tous dans la rue le 14 juin; Bloquons le pays pour le retrait de la loi Travail», 11 juin). Dans ce tract, il réalisait la prouesse de ne rien dire sur la stratégie de dispersion et d’épuisement des luttes des appareils syndicaux, en premier lieu la CGT. Au contraire, il chantait les louanges de ce principal obstacle à la lutte des classes: «La force de l’organisation CGT (mais ce n’est pas la seule) est un atout de taille dans le mouvement. C’est elle qui organise de la manière la plus déterminée la lutte. C’est pour cette raison que toutes les forces réactionnaires s’emploient à isoler la CGT, par une campagne abjecte de haine de classe».

Dans un tract précédent, les «marxistes-léninistes» avaient voulu répondre à ceux qui critiquent le collaborationnisme syndical: «Certains n’ont que le mot ’grève générale’ à la bouche et s’en prennent aux syndicats Même si les syndicats ne sont pas révolutionnaires, ce sont les seules organisations de masse à mettre massivement les travailleurs dans l’action. La CGT a toujours affirmé le rejet de la loi Khomri, que la violence venait de la police. La reconduction de la grève ne peut que se construire grâce aux syndicats» («Vaincre le gouvernement PS, une nécessité de classe», 21 mai).

La CGT serait donc un syndicat de classe qui mène le combat pour le retrait de la loi Travail, tout en n’étant pas révolutionnaire (ce qui ne serait qu’un péché véniel). Cela est totalement faux: la CGT est totalement intégrée au système de la collaboration des classes, c’est un pilier de la conservation sociale intimement lié aux institutions bourgeoises.

Cela ne date pas des grèves contre la loi El Khomri mais du premier entre-deux guerres. Nous écrivions ainsi au début des années 1960 :

«Depuis longtemps la vieille CGT de tradition révolutionnaire n’existait plus: elle ne faisait que tenter de se survivre. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, son histoire n’a été qu’un tissu de menaces vaines et d’abandons scandaleux, de «réussites» trompeuses et d’échecs catastrophiques, de réunifications éphémères et de scissions durables.

Pendant tout ce temps et toutes ces occasions, elle n’a cessé de perdre et de gaspiller en masse cette énergie prolétarienne de lutte et de révolte, toujours déçue mais toujours renaissante, qui naît de l’exploitation capitaliste et que l’exploitation capitaliste réveille toujours, mais que la traîtrise opportuniste fourvoie toujours en la canalisant vers des buts opposés à ceux du prolétariat révolutionnaire, tels la restauration de la démocratie, l’ ‘indépendance nationale, la sauvegarde de la production, l’expansion, etc. […]

Depuis le Front populaire de juin 1936 et, plus encore, depuis la Libération d’août 1944, la CGT ouvrière a cessé d’être une organisation prolétarienne. Politiquement, elle a adopté une plate-forme de défense de la société bourgeoise et adhéré sans réserve à son idéologie. Pratiquement, elle s’est toujours refusée lors des grèves et conflits sociaux parfois violents qui se sont déroulés depuis la guerre, à déclencher de vraies batailles avec les moyens propres au prolétariat» (4)

Malgré des déclarations ronflantes, le ROCML n’est que la queue de la comète opportuniste. Ces faux communistes rendent un fier service à la bourgeoisie en cherchant à canaliser la colère des prolétaires qui en ont assez du sabotage syndical pour les ramener dans l’ornière du collaborationnisme.

 

 


 

(1) «Contre la loi Travail et son monde: bloquer, s’organiser, les renverser», 25 mai 2016

(2) «Dans les mobilisations, construire la voie révolutionnaire», Bulletin Partisan, mai 2016

(3) «Loi Travail, répression, 49.3... : leur démocratie, c’est la dictature», 11 mai 2016

(4) «Socialisme et syndicalisme dans le mouvement ouvrier français, 1ère partie», Programme Communiste, janvier-mars 1963.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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